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Édouard Pertian, chantre des humbles et de la nature

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  • Édouard Pertian, chantre des humbles et de la nature

    L'Orient-Le Jour, Liban
    29 aout 2014

    Édouard Pertian, chantre des humbles et de la nature

    Portrait

    Sorti de l'ombre et de la folie, Van Gogh de l'Arménie profonde depuis
    l'ère soviétique jusqu'à nos jours, Édouard Pertian chevauche presque
    un siècle de tourmente et de quête existentielle. En tendant toujours
    vers la sérénité et la paix.

    Edgar DAVIDIAN | OLJ

    Une histoire de vie digne d'un roman. Un roman hugolien, balzacien,
    tolstoïen ou tout simplement . Entre ombre et lumière,
    déchéance et reconnaissance publique, brimade et quête éperdue, une
    vie d'errance, de privation et surtout de refuge dans la peinture. Ce
    serait un peu Van Gogh, dans toute sa déroute de traversée humaine, au
    pays de Grégoire l'Illuminateur. Telle est la bouleversante histoire
    du peintre Édouard Pertian.

    Exil, misère, solitude, aliénation, damnation et salvation se côtoient
    dans son pinceau frémissant de tension, imbibé d'une certaine révolte
    et pourtant tendu vers la sérénité et la paix. En couleurs vibrantes
    et flamboyantes. Sur fond de contrastes violents et de lignes
    tourmentées. Dans des paysages d'une simplicité désarmante où
    chevauchées fantastiques d'alezans aux crinières folles épousent les
    dômes des églises abandonnées à flancs de coteaux aux herbages
    desséchés.

    Édouard Pertian, c'est ce cri entre la désespérance des hommes et la
    mansuétude de Dieu, c'est ce regard entre le délabrement des villages
    de bout du monde et le réconfort auprès des animaux aussi perdus que
    les vivants. C'est ce chant de la terre entre cycle des saisons et la
    résignation des gens humbles.

    Mais on revient toujours aux origines pour expliquer une oeuvre, une
    création. Celle de cet artiste, né en 1930, en pleine horreur et
    dictature staliniennes, dans les quartiers les plus putrides d'Erevan,
    porte déjà l'empreinte de la souffrance et du désarroi.

    Cette peinture aux humeurs moroses et grises déplaît au système
    stakhanoviste. On corrige sans ménagement le récalcitrant qui ne se
    plie pas aux diktats de l'art soviétique prônant le bonheur des
    ouvriers dans le travail acharné et la gloire à un État déifié. Mais
    Édouard Pertian, impertinent coloriste, impénitent rêveur et
    incorrigible dissident, se dérobe et retourne à Gond, son quartier de
    misère et de miséreux.

    Il vit d'expédients et peint tout ce qui lui tombe sous la main. Une
    frénésie créative pour survivre, respirer, garder la tête hors de
    l'eau, éviter la folie absolue, échapper au sort funeste de suicidé de
    la société. Sur son chevalet nomade, car il se jette sur les routes,
    il ressuscite les pierres et les pierrailles des masures, aborde des
    paysannes devisant avec leurs fichus et haillons, croise un
    violoncelliste qui joue en pleine rue devant des chiens indifférents
    ou médusés, prie dans des églises isolées aux nefs branlantes,
    surprend des hameaux calfeutrés au coeur des verdures indisciplinées,
    médite devant des cerisiers en fleurs, blancs comme les voiles d'une
    mariée.

    Richesse et pauvreté, éclat du jour et décomposition des mes privées
    de lumière, telle est cette peinture d'une grande vigueur. Une
    peinture sans sophistication, mais originale et intense par son
    impressionnisme décapant. Une peinture où les branches des arbres,
    même au printemps, ont des torsions et des contorsions d'une demande
    de la dernière grce. Témoignage éloquent d'une Arménie en prise avec
    l'histoire. On ne passe pas impunément l'écran du temps et encore
    moins les changements des systèmes politiques.

    Aujourd'hui, au gré d'une rencontre fortuite, à plus de 80 ans, pris
    en charge par un galeriste libanais, Édouard Pertian a largement
    dépassé les frontières du pays de l'Araxe. Et ses toiles sont sous les
    spots des cimaises de Pékin à New York, en passant par Buenos Aires,
    Montréal, Beyrouth et Las Vegas. Un repêchage salué avec enthousiasme
    par la presse et le public.
    Ses déshérités, ses natures ombrageuses et joyeuses à la fois, son
    spleen nihiliste, ses carrioles d'un autre temps, ses variations de
    thèmes de personnages démunis et sa faune domestique, entre
    caquètement, cavalcade, miaulement et aboiement, révèlent un monde
    touchant. Au plus près de la simplicité et du dénuement. Dans un
    lyrisme aux horizons souvent plombés malgré l'image d'une échappée
    belle. Avec une splendeur au naturel et une inébranlable foi en un
    Dieu bienveillant. Le tout nimbé, avec éclat, d'humilité, de dignité
    et de beauté.
    Le pinceau d'Édouard Pertian est celui d'un vrai chroniqueur rural.
    Dénonciateur, certes, mais profondément humain. Tout en teintes
    fauves, veloutées, hérissées, douces, caressantes. Comme le parfum
    d'une nostalgie indéfinissable. Tel un feu de bois qui rassure et
    réchauffe.

    http://www.lorientlejour.com/article/883274/edouard-pertian-chantre-des-humbles-et-de-la-nature.html

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