REVUE DE PRESSE
Pétrole et diplomatie : l'Azerbaïdjan a des cartes régionales décisives en main
La réélection du président sortant, Ilham Aliyev, mercredi confirme la
dérive autoritaire du pouvoir à Bakou. Mais croire que tout est figé
sur les rivages pétroliers de la Caspienne serait une erreur
84,6% des voix sur plus de 85% des suffrages exprimés : le score
officiel atteint mercredi par le président sortant, Ilham Aliyev,
résume cette journée électorale. Présent aux côtés d'autres journaux
invités à Bakou par les autorités, Le Temps n'a guère peiné à
recueillir les témoignages d'électeurs frustrés, et les informations
sur les basses man`uvres du pouvoir durant la campagne à l'issue de
laquelle le seul candidat crédible de l'opposition, Jamil Hasanli, ne
totalise que... 5,5% des voix.
Cette présidentielle était jouée d'avance. Le chef de l'Etat, après
avoir fait amender la Constitution en 2009 afin d'abroger la
limitation prévue à deux mandats, n'avait d'ailleurs jamais envisagé
une autre issue. La dynastie Aliyev, installée à la tête du pays après
son indépendance en 1990 par le père du président, l'ancien général du
KGB et membre du Politburo de l'URSS Heydar Aliyev, tient dès lors
plus fermement que jamais le réservoir à hydrocarbures des rives de la
Caspienne qu'est l'Azerbaïdjan. Avec la ferme intention d'utiliser son
levier pétrolier et gazier pour investir à travers le monde et
s'acheter ainsi une crédibilité et une image de puissance « émergente
» musulmane du Caucase.
La nouvelle de cette réélection légitimée par nombre d'observateurs
occidentaux prompts à saluer la transparence dans le déroulement du
scrutin mercredi - seule, ou presque, la mission de l'OSCE a fait état
« d'importants problèmes » et de « manquements » - mérite toutefois
d'être remise dans le contexte régional et géopolitique. Mieux : elle
permet d'ouvrir les yeux sur la réalité du régime azéri, sur ses
chances ou non d'évolution démocratique, et sur la fascinante
offensive de diplomatie publique menée par Bakou à coups de millions
de dollars à travers l'Europe, Suisse incluse.
La première observation est que la société civile en Azerbaïdjan n'est
pas inerte. Les arrestations se sont multipliées ces derniers mois.
L'étau de la répression peut se refermer sur les activistes,
maintenant qu'Ilham Aliyev est réélu pour cinq ans. Il lui sera
difficile de faire taire les frus - trations d'une minorité agissante de
journalistes, de militants et d'uni - versitaires qui profitent à plein
de la relative liberté d'Internet et des médias sociaux. Radio Free
Europe, dont les sicaires du régime ont piégé une journaliste
d'investigation en filmant ses ébats amoureux puis en les diffusant en
ligne, a vu sa fréquence FM suspendue. N'empêche : son site web très
fréquenté diffusait mercredi des images de bourrages d'urnes. Si une
classe moyenne manque encore pour assurer à la contestation une large
base sociale, les brèches existent.
Cette présidentielle démontre par ailleurs le dilemme du pouvoir azéri
et du clan Aliyev. Aussi riche soit-il, le régime a toutefois besoin
de l'Europe et des Etats-Unis pour continuer son exercice
d'équilibrisme entre la Russie, l'Iran, la Turquie et l'Occident. En
majorité chiites, russophones, obsédés par le conflit du Karabakh avec
l'Arménie, pressé d'ouvrir en 2014 la voie ferrée Bakou-Kars qui
reliera l'Asie à l'Europe via la Géorgie et la Turquie, les Azéris ne
veulent surtout pas couper les ponts. La Suisse, qui assumera la
présidence de l'OSCE en 2014 et s'est beaucoup impliquée dans la
reprise du dialogue armeno-turc, a par conséquent là un point d'appui.
Il ne suffit pas à l'Azerbaïdjan de vouloir être traité en «
partenaire » et d'avoir été élu membre non permanent du Conseil de
sécurité de l'ONU pour 2012-2013. Il lui faut poursuivre son
ouverture. C'est le message à faire passer d'urgence à Bakou.
L'ultime leçon du scrutin de mercredi est enfin que les Européens
gagneraient à jouer cartes sur table avant le sommet de Vilnius, fin
novembre, sur le partenariat oriental de l'UE. Exiger que
l'Azerbaïdjan et les opérateurs pétroliers publient - comme BP a
commencé à le faire de manière très partielle - les revenus colossaux
des hydrocarbures de la Caspienne n'est qu'un aspect du sujet. A quand
plus de transparence sur les investissements azéris en Europe, sur les
bénéficiaires ultimes de ceux-ci, sur les parrainages d'expositions ou
de manifestations culturelles par la famille Aliyev ?
La situation de l'Azerbaïdjan, fournisseur d'énergie crucial pour
l'Europe et élément déterminant de l'éternel « grand jeu » russe dans
le Caucase, impose à l'évidence de concilier exigences et réalisme.
Elle peut s'accommoder, aussi, de davantage de vérité.
