FRANCE
Truelle, théière... objets de l'exil au musée de l'immigration
Une théière d'Algérie, une étole de grand-mère russe, une boîte
ciselée aux couleurs de l'Arménie... Des objets, souvent triviaux,
font leur entrée au musée de l'Histoire de l'immigration, où ils
accompagnent des récits d'exil et d'intégration.
Quand elle quitte son Argentine natale, à l'ge de 17 ans, pour fuir
la junte, Frida Rochocz cache dans sa poche une boulette de mie de
pain, travaillée pour ressembler à une petite tête aux yeux creux.
C'est un flirt, prisonnier politique, qui lui a donné. Pendant des
années, elle garde sur elle cette figurine. "Elle me donnait la force
de continuer", raconte-t-elle. En 2005, elle retourne enfin dans son
pays, retrouve le jeune homme, plus si jeune. "Il n'en avait aucun
souvenir. La tête a alors pris une autre dimension, j'ai pu m'en
débarrasser."
Au lieu de finir au fond d'une poubelle, cette boulette d'à peine cinq
centimètres se retrouve en vitrine dans la nouvelle "galerie des dons"
du musée de l'Histoire de l'immigration, rouverte mardi sur 450 m2.
Cette galerie, inaugurée en 2008, expose dans le palais de la porte
Dorée, à Paris, des objets intimes donnés par des immigrés et leurs
descendants, accompagnés d'un récit du donateur.
L'enjeu : "rappeler que les histoires individuelles construisent
l'histoire collective" et "faire changer le regard sur l'immigration",
explique la commissaire Hélène du Mazaubrun, chargée des collections
ethnographiques au musée.
L'écrivain François Cavanna fut le premier contributeur, en cédant la
truelle de maçon de son père Luigi. "J'aurais pu être maçon, mais il
n'a pas voulu que je fasse un travail manuel, il a dit +c'est trop
dur+", racontait alors l'auteur des Ritals, décédé en janvier.
Les bottes du dernier poilu -
Le dernier des poilus, Lazare Ponticelli inhumé en 2008 aux Invalides,
a confié les bottes qu'il portait dans les tranchées. Arrivé pieds-nus
de son Italie natale, à neuf ans, il y voyait le symbole de sa
contribution à la France. Peu à peu, les legs ont afflué et le musée a
dû leur faire une place. La galerie rénovée présente 250 items, contre
une quarantaine auparavant, et 37 récits de vie. Certains, comme des
papiers d'apatride, symbolisent l'exil. D'autres représentent plutôt
l'enracinement, à l'instar de ces cartes de militant communiste ou
syndicaliste.
Mathieu Do Duc va jusqu'à illustrer l'impossibilité du retour au pays
natal. Parti du Vietnam à sept ans, il n'y est retourné que 39 ans
plus tard. "C'était difficile, j'ai compris que je n'appartenais plus
à ce pays." Il a alors donné les photos de ce séjour au musée "pour
clore le dossier, faire le deuil et passer à autre chose." Quant aux
descendants d'immigrés, ils ont cédé des objets qui leur rappelaient
leurs origines, rendant hommage à leurs aïeux. La metteur en scène
Macha Makeïeff a ainsi découpé en deux une étole de sa grand-mère
russe : elle a donné une moitié au musée, gardant l'autre pour ses
souvenirs.
Avant de sortir de la galerie, un "arbre à dons" invite les visiteurs
à proposer de nouvelles offrandes. Chaque suggestion sera soumise à un
comité des acquisitions, qui pourra les verser officiellement aux
collections de ce musée national.
"On craint que la réouverture de la galerie n'entraîne de nouveaux
dons", plaisante Luc Gruson, le directeur du musée. "Il faudra trouver
de nouvelles modalités, sur internet ou dans des catalogues pour les
valoriser", prévoit-il, fier de raconter "l'histoire de l'immigration
par les gens qui l'ont vécue et non vue par la société d'accueil ou
les politiques."
samedi 5 avril 2014,
Stéphane (c)armenews.com
From: Baghdasarian
Truelle, théière... objets de l'exil au musée de l'immigration
Une théière d'Algérie, une étole de grand-mère russe, une boîte
ciselée aux couleurs de l'Arménie... Des objets, souvent triviaux,
font leur entrée au musée de l'Histoire de l'immigration, où ils
accompagnent des récits d'exil et d'intégration.
