REVUE DE PRESSE
Ankara accroît encore la répression contre la presse
Les organisations qui défendent la profession le rappellent chaque
année : la Turquie détient le record mondial du nombre de journalistes
emprisonnés, devant la Chine ou l'Iran. Depuis 2009, 183
professionnels des médias ont atterri en prison. Selon le décompte du
syndicat turc des journalistes (TGS), 63 y sont toujours, la plupart
dans l'attente d'un jugement. Mais en condamnant, mardi, trois
journalistes à une peine de prison à vie, la justice turque a franchi
un nouveau pas.
Après sept ans de procédure, la cour d'assises d'Istanbul a prononcé
une peine de perpétuité contre Füsün Erdogan, fondatrice d'Özgür Radyo
(radio libre), et contre deux journalistes de la revue Atilim, pour
tentative de « renversement de l'ordre constitutionnelpar la violence
». Ils sont accusés d'être des cadres du Parti communiste
marxiste-léniniste(MLKP),interdit et considéré comme une «
organisation terroriste » en Turquie.
Au total, 29 personnes étaient jugées pour appartenance à ce groupe
d'extrême gauche. « Ces condamnations d'une extrême sévérité viennent
clore un procès entaché par des violations des droits de la défense et
le prolongement insupportable de la détention provisoire des
principaux suspects »,a déclaré Reporters sans frontières. Elles
posent une nouvelle fois la question de l'utilisation de la très
répressive- loi antiterroriste contre les organes de presseles plus
critiques de la politique du gouvernement de Recep Tayyip Erdogan.
Une loi répressive
« La cour n'a obtenu aucune preuve de l'appartenance de Füsün à ce
parti.C'est une journaliste d'opposition qui a été condamnée pour cela
», a commenté Zulfu Erdogan, l'avocate et soeur de la principale
condamnée. La représentante de l'OSCE(Organisation pour la sécurité et
la coopération en Europe) chargée des média, Dunja Mijatovic, s'est
déclarée « alarmée » par la peine prononcée. « La question est de
savoir si les droits de l'homme en Turquie répondent aux standards
européens ou moyen-orientaux. La Turquie est la plus grande prison
pour les journalistes », a déclaré Erkan Ipekçi, président du
TGS.Cette condamnation pourrait en appeler d'autres. Dans une affaire
similaire, celle du Conseil des communautés du Kurdistan (KCK),
supposé être l'organisation civile de soutien aux rebelles kurdes du
Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), 46 journalistes sont jugés,
dont 22 sont toujours en détention préventive, pour « appartenance à
une organisation terroriste ».
Le gouvernement se défend de vouloir réduire la presse au silence et
argue que les journalistes sont détenus pour des crimes graves, tel
que le terrorisme. Mais Ankara se voit reprocher d'utiliser la loi
antiterroriste
votée en 2005, avec le soutien de l'Union européenne et des
Etats-Unis - afin de réprimer l'opposition. Son application dépasse
très largement le cadre initial puisque,selon le ministère de la
justice, 20000 procédures judiciaires pour « terrorisme » ont été
ouvertes durant les quatre dernières années.
Dans le même temps, la presse turque critique du pouvoir est sous
pression.Des dizaines de journalistes ont été arrêtés ou victimes de
violences durant les manifestations de la place Taksim, au printemps.
Mardi,le jour de la condamnation, le ministre des affaires
européennes, Egemen Bagis, était à Bruxelles pour signer avec le
commissaire européen à l'élargissement, Stefan Füle, l'ouverture d'un
nouveau chapitre des négociations d'adhésion, relançant ainsi le
processus après plus de trois années de blocage.
Guillaume Perrier
LE MONDE
samedi 9 novembre 2013,
Stéphane ©armenews.com
Ankara accroît encore la répression contre la presse
Les organisations qui défendent la profession le rappellent chaque
année : la Turquie détient le record mondial du nombre de journalistes
emprisonnés, devant la Chine ou l'Iran. Depuis 2009, 183
professionnels des médias ont atterri en prison. Selon le décompte du
syndicat turc des journalistes (TGS), 63 y sont toujours, la plupart
dans l'attente d'un jugement. Mais en condamnant, mardi, trois
journalistes à une peine de prison à vie, la justice turque a franchi
un nouveau pas.
Après sept ans de procédure, la cour d'assises d'Istanbul a prononcé
une peine de perpétuité contre Füsün Erdogan, fondatrice d'Özgür Radyo
(radio libre), et contre deux journalistes de la revue Atilim, pour
tentative de « renversement de l'ordre constitutionnelpar la violence
». Ils sont accusés d'être des cadres du Parti communiste
marxiste-léniniste(MLKP),interdit et considéré comme une «
organisation terroriste » en Turquie.
Au total, 29 personnes étaient jugées pour appartenance à ce groupe
d'extrême gauche. « Ces condamnations d'une extrême sévérité viennent
clore un procès entaché par des violations des droits de la défense et
le prolongement insupportable de la détention provisoire des
principaux suspects »,a déclaré Reporters sans frontières. Elles
posent une nouvelle fois la question de l'utilisation de la très
répressive- loi antiterroriste contre les organes de presseles plus
critiques de la politique du gouvernement de Recep Tayyip Erdogan.
Une loi répressive
« La cour n'a obtenu aucune preuve de l'appartenance de Füsün à ce
parti.C'est une journaliste d'opposition qui a été condamnée pour cela
», a commenté Zulfu Erdogan, l'avocate et soeur de la principale
condamnée. La représentante de l'OSCE(Organisation pour la sécurité et
la coopération en Europe) chargée des média, Dunja Mijatovic, s'est
déclarée « alarmée » par la peine prononcée. « La question est de
savoir si les droits de l'homme en Turquie répondent aux standards
européens ou moyen-orientaux. La Turquie est la plus grande prison
pour les journalistes », a déclaré Erkan Ipekçi, président du
TGS.Cette condamnation pourrait en appeler d'autres. Dans une affaire
similaire, celle du Conseil des communautés du Kurdistan (KCK),
supposé être l'organisation civile de soutien aux rebelles kurdes du
Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), 46 journalistes sont jugés,
dont 22 sont toujours en détention préventive, pour « appartenance à
une organisation terroriste ».
Le gouvernement se défend de vouloir réduire la presse au silence et
argue que les journalistes sont détenus pour des crimes graves, tel
que le terrorisme. Mais Ankara se voit reprocher d'utiliser la loi
antiterroriste
votée en 2005, avec le soutien de l'Union européenne et des
Etats-Unis - afin de réprimer l'opposition. Son application dépasse
très largement le cadre initial puisque,selon le ministère de la
justice, 20000 procédures judiciaires pour « terrorisme » ont été
ouvertes durant les quatre dernières années.
Dans le même temps, la presse turque critique du pouvoir est sous
pression.Des dizaines de journalistes ont été arrêtés ou victimes de
violences durant les manifestations de la place Taksim, au printemps.
Mardi,le jour de la condamnation, le ministre des affaires
européennes, Egemen Bagis, était à Bruxelles pour signer avec le
commissaire européen à l'élargissement, Stefan Füle, l'ouverture d'un
nouveau chapitre des négociations d'adhésion, relançant ainsi le
processus après plus de trois années de blocage.
Guillaume Perrier
LE MONDE
samedi 9 novembre 2013,
Stéphane ©armenews.com