Richard Werly
http://www.letemps.ch/Page/Uuid/54702180-31d3-11e3-90ce-366ce1911a39/P%C3%A9trole_et_diplomatie_lAzerba%C3%AFdjan_a_des _cartes_r%C3%A9gionales_d%C3%A9cisives_en_main#.Ul cDWlMwB2Z
dimanche 13 octobre 2013,
Stéphane ©armenews.com
From: Baghdasarian
Pétrole et diplomatie : l'Azerbaïdjan a des cartes régionales décisives en main
La réélection du président sortant, Ilham Aliyev, mercredi confirme la
dérive autoritaire du pouvoir à Bakou. Mais croire que tout est figé
sur les rivages pétroliers de la Caspienne serait une erreur
84,6% des voix sur plus de 85% des suffrages exprimés : le score
officiel atteint mercredi par le président sortant, Ilham Aliyev,
résume cette journée électorale. Présent aux côtés d'autres journaux
invités à Bakou par les autorités, Le Temps n'a guère peiné à
recueillir les témoignages d'électeurs frustrés, et les informations
sur les basses man`uvres du pouvoir durant la campagne à l'issue de
laquelle le seul candidat crédible de l'opposition, Jamil Hasanli, ne
totalise que... 5,5% des voix.
Cette présidentielle était jouée d'avance. Le chef de l'Etat, après
avoir fait amender la Constitution en 2009 afin d'abroger la
limitation prévue à deux mandats, n'avait d'ailleurs jamais envisagé
une autre issue. La dynastie Aliyev, installée à la tête du pays après
son indépendance en 1990 par le père du président, l'ancien général du
KGB et membre du Politburo de l'URSS Heydar Aliyev, tient dès lors
plus fermement que jamais le réservoir à hydrocarbures des rives de la
Caspienne qu'est l'Azerbaïdjan. Avec la ferme intention d'utiliser son
levier pétrolier et gazier pour investir à travers le monde et
s'acheter ainsi une crédibilité et une image de puissance « émergente
» musulmane du Caucase.
La nouvelle de cette réélection légitimée par nombre d'observateurs
occidentaux prompts à saluer la transparence dans le déroulement du
scrutin mercredi - seule, ou presque, la mission de l'OSCE a fait état
« d'importants problèmes » et de « manquements » - mérite toutefois
d'être remise dans le contexte régional et géopolitique. Mieux : elle
permet d'ouvrir les yeux sur la réalité du régime azéri, sur ses
chances ou non d'évolution démocratique, et sur la fascinante
offensive de diplomatie publique menée par Bakou à coups de millions
de dollars à travers l'Europe, Suisse incluse.
La première observation est que la société civile en Azerbaïdjan n'est
pas inerte. Les arrestations se sont multipliées ces derniers mois.
L'étau de la répression peut se refermer sur les activistes,
maintenant qu'Ilham Aliyev est réélu pour cinq ans. Il lui sera
difficile de faire taire les frus - trations d'une minorité agissante de
journalistes, de militants et d'uni - versitaires qui profitent à plein
de la relative liberté d'Internet et des médias sociaux. Radio Free
Europe, dont les sicaires du régime ont piégé une journaliste
d'investigation en filmant ses ébats amoureux puis en les diffusant en
ligne, a vu sa fréquence FM suspendue. N'empêche : son site web très
fréquenté diffusait mercredi des images de bourrages d'urnes. Si une
classe moyenne manque encore pour assurer à la contestation une large
base sociale, les brèches existent.
Cette présidentielle démontre par ailleurs le dilemme du pouvoir azéri
et du clan Aliyev. Aussi riche soit-il, le régime a toutefois besoin
de l'Europe et des Etats-Unis pour continuer son exercice
d'équilibrisme entre la Russie, l'Iran, la Turquie et l'Occident. En
majorité chiites, russophones, obsédés par le conflit du Karabakh avec
l'Arménie, pressé d'ouvrir en 2014 la voie ferrée Bakou-Kars qui
reliera l'Asie à l'Europe via la Géorgie et la Turquie, les Azéris ne
veulent surtout pas couper les ponts. La Suisse, qui assumera la
présidence de l'OSCE en 2014 et s'est beaucoup impliquée dans la
reprise du dialogue armeno-turc, a par conséquent là un point d'appui.
Il ne suffit pas à l'Azerbaïdjan de vouloir être traité en «
partenaire » et d'avoir été élu membre non permanent du Conseil de
sécurité de l'ONU pour 2012-2013. Il lui faut poursuivre son
ouverture. C'est le message à faire passer d'urgence à Bakou.
L'ultime leçon du scrutin de mercredi est enfin que les Européens
gagneraient à jouer cartes sur table avant le sommet de Vilnius, fin
novembre, sur le partenariat oriental de l'UE. Exiger que
l'Azerbaïdjan et les opérateurs pétroliers publient - comme BP a
commencé à le faire de manière très partielle - les revenus colossaux
des hydrocarbures de la Caspienne n'est qu'un aspect du sujet. A quand
plus de transparence sur les investissements azéris en Europe, sur les
bénéficiaires ultimes de ceux-ci, sur les parrainages d'expositions ou
de manifestations culturelles par la famille Aliyev ?
La situation de l'Azerbaïdjan, fournisseur d'énergie crucial pour
l'Europe et élément déterminant de l'éternel « grand jeu » russe dans
le Caucase, impose à l'évidence de concilier exigences et réalisme.
Elle peut s'accommoder, aussi, de davantage de vérité.
Richard Werly
http://www.letemps.ch/Page/Uuid/54702180-31d3-11e3-90ce-366ce1911a39/P%C3%A9trole_et_diplomatie_lAzerba%C3%AFdjan_a_des _cartes_r%C3%A9gionales_d%C3%A9cisives_en_main#.Ul cDWlMwB2Z
dimanche 13 octobre 2013,
Stéphane ©armenews.com
From: Baghdasarian