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Les Arméniens islamisés de Turquie, une nouvelle définition identita

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    Turquie Européenne
    9 août 2014

    Les Arméniens islamisés de Turquie, une nouvelle définition identitaire ?

    samedi 9 août 2014, par Nil Delahaye


    A la veille du 100e anniversaire du cauchemar de 1915, beaucoup se
    souviennent, d'autres découvrent, il est temps de partager la douleur
    pour la disperser. Mais quelle douleur ? Se souvenir de quoi
    exactement ? Pourra-t-on un jour savoir au juste la teneur de toutes
    les souffrances et lever les voiles qui recouvrent les vérités ?

    Eglise Surp GiragosCrédits : Nil Delahaye

    En novembre 2013, la Fondation Hrant Dink organisait une conférence de
    trois jours sur les Arméniens islamisés > à l'Université de Boðaziçi. Il est d'abord
    intéressant de noter la précision de l'expression permise par la
    langue turque qui marque la pluralité des situations retracées au
    cours de cette conférence en proposant de dire en même temps >, c'est-à-dire converti à l'islam, et >, c'est-à-dire forcé à l'Islam. Effectivement,
    plus on se penche sur le sujet, plus on comprend que comme bien
    souvent, la complexité des situations demande une analyse plurielle.
    Le sujet des Arméniens islamisés bouscule les préjugés et les théories
    identitaires et remet en question beaucoup d'a priori tout en
    proposant d'apporter une nouvelle pierre à l'édifice de la diversité
    en Turquie.

    On a appris l'existence des Arméniens récupérés, sauvés, adoptés,
    cachés mais aussi islamisés, asservis, mariés, assimilés, turquifiés,
    absorbés par la société > (c'est-à-dire musulmane, et en fait
    bien souvent kurde aussi) à l'époque des massacres de 1894 à 1918. On
    l'a appris notamment grce à l'avocate du défunt journaliste arménien
    de Turquie Hrant Dink, Fethiye Çetin, qui écrivait dans > paru en 2004 que son aïeule était une Arménienne qui
    avait dû cacher son identité toute sa vie durant, qu'elle se souvenait
    en fait des terribles conditions dans lesquelles sa famille avait été
    assassinée et qu'elle avait survécu par chance, en étant islamisée, >. Depuis que ce livre et d'autres, ainsi que des travaux
    individuels de Hrant Dink ont ouvert une lucarne sur le coeur de
    beaucoup de citoyens, les esprits ont changé, les recherches se sont
    multipliées, et la route vers la convalescence a été rejointe par une
    multitude de sentiers.

    Bien qu'il existe beaucoup de cas d'hommes et de garçons arméniens
    rescapés, lorsqu'on parle des Arméniens islamisés, on parle encore
    aujourd'hui beaucoup de grand-mères arméniennes dans les familles, ces
    petites filles qui d'une manière ou d'une autre ont été des rescapées
    du génocide. Selon Ayþe Gül Altýnay les histoires des femmes se
    partagent avec plus de facilité car dans les sociétés patriarcales qui
    dominent la quasi-totalité de notre monde, le lignage passe par les
    hommes. Donc une grand-mère arménienne ne remet pas en cause
    l'appartenance sociale et communautaire à la société musulmane. Tandis
    que ce passé identitaire devient beaucoup plus lourd de transmission
    et donc presque inavouable lorsqu'il s'agit d'un grand-père ou d'un
    père.

    Cependant, beaucoup d'histoires restent encore enfouies dans le
    silence du côté des femmes aussi ; Doris et Arda Melkonian avancent
    ainsi que certaines filles ont été données à la police comme
    pot-de-vin pour sauver le reste de la famille, leur être et leur
    identité sacrifiées en échange de la vie des autres membres de la
    famille. On a sacrifié leur pouvoir social, culturel et linguistique
    en échange de l'existence pleine et entière c'est-à-dire physique et
    identitaire, des leurs. L'aveu des origines représente donc là aussi
    psychologiquement et symboliquement un prix lourd à payer.

    Montagnes et vallées du DersimCrédits : Nil Delahaye

    Lors d'un voyage en Juin-Juillet 2014 en Anatolie (Diyarbakýr, Van,
    Dersim et Hemþin) pour assurer la traduction du documentaire d'Anna
    Benjamin . Pour le cas des rescapés Arméniens, il s'agit encore et
    même cent ans après d'un instinct de survie. Pour que sa descendance
    vive il faut absolument lui cacher la vérité sur ses origines. On
    retrouve dans beaucoup de cas une tendance à transmettre l'effacement
    même des traces de son passage sur terre et une discrétion infinie du
    souffle qui porte l'histoire de chacun. On ne transmet pas l'origine
    car on nous a promis qu'on survivrait si on devenait un citoyen
    neutre. Ne pas transmettre les origines, cela signifie aussi tuer la
    mémoire des aïeux. Quelque part tout le monde, les Arméniens aussi,
    participe un peu au mensonge et à l'amnésie de la présence
    socio-culturelle arménienne en Anatolie. C'est comme vendre sa mémoire
    (et celle de ses parents) pour acheter la vie de ses enfants.

    L'identité, une valeur remise en question par l'existence même des victimes

    Lors de la conférence organisée par la Fondation Hrant Dink et les
    semaines suivantes, il était intéressant d'entendre notamment le
    questionnement posé par les journalistes du journal Agos dans le
    programme Radyo Agos diffusé les samedis sur Açýk Radyo (une radio
    indépendante stambouliote). Jusqu'à présent, l'identité arménienne en
    Turquie ne s'affirmait pas tellement en relation à la langue que
    beaucoup n'ont pas eue l'occasion d'apprendre, mais surtout par la
    religion. Des minorités, telles que définies dans le Traité de
    Lausanne (1923) qui établit la république de Turquie ainsi que
    l'indépendance de l'Arménie, ne sont reconnues que les non-musulmanes.
    L'identité juridique des Arméniens tombe donc sous le coup de cette
    acceptation des minorités. Lorsqu'on parle d'Arméniens musulmans, on
    remet en question beaucoup de présomptions et l'idée même chamboule la
    terminologie attribuée à la description de cette communauté. Pour la
    communauté arménienne >, comment considérer ces gens qui
    sont en même temps un peu nous et un peu eux ? Comment, lorsque
    l'identité politique s'est constituée sur la lutte pour la liberté
    religieuse, peut-on accueillir des éléments de la majorité dans le
    discours identitaire ? Comment, lorsqu'une communauté est constituée
    de survivants d'un drame national, peut-on embrasser des métis qui
    sont tout autant du côté des victimes que des bourreaux ? La
    dichotomie déterminative de la communauté perd-elle tout son sens et
    sa raison d'être ? Si eux sont Arméniens, qui sommes-nous nous-mêmes ?
    et ainsi de suite...

    Dans son article émouvant Ayþe Gül Altýnay explique dans le journal Agos comment

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