Announcement

Collapse
No announcement yet.

Un Pouvoir Arbitraire En Turquie

Collapse
X
 
  • Filter
  • Time
  • Show
Clear All
new posts

  • Un Pouvoir Arbitraire En Turquie

    UN POUVOIR ARBITRAIRE EN TURQUIE

    REVUE DE PRESSE

    Le 11 novembre 2011, nous avions publie dans ces pages une analyse a
    chaud du "tournant liberticide turc". En deux ans, la situation s'est
    aggravee, elle est devenue meme intenable pour les nombreux acteurs
    de la democratie en Turquie.

    Deja, en 2011, l'inquietude etait grande. Après avoir donne certains
    gages au processus de democratisation reclamee par l'Union europeenne,
    le gouvernement conservateur dirige par Recep Tayyip Erdogan adoptait
    en effet a cette periode la logique nationaliste recurrente du pouvoir
    d'Etat. La Turquie retrouvait les pratiques de persecution systematique
    de l'opposition politique, sociale et intellectuelle. La dissidence
    democratique se voyait a nouveau frappee, et avec une determination
    qui a pris en defaut beaucoup d'analystes persuades de la validite du
    "modèle turc".

    Ce "tournant liberticide" affecta pour commencer des intellectuels
    et journalistes dont le seul crime etait de contester le pouvoir
    personnel d'Erdogan et les methodes autoritaires de l'AKP. Le
    procès dit "Ergenekon", ouvert contre des militaires accuses de
    complots d'Etat, a amalgame ces democrates aux ultranationalistes ;
    ils ont subi un emprisonnement prolonge et des procedures judiciaires
    interminables achevees cet ete par de lourdes peines.

    Puis le gouvernement s'attaqua au parti legal pro-kurde BDP et
    aux intellectuels democrates turcs qui soutenaient son action -
    convaincus que la solution a la question kurde passait par la voie
    politique et l'extension des libertes civiles. Pour abattre cette
    opposition, le gouvernement organisa un second procès d'Etat dit
    "KCK". Les arrestations se succedèrent. Au mois d'octobre 2011, elles
    atteignirent un niveau d'arbitraire sans equivalent, justifiant le
    constat du "tournant liberticide turc".

    De centaines d'etudiants ont ete alors arretes, souvent pour des
    raisons ubuesques : pour avoir prononce une conference sur La
    politique d'Aristote dans le cadre des activites culturelles du
    BDP, le doctorant et editeur pour la maison Belge Deniz Zarakolu
    fut emprisonne a Istanbul le 4 octobre, avec 91 autres personnes
    dont l'etudiante Busra Beste Onder. D'autres arrestations suivirent,
    frappant la traductrice Ayse Berktay puis, le 28 octobre, le fondateur
    et directeur de Belge, Ragip Zarakolu et l'universitaire Busra Ersanli,
    professeure de science politique et de droit constitutionnel.

    Depuis la situation a degeneree, justifiant ce constat d'un pouvoir
    arbitraire en Turquie. Si Ragip Zarakolu et Busra Ersanli furent
    liberes preventivement au printemps 2012, a la suite d'une forte
    mobilisation internationale, en revanche l'essentiel des inculpes de
    l'automne 2011 furent maintenus en detention. D'autres intellectuels
    et membres du BDP se trouvèrent a leur tour arretes, toujours sous le
    coup de la legislation anti-terreur qui, par suite des possibilites
    d'extension illimitee de l'incrimination de terrorisme, permet
    l'arrestation de tout opposant public. A cela s'ajoute une manipulation
    de l'opinion par des medias gouvernementaux en position de monopole,
    developpant des theories du complot (complot de "l'etranger", complot
    "juif") pour mieux recuser le caractère legitime de cette opposition
    a l'arbitraire : furent ainsi expliques l'echec de la candidature
    d'Istanbul aux Jeux Olympiques 2020 et le mouvement democratique de
    Gezi du printemps dernier a Istanbul. Ce dernier, ecrase avec une
    violence extreme par la police turque dans la nuit du 15 juin, est
    depuis decapite par des vagues d'arrestation des principaux leaders
    de cette protestation civile tandis que des inculpations visent
    les auteurs (comme Erol et Nurten Ozkoray) des premiers livres sur
    le sujet.

    Cette resistance civile et liberale ne cesse d'inquieter le
    gouvernement AKP dans sa marche vers un ordre autoritaire et les reves
    imperiaux du premier ministre. Dans cette logique, les avant-gardes
    intellectuelles de 2011 doivent etre reduites au silence. Depuis la
    fin de l'ete, la justice turque accelère toutes les procedures.

    Actuellement se tiennent dans l'enorme complexe judiciaro-penitentiaire
    de Silivri les audiences du procès "KCK" susceptibles d'ordonner
    de longues peines d'emprisonnement pour des actes qui relèvent du
    seul exercice de la liberte d'expression et d'association. L'Europe
    doit faire preuve de la plus grande vigilance devant les accords de
    cooperation judiciaire reclames par la Turquie et mesurer combien la
    justice sert aujourd'hui dans ce pays l'arbitraire d'Etat. Elle doit
    ainsi, au travers de ses institutions, de ses opinions publiques,
    de ses intellectuels, se mobiliser aux côtes des acteurs de la
    democratisation turque. Elle affirmera ainsi sa vocation première.

    Ils sont egalement fondateurs du Groupe international de travail-GIT,
    "Liberte de recherche et d'enseignement en Turquie")

    Hamit Bozarslan (Directeur d'etudes a l'EHESS), Yves Deloye (Professeur
    a Sciences Po Bordeaux et a l'universite Paris 1 Pantheon-Sorbonne,
    secretaire general de l'Association francaise de science politique),
    Vincent Duclert (Chercheur a l'EHESS (CESPRA) ), Diana Gonzalez
    (Enseignante a Science-Po Paris), Emine Sarikartal (Doctorante et
    editrice ) et Ferhat Taylan (Directeur de programme au CIPH)

    http://www.lemonde.fr/idees/article/2013/10/21/un-pouvoir-arbitraire-en-turquie_3500144_3232.html

    jeudi 24 octobre 2013, Stephane ©armenews.com

Working...
X