Turquie
Menaces sur le premier film turc sur fond de génocide des Arméniens
Armenian Life Magazine 1429 -
Rédaction
13 août 2014
Le cinéaste germano-turc Fatih Akin et l'hebdomadaire bilingue
arménien-turc Agos ont reçu des menaces de mort envoyées par des Turcs
nationalistes, Agos ayant publié le mois dernier un entretien avec le
metteur en scène à propos de son nouveau film. Le contenu des
messages, un soutien massif aux auteurs des menaces et la passivité
des autorités sont une illustration sinistre de l'atmosphère actuelle
en Turquie. Les menaces de mort sont un présage pour l'an prochain,
celui du 100ème anniversaire du Génocide arménien.
Akin - auteur des films " Head on ", " Crossing the Bridge : the Sound
of Istanbul " et " Soul Kitchen " - avait accordé le 30 juillet une
longue interview à Agos à propos de " The Cut ", son nouveau film
centré sur le Génocide arménien. L'interview qui a été accueillie avec
grand intérêt comporte des révélations intéressantes.
Par exemple, Akin disait avoir réfléchi à un film sur la vie du
journaliste arménien Hrant Dink, l'ancien éditeur du journal Agos qui
a été assassiné en 2007, mais qu'aucun acteur qu'il a approché n'avait
accepté de tenir le rôle.
Akin a par la suite commencé à travailler sur un nouveau projet :
l'histoire d'un Arménien de Turquie qui, ayant échappé au massacre de
1915, entreprend la recherche de ses filles à travers le monde. Akin a
écrit le script en allemand, mais s'est décidé par la suite pour un
tournage en anglais. Il a demandé à cette fin la participation de
Mardik Martin, un scénariste américain de racines arménienne et
irakienne qui a contribué aux scripts de films de Martin Scorsese.
D'après Akin, Martin n'a pas seulement traduit ; il a modifié et donné
de l'intensité au script.
Le film - avec l'acteur français d'origine algérienne Tahar Rahim et
l'acteur turc Bartu Kucukcaglayan - a été tourné en Jordanie, à Cuba,
au Canada, à Malte et en Allemagne. Sa première projection est prévue
pour le prochain festival de Venise et seule la bande annonce est pour
l'instant disponible.
Akin a dit à Agos qu'il ne considérait pas " The Cut " comme un film
sur le Génocide arménien, mais plutôt comme un film d'aventure. Il a
dit ne pas avoir eu, pour le faire, de motivations politiques et qu'il
espérait que le film " pourra recevoir en Turquie l'accueil qui
convient et être projeté dans les grandes salles ".
Akin était conscient que le sort de son film ne serait pas le même que
celui réservé à d'autres en Turquie, même s'il n'est pas basé sur le
thème du génocide. " The Cut ", après tout, est le premier film d'un
metteur en scène turc qui aborde les événements de 1915. Le cinéaste
cependant, reste optimiste et selon lui, la projection du film en
Turquie se fera sans problèmes. " J'ai confiance ; le peuple turc,
dont je fais partie, est prêt pour ce genre de film ", a-t-il dit Ã
Agos.
Cependant, dès la parution de cet entretien, un tweet de l'Association
Pan - Turquiste Touranienne montrait qu'il se pourrait qu'Akin ait été
trop optimiste.
On lit dans le message : " Le processus est déclenché, sous la
direction du journal Agos, pour la projection du film de Fatih Akin
sur le soi-disant Génocide arménien ' The Cut ' en Turquie. ' The Cut
' est le premier maillon de la chaîne d'un complot pour faire
reconnaître par la Turquie les mensonges du Génocide arménien avant
2015, et nous... ne permettrons pas qu'il soit projeté en Turquie.
Nous menaçons ouvertement le journal Agos, les fascistes arméniens, et
les intellectuels complaisants. Ce film ne sera projeté dans aucune
salle de Turquie. Nous suivons le développement coiffés de nos bérets
blancs sous la bannière dorée azérie. Nous verrons si vous en êtes
capables ! ".
La métaphore du " béret blanc " devient un sinistre message. Ogun
Samast, l'assassin présumé de Hrant Dink, portait un béret blanc
lorsqu'il a tiré dans la nuque de Dink, devant les locaux d'Agos au
centre d'Istanbul, le 19 janvier 2007. Le béret blanc est depuis
devenu le symbole fréquemment arboré par les participants aux
manifestations racistes et nationalistes anti-arméniennes.
La menace de l'Association Touranienne a été relayée sur les media
sociaux par les messages de soutien d'autres groupes
ultranationalistes.
Les événements qui s'ensuivirent ont démontré que les autorités
turques n'ont rien appris du meurtre de Hrant Dink, qui avait été
précédé de menaces similaires. Selon le code pénal turc, ces messages
constituent une infraction criminelle pour plusieurs raisons, depuis
les menaces qu'ils comportent jusqu'Ã la tenue d'un discours de haine.
Les poursuites engagées contre les auteurs de ces infractions
n'impliquent pas que des plaintes soient déposées par les victimes ;
la loi donne aux procureurs les pouvoirs de déclencher l'action
publique. Malheureusement, le discours de haine contre les minorités
ne retient nullement l'attention du procureur.
Dans une réaction parue dans Al-Monitor, le rédacteur en chef d'Agos
Robert Koptas a dit que la publication s'était habituée à recevoir des
menaces, considérant la passivité des autorités comme la norme. " Pour
nous, la situation n'est pas extraordinaire. Et le fait que la
situation ne soit pas extraordinaire est en lui-même une indication de
l'atmosphère dans laquelle nous vivons " a-t-il dit.
" Il nous a fallu cette fois encore déposer une plainte, en dépit du
fait que la police et la justice étaient sensées s'être déjà saisies
de ces infractions. Nous ne demandons pas de protection particulière,
mais nous sommes une publication dont l'éditeur-en-chef a été
assassiné devant son propre bureau. Aussi, les menaces que nous
recevons sont supposées avoir une signification particulière pour la
police et les procureurs " a déclaré Koptas. Il a ajouté qu'aucun
officiel du gouvernement ne l'avait appelé au sujet de ces menaces ni
fait aucune déclaration publique sur ce point.
Les menaces indiquent que certaines tensions et turbulences sont
attendues en Turquie en 2015, année du centenaire du Génocide
arménien. Le débat sur le Génocide arménien en Turquie est devenu
libre comme il ne l'a jamais été. Les événements commémoratifs sont Ã
présent organisés à travers la Turquie les 24 avril, jour du souvenir
du Génocide. Encore que le dernier incident démontre que les groupes
ultranationalistes sont en état d'alerte, l'anniversaire approchant.
Les menaces dirigées contre le film d'Akin démontrent que certains
milieux en Turquie n'ont rien perdu de leur intolérance et enhardis
par le défaut d'agir de la justice, se sentent libres de s'en prendre
à qui ils veulent. Il semble qu'aucune leçon du passé n'ait été
apprise.
Traduction Gilbert Béguian pour Armenews
samedi 16 août 2014,
Jean Eckian (c)armenews.com
http://www.armenews.com/article.php3?id_article=102446
https://www.youtube.com/watch?v=khpZ3NtPjTM
From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress
Menaces sur le premier film turc sur fond de génocide des Arméniens
Armenian Life Magazine 1429 -
Rédaction
13 août 2014
Le cinéaste germano-turc Fatih Akin et l'hebdomadaire bilingue
arménien-turc Agos ont reçu des menaces de mort envoyées par des Turcs
nationalistes, Agos ayant publié le mois dernier un entretien avec le
metteur en scène à propos de son nouveau film. Le contenu des
messages, un soutien massif aux auteurs des menaces et la passivité
des autorités sont une illustration sinistre de l'atmosphère actuelle
en Turquie. Les menaces de mort sont un présage pour l'an prochain,
celui du 100ème anniversaire du Génocide arménien.
Akin - auteur des films " Head on ", " Crossing the Bridge : the Sound
of Istanbul " et " Soul Kitchen " - avait accordé le 30 juillet une
longue interview à Agos à propos de " The Cut ", son nouveau film
centré sur le Génocide arménien. L'interview qui a été accueillie avec
grand intérêt comporte des révélations intéressantes.
Par exemple, Akin disait avoir réfléchi à un film sur la vie du
journaliste arménien Hrant Dink, l'ancien éditeur du journal Agos qui
a été assassiné en 2007, mais qu'aucun acteur qu'il a approché n'avait
accepté de tenir le rôle.
Akin a par la suite commencé à travailler sur un nouveau projet :
l'histoire d'un Arménien de Turquie qui, ayant échappé au massacre de
1915, entreprend la recherche de ses filles à travers le monde. Akin a
écrit le script en allemand, mais s'est décidé par la suite pour un
tournage en anglais. Il a demandé à cette fin la participation de
Mardik Martin, un scénariste américain de racines arménienne et
irakienne qui a contribué aux scripts de films de Martin Scorsese.
D'après Akin, Martin n'a pas seulement traduit ; il a modifié et donné
de l'intensité au script.
Le film - avec l'acteur français d'origine algérienne Tahar Rahim et
l'acteur turc Bartu Kucukcaglayan - a été tourné en Jordanie, à Cuba,
au Canada, à Malte et en Allemagne. Sa première projection est prévue
pour le prochain festival de Venise et seule la bande annonce est pour
l'instant disponible.
Akin a dit à Agos qu'il ne considérait pas " The Cut " comme un film
sur le Génocide arménien, mais plutôt comme un film d'aventure. Il a
dit ne pas avoir eu, pour le faire, de motivations politiques et qu'il
espérait que le film " pourra recevoir en Turquie l'accueil qui
convient et être projeté dans les grandes salles ".
Akin était conscient que le sort de son film ne serait pas le même que
celui réservé à d'autres en Turquie, même s'il n'est pas basé sur le
thème du génocide. " The Cut ", après tout, est le premier film d'un
metteur en scène turc qui aborde les événements de 1915. Le cinéaste
cependant, reste optimiste et selon lui, la projection du film en
Turquie se fera sans problèmes. " J'ai confiance ; le peuple turc,
dont je fais partie, est prêt pour ce genre de film ", a-t-il dit Ã
Agos.
Cependant, dès la parution de cet entretien, un tweet de l'Association
Pan - Turquiste Touranienne montrait qu'il se pourrait qu'Akin ait été
trop optimiste.
On lit dans le message : " Le processus est déclenché, sous la
direction du journal Agos, pour la projection du film de Fatih Akin
sur le soi-disant Génocide arménien ' The Cut ' en Turquie. ' The Cut
' est le premier maillon de la chaîne d'un complot pour faire
reconnaître par la Turquie les mensonges du Génocide arménien avant
2015, et nous... ne permettrons pas qu'il soit projeté en Turquie.
Nous menaçons ouvertement le journal Agos, les fascistes arméniens, et
les intellectuels complaisants. Ce film ne sera projeté dans aucune
salle de Turquie. Nous suivons le développement coiffés de nos bérets
blancs sous la bannière dorée azérie. Nous verrons si vous en êtes
capables ! ".
La métaphore du " béret blanc " devient un sinistre message. Ogun
Samast, l'assassin présumé de Hrant Dink, portait un béret blanc
lorsqu'il a tiré dans la nuque de Dink, devant les locaux d'Agos au
centre d'Istanbul, le 19 janvier 2007. Le béret blanc est depuis
devenu le symbole fréquemment arboré par les participants aux
manifestations racistes et nationalistes anti-arméniennes.
La menace de l'Association Touranienne a été relayée sur les media
sociaux par les messages de soutien d'autres groupes
ultranationalistes.
Les événements qui s'ensuivirent ont démontré que les autorités
turques n'ont rien appris du meurtre de Hrant Dink, qui avait été
précédé de menaces similaires. Selon le code pénal turc, ces messages
constituent une infraction criminelle pour plusieurs raisons, depuis
les menaces qu'ils comportent jusqu'Ã la tenue d'un discours de haine.
Les poursuites engagées contre les auteurs de ces infractions
n'impliquent pas que des plaintes soient déposées par les victimes ;
la loi donne aux procureurs les pouvoirs de déclencher l'action
publique. Malheureusement, le discours de haine contre les minorités
ne retient nullement l'attention du procureur.
Dans une réaction parue dans Al-Monitor, le rédacteur en chef d'Agos
Robert Koptas a dit que la publication s'était habituée à recevoir des
menaces, considérant la passivité des autorités comme la norme. " Pour
nous, la situation n'est pas extraordinaire. Et le fait que la
situation ne soit pas extraordinaire est en lui-même une indication de
l'atmosphère dans laquelle nous vivons " a-t-il dit.
" Il nous a fallu cette fois encore déposer une plainte, en dépit du
fait que la police et la justice étaient sensées s'être déjà saisies
de ces infractions. Nous ne demandons pas de protection particulière,
mais nous sommes une publication dont l'éditeur-en-chef a été
assassiné devant son propre bureau. Aussi, les menaces que nous
recevons sont supposées avoir une signification particulière pour la
police et les procureurs " a déclaré Koptas. Il a ajouté qu'aucun
officiel du gouvernement ne l'avait appelé au sujet de ces menaces ni
fait aucune déclaration publique sur ce point.
Les menaces indiquent que certaines tensions et turbulences sont
attendues en Turquie en 2015, année du centenaire du Génocide
arménien. Le débat sur le Génocide arménien en Turquie est devenu
libre comme il ne l'a jamais été. Les événements commémoratifs sont Ã
présent organisés à travers la Turquie les 24 avril, jour du souvenir
du Génocide. Encore que le dernier incident démontre que les groupes
ultranationalistes sont en état d'alerte, l'anniversaire approchant.
Les menaces dirigées contre le film d'Akin démontrent que certains
milieux en Turquie n'ont rien perdu de leur intolérance et enhardis
par le défaut d'agir de la justice, se sentent libres de s'en prendre
à qui ils veulent. Il semble qu'aucune leçon du passé n'ait été
apprise.
Traduction Gilbert Béguian pour Armenews
samedi 16 août 2014,
Jean Eckian (c)armenews.com
http://www.armenews.com/article.php3?id_article=102446
https://www.youtube.com/watch?v=khpZ3NtPjTM
From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress