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La Turquie Se Tire Une Balle Dans Le Pied

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    LA TURQUIE SE TIRE UNE BALLE DANS LE PIED

    http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=76503
    Publie le : 29-10-2013

    Info Collectif VAN -www.collectifvan.org - Cengiz Aktar, Professeur
    de science politique, membre du C.A de la Fondation Hrant Dink et
    chroniqueur au journal turc Taraf, propose son point de vue sur la
    situation de la Turquie par rapport a l'Union europeenne. Cette
    interview ayant ete donnee en juin 2013, durant le mouvement de
    protestation de la jeunesse turque, elle ne peut donc prendre en
    compte le Rapport 2013 de la Commission europeenne, du 16 octobre
    dernier, et l'annonce de l'ouverture prochaine d'un nouveau chapitre
    d'adhesion. Le Collectif VAN vous invite a lire cette information
    publiee sur le site Repair le 10 octobre 2013.

    Repair

    Debat : La Turquie et l'Union Europeenne

    Point de vue de Turquie

    La Turquie est en train de se tirer une balle dans le pied

    Cengiz Aktar

    Pour Cengiz Aktar, professeur de sciences politiques, la perspective
    europeenne qui a permis de questionner les tabous en Turquie est
    aujourd'hui menacee. La politique de tension menee par Ankara pourrait
    conduire a une rupture des relations.

    La Turquie se trouve a quel stade des negociations avec l'Union
    europeenne ?

    Il y a eu une periode très fructueuse entre 2002 et 2005. Après cette
    date, les negociations ont commence a ralentir. C'etait le fait d'un
    manque de volonte mutuel, aussi bien du côte europeen que du côte
    turc. Côte europeen, c'etait Sarkozy qui menait la danse. Et côte turc,
    le gouvernement a litteralement perdu l'interet. Il y a des raisons,
    bien sûr mais elles n'expliquent pas cette montee d'auto-confiance
    qui a fini par devenir surexageree. En 2006-2007, le gouvernement
    turc a commence a dire " Mais on n'a pas besoin de l'UE, on peut tout
    faire nous-memes ". Par la suite, la crise economique est arrivee en
    Europe. Les autorites turques ont ete plus ou moins confirmees dans
    leur supposition. Et a partir de la, l'Europe n'etait plus très chaude
    non plus. Chypre a ete aussi un facteur important. Il y a 18 chapitres
    bloques : 14 par le fait du differend a Chypre, 4 bloques par la
    France dont un chapitre - sur l'agriculture- est bloque des deux côtes.

    Il y a un an et demi, certains politiciens et la Commission europeenne
    ont commence a reagir a ce ralentissement visible. Ils se sont dit :
    " On n'a pas le luxe de perdre la Turquie. La Turquie a peut-etre
    besoin de nous, mais nous avons aussi besoin de la Turquie ". Tout
    cela a donne lieu a une reevaluation de la candidature turque. Ce qui a
    permis de reaffirmer la position europeenne par rapport au fait que la
    Turquie devrait un jour devenir membre de l'Union. Un " agenda positif
    " a ete lance par la Commission et enterine par le Conseil. Il y a eu
    des developpements importants sur le dossier des visas. Ce momentum
    positif etait recemment sur le point de donner lieu a l'ouverture d'un
    nouveau chapitre, pour la première fois depuis trois ans. Il s'agissait
    d'un chapitre important, portant sur la politique regionale. Mais il
    y a de fortes chances que l'ouverture soit repoussee.

    (Lors d'une reunion organisee après cette interview le 25 juin 2013,
    le Conseil des affaires generales de l'UE a declare " en principe
    " que le chapitre allait etre ouvert, mais a remis a l'automne la
    determination de la date officielle d'ouverture, NDLR).

    Pourquoi ?

    A cause de la crise politique actuelle (NDRL : Gezi Park) qui a un
    effet nefaste sur l'image de la Turquie et sur ce climat positif.

    Cette crise a tout balaye. Elle a complètement retourne la situation
    et maintenant, on ne sait pas où on va.

    En reponse au Parlement europeen qui a condamne les violences
    policières lors des manifestations en Turquie, le Premier ministre
    Recep Tayyip Erdogan a declare qu'il ne reconnaissait pas cette
    decision. Comment faut-il l'interpreter ?

    Ce n'est pas nouveau. Le gouvernement de l'AKP est atteint de toutes
    les maladies du pouvoir. Erdogan presente les syndromes d'un long
    mandat, un peu comme De Gaulle ou Thatcher. Ce n'est pas la première
    fois que des membres de l'AKP ont des propos aussi deplaces vis-a-vis
    de l'Europe. A propos du dernier rapport de l'UE sur la Turquie,
    le president de la commission de la constitution au parlement avait
    declare qu'il le " jetait directement a la poubelle ". Mais ce genre
    de discours, qui arrive en temps de crise, n'aide pas.

    Il y a eu un moment où la Turquie semblait avoir renonce au reve de
    l'Union europeenne pour celui d'un leadership du Moyen Orient.

    Oui et non. Meme pendant cette periode de grand froid, où l'ouverture
    des chapitres etait bloquee, le gouvernement n'a jamais coupe les
    amarres avec l'Europe. Il faisait semblant, c'etait de la rhetorique,
    mais il n'a jamais dit " Basta, allez, on arrete ". Or aujourd'hui,
    il adopte un ton extremement dangereux et qui peut conduire de fil
    en aiguille vers une rupture des relations. Ce serait catastrophique
    pour la Turquie.

    C'est ce que vous prevoyez dans l'etat actuel des choses ?

