COURSE A L'ARMEMENT AUTOUR DU HAUT-KARABAKH
REVUE DE PRESSE
Le problème des conflits geles, c'est qu'ils peuvent parfois se
reveiller de la pire des facons. C'est la crainte que nourrissent
nombre de specialistes du Caucase au sujet du Haut-Karabakh. Ce
territoire oppose l'Armenie et l'Azerbaïdjan depuis le cessez-le-feu de
1994. L'enclave separatiste en territoire azeri, dont l'independance
n'est pas reconnue sur le plan international, fait l'objet d'efforts
diplomatiques vains au sein du "groupe de Minsk" (Etats-Unis,
France, Russie). Le Haut-Karabakh ne figure pas parmi les priorites
diplomatiques entre Washington et Moscou, comme si un règlement
politique pouvait encore attendre.
Pourtant, des signes de tension sans precedent sont releves par
les observateurs de la region, qui font craindre une reprise du
conflit arme. Il ne s'agit pas la seulement des echanges de tirs
regulièrement releves aux "frontières" de l'enclave. L'Azerbaïdjan
accuse l'Armenie d'installer des refugies syriens au Haut-Karabakh,
pour renforcer son poids demographique et enteriner sa conquete. Selon
les propres estimations d'Erevan, 10 000 Syriens d'origine armenienne
sont arrives dans le pays depuis deux ans, mais ils n'auraient pas
ete installes dans l'enclave, assurent les autorites. Les craintes
d'une nouvelle crise sont surtout liees a la course a l'armement que
se livrent les deux protagonistes. Avec un net avantage pour Bakou,
en raison de ses ressources financières immenses, liees aux matières
premières. Lors d'un defile organise en l'honneur du 95e anniversaire
des forces armees, fin juillet, le president Ilham Aliev s'est felicite
de la modernisation de l'equipement militaire.
L'ARMENIE CHERCHE LE SOUTIEN RUSSE
Le chef de l'Etat, reelu le 9 octobre au terme d'un scrutin marque
par les fraudes, a rappele des chiffres frappants. En 2003, le budget
de la defense s'elevait a 163 millions de dollars. En 2013, il est de
3,7 milliards de dollars (2,7 milliards d'euros), un effort similaire
a 2012. "Près de dix helicoptères de transport et de combat ont ete
achetes recemment, a declare le president Aliev. Des dizaines d'avions
de combat, des missiles modernes de defense aerienne ont ete acquis.
Des vehicules armes, les tanks les plus modernes, des vehicules
d'artillerie ont ete achetes, capables de detruire n'importe quel site
de l'ennemi." En 2012, Israël a accepte de livrer 60 drones a Bakou.
Un mois après ces declarations du president, l'Azerbaïdjan a annonce
son intention d'acquerir, auprès de la Coree du Sud, pour près de
3 milliards de dollars d'equipements militaires, dont des navires
de combat, des sous-marins, des vehicules d'artillerie. Mais Seoul
n'a pas donne son accord, craignant de contribuer a l'embrasement
de la region. Face a cette montee en gamme, l'Armenie a elle aussi
consenti des efforts importants. Son budget militaire a augmente de
25 % en 2013, s'elevant a 450 millions de dollars.
Dans un rapport publie le 26 septembre, l'International Crisis Group
souligne que la situation regionale paraît "fluide et imprevisible",
"fragile et potentiellement explosive". "Depuis que les efforts de
mediation sont a l'arret, poursuit l'organisation non gouvernementale,
Bakou a mis de plus en plus l'accent, en prive et en public, sur
une solution militaire. Les responsables des plans strategiques en
discutent de facon beaucoup plus specifique qu'il y a un an. Les
frappes aeriennes sont mentionnees comme etape prealable a toute
offensive, ciblant les defenses aeriennes, puis les infrastructures."
L'objectif consisterait, dans un premier temps, a reprendre lors
d'une operation eclair ce qu'on appelle la zone tampon, autour du
Haut-Karabakh, soit sept districts occupes par les Armeniens après
la guerre.
C'est dans ce contexte qu'il faut analyser le retournement politique
du president armenien, Serge Sarkissian. Celui-ci a provoque la
stupeur des dirigeants europeens en annoncant, le 3 septembre, que
son pays allait rejoindre l'Union douanière (Russie, Bielorussie,
Kazakhstan). En 2015, celle-ci se transformera en Union eurasienne.
Erevan a opere un virage brusque, après des annees de negociations
avec l'Union europeenne pour signer un accord d'association et de
libre-echange. Les raisons n'en sont pas les pressions moscovites,
ou des benefices economiques immediats, mais le souci fondamental
de ce petit pays enclave : sa securite. La presence de milliers de
militaires russes sur son sol, les livraisons d'armes a bon marche
autorisees par Moscou, l'idee meme d'avoir des relations politiques
etroites et amicales avec la Russie : tous ces elements representent
une assurance face aux visees de Bakou.