Quand elle quitte son Argentine natale, à l'ge de 17 ans, pour fuir
la junte, Frida Rochocz cache dans sa poche une boulette de mie de
pain, travaillée pour ressembler à une petite tête aux yeux creux.
C'est un flirt, prisonnier politique, qui lui a donné. Pendant des
années, elle garde sur elle cette figurine. "Elle me donnait la force
de continuer", raconte-t-elle. En 2005, elle retourne enfin dans son
pays, retrouve le jeune homme, plus si jeune. "Il n'en avait aucun
souvenir. La tête a alors pris une autre dimension, j'ai pu m'en
débarrasser."
Au lieu de finir au fond d'une poubelle, cette boulette d'à peine cinq
centimètres se retrouve en vitrine dans la nouvelle "galerie des dons"
du musée de l'Histoire de l'immigration, rouverte mardi sur 450 m2.
Cette galerie, inaugurée en 2008, expose dans le palais de la porte
Dorée, à Paris, des objets intimes donnés par des immigrés et leurs
descendants, accompagnés d'un récit du donateur.
L'enjeu : "rappeler que les histoires individuelles construisent
l'histoire collective" et "faire changer le regard sur l'immigration",
explique la commissaire Hélène du Mazaubrun, chargée des collections
ethnographiques au musée.
L'écrivain François Cavanna fut le premier contributeur, en cédant la
truelle de maçon de son père Luigi. "J'aurais pu être maçon, mais il
n'a pas voulu que je fasse un travail manuel, il a dit +c'est trop
dur+", racontait alors l'auteur des Ritals, décédé en janvier.
Les bottes du dernier poilu -
Le dernier des poilus, Lazare Ponticelli inhumé en 2008 aux Invalides,
a confié les bottes qu'il portait dans les tranchées. Arrivé pieds-nus
de son Italie natale, à neuf ans, il y voyait le symbole de sa
contribution à la France. Peu à peu, les legs ont afflué et le musée a
dû leur faire une place. La galerie rénovée présente 250 items, contre
une quarantaine auparavant, et 37 récits de vie. Certains, comme des
papiers d'apatride, symbolisent l'exil. D'autres représentent plutôt
l'enracinement, à l'instar de ces cartes de militant communiste ou
syndicaliste.
Mathieu Do Duc va jusqu'à illustrer l'impossibilité du retour au pays
natal. Parti du Vietnam à sept ans, il n'y est retourné que 39 ans
plus tard. "C'était difficile, j'ai compris que je n'appartenais plus
à ce pays." Il a alors donné les photos de ce séjour au musée "pour
clore le dossier, faire le deuil et passer à autre chose." Quant aux
descendants d'immigrés, ils ont cédé des objets qui leur rappelaient
leurs origines, rendant hommage à leurs aïeux. La metteur en scène
Macha Makeïeff a ainsi découpé en deux une étole de sa grand-mère
russe : elle a donné une moitié au musée, gardant l'autre pour ses
souvenirs.
Avant de sortir de la galerie, un "arbre à dons" invite les visiteurs
à proposer de nouvelles offrandes. Chaque suggestion sera soumise à un
comité des acquisitions, qui pourra les verser officiellement aux
collections de ce musée national.
"On craint que la réouverture de la galerie n'entraîne de nouveaux
dons", plaisante Luc Gruson, le directeur du musée. "Il faudra trouver
de nouvelles modalités, sur internet ou dans des catalogues pour les
valoriser", prévoit-il, fier de raconter "l'histoire de l'immigration
par les gens qui l'ont vécue et non vue par la société d'accueil ou
les politiques."
samedi 5 avril 2014,
Stéphane (c)armenews.com
From: Baghdasarian