REVUE DE PRESSE
Les Kurdes de Turquie en Quête du Pardon dans la Tragédie Arménienne de 1915
` La population arménienne est en train de fondre `
Cette triste constatation est celle de Sahak Mashallyan, un prêtre
américain orthodoxe, au cours d'une récente messe du dimanche en
l'église Asdvadzadzin d'Istanbul. Commentant la statistique, 482
funérailles, 236 baptêmes, 191 mariages, l'ecclésiastique en robe
noire déclarait sur un ton solennel : ces chiffres sont ceux
caractéristiques d'une communauté... qui est en train de mourir `.
Il y a un peu plus d'un siècle, le Patriarche Arménien de
Constantinople évaluait la population arménienne en Anatolie à plus de
deux millions. En 1915 la tragédie frappa. Les chiffres estimés
varient, mais on pense que de 800 000 à un million d'Arméniens ont été
massacrés par les forces ottomanes et leurs alliés kurdes dans ce que
beaucoup d'historiens respectés appellent Premier génocide du 20ème
siècle. La Turquie nie avec véhémence toute intention génocidaire. La
ligne officielle est que la plupart des Arméniens sont morts de faim
ou de maladie, au cours de leur déportation forcée vers les déserts de
Syrie, dans les soubresauts de l'empire en décomposition.
Le parti Justice et Développement au pouvoir a fait plus que n'importe
lequel de ses prédécesseurs pour améliorer le sort des minorités
chrétiennes et pour encourager un débat plus libre sur les horreurs
qu'elles ont subies à cette époque. Mais dans une vaine tentative pour
promouvoir la version officielle des événements, il est allé jusqu'à
arroser à coup de millions de dollars des groupes de pression
internationaux.
Un flux constant de nations continue de reconnaître les événements de
1915 comme ayant constitué un génocide. L'une des plus grandes
inquiétudes de la Turquie est que lors du centenaire de 2015, les
États-Unis prennent le risque, en leur emboîtant le pas, à détériorer
leurs relations. Dans la province de Diyarbekir au sud est de la
Turquie, peuplée en majorité de Kurdes, la diplomatie à l'échelle du
monde ne figure pas dans l'agenda d'Abdullah Demirbas, le maire de
Sur, l'ancien district de cette ville. Labyrinthe de ruelles étroites
pavées, bordées de maisons de pierre décrépites, Sur était
traditionnellement connu comme le ` quartier des infidèles ` parce que
nombreux étaient les Arméniens, les Orthodoxes syriens, les Chrétiens
et les Juifs qui y vivaient. Ayant été par la suite deux fois élu avec
le soutien du plus important parti kurde, le Parti Paix et Démocratie
(BDP), Demirbas, un ancien maître d'école rblé au sourire facile,
s'est jeté de tout son c`ur dans la quête du pardon pour le passé. `
En tant que Kurdes, nous avons-nous aussi une responsabilité dans les
souffrances des Arméniens `, a-il-déclaré à Al-Monitor, par dessus des
lunettes à monture rubis-rouge thé. ` Nous sommes désolés, et nous
devons le montrer `. Dans un premier temps, il y a deux ans, Demirbas
a mis en place des classes gratuites d'enseignement de la langue
arménienne à la mairie. ` Ce fut un succès immédiat `, nous dit
Demirbas. On pense que beaucoup de ceux qui s'y inscrivirent étaient
des ` Arméniens cachés ` ou des descendants de ceux qui se
convertirent à l'Islam pour sauver leur vie. L'un de ces `Arméniens
cachés `, un octogénaire noueux appelé Ismaïl, a confié à Al-Monitor
que le vrai nom de son père était Léon.
` Ils ont liquidé sa famille entière dans la campagne `, dit-il alors
qu'il attendait d'être reçu en audience par Demirbas. La voix du vieil
homme s'est brisée sous l'emprise de l'émotion. ` Mon père a été
secouru par un officier turc et il est devenu un Musulman. Mais même
si, Dieu soit loué, je suis aussi un bon Musulman, priant cinq fois
par jour, je sais que je ne suis pas accepté `, a-t-il ajouté. ` Dans
leurs pensées, je suis toujours le fils d'un incroyant `. Le rôle des
Kurdes dans les massacres a été bien documenté, de plus en plus à
présent par les Kurdes eux-mêmes. Poussés par leurs dirigeants
ottomans, les chefs de tribu kurdes ont violé, assassiné et pillé à
leur guise dans les provinces du sud est pendant les siècles, tout au
long de leur coexistence, très difficile, avec les Arméniens et les
autres non-Musulmans. Henry Morgenthau qui fut ambassadeur des États
Unis à Constantinople aux pires moments du bain de sang, a rendu
compte de la complicité des Kurdes dans ses terrifiantes mémoires de
1918 Ambassador Morgenthau's Story : ` Les Kurdes se sont précipités
hors de leurs villages dans les montagnes. Se ruant sur les jeunes
filles, ils leur ont soulevé leur voile et emporté les jolies dans les
collines. Dans la foule de ceux qui restaient, ils ont enlevé à leur
guise et sans pitié les enfants... Tandis qu'ils commettaient ces
méfaits, les Kurdes ont massacré en toute liberté, et les cris des
femmes et des vieux ajoutaient à l'horreur générale `.