Piotr Smolar
journaliste
LE MONDE GEO ET POLITIQUE | 15.10.2013 a 14h56
jeudi 17 octobre 2013, Stephane ©armenews.com
REVUE DE PRESSE
Le problème des conflits geles, c'est qu'ils peuvent parfois se
reveiller de la pire des facons. C'est la crainte que nourrissent
nombre de specialistes du Caucase au sujet du Haut-Karabakh. Ce
territoire oppose l'Armenie et l'Azerbaïdjan depuis le cessez-le-feu de
1994. L'enclave separatiste en territoire azeri, dont l'independance
n'est pas reconnue sur le plan international, fait l'objet d'efforts
diplomatiques vains au sein du "groupe de Minsk" (Etats-Unis,
France, Russie). Le Haut-Karabakh ne figure pas parmi les priorites
diplomatiques entre Washington et Moscou, comme si un règlement
politique pouvait encore attendre.
Pourtant, des signes de tension sans precedent sont releves par
les observateurs de la region, qui font craindre une reprise du
conflit arme. Il ne s'agit pas la seulement des echanges de tirs
regulièrement releves aux "frontières" de l'enclave. L'Azerbaïdjan
accuse l'Armenie d'installer des refugies syriens au Haut-Karabakh,
pour renforcer son poids demographique et enteriner sa conquete. Selon
les propres estimations d'Erevan, 10 000 Syriens d'origine armenienne
sont arrives dans le pays depuis deux ans, mais ils n'auraient pas
ete installes dans l'enclave, assurent les autorites. Les craintes
d'une nouvelle crise sont surtout liees a la course a l'armement que
se livrent les deux protagonistes. Avec un net avantage pour Bakou,
en raison de ses ressources financières immenses, liees aux matières
premières. Lors d'un defile organise en l'honneur du 95e anniversaire
des forces armees, fin juillet, le president Ilham Aliev s'est felicite
de la modernisation de l'equipement militaire.
L'ARMENIE CHERCHE LE SOUTIEN RUSSE
Le chef de l'Etat, reelu le 9 octobre au terme d'un scrutin marque
par les fraudes, a rappele des chiffres frappants. En 2003, le budget
de la defense s'elevait a 163 millions de dollars. En 2013, il est de
3,7 milliards de dollars (2,7 milliards d'euros), un effort similaire
a 2012. "Près de dix helicoptères de transport et de combat ont ete
achetes recemment, a declare le president Aliev. Des dizaines d'avions
de combat, des missiles modernes de defense aerienne ont ete acquis.
Des vehicules armes, les tanks les plus modernes, des vehicules
d'artillerie ont ete achetes, capables de detruire n'importe quel site
de l'ennemi." En 2012, Israël a accepte de livrer 60 drones a Bakou.
Un mois après ces declarations du president, l'Azerbaïdjan a annonce
son intention d'acquerir, auprès de la Coree du Sud, pour près de
3 milliards de dollars d'equipements militaires, dont des navires
de combat, des sous-marins, des vehicules d'artillerie. Mais Seoul
n'a pas donne son accord, craignant de contribuer a l'embrasement
de la region. Face a cette montee en gamme, l'Armenie a elle aussi
consenti des efforts importants. Son budget militaire a augmente de
25 % en 2013, s'elevant a 450 millions de dollars.
Dans un rapport publie le 26 septembre, l'International Crisis Group
souligne que la situation regionale paraît "fluide et imprevisible",
"fragile et potentiellement explosive". "Depuis que les efforts de
mediation sont a l'arret, poursuit l'organisation non gouvernementale,
Bakou a mis de plus en plus l'accent, en prive et en public, sur
une solution militaire. Les responsables des plans strategiques en
discutent de facon beaucoup plus specifique qu'il y a un an. Les
frappes aeriennes sont mentionnees comme etape prealable a toute
offensive, ciblant les defenses aeriennes, puis les infrastructures."
L'objectif consisterait, dans un premier temps, a reprendre lors
d'une operation eclair ce qu'on appelle la zone tampon, autour du
Haut-Karabakh, soit sept districts occupes par les Armeniens après
la guerre.
C'est dans ce contexte qu'il faut analyser le retournement politique
du president armenien, Serge Sarkissian. Celui-ci a provoque la
stupeur des dirigeants europeens en annoncant, le 3 septembre, que
son pays allait rejoindre l'Union douanière (Russie, Bielorussie,
Kazakhstan). En 2015, celle-ci se transformera en Union eurasienne.
Erevan a opere un virage brusque, après des annees de negociations
avec l'Union europeenne pour signer un accord d'association et de
libre-echange. Les raisons n'en sont pas les pressions moscovites,
ou des benefices economiques immediats, mais le souci fondamental
de ce petit pays enclave : sa securite. La presence de milliers de
militaires russes sur son sol, les livraisons d'armes a bon marche
autorisees par Moscou, l'idee meme d'avoir des relations politiques
etroites et amicales avec la Russie : tous ces elements representent
une assurance face aux visees de Bakou.
Piotr Smolar
journaliste
LE MONDE GEO ET POLITIQUE | 15.10.2013 a 14h56
jeudi 17 octobre 2013, Stephane ©armenews.com