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Kessab, Shoushi, même Combat... ? Par Haytoug Chamlian

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    OPINION
    Kessab, Shoushi, même Combat... ? Par Haytoug Chamlian

    La chute de la ville de Kessab, aux confins de la Syrie actuelle et de
    notre Cilicie - question de point de vue - , a mis les Arméniens du
    monde entier en état de choc.

    Faute d'informations suffisantes - ou suffisamment fiables -, il est
    illusoire de tenter de comprendre ce qui s'y déroule véritablement en
    ce moment.

    Une seule donnée est cependant certaine : au moment où nous écrivons
    ces lignes, la ville est toujours entre les mains de djihadistes de
    diverses provenances, qui bénéficient dans cette opération
    spectaculaire du soutien immédiat de la Turquie.

    Nous avons tous accompli notre devoir, et nous continuerons à le
    faire, afin de soutenir Kessab et sa population arménienne. Autant que
    faire ce peut, eu égard aux circonstances. En effet, en cette affaire,
    nous sommes en terrain particulièrement... désobligeante, et cette
    fois-ci non seulement en Diaspora occidentale, mais même au
    Proche-Orient. Quant à l'Arménie et à l'Artsakh, ils ont démontré en
    cette matière une sollicitude, un esprit de corps et une solidarité
    remarquables, un engagement réel et sans faille, s'inscrivant dans la
    logique de tout ce qu'ils font et accomplissent déjà, effectivement et
    assidument, pour soutenir les Arméniens de Syrie et leur porter
    assistance, et ce, depuis le début des hostilités dans ce pays.

    Cela étant dit - et fait - , il conviendrait de se pencher sur ce
    sujet dans une autre perspective.

    Tous comptes faits, avons-nous, Arméniens, failli envers Kessab ?
    Aurions-nous dû défendre nous-mêmes cet ultime bout de Cilicie , par
    une mobilisation combattante panarménienne ?

    L'analogie applicable à cet égard serait ce qui constitua la phase
    initiale et cruciale de la guerre de libération de l'Artsakh,
    culminant avec la victoire de Shoushi. Sans laquelle, cette région
    arménienne n'aurait pas pu être libérée (sauf à parfaire).

    Alors, Kessab et Shoushi, même Combat ? Du moins au niveau de l'étape
    à court terme, sinon, pour le moment, d'un objectif final...

    Sur le plan idéologique, l'argument est certes valable. Cependant, il
    ne résiste pas au test élémentaire de la réalité et des faits.

    Aujourd'hui, contrairement à d'autres époques révolues, la Diaspora ne
    dispose pas de >.

    Lorsque les djihadistes ont attaqué Kessab avec le soutien logistique
    de la Turquie, la Diaspora arménienne était donc tout simplement
    incapable d'y mener un combat armé, avec les Arméniens de Syrie au
    premier rang. Comme cela fut fait, mutatis mutandis, en Artsakh, à
    Shouchi.

    Pour ce qui est spécifiquement du potentiel de combat armé des
    Arméniens de Syrie mêmes, il faut souligner que cela avait été
    éradiqué depuis fort longtemps, avec les compliments des prédécesseurs
    du régime Assad actuel, et ce, par des moyens d'une férocité inouïe.

    Quant à la thèse d'une intervention armée à partir de
    l'Arménie/Artsakh, elle relève également du romantisme superficiel. En
    effet, il n'y plus de combattants en Arménie et en Artsakh - Dieu
    merci - . Il y a des soldats. Il y a une armée nationale. En
    conséquence, l'intervention de militaires Arméniens à Kessab, pour se
    battre aux côtés de l'armée syrienne et contre des forces soutenues
    par laTurquie, le tout, sur fond de sérieux accrochages continuels sur
    les fronts de l'Artsakh et du Nord-Est de l'Arménie même, ainsi que
    dans un contexte d'exacerbation extrême de la guerre dite froide sur
    le front ukrainien... il s'agit là d'un scénario impensable.

    Mais en revenant à la Diaspora, étant entendu qu'elle n'avait pas les
    moyens de mener un combat armé à Kessab, ne devait-elle pas alors
    organiser au moins, convenablement, une évacuation digne et ordonnée
    de la ville ? Or, tout ce qu'on a entendu à ce sujet indique plutôt un
    état de confusion totale à cet égard également, entre la panique
    approximative et le sauve-qui-peut improvisé, ayant notamment pour
    effet de laisser les éléments les plus vulnérables e la population à
    la merci des envahisseurs. Ainsi, deux mamigs se sont même retrouvées
    soudain en Turquie ! Et qu'on n'ose pas parler d'effet de surprise, de
    grce, cet événement était certainement prévisible, hautement probable
    même, depuis deux ans.

    Mais ce n'est pas fini encore, hélas... Non seulement la Diaspora
    était incapable d'assurer la protection des Arméniens de Kessab, non
    seulement elle n'a même pas pu organiser leur fuite, mais pour
    couronner le tout, à ce jour encore, le mot d'ordre d'une certaine FRA
    demeure en vigueur, exhortant les Arméniens de Syrie à rester en
    Syrie...

    Cette posture est non seulement abjecte en raison de l'impuissance
    totale du même parti à assurer la sécurité de nos compatriotes en
    cause, mais elle constitue également une violation flagrante de
    l'idéologie fondamentale, du Programme plus que centenaire, de l'me
    même de ce parti, étant donné qu'au même moment où celui-ci demande
    aux Arméniens de rester mourir en Syrie (pour quoi, pour qui,
    exactement... ?), la Mère Patrie, elle, ouvre grand ses bras pour
    accueillir ces Arméniens, assurer leur survie physique, et leur offrir
    au moins un avenir quelconque.

    À ce stade-ci de cette réflexion, il convient de souligner aussi la
    grave responsabilité de Bachar El Assad dans la situation actuelle de
    Kessab. Car elle ne se limite pas au fait susmentionné que le régime
    dont il est le successeur dans tous les sens du terme s'était
    chargée... d'"assagir" sérieusement les Arméniens de Syrie.

    Pour ne pas trop donner de l'eau au moulin de celui qui est devenu à
    présent un ennemi commun des Arméniens, des chiites et autres
    alaouites , rappelons rapidement, voire furtivement, les quelques
    réalités suivantes seulement :

    pour ce qui est de l'ennemi commun, justement, il n'en fut pas
    toujours ainsi, loin de là... ;

    c'est le régime syrien en cause qui avait fait une croix (si l'on
    peut dire...) sur le Sandjak d'Alexandrette, et ce faisant, avait
    largement amoindri toute importance de Kessab au niveau de certaines
    aspirations de restitution... ; tout en encourageant, du même coup,
    les velléités expansionnistes d'Ankara, au nom de l'"intégrité
    territoriale" de "son" Sandjak. Ce qui n'est pas sans rappeler
    d'ailleurs les postures - et postillons - d'un Aliev à l'égard de
    l'Artsakh...

    Assad père et fils ont également veillé à la "dilution" systématique
    de la population originelle de Kessab ; en 1974, déjà, lorsque Kessab
    n'était alors qu'un grand village entourés de petits villages et que
    tout ce secteur était exclusivement peuplés d'Arméniens, en y arrivant
    pour la première fois, le soussigné, adolescent, avait été choqué d'y
    voir, avant tout, une immense mosquée, sciemment dressée à l'entrée
    principale de la bourgade... ; par la suite, forcément sous la
    houlette des dirigeants de Damas, les Arméniens ont graduellement cédé
    la place, jusqu'à ne plus représenter qu'une proportion - en voie
    d'érosion continuelle encore - non seulement de la population mais
    même des propriétaires fonciers des lieux.

    Pour faire bonne mesure, ayons aussi le courage de mentionner une
    certaine responsabilité des nôtres. Car il y a eu abandon physique de
    Kessab, par voie d'émigration continue, en tout temps ; en pleine Pax
    Syriana même, donc bien avant le début de quelque indice de
    bouleversements. De surcroît, il y a eu aussi une tendance à disposer
    un peu trop htivement de biens et terres ancestraux, au profit de
    non-Arméniens. (Désolé pour cette dérogation à la "rectitude
    politique" interne, mais nous comparons ici Kessab à Shoushi, rien de
    moins, et il aurait donc été injuste envers nos compatriotes d'Artsakh
    de ne pas relever cette différence notoire aussi, entre les deux
    situations... Tout en rappelant à quelle sorte et à quel degré
    d'adversité ces derniers ont fait face, notamment durant la longue
    période de domination azérie, et ce, avec des moyens de résistance
    dérisoires...)

    À lumière de toutes les observations exposées ci-dessus, force est
    donc de constater que la seule action que nous pouvons mener
    aujourd'hui pour sauver Kessab se situe strictement sur le plan
    politique.

    Or, s'il s'agit là d'une obligation de moyen à laquelle nous ne
    saurions nous dérober, il ne faudra pas se faire d'illusions, sur le
    plan des résultats. D'une part, parce que dans un conflit armé de
    cette nature et de cette envergure, les démarches politiques sont en
    tout cas vaines, et encore plus, lorsqu'elles se limitent au niveau
    gentiment "citoyen". D'autres part, parce qu'en ce qui concerne la
    plupart des pays de la diaspora, les Arméniens frappent à la mauvaise
    porte... En l'occurrence, celle de ceux-là mêmes qui ont ouvert et qui
    tiennent la porte par laquelle sont entrés allègrement les
    envahisseurs de Kessab...

    Sauf si, avec l'assentiment de Bachar El Assad, le secteur est destiné
    à devenir une >, Kessab pourra être encore libéré.
    Enfin... Pour revenir, pour le moment, à la Syrie. .. Cela dit, eu
    égard à la mobilisation mondiale des Arméniens - surtout en Occident
    -, dressés dans un élan inhabituellement uni et coordonné pour se
    porter au secours de Kessab, Bachar El Assad pourrait même être tenté
    de prendre tout son temps, avant de refouler éventuellement les intrus
    venus de Turquie... Histoire de profiter le plus possible des effets
    de ce "lobby" international inespéré, dans des pays où lui-même ne
    pourra plus jamais remettre les pieds.

    En dernière analyse, tout comme dans le cas de l'Artsakh, le sort de
    Kessab dépend, ultimement du déroulement du conflit titanesque entre
    l'Ouest et l'Est. Et plus spécifiquement, des plans de Vladimir
    Poutine.

    Et c'est bien là, en définitive, le seul véritable point commun entre
    Kessab et Shoushi : le sort ultime de ces terres arméniennes dépend du
    régime actuel de Moscou. Et pas seulement de ces terres, d'ailleurs...

    Ce qui nous met, nous, citoyens d'États occidentaux, dans une
    situation hautement problématique. Pour le moins dire.

    Me Haytoug Chamlian

    Montréal, 04 avril 2014

    samedi 5 avril 2014,
    Ara (c)armenews.com

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