Osman Koker, un historien turc qui a constitué une chronique de la vie
des Arméniens à partir d'une riche collection de cartes postales et de
photographies datées d'avant 1915, estime que plus de la moitié de la
population de Diyarbekir était non-musulmane avant que la violence
n'ait commencé. ` Ils étaient Arméniens pour la plupart, il n'en reste
aucun à présent `, a dit Koker dans une entrevue à Al-Monitor. Hashim
Hashimi, ancien député et chef spirituel musulman sunnite, une forte
personnalité, a dit à Al-Monitor : ` Malheureusement, beaucoup d'imams
ont convaincu les gens que s'ils tuaient un infidèle, ils auraient une
place au paradis et recevraient des belles filles en récompense `.
Cela signifiait que des milliers d'Orthodoxes syriens et d'autres
chrétiens ne seraient pas épargnés eux non-plus. En 2009, Demirbas et
Osman Baydemir, qui est un responsable politique membre du BDP et
maire du Grand Diyarbekir, ont décidé de participer à la restauration
de l'église arménienne orthodoxe de Sur, qui état en état de ruines
depuis des décennies. Baydemir a subventionné à hauteur du tiers les
dépenses de restauration de Surp Guiragos afin qu'elle retrouve sa
splendeur d'origine. En 2011, l'église réputée être la plus grande
église arménienne du Moyen Orient, a ouvert ses portes au titre de
lieu de culte à part entière. Ergun Ayik, un entrepreneur et
philanthrope arménien qui dirige la Fondation Surp Guiragos, a dit à
Al-Monitor que les maires BDP ont tout fait pour l'aider, fournissant
gratuitement à l'église services et protection. Un nouveau musée de la
culture arménienne qu'il est prévu d'ouvrir en 2013 dans les
dépendances de Surp Guiragos, sous le patronage de la municipalité de
l'agglomération de Diyarbekir, devrait également attirer les
touristes, sans parler des milliers d'Arméniens cachés qui,
pense-t-on, dont dispersés dans tout le sud est.
Silva Ozyerli, une militante arménienne de Diyarbekir qui a quitté
Istanbul dans les années 1970, a accepté de donner au musée quelques
uns de ses trésors familiaux, dont une chemise de nuit de soie,
plusieurs nappes finement brodées, et une paire de coupes de cuivre
gravées. Dans un entretien avec Al-Monitor, Ozyerli a fait part de son
enthousiasme pour ce projet. ` Savez-vous pourquoi cela compte autant
pour moi ? ` a-t-elle demandé avec dans la voix un soupçon de défi.
C'est parce que dans ce musée, on montrera aux gens qu'il n'y a pas si
longtemps, chaque pouce de Diyarbekir était autant arménien que kurde,
sinon plus `.
Par Amberin Zaman pour Al-Monitor Turkey Pulse
Publié le 3 septembre 2013
Traduction Gilbert Béguian
Amberin Zaman est une écrivaine installée à Istanbul qui a couvert la
Turquie pour le Washington Post, le Los Angeles Times ; le Daily
Telegraph, et le Voice of America.
Commentatrice habituelle de la télévision turque, elle est
actuellement correspondante en Turquie pour The Economist, une
fonction qu'elle occupe depuis 1999. Sur Twitter : @amberinzaman
http://www.al-monitor.com/pulse/originals/2013/09/turkey-kurds-seek-armenian-forgiveness.html
dimanche 8 septembre 2013,
Stéphane ©armenews.com
http://www.armenews.com/article.php3?id_article'850
________________________________
Orobik Eminian, 98 ans, seule membre de sa famille qui ait réchappé
aux massacres d'Arméniens par les Turcs ottomans de la Première Guerre
Mondiale, se joint à d'autres pour commémorer le 95ème anniversaire
des massacres et pour que ces massacres soient qualifiés de génocide à
New York City, le 25 avril 2010 (photo Reuters/Jessica Rinaldi)
From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress
Les Kurdes de Turquie en Quête du Pardon dans la Tragédie Arménienne de 1915
` La population arménienne est en train de fondre `
Cette triste constatation est celle de Sahak Mashallyan, un prêtre
américain orthodoxe, au cours d'une récente messe du dimanche en
l'église Asdvadzadzin d'Istanbul. Commentant la statistique, 482
funérailles, 236 baptêmes, 191 mariages, l'ecclésiastique en robe
noire déclarait sur un ton solennel : ces chiffres sont ceux
caractéristiques d'une communauté... qui est en train de mourir `.