    Le Premier ministre joue sur l'avenir. Il mise complètement sur le
    conflit ouvert et l'adversite. Il tient un discours hyper nationaliste,
    anti-kurde, anti-intellectuel, anti-alevi, anti tout le monde. Cela
    peut avoir des effets très nefastes. En tout cas, bloquer pendant
    des annees les relations avec l'UE.

    L'Europe semble aujourd'hui très loin des priorites du gouvernement
    turc.

    Le gouvernement donne, en effet, l'impression de s'en ficher.

    Est-ce que la perspective d'adhesion de la Turquie a l'UE a eu un
    impact sur la question turco-armenienne ? Cette perspective peut-elle
    toujours faire avancer les choses ?

    La dynamique qui a ete creee par les reformes d'inspiration europeenne
    entre 2002 et 2005 a eu un effet colossal sur la comprehension de la
    question turco-armenienne et du genocide armenien. Elle a ouvert des
    perspectives enormes a la societe turque. Cet effet indirect continue
    pour l'instant. Mais si les choses vont dans le mauvais sens, je vois
    mal le gouvernement avoir l'attitude qu'il avait a une epoque. Parce
    que tout en etant contre la reconnaissance du genocide armenien, le
    gouvernement a laisse faire des reunions a ce sujet. Le mot genocide
    n'est plus un mot tabou en Turquie. La perspective d'adhesion a l'UE a
    elargi le champ de la politique au sens noble du terme. Elle a permis
    au debat democratique de s'installer de plus en plus. Cela n'a pas
    de prix. C'est grâce a ce vent nouveau que la Turquie a commence a
    questionner tous les tabous qui sont maintenant sur la place publique.

    Il y a une volonte inouïe de la part des jeunes, en particulier,
    d'apprendre ce qui s'est passe il y a 100 ans et meme avant. C'etait
    donc a la fois très emouvant et prometteur.

    Ce n'est pas cette democratisation qui incite aujourd'hui les jeunes
    a protester contre les derives autoritaires du gouvernement ? Ils
    ont pris goût aux libertes...

    C'est exactement cela. Le grand paradoxe est celui-ci : c'est ce
    gouvernement qui a ouvert le champ politique. Maintenant, il essaye
    de le refermer et ca ne marche pas, bien sûr.

    Le meme vent a-t-il aussi souffle sur les relations avec l'Armenie ?

    La dynamique europeenne en Turquie avait commence a avoir un debut
    d'effet sur les relations avec l'Armenie avec l'initiative du president
    Abdullah Gul en 2009. Mais ca a très vite foire avec l'entree en scène
    du Premier ministre qui a joue a fond la carte azerie. Et depuis,
    la carte azerie a complètement pris le dessus. La politique de la
    Turquie par rapport a l'Armenie est aujourd'hui geree indirectement
    par l'Azerbaïdjan et par les interets de la Turquie par rapport au gaz,
    aux hydrocarbures. Les Azeris sont donc très influents sur la politique
    vis-a-vis de l'Armenie, mais sont aussi presents dans le traitement du
    " dossier armenien ", c'est-a-dire la question du genocide. Ils sont
    plus royalistes que le roi quant au deni du genocide. Ils utilisent
    l'argent du petrole a fond pour cela. On voit mal le gouvernement
    turc leur dire de ne pas se meler de cette affaire-la.

    Au contraire, on voit plutôt le gouvernement les encourager. Peut-on
    s'attendre a ce que les Azeris soient plus presents a l'approche de
    2015 ?

    Tout a fait.

    Des experts evoquent une eventuelle fin de la dependance energetique
    de la Turquie vis-a-vis de l'Azerbaïdjan a la suite de decouverte du
    gaz naturel au Kurdistan irakien.

    C'est une alternative très serieuse. La Turquie se concentre de plus
    en plus sur le Kurdistan irakien en terme d'approvisionnement. Le grand
    test pour le gouvernement sera de savoir s'il pourra se debarrasser de
    l'amitie empoisonnee des Azeris par rapport au genocide armenien. Dans
    l'etat actuel de la psyche du Premier ministre, je ne le pense pas.

    La perspective europeenne peut-elle avoir un effet sur ce dossier ?

    Non. Mais le grand dessein veut que l'adhesion de la Turquie puisse
    permettre un jour aux trois pays du Caucase d'aller dans le giron
    europeen. On en est malheureusement très loin.

    Si l'on revient au mouvement de revolte en Turquie, meme si le
    gouvernement declare " ne pas reconnaître " le Parlement europeen,
    est-ce que les reactions de l'Europe ont pu le pousser a faire marche
    arrière, comme il l'a fait en evoquant la possibilite d'un referendum ?

    Je ne le pense pas. Au contraire, le gouvernement s'est raidi en
    ecoutant l'Europe. Il s'est mis sur la defensive, il a rajoute
    de l'huile sur le feu dans sa rhetorique. Mais evidemment, quand
    on a un discours aussi radical, il est souvent difficile de faire
    marche arrière. La Turquie est en train de se tirer des balles a la
    mitrailleuse dans les pieds.

    Comment vous voyez la suite des choses ?

    Il n'y a pas de quoi etre très optimiste. La Turquie a une batterie
    d'elections devant elle. Le Premier ministre a deja commence la
    campagne electorale. Les premières elections ont lieu en mars, on a
    donc sept mois avant les elections. On va aux urnes dans un climat
    hyper tendu, avec un discours très dur qui traite la moitie de la
    population comme des terroristes. C'est de très mauvais augure.

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    Source/Lien : Repair


    From: Baghdasarian
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