REVUE DE PRESSE
La Géorgie n'écarte pas une adhésion au projet eurasien de Moscou
Un tabou est levé en Géorgie. Dix ans après la `révolution des roses`,
le premier ministre, Bidzina Ivanichvili, vient d'envisager pour la
première fois une adhésion de son pays à l'Union douanière. Regroupant
la Russie, le Kazakhstan et la Biélorussie, cette zone de
libre-échange va devenir l'Union eurasienne le 1er janvier 2015. M.
Ivanichvili a beau dénoncer une interprétation exagérée de ses propos,
il s'agit d'une fissure sans précédent dans l'orientation
pro-occidentale du pays, imprimée depuis l'arrivée au pouvoir de
Mikheïl Saakachvili, fin 2003.
Interrogé au cours d'une conférence de presse, le 4 septembre, le
milliardaire géorgien, arrivé à la tête du gouvernement il y a dix
mois, a déclaré au sujet de l'Union douanière : `Je regarde cela avec
attention et nous l'étudions. A cette étape, nous n'avons pas du tout
de position. Si nous voyons la possibilité que cela soit intéressant
pour la stratégie de notre pays, alors pourquoi pas, mais à ce stade,
nous n'avons pas de position.` Ce `pourquoi pas` a immédiatement
suscité un flot de commentaires, alors que la campagne présidentielle
bat son plein. Le secrétaire du Conseil national de sécurité, Giga
Bokeria, proche du président Saakachvili, a déclaré qu'il s'agissait
là de `l'un des nombreux pas accomplis par [M. Ivanichvili] et son
équipe qui créent une menace pour la souveraineté, la sécurité et
l'indépendance de la Géorgie`.
La sensibilité à cette question est d'autant plus grande que la fin de
l'ère Saakachvili est chargée de menaces et d'incertitudes. Que
deviendra la figure emblématique de la révolution ? La perspective de
poursuites judiciaires, à l'instar de celles lancées en Ukraine contre
Ioulia Timochenko, paraît très crédible. Dans son entourage, l'idée
d'un départ à l'étranger est même débattue. L'autre incertitude est le
fait du premier ministre. Bidzina Ivanichvili a confirmé, début
septembre, dans une lettre ouverte, qu'il quitterait son poste et
l'arène politique dans les prochains mois, pour se consacrer à un rôle
d'`activiste social`. Au sein de sa coalition, le Rêve géorgien, qu'il
avait consolidée grce à sa fortune et à la promesse d'un changement
de régime, la succession promet d'être très disputée.
`PATRIOTISME ÉMOTIONNEL`
Dans ce contexte, les lignes idéologiques bougent, tandis que l'Eglise
orthodoxe encourage les approches identitaires et conservatrices. `Le
patriotisme émotionnel règne en Géorgie`, écrit M. Ivanichvili dans sa
lettre. La candidature à l'élection présidentielle, prévue à la fin
octobre, de Nino Bourdjanadze pose au centre du débat les rapports
avec la Russie. Ancienne alliée de Mikheïl Saakachvili et
ex-présidente du Parlement, Mme Bourdjanadze défend un franc
rapprochement avec Moscou. Elle reproche au gouvernement d'éviter les
contacts de haut niveau avec les dirigeants russes. `Je sais comment
parler à Poutine`, promet-elle, jugeant irréaliste l'idée d'une entrée
de la Géorgie dans l'OTAN.
L'accord d'association entre l'Union européenne (UE) et la Géorgie
pourrait être initié au sommet de Vilnius, fin novembre, et signé en
2014. Officiellement, le gouvernement reste focalisé sur cet objectif
et revendique une ligne proeuropéenne. Mais Moscou veut tout faire
pour effacer le souvenir des révolutions de couleur et replacer sa
périphérie sous son influence. L'Union eurasienne répondrait à cet
objectif, tout en facilitant les échanges commerciaux et les
coopérations. Vladimir Poutine voit ce grand projet comme un
concurrent oriental de l'UE. Le Kirghizistan a commencé les
discussions en vue d'une adhésion. L'Arménie vient d'en accepter le
principe. Souffrant de son enclavement, dépendante de la présence
militaire russe, elle a préféré préserver cette coopération, malgré
les bénéfices très relatifs d'une entrée dans l'Union douanière, en
sacrifiant la signature d'un accord d'association avec l'UE. Pourtant,
l'Arménie fait partie des pays concernés par le Partenariat oriental,
ce projet lancé par les Vingt-Sept en 2009.
Depuis cet été, Moscou a redoublé de vigueur pour convaincre les
anciennes Républiques soviétiques de rejoindre la nouvelle Union. Par
tous les moyens. Le 10 septembre, la Russie a interdit l'importation
de vins moldaves pour des raisons `sanitaires`. Mais le plus grand
enjeu géopolitique dans la région est le destin de l'Ukraine, qui
espère signer un accord d'association et de libre-échange avec l'UE à
Vilnius. En août, Moscou a adopté des mesures de rétorsion douanière,
pour que les dirigeants ukrainiens sachent ce qui leur en coûtera
s'ils choisissent la voie européenne.
Piotr Smolar
LE MONDE | 12.09.2013
dimanche 15 septembre 2013,
Stéphane ©armenews.com
La Géorgie n'écarte pas une adhésion au projet eurasien de Moscou
Un tabou est levé en Géorgie. Dix ans après la `révolution des roses`,
le premier ministre, Bidzina Ivanichvili, vient d'envisager pour la
première fois une adhésion de son pays à l'Union douanière. Regroupant
la Russie, le Kazakhstan et la Biélorussie, cette zone de
libre-échange va devenir l'Union eurasienne le 1er janvier 2015. M.
Ivanichvili a beau dénoncer une interprétation exagérée de ses propos,
il s'agit d'une fissure sans précédent dans l'orientation
pro-occidentale du pays, imprimée depuis l'arrivée au pouvoir de
Mikheïl Saakachvili, fin 2003.
Interrogé au cours d'une conférence de presse, le 4 septembre, le
milliardaire géorgien, arrivé à la tête du gouvernement il y a dix
mois, a déclaré au sujet de l'Union douanière : `Je regarde cela avec
attention et nous l'étudions. A cette étape, nous n'avons pas du tout
de position. Si nous voyons la possibilité que cela soit intéressant
pour la stratégie de notre pays, alors pourquoi pas, mais à ce stade,
nous n'avons pas de position.` Ce `pourquoi pas` a immédiatement
suscité un flot de commentaires, alors que la campagne présidentielle
bat son plein. Le secrétaire du Conseil national de sécurité, Giga
Bokeria, proche du président Saakachvili, a déclaré qu'il s'agissait
là de `l'un des nombreux pas accomplis par [M. Ivanichvili] et son
équipe qui créent une menace pour la souveraineté, la sécurité et
l'indépendance de la Géorgie`.
La sensibilité à cette question est d'autant plus grande que la fin de
l'ère Saakachvili est chargée de menaces et d'incertitudes. Que
deviendra la figure emblématique de la révolution ? La perspective de
poursuites judiciaires, à l'instar de celles lancées en Ukraine contre
Ioulia Timochenko, paraît très crédible. Dans son entourage, l'idée
d'un départ à l'étranger est même débattue. L'autre incertitude est le
fait du premier ministre. Bidzina Ivanichvili a confirmé, début
septembre, dans une lettre ouverte, qu'il quitterait son poste et
l'arène politique dans les prochains mois, pour se consacrer à un rôle
d'`activiste social`. Au sein de sa coalition, le Rêve géorgien, qu'il
avait consolidée grce à sa fortune et à la promesse d'un changement
de régime, la succession promet d'être très disputée.
`PATRIOTISME ÉMOTIONNEL`
Dans ce contexte, les lignes idéologiques bougent, tandis que l'Eglise
orthodoxe encourage les approches identitaires et conservatrices. `Le
patriotisme émotionnel règne en Géorgie`, écrit M. Ivanichvili dans sa
lettre. La candidature à l'élection présidentielle, prévue à la fin
octobre, de Nino Bourdjanadze pose au centre du débat les rapports
avec la Russie. Ancienne alliée de Mikheïl Saakachvili et
ex-présidente du Parlement, Mme Bourdjanadze défend un franc
rapprochement avec Moscou. Elle reproche au gouvernement d'éviter les
contacts de haut niveau avec les dirigeants russes. `Je sais comment
parler à Poutine`, promet-elle, jugeant irréaliste l'idée d'une entrée
de la Géorgie dans l'OTAN.
L'accord d'association entre l'Union européenne (UE) et la Géorgie
pourrait être initié au sommet de Vilnius, fin novembre, et signé en
2014. Officiellement, le gouvernement reste focalisé sur cet objectif
et revendique une ligne proeuropéenne. Mais Moscou veut tout faire
pour effacer le souvenir des révolutions de couleur et replacer sa
périphérie sous son influence. L'Union eurasienne répondrait à cet
objectif, tout en facilitant les échanges commerciaux et les
coopérations. Vladimir Poutine voit ce grand projet comme un
concurrent oriental de l'UE. Le Kirghizistan a commencé les
discussions en vue d'une adhésion. L'Arménie vient d'en accepter le
principe. Souffrant de son enclavement, dépendante de la présence
militaire russe, elle a préféré préserver cette coopération, malgré
les bénéfices très relatifs d'une entrée dans l'Union douanière, en
sacrifiant la signature d'un accord d'association avec l'UE. Pourtant,
l'Arménie fait partie des pays concernés par le Partenariat oriental,
ce projet lancé par les Vingt-Sept en 2009.
Depuis cet été, Moscou a redoublé de vigueur pour convaincre les
anciennes Républiques soviétiques de rejoindre la nouvelle Union. Par
tous les moyens. Le 10 septembre, la Russie a interdit l'importation
de vins moldaves pour des raisons `sanitaires`. Mais le plus grand
enjeu géopolitique dans la région est le destin de l'Ukraine, qui
espère signer un accord d'association et de libre-échange avec l'UE à
Vilnius. En août, Moscou a adopté des mesures de rétorsion douanière,
pour que les dirigeants ukrainiens sachent ce qui leur en coûtera
s'ils choisissent la voie européenne.
Piotr Smolar
LE MONDE | 12.09.2013
dimanche 15 septembre 2013,
Stéphane ©armenews.com