LES CHRETIENS DE SYRIE FUIENT PAR LA TURQUIE
REVUE DE PRESSE
Son grand-père a ete egorge, decapite, " puis ils ont joue avec sa tete
", raconte une vieille dame syrienne, foulard noue sous son menton
tatoue a l'encre. C'etait lors du genocide des Armeniens perpetre
par les autorites ottomanes pendant la Première Guerre mondiale. Sa
famille a elle etait syriaque mais entre les diverses minorites
chretiennes, les sabres n'ont pas toujours fait la difference. "
Cela s'est passe pas loin d'ici ", poursuit-elle. À une trentaine
de kilomètres de Mardin, ville du sud-est de la Turquie, où elle
est aujourd'hui refugiee avec Jean, son fils, sa belle-fille et ses
deux petits-enfants.
La famille Eilo a passe un siècle a fuir les persecutions. Elle
a d'abord echappe aux massacres de 1915 en partant s'installer a
Hassake, grande ville a majorite kurde, dans le nord-est de la Syrie
actuelle. Près d'un siècle plus tard, en 2013, elle a fait le chemin
inverse, retournant en Turquie. Cette fois-ci a cause des djihadistes.
" Ils font des incursions dans le centre d'Hassake, certains ne
parlent meme pas arabe, raconte Jean, qui etait pâtissier. Ils ont
kidnappe mon beau-frère devant chez lui et l'ont torture. Il a fallu
vendre sa maison pour pouvoir payer la rancon. " Dès sa liberation,
ils ont traverse la frontière toute proche. " À Hassake, les seuls
chretiens qui restent sont les vieux qui sont isoles et les plus
pauvres qui n'ont pas les moyens d'en partir. "
Enlevements et assassinats
Environ trois cents chretiens du nord de la Syrie se trouvent
actuellement dans cette region turque frontalière, partie de la
Mesopotamie. " Les arrivees ont commence l'an dernier, detaille Ayhan
Gurkan, un des responsables de la petite communaute syriaque de la
ville de Midyat. Le roulement est permanent, les nouveaux arrivants
remplacent ceux qui partent pour l'Europe clandestinement. "
La majorite a quitte la Syrie a cause des violences des rebelles
fondamentalistes contre les chretiens.
Melek Haccar vient egalement d'Hassake. Assis dans la fraîcheur
de la cour de l'eglise Mor Barsavmo, qui resonne des cris d'enfants
syriens, il serre son fils contre lui. Et il explique, les yeux remplis
d'effroi, le contexte de l'enlèvement de son neveu de 8 ans, il y a
trois mois : " Notre quartier n'est pas protege par les forces kurdes,
qui ont deja fort a faire dans les zones kurdes de la ville. Des gens
d'al-Qaida l'ont kidnappe dans la rue. Ils ont eu les renseignements
grâce a des complicites. "
Tout en tenant son fils de plus en fort dans ses bras, ce charpentier
de profession raconte que l'enfant a ete sequestre quinze jours et que
les ravisseurs appelaient son père avec un telephone satellite pour
qu'il entende son fils le supplier de venir le liberer. Ce qui fut
obtenu contre l'equivalent de 20.000 dollars. " Nous l'avons recupere
dans la maison d'un chef arabe, il a fallu lui donner de l'argent,
a lui aussi. " Le mois dernier, ils ont decide de fuir vers Midyat
" deguises en musulmans, avec des tchadors pour les femmes, pour ne
pas etre enleves aux check-points tenus par al-Qaida ".
Ayhan Gurkan s'inquiète de ce flot de departs. " Pour l'instant, nous
faisons face et parvenons a assurer le logement, mais si Kameshli
(ville syrienne sous contrôle kurde de l'autre côte de la frontière,
NDLR) tombe entre les mains d'al-Qaida, ce sont 50.000 chretiens qui
vont arriver d'un coup. " Les autorites turques viennent de construire
un camp reserve aux Syriens de confession chretienne, juste derrière
le monastère de Midyat, sur un terrain donne par un homme d'affaires
syriaque local.
Pour le moment, seules trois familles y sont hebergees, dont celle
de Melek Haccar. Lui aussi est originaire d'ici, de cette region de
Turquie appelee le Tur Abdin, qui signifie litteralement " la Montagne
des serviteurs de Dieu ". Ses eglises, dont la pierre prend une couleur
doree dans le soleil declinant, temoignent d'une presence chretienne
historique. La communaute a subi une hemorragie tout au long du XXe
siècle et elle ne compte plus que quelques milliers de membres.
L'arrivee des chretiens de Syrie pourrait-elle redonner vie a la
Montagne des serviteurs de Dieu ? Melek Haccar est retourne a Mardin,
la ville de son grand-père qui etait tailleur de pierre. " Il avait
reussi a fuir pendant le genocide en marchant sur des cadavres. Je
suis alle demander où se trouvait la maison qui appartenait a "Melik
Haccar, le tailleur de pierre". Elle existe toujours, des Turcs
habitent dedans. " Ce père de famille espère desormais rejoindre
l'Allemagne, via la Grèce et l'Italie, comme l'a fait son frère. Il
ne se voit plus d'avenir en Syrie et en Turquie, " il n'y a plus de
places pour les chretiens ". Pour ce chretien d'Orient, la terre de
ses ancetres n'est plus qu'une etape sur la route de l'exode.
Par Laure Marchand
http://www.lefigaro.fr/international/2013/09/25/01003-20130925ARTFIG00609-la-turquie-etape-forcee-pour-les-chretiens-de-syrie-persecutes.php
samedi 28 septembre 2013, Stephane ©armenews.com
From: Baghdasarian
REVUE DE PRESSE
Son grand-père a ete egorge, decapite, " puis ils ont joue avec sa tete
", raconte une vieille dame syrienne, foulard noue sous son menton
tatoue a l'encre. C'etait lors du genocide des Armeniens perpetre
par les autorites ottomanes pendant la Première Guerre mondiale. Sa
famille a elle etait syriaque mais entre les diverses minorites
chretiennes, les sabres n'ont pas toujours fait la difference. "
Cela s'est passe pas loin d'ici ", poursuit-elle. À une trentaine
de kilomètres de Mardin, ville du sud-est de la Turquie, où elle
est aujourd'hui refugiee avec Jean, son fils, sa belle-fille et ses
deux petits-enfants.
La famille Eilo a passe un siècle a fuir les persecutions. Elle
a d'abord echappe aux massacres de 1915 en partant s'installer a
Hassake, grande ville a majorite kurde, dans le nord-est de la Syrie
actuelle. Près d'un siècle plus tard, en 2013, elle a fait le chemin
inverse, retournant en Turquie. Cette fois-ci a cause des djihadistes.
" Ils font des incursions dans le centre d'Hassake, certains ne
parlent meme pas arabe, raconte Jean, qui etait pâtissier. Ils ont
kidnappe mon beau-frère devant chez lui et l'ont torture. Il a fallu
vendre sa maison pour pouvoir payer la rancon. " Dès sa liberation,
ils ont traverse la frontière toute proche. " À Hassake, les seuls
chretiens qui restent sont les vieux qui sont isoles et les plus
pauvres qui n'ont pas les moyens d'en partir. "
Enlevements et assassinats
Environ trois cents chretiens du nord de la Syrie se trouvent
actuellement dans cette region turque frontalière, partie de la
Mesopotamie. " Les arrivees ont commence l'an dernier, detaille Ayhan
Gurkan, un des responsables de la petite communaute syriaque de la
ville de Midyat. Le roulement est permanent, les nouveaux arrivants
remplacent ceux qui partent pour l'Europe clandestinement. "
La majorite a quitte la Syrie a cause des violences des rebelles
fondamentalistes contre les chretiens.
Melek Haccar vient egalement d'Hassake. Assis dans la fraîcheur
de la cour de l'eglise Mor Barsavmo, qui resonne des cris d'enfants
syriens, il serre son fils contre lui. Et il explique, les yeux remplis
d'effroi, le contexte de l'enlèvement de son neveu de 8 ans, il y a
trois mois : " Notre quartier n'est pas protege par les forces kurdes,
qui ont deja fort a faire dans les zones kurdes de la ville. Des gens
d'al-Qaida l'ont kidnappe dans la rue. Ils ont eu les renseignements
grâce a des complicites. "
Tout en tenant son fils de plus en fort dans ses bras, ce charpentier
de profession raconte que l'enfant a ete sequestre quinze jours et que
les ravisseurs appelaient son père avec un telephone satellite pour
qu'il entende son fils le supplier de venir le liberer. Ce qui fut
obtenu contre l'equivalent de 20.000 dollars. " Nous l'avons recupere
dans la maison d'un chef arabe, il a fallu lui donner de l'argent,
a lui aussi. " Le mois dernier, ils ont decide de fuir vers Midyat
" deguises en musulmans, avec des tchadors pour les femmes, pour ne
pas etre enleves aux check-points tenus par al-Qaida ".
Ayhan Gurkan s'inquiète de ce flot de departs. " Pour l'instant, nous
faisons face et parvenons a assurer le logement, mais si Kameshli
(ville syrienne sous contrôle kurde de l'autre côte de la frontière,
NDLR) tombe entre les mains d'al-Qaida, ce sont 50.000 chretiens qui
vont arriver d'un coup. " Les autorites turques viennent de construire
un camp reserve aux Syriens de confession chretienne, juste derrière
le monastère de Midyat, sur un terrain donne par un homme d'affaires
syriaque local.
Pour le moment, seules trois familles y sont hebergees, dont celle
de Melek Haccar. Lui aussi est originaire d'ici, de cette region de
Turquie appelee le Tur Abdin, qui signifie litteralement " la Montagne
des serviteurs de Dieu ". Ses eglises, dont la pierre prend une couleur
doree dans le soleil declinant, temoignent d'une presence chretienne
historique. La communaute a subi une hemorragie tout au long du XXe
siècle et elle ne compte plus que quelques milliers de membres.
L'arrivee des chretiens de Syrie pourrait-elle redonner vie a la
Montagne des serviteurs de Dieu ? Melek Haccar est retourne a Mardin,
la ville de son grand-père qui etait tailleur de pierre. " Il avait
reussi a fuir pendant le genocide en marchant sur des cadavres. Je
suis alle demander où se trouvait la maison qui appartenait a "Melik
Haccar, le tailleur de pierre". Elle existe toujours, des Turcs
habitent dedans. " Ce père de famille espère desormais rejoindre
l'Allemagne, via la Grèce et l'Italie, comme l'a fait son frère. Il
ne se voit plus d'avenir en Syrie et en Turquie, " il n'y a plus de
places pour les chretiens ". Pour ce chretien d'Orient, la terre de
ses ancetres n'est plus qu'une etape sur la route de l'exode.
Par Laure Marchand
http://www.lefigaro.fr/international/2013/09/25/01003-20130925ARTFIG00609-la-turquie-etape-forcee-pour-les-chretiens-de-syrie-persecutes.php
samedi 28 septembre 2013, Stephane ©armenews.com
From: Baghdasarian