Le Figaro, France
Mardi 17 Septembre 2013
La Turquie rejuge les tueurs de Hrant Dink, «l'Arménien»
par Marchand, Laure
Un nouveau procès a débuté mardi en l'absence des commanditaires de
l'assassinat du journaliste.
La mort de Hrant Dink, abattu le 19 janvier 2007 à Istanbul, a
désormais des couleurs. Des marches à proximité du trottoir où le
journaliste d'origine arménienne s'est effondré ont été badigeonnées
en rouge bordeaux et en bleu par des inconnus la semaine dernière.
C'est une variante sinistre de la nouvelle mode des escaliers publics
repeints aux couleurs de l'arc-en-ciel par des activistes qui
contestent les dérives autoritaires du gouvernement
islamo-conservateur. Le bordeaux et le bleu sont les couleurs du club
de football de Trabzon, la ville de la mer Noire d'où est originaire
Ogün Samast, l'auteur des coups de feu contre Hrant Dink.
Les plus pessimistes y voient une manifestation de l'impunité des
commanditaires et un mauvais présage de plus concernant le nouveau
procès qui s'est ouvert mardi devant la 14e chambre criminelle, à
Istanbul.
En mai dernier, la Cour de cassation avait confirmé les condamnations
prononcées en première instance et estimé qu'il s'agissait bien d'un
crime organisé. Elle invalidait l'acquittement général prononcé en
2012 concernant l'existence d'un complot. Les avocats de la famille de
Hrant Dink sont satisfaits de cette reconnaissance mais s'inquiètent
d'une possible requalification des faits. «Le premier acte
d'accusation utilisait le terme d'organisation terroriste, qui était
composée de 18 membres, explique - Fethiye Çetin. Désormais, il ne
s'agit plus que d'une organisation criminelle de jeunes nationalistes
et elle ne compte plus que cinq membres.» Ce changement a minima fait
craindre que la lumière sur la dimension politique de l'exécution du
journaliste, qui était haï des nationalistes et harcelé par la
justice, ne soit jamais faite.
Disparition de pièces à conviction
Au cours de l'enquête, de nombreux éléments ont laissé suspecter une
implication de responsables des services de renseignements et de la
police dans la mort du rédacteur en chef du journal Argos, infatigable
porte-voix de la petite communauté arménienne de la Turquie. Mais des
pièces à conviction, comme les enregistrements de vidéos de caméras de
surveillance proches du lieu du crime, avaient disparu. Outre deux
complices, seuls Ogün Samast, gé de 17 ans au moment des faits, et
Yasin Hayal, considéré comme le cerveau, avaient été condamnés lors du
premier procès. Malgré les demandes répétées des parties civiles, les
magistrats ont toujours refusé d'enquêter sur les ramifications
possibles au sein de l'État et de lier le meurtre au réseau Ergenekon,
une structure militaro-mafieuse condamnée pour avoir cherché à
renverser le gouvernement islamo-conservateur.
Mardi matin, à l'ouverture de la nouvelle audience, environ deux cents
personnes ont manifesté devant le tribunal de Caglayan en criant
«l'État doit rendre des comptes». Seuls deux accusés, dont Yasin
Hayal, ont comparu à la barre. Dans une lettre rendue publique, la
famille de Hrant Dink, accuse «toutes les structures étatiques» d'être
«impliquées» dans son assassinat et explique refuser d'assister au
procès afin de ne pas faire «le jeu de l'État qui se moque de nous».
Mardi 17 Septembre 2013
La Turquie rejuge les tueurs de Hrant Dink, «l'Arménien»
par Marchand, Laure
Un nouveau procès a débuté mardi en l'absence des commanditaires de
l'assassinat du journaliste.
La mort de Hrant Dink, abattu le 19 janvier 2007 à Istanbul, a
désormais des couleurs. Des marches à proximité du trottoir où le
journaliste d'origine arménienne s'est effondré ont été badigeonnées
en rouge bordeaux et en bleu par des inconnus la semaine dernière.
C'est une variante sinistre de la nouvelle mode des escaliers publics
repeints aux couleurs de l'arc-en-ciel par des activistes qui
contestent les dérives autoritaires du gouvernement
islamo-conservateur. Le bordeaux et le bleu sont les couleurs du club
de football de Trabzon, la ville de la mer Noire d'où est originaire
Ogün Samast, l'auteur des coups de feu contre Hrant Dink.
Les plus pessimistes y voient une manifestation de l'impunité des
commanditaires et un mauvais présage de plus concernant le nouveau
procès qui s'est ouvert mardi devant la 14e chambre criminelle, à
Istanbul.
En mai dernier, la Cour de cassation avait confirmé les condamnations
prononcées en première instance et estimé qu'il s'agissait bien d'un
crime organisé. Elle invalidait l'acquittement général prononcé en
2012 concernant l'existence d'un complot. Les avocats de la famille de
Hrant Dink sont satisfaits de cette reconnaissance mais s'inquiètent
d'une possible requalification des faits. «Le premier acte
d'accusation utilisait le terme d'organisation terroriste, qui était
composée de 18 membres, explique - Fethiye Çetin. Désormais, il ne
s'agit plus que d'une organisation criminelle de jeunes nationalistes
et elle ne compte plus que cinq membres.» Ce changement a minima fait
craindre que la lumière sur la dimension politique de l'exécution du
journaliste, qui était haï des nationalistes et harcelé par la
justice, ne soit jamais faite.
Disparition de pièces à conviction
Au cours de l'enquête, de nombreux éléments ont laissé suspecter une
implication de responsables des services de renseignements et de la
police dans la mort du rédacteur en chef du journal Argos, infatigable
porte-voix de la petite communauté arménienne de la Turquie. Mais des
pièces à conviction, comme les enregistrements de vidéos de caméras de
surveillance proches du lieu du crime, avaient disparu. Outre deux
complices, seuls Ogün Samast, gé de 17 ans au moment des faits, et
Yasin Hayal, considéré comme le cerveau, avaient été condamnés lors du
premier procès. Malgré les demandes répétées des parties civiles, les
magistrats ont toujours refusé d'enquêter sur les ramifications
possibles au sein de l'État et de lier le meurtre au réseau Ergenekon,
une structure militaro-mafieuse condamnée pour avoir cherché à
renverser le gouvernement islamo-conservateur.
Mardi matin, à l'ouverture de la nouvelle audience, environ deux cents
personnes ont manifesté devant le tribunal de Caglayan en criant
«l'État doit rendre des comptes». Seuls deux accusés, dont Yasin
Hayal, ont comparu à la barre. Dans une lettre rendue publique, la
famille de Hrant Dink, accuse «toutes les structures étatiques» d'être
«impliquées» dans son assassinat et explique refuser d'assister au
procès afin de ne pas faire «le jeu de l'État qui se moque de nous».