Il y a un peu plus d'un siècle, le Patriarche Arménien de
Constantinople évaluait la population arménienne en Anatolie à plus de
deux millions. En 1915 la tragédie frappa. Les chiffres estimés
varient, mais on pense que de 800 000 à un million d'Arméniens ont été
massacrés par les forces ottomanes et leurs alliés kurdes dans ce que
beaucoup d'historiens respectés appellent Premier génocide du 20ème
siècle. La Turquie nie avec véhémence toute intention génocidaire. La
ligne officielle est que la plupart des Arméniens sont morts de faim
ou de maladie, au cours de leur déportation forcée vers les déserts de
Syrie, dans les soubresauts de l'empire en décomposition.
Le parti Justice et Développement au pouvoir a fait plus que n'importe
lequel de ses prédécesseurs pour améliorer le sort des minorités
chrétiennes et pour encourager un débat plus libre sur les horreurs
qu'elles ont subies à cette époque. Mais dans une vaine tentative pour
promouvoir la version officielle des événements, il est allé jusqu'à
arroser à coup de millions de dollars des groupes de pression
internationaux.
Un flux constant de nations continue de reconnaître les événements de
1915 comme ayant constitué un génocide. L'une des plus grandes
inquiétudes de la Turquie est que lors du centenaire de 2015, les
États-Unis prennent le risque, en leur emboîtant le pas, à détériorer
leurs relations. Dans la province de Diyarbekir au sud est de la
Turquie, peuplée en majorité de Kurdes, la diplomatie à l'échelle du
monde ne figure pas dans l'agenda d'Abdullah Demirbas, le maire de
Sur, l'ancien district de cette ville. Labyrinthe de ruelles étroites
pavées, bordées de maisons de pierre décrépites, Sur était
traditionnellement connu comme le ` quartier des infidèles ` parce que
nombreux étaient les Arméniens, les Orthodoxes syriens, les Chrétiens
et les Juifs qui y vivaient. Ayant été par la suite deux fois élu avec
le soutien du plus important parti kurde, le Parti Paix et Démocratie
(BDP), Demirbas, un ancien maître d'école rblé au sourire facile,
s'est jeté de tout son c`ur dans la quête du pardon pour le passé. `
En tant que Kurdes, nous avons-nous aussi une responsabilité dans les
souffrances des Arméniens `, a-il-déclaré à Al-Monitor, par dessus des
lunettes à monture rubis-rouge thé. ` Nous sommes désolés, et nous
devons le montrer `. Dans un premier temps, il y a deux ans, Demirbas
a mis en place des classes gratuites d'enseignement de la langue
arménienne à la mairie. ` Ce fut un succès immédiat `, nous dit
Demirbas. On pense que beaucoup de ceux qui s'y inscrivirent étaient
des ` Arméniens cachés ` ou des descendants de ceux qui se
convertirent à l'Islam pour sauver leur vie. L'un de ces `Arméniens
cachés `, un octogénaire noueux appelé Ismaïl, a confié à Al-Monitor
que le vrai nom de son père était Léon.
` Ils ont liquidé sa famille entière dans la campagne `, dit-il alors
qu'il attendait d'être reçu en audience par Demirbas. La voix du vieil
homme s'est brisée sous l'emprise de l'émotion. ` Mon père a été
secouru par un officier turc et il est devenu un Musulman. Mais même
si, Dieu soit loué, je suis aussi un bon Musulman, priant cinq fois
par jour, je sais que je ne suis pas accepté `, a-t-il ajouté. ` Dans
leurs pensées, je suis toujours le fils d'un incroyant `. Le rôle des
Kurdes dans les massacres a été bien documenté, de plus en plus à
présent par les Kurdes eux-mêmes. Poussés par leurs dirigeants
ottomans, les chefs de tribu kurdes ont violé, assassiné et pillé à
leur guise dans les provinces du sud est pendant les siècles, tout au
long de leur coexistence, très difficile, avec les Arméniens et les
autres non-Musulmans. Henry Morgenthau qui fut ambassadeur des États
Unis à Constantinople aux pires moments du bain de sang, a rendu
compte de la complicité des Kurdes dans ses terrifiantes mémoires de
1918 Ambassador Morgenthau's Story : ` Les Kurdes se sont précipités
hors de leurs villages dans les montagnes. Se ruant sur les jeunes
filles, ils leur ont soulevé leur voile et emporté les jolies dans les
collines. Dans la foule de ceux qui restaient, ils ont enlevé à leur
guise et sans pitié les enfants... Tandis qu'ils commettaient ces
méfaits, les Kurdes ont massacré en toute liberté, et les cris des
femmes et des vieux ajoutaient à l'horreur générale `.
Osman Koker, un historien turc qui a constitué une chronique de la vie
des Arméniens à partir d'une riche collection de cartes postales et de
photographies datées d'avant 1915, estime que plus de la moitié de la
population de Diyarbekir était non-musulmane avant que la violence
n'ait commencé. ` Ils étaient Arméniens pour la plupart, il n'en reste
aucun à présent `, a dit Koker dans une entrevue à Al-Monitor. Hashim
Hashimi, ancien député et chef spirituel musulman sunnite, une forte
personnalité, a dit à Al-Monitor : ` Malheureusement, beaucoup d'imams
ont convaincu les gens que s'ils tuaient un infidèle, ils auraient une
place au paradis et recevraient des belles filles en récompense `.
Cela signifiait que des milliers d'Orthodoxes syriens et d'autres
chrétiens ne seraient pas épargnés eux non-plus. En 2009, Demirbas et
Osman Baydemir, qui est un responsable politique membre du BDP et
maire du Grand Diyarbekir, ont décidé de participer à la restauration
de l'église arménienne orthodoxe de Sur, qui état en état de ruines
depuis des décennies. Baydemir a subventionné à hauteur du tiers les
dépenses de restauration de Surp Guiragos afin qu'elle retrouve sa
splendeur d'origine. En 2011, l'église réputée être la plus grande
église arménienne du Moyen Orient, a ouvert ses portes au titre de
lieu de culte à part entière. Ergun Ayik, un entrepreneur et
philanthrope arménien qui dirige la Fondation Surp Guiragos, a dit à
Al-Monitor que les maires BDP ont tout fait pour l'aider, fournissant
gratuitement à l'église services et protection. Un nouveau musée de la
culture arménienne qu'il est prévu d'ouvrir en 2013 dans les
dépendances de Surp Guiragos, sous le patronage de la municipalité de
l'agglomération de Diyarbekir, devrait également attirer les
touristes, sans parler des milliers d'Arméniens cachés qui,
pense-t-on, dont dispersés dans tout le sud est.
Silva Ozyerli, une militante arménienne de Diyarbekir qui a quitté
Istanbul dans les années 1970, a accepté de donner au musée quelques
uns de ses trésors familiaux, dont une chemise de nuit de soie,
plusieurs nappes finement brodées, et une paire de coupes de cuivre
gravées. Dans un entretien avec Al-Monitor, Ozyerli a fait part de son
enthousiasme pour ce projet. ` Savez-vous pourquoi cela compte autant
pour moi ? ` a-t-elle demandé avec dans la voix un soupçon de défi.
C'est parce que dans ce musée, on montrera aux gens qu'il n'y a pas si
longtemps, chaque pouce de Diyarbekir était autant arménien que kurde,
sinon plus `.
Par Amberin Zaman pour Al-Monitor Turkey Pulse
Publié le 3 septembre 2013
Traduction Gilbert Béguian
Amberin Zaman est une écrivaine installée à Istanbul qui a couvert la
Turquie pour le Washington Post, le Los Angeles Times ; le Daily
Telegraph, et le Voice of America.
Commentatrice habituelle de la télévision turque, elle est
actuellement correspondante en Turquie pour The Economist, une
fonction qu'elle occupe depuis 1999. Sur Twitter : @amberinzaman
http://www.al-monitor.com/pulse/originals/2013/09/turkey-kurds-seek-armenian-forgiveness.html
dimanche 8 septembre 2013,
Stéphane ©armenews.com
http://www.armenews.com/article.php3?id_article'850
________________________________
Orobik Eminian, 98 ans, seule membre de sa famille qui ait réchappé
aux massacres d'Arméniens par les Turcs ottomans de la Première Guerre
Mondiale, se joint à d'autres pour commémorer le 95ème anniversaire
des massacres et pour que ces massacres soient qualifiés de génocide à
New York City, le 25 avril 2010 (photo Reuters/Jessica Rinaldi)
From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress