Courrier International, France
12 Septembre 2013
Diplomatie - Erdogan aussi hypocrite que l'Occident
par: Sahin Alpay, Zaman (Istanbul)
Comme dans bien d'autres pays, la politique étrangère turque fait peu
de cas des grands principes démocratiques.
S'il est possible d'affirmer que les Etats-Unis et les pays d'Europe
occidentale respectent globalement, en politique intérieure, les
grands principes de la démocratie dont ils se réclament, on ne peut
pas en dire autant concernant leur politique étrangère.
En effet, il est possible de citer de nombreux cas où ces pays ont
bafoué plus ou moins ouvertement ces principes en soutenant
occupations illégales, agressions ou putschs militaires.
L'administration Obama a d'ailleurs eu une attitude hésitante lors du
récent coup d'Etat contre le président Morsi en Egypte (ce qui lui a
valu des réactions négatives tant de la part des Frères musulmans que
des putschistes) alors que les autorités américaines ont avoué avoir
été impliquées directement dans le coup d'Etat contre Mossadegh en
Iran en 1953. La politique extérieure de la Turquie pèche également
par hypocrisie et par l'usage du "deux poids, deux mesures". Notons au
passage que l'on se demande aussi dans quelle mesure sa - politique
intérieure est en adéquation avec les principes et les valeurs
démocratiques.
Jetons ainsi un oeil sur le bilan en la matière du gouvernement AKP
actuel [au pouvoir depuis 2002]. Le Premier ministre Erdogan n'a-t-il
pas reçu le "prix des droits de l'homme" des mains même du dictateur
libyen Muammar Kadhafi, qui était arrivé au pouvoir en son temps par
le biais d'un coup d'Etat ? La Turquie ne cultive-t-elle pas
d'excellentes relations avec Omar Al-Bachir, qui a accédé au pouvoir
au Soudan en 1989 en renversant des civils, qui s'est d'abord allié
avec les islamistes avant de les réprimer et qui est poursuivi par la
Cour pénale internationale pour génocide et crimes contre l'humanité
commis au Darfour en 2008 ?
Les relations avec Israël, qu'Ankara accuse aujourd'hui de pratiquer
le "terrorisme d'Etat", n'étaient-elles pas "idéales" jusqu'au moment
où l'Etat hébreu a décidé d'attaquer la bande de Gaza [guerre de Gaza
: décembre 2008 et janvier 2009] ? La Turquie n'a-t-elle pas entretenu
des relations très chaleureuses avec le dictateur Bachar El-Assad,
dont le parti Baas est arrivé au pouvoir à l'occasion d'un coup
d'Etat, jusqu'au moment où le peuple syrien s'est révolté contre lui ?
Même la crise syrienne n'a pas réussi à affecter les relations entre
la Turquie et la république islamique d'Iran, qui constitue pourtant
une forme de théocratie.
Les relations avec l'Arménie n'ont-elles pas été prises en otages par
l'Azerbaïdjan [pays turcophone et régime peu démocratique, que la
Turquie considère comme un partenaire particulier] ? Que dire des
rapports très chaleureux qu'entretient Ankara avec certains régimes
totalitaires d'Asie centrale ? Les relations de la Turquie avec
l'Arabie Saoudite et avec le Maroc, pays qui ont tous deux soutenu le
coup d'Etat en Egypte, ne sont-elles pas plus que cordiales ?
Mais pourquoi les pays occidentaux, la Turquie et finalement tous les
Etats du monde mettent-ils ainsi en oeuvre des politiques qui entrent
en contradiction avec leurs principes ? Pourquoi, en somme, sont-ils
hypocrites et appliquent-ils des doubles standards en politique
étrangère ? Tout simplement parce qu'ils essaient de maintenir un
équilibre entre leurs principes et leurs intérêts nationaux, et que
cela conduit fatalement à de la duplicité. Par conséquent, avant
d'accuser les autres d'hypocrisie regardons-nous dans la glace, et
lorsque nous défendons nos principes et nos valeurs ne mettons pas en
danger nos intérêts nationaux.
-Sahin Alpay
Publié le 22 août
From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress
12 Septembre 2013
Diplomatie - Erdogan aussi hypocrite que l'Occident
par: Sahin Alpay, Zaman (Istanbul)
Comme dans bien d'autres pays, la politique étrangère turque fait peu
de cas des grands principes démocratiques.
S'il est possible d'affirmer que les Etats-Unis et les pays d'Europe
occidentale respectent globalement, en politique intérieure, les
grands principes de la démocratie dont ils se réclament, on ne peut
pas en dire autant concernant leur politique étrangère.
En effet, il est possible de citer de nombreux cas où ces pays ont
bafoué plus ou moins ouvertement ces principes en soutenant
occupations illégales, agressions ou putschs militaires.
L'administration Obama a d'ailleurs eu une attitude hésitante lors du
récent coup d'Etat contre le président Morsi en Egypte (ce qui lui a
valu des réactions négatives tant de la part des Frères musulmans que
des putschistes) alors que les autorités américaines ont avoué avoir
été impliquées directement dans le coup d'Etat contre Mossadegh en
Iran en 1953. La politique extérieure de la Turquie pèche également
par hypocrisie et par l'usage du "deux poids, deux mesures". Notons au
passage que l'on se demande aussi dans quelle mesure sa - politique
intérieure est en adéquation avec les principes et les valeurs
démocratiques.
Jetons ainsi un oeil sur le bilan en la matière du gouvernement AKP
actuel [au pouvoir depuis 2002]. Le Premier ministre Erdogan n'a-t-il
pas reçu le "prix des droits de l'homme" des mains même du dictateur
libyen Muammar Kadhafi, qui était arrivé au pouvoir en son temps par
le biais d'un coup d'Etat ? La Turquie ne cultive-t-elle pas
d'excellentes relations avec Omar Al-Bachir, qui a accédé au pouvoir
au Soudan en 1989 en renversant des civils, qui s'est d'abord allié
avec les islamistes avant de les réprimer et qui est poursuivi par la
Cour pénale internationale pour génocide et crimes contre l'humanité
commis au Darfour en 2008 ?
Les relations avec Israël, qu'Ankara accuse aujourd'hui de pratiquer
le "terrorisme d'Etat", n'étaient-elles pas "idéales" jusqu'au moment
où l'Etat hébreu a décidé d'attaquer la bande de Gaza [guerre de Gaza
: décembre 2008 et janvier 2009] ? La Turquie n'a-t-elle pas entretenu
des relations très chaleureuses avec le dictateur Bachar El-Assad,
dont le parti Baas est arrivé au pouvoir à l'occasion d'un coup
d'Etat, jusqu'au moment où le peuple syrien s'est révolté contre lui ?
Même la crise syrienne n'a pas réussi à affecter les relations entre
la Turquie et la république islamique d'Iran, qui constitue pourtant
une forme de théocratie.
Les relations avec l'Arménie n'ont-elles pas été prises en otages par
l'Azerbaïdjan [pays turcophone et régime peu démocratique, que la
Turquie considère comme un partenaire particulier] ? Que dire des
rapports très chaleureux qu'entretient Ankara avec certains régimes
totalitaires d'Asie centrale ? Les relations de la Turquie avec
l'Arabie Saoudite et avec le Maroc, pays qui ont tous deux soutenu le
coup d'Etat en Egypte, ne sont-elles pas plus que cordiales ?
Mais pourquoi les pays occidentaux, la Turquie et finalement tous les
Etats du monde mettent-ils ainsi en oeuvre des politiques qui entrent
en contradiction avec leurs principes ? Pourquoi, en somme, sont-ils
hypocrites et appliquent-ils des doubles standards en politique
étrangère ? Tout simplement parce qu'ils essaient de maintenir un
équilibre entre leurs principes et leurs intérêts nationaux, et que
cela conduit fatalement à de la duplicité. Par conséquent, avant
d'accuser les autres d'hypocrisie regardons-nous dans la glace, et
lorsque nous défendons nos principes et nos valeurs ne mettons pas en
danger nos intérêts nationaux.
-Sahin Alpay
Publié le 22 août
From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress