VIDEO. INDIGNATION APROS L'EXPULSION BRUTALE D'UNE FAMILLE ARMENIENNE
L'Express, France
08 08 2014
Par Jeremie Pham-Le
Deux associations d'aide aux migrants s'emeuvent de l'interpellation
et de l'expulsion d'une famille armenienne près de Nancy, qualifiees
de violentes. Alors qu'une plainte a ete deposee, le PS appelle le
gouvernement a faire toute "la lumière" sur cette affaire.
La famille B. est amère. Originaire d'Armenie, elle a ete
expulsee mercredi vers la capitale Erevan par la prefecture de
Meurthe-et-Moselle dans des conditions jugees "choquantes" par
son avocate. "Ils ont ete traites pire que comme des delinquants",
assure maître Brigitte Jeannot. Leur histoire a ete relayee par deux
associations d'aide aux migrants: la Cimade et Reseau education sans
frontières. Toutes deux denoncent pele-mele une procedure violente,
expeditive voire illegale. Meme le Parti socialiste, dans un communique
ce vendredi, se dit "stupefait" et exhorte le gouvernement a "faire
toute la lumière sur cette affaire qui ne peut que choquer."
Il est 6 heures du matin mardi lorsque des policiers et le secretaire
general de la prefecture, Jean-Francois Raffy, se presentent au
domicile de la famille. Il s'agit du centre d'accueil de demandeurs
d'asile (CADA) d'Essey-lès-Nancy. Ils y sont assignes a residence,
vises par une obligation de quitter le territoire francais. Le père,
Souren, 29 ans, refuse d'ouvrir.
Les versions divergent sur la suite des evènements. Selon les
temoignages recueillis par les associations, on lui propose de
suivre les services de police. En echange, on lui promet de laisser
tranquille sa famille: sa femme de 26 ans et ses deux filles de 7
ans et 8 mois. Confiant, Souren accepte. Mais alors qu'il est dans le
vehicule, des policiers se presentent a nouveau a son domicile, a 7
heures du matin. De son côte, la prefecture assure que les policiers
n'ont rien promis a Souren, qu'il est sorti de lui-meme negocier devant
l'immeuble. Il est embarque en premier dans le vehicule de police,
pendant que d'autres policiers se chargent de recuperer le reste de
la famille au domicile.
Un serrurier pour defoncer la porte
Quoi qu'il en soit, Asya, la mère, ne repond pas aux nouvelles
sollicitations des forces de l'ordre. Lesquelles font alors appel
a un serrurier pour ouvrir la porte. Asya et ses deux enfants sont
transportes de force par les agents, sous les insultes des temoins
presents. Choques par la violence employee, plusieurs d'entre eux
filment la scène. "Les cris de la mère etaient insupportables. J'ai
le sentiment desagreable que les droits n'ont pas ete respectes",
s'etrangle Pascal Laurent, adjoint au maire, present au moment de
l'interpellation.
La famille B. est ensuite transferee au Centre de retention
administrative (CRA) de Metz. Elle est expulsee le lendemain alors
meme qu'elle a fait recours devant le tribunal administratif sur la
legalite de son interpellation et de son enfermement. L'audience se
deroule jeudi sans sa presence car la mesure est non suspensive. Le
jugement a ete mis en delibere mais la famille est deja loin. Pour la
Cimade, il y a clairement "une strategie d'evitement de la justice
par la prefecture". De son côte, Reseau education sans frontières
note que la promesse de Francois Hollande selon laquelle plus aucun
enfant ne sera place en centre de retention a ete violee.
"Ni violences ni excès de zèle"
La famille a envoye une plainte au procureur de Metz pour violences et
violation du domicile. "La prefecture est passee en force. L'expulsion
du domicile est illegale", deplore maître Brigitte Jeannot. "Madame
nous a envoye des photos, elle presente encore des bleus. Et le mari
a ete expulse alors meme qu'il a fait une crise d'epilepsie en centre
de retention."
Jointe par L'Express, la prefecture de Meurthe-et-Moselle demine. "Ce
sont des situations humainement difficiles tant pour les eloignes que
pour les fonctionnaires", observe Jean-Francois Raffy, le secretaire
general. "Mais il n'y a eu ni violences, ni excès de zèle. La mère
a juste ete transportee. La famille savait qu'elle devait regagner
l'Armenie. Elle a ete deboutee a maintes reprises." Selon ce haut
fonctionnaire, le crochetage de la serrure etait legal etant donne
que les locaux des CADA sont publics. Quant a sa presence sur les
lieux, jugee disproportionnee, il la justifie pour les besoins
"des negociations." Selon le conseil de la famille B. pourtant,
les policiers ne seraient pas alles aussi loin si le fonctionnaire
n'avait pas ete la.
"Il y a un acharnement de la prefecture sur cette famille pour des
raisons qui m'echappent", regrette de son côte, l'elu Pascal Laurent.
"Je ne suis pas fier de ce qu'il s'est passe dans ma commune. J'ai
appris plus tard que j'aurais pu arreter la procedure, je le regrette
amèrement aujourd'hui."
Torture en Azerbaïdjan
L'autre versant de ce drame, ce sont les motifs de refus de demandes
de titres de sejour. Car Souren a connu une vie difficile. Selon son
avocate, il a demande l'asile a la France en 2011 après avoir effectue
son service militaire près de la frontière avec l'Azerbaïdjan. La-bas,
il est enleve puis torture par des soldats azeris. A son retour en
Armenie, il est accuse de trahison par le gouvernement. On l'accuse
en effet d'avoir fourni des renseignements a l'ennemi. Persecute, il
souffre depuis de problèmes psychiatriques. Il tente de se suicider
une fois.
"L'Armenie est un pays sûr et avec lequel la France a des liens. Son
etat medical n'a pas ete juge incompatible par les medecins avec
une mesure d'eloignement", assure pourtant Jean-Francois Raffy. La
famille B. espère en tout cas revenir en France en jour. Elle a fait
appel devant la cour administrative sur son obligation de quitter le
territoire mais la mesure, la encore, n'est pas suspensive. "Leurs
amis sont en France, leurs centres d'interets sont francais. Ils ont
des projets ici", resume leur avocate.
http://www.lexpress.fr/actualite/societe/fait-divers/video-indignation-apres-l-expulsion-brutale-d-une-famille-armenienne_1564906.html
L'Express, France
08 08 2014
Par Jeremie Pham-Le
Deux associations d'aide aux migrants s'emeuvent de l'interpellation
et de l'expulsion d'une famille armenienne près de Nancy, qualifiees
de violentes. Alors qu'une plainte a ete deposee, le PS appelle le
gouvernement a faire toute "la lumière" sur cette affaire.
La famille B. est amère. Originaire d'Armenie, elle a ete
expulsee mercredi vers la capitale Erevan par la prefecture de
Meurthe-et-Moselle dans des conditions jugees "choquantes" par
son avocate. "Ils ont ete traites pire que comme des delinquants",
assure maître Brigitte Jeannot. Leur histoire a ete relayee par deux
associations d'aide aux migrants: la Cimade et Reseau education sans
frontières. Toutes deux denoncent pele-mele une procedure violente,
expeditive voire illegale. Meme le Parti socialiste, dans un communique
ce vendredi, se dit "stupefait" et exhorte le gouvernement a "faire
toute la lumière sur cette affaire qui ne peut que choquer."
Il est 6 heures du matin mardi lorsque des policiers et le secretaire
general de la prefecture, Jean-Francois Raffy, se presentent au
domicile de la famille. Il s'agit du centre d'accueil de demandeurs
d'asile (CADA) d'Essey-lès-Nancy. Ils y sont assignes a residence,
vises par une obligation de quitter le territoire francais. Le père,
Souren, 29 ans, refuse d'ouvrir.
Les versions divergent sur la suite des evènements. Selon les
temoignages recueillis par les associations, on lui propose de
suivre les services de police. En echange, on lui promet de laisser
tranquille sa famille: sa femme de 26 ans et ses deux filles de 7
ans et 8 mois. Confiant, Souren accepte. Mais alors qu'il est dans le
vehicule, des policiers se presentent a nouveau a son domicile, a 7
heures du matin. De son côte, la prefecture assure que les policiers
n'ont rien promis a Souren, qu'il est sorti de lui-meme negocier devant
l'immeuble. Il est embarque en premier dans le vehicule de police,
pendant que d'autres policiers se chargent de recuperer le reste de
la famille au domicile.
Un serrurier pour defoncer la porte
Quoi qu'il en soit, Asya, la mère, ne repond pas aux nouvelles
sollicitations des forces de l'ordre. Lesquelles font alors appel
a un serrurier pour ouvrir la porte. Asya et ses deux enfants sont
transportes de force par les agents, sous les insultes des temoins
presents. Choques par la violence employee, plusieurs d'entre eux
filment la scène. "Les cris de la mère etaient insupportables. J'ai
le sentiment desagreable que les droits n'ont pas ete respectes",
s'etrangle Pascal Laurent, adjoint au maire, present au moment de
l'interpellation.
La famille B. est ensuite transferee au Centre de retention
administrative (CRA) de Metz. Elle est expulsee le lendemain alors
meme qu'elle a fait recours devant le tribunal administratif sur la
legalite de son interpellation et de son enfermement. L'audience se
deroule jeudi sans sa presence car la mesure est non suspensive. Le
jugement a ete mis en delibere mais la famille est deja loin. Pour la
Cimade, il y a clairement "une strategie d'evitement de la justice
par la prefecture". De son côte, Reseau education sans frontières
note que la promesse de Francois Hollande selon laquelle plus aucun
enfant ne sera place en centre de retention a ete violee.
"Ni violences ni excès de zèle"
La famille a envoye une plainte au procureur de Metz pour violences et
violation du domicile. "La prefecture est passee en force. L'expulsion
du domicile est illegale", deplore maître Brigitte Jeannot. "Madame
nous a envoye des photos, elle presente encore des bleus. Et le mari
a ete expulse alors meme qu'il a fait une crise d'epilepsie en centre
de retention."
Jointe par L'Express, la prefecture de Meurthe-et-Moselle demine. "Ce
sont des situations humainement difficiles tant pour les eloignes que
pour les fonctionnaires", observe Jean-Francois Raffy, le secretaire
general. "Mais il n'y a eu ni violences, ni excès de zèle. La mère
a juste ete transportee. La famille savait qu'elle devait regagner
l'Armenie. Elle a ete deboutee a maintes reprises." Selon ce haut
fonctionnaire, le crochetage de la serrure etait legal etant donne
que les locaux des CADA sont publics. Quant a sa presence sur les
lieux, jugee disproportionnee, il la justifie pour les besoins
"des negociations." Selon le conseil de la famille B. pourtant,
les policiers ne seraient pas alles aussi loin si le fonctionnaire
n'avait pas ete la.
"Il y a un acharnement de la prefecture sur cette famille pour des
raisons qui m'echappent", regrette de son côte, l'elu Pascal Laurent.
"Je ne suis pas fier de ce qu'il s'est passe dans ma commune. J'ai
appris plus tard que j'aurais pu arreter la procedure, je le regrette
amèrement aujourd'hui."
Torture en Azerbaïdjan
L'autre versant de ce drame, ce sont les motifs de refus de demandes
de titres de sejour. Car Souren a connu une vie difficile. Selon son
avocate, il a demande l'asile a la France en 2011 après avoir effectue
son service militaire près de la frontière avec l'Azerbaïdjan. La-bas,
il est enleve puis torture par des soldats azeris. A son retour en
Armenie, il est accuse de trahison par le gouvernement. On l'accuse
en effet d'avoir fourni des renseignements a l'ennemi. Persecute, il
souffre depuis de problèmes psychiatriques. Il tente de se suicider
une fois.
"L'Armenie est un pays sûr et avec lequel la France a des liens. Son
etat medical n'a pas ete juge incompatible par les medecins avec
une mesure d'eloignement", assure pourtant Jean-Francois Raffy. La
famille B. espère en tout cas revenir en France en jour. Elle a fait
appel devant la cour administrative sur son obligation de quitter le
territoire mais la mesure, la encore, n'est pas suspensive. "Leurs
amis sont en France, leurs centres d'interets sont francais. Ils ont
des projets ici", resume leur avocate.
http://www.lexpress.fr/actualite/societe/fait-divers/video-indignation-apres-l-expulsion-brutale-d-une-famille-armenienne_1564906.html