REVUE DE PRESSE
Une Turque s'exprime pour les Arméniens Islamisés
Ayant lu pendant dix ans des articles sur Fethiye Cetin et les livres
dont elle est l'auteur, j'avais d'elle l'image d'une femme amère et
fragile, désabusée peut-être, l'ge aidant, étant données les épreuves
traversées dans sa vie personnelle et professionnelle. J'ai été très
surprise : Cetin est tout à fait à l'opposé. Son sourire est
expressif. Elle évoque les questions les plus sombres d'une voix
plutôt douce, chaleureuse et avec une profonde compassion. L'attitude
affable et calme de Cetin est une rareté sur la scène politique
turque. J'ai appris après l'interview que mes observations étaient
partagées par tous ceux qui l'avaient rencontrée à Los Angeles ou en
Turquie.
Cetin est née à Maden, dans la province de l'est Elazig, en 1950. Sa
grand-mère maternelle, Seher, a choisi Cetin pour lui révéler son
secret longtemps gardé : elle était une Arménienne, rescapée des
marches de la mort de 1915, grce à un soldat qui la fit adopter par
sa famille. Son vrai nom était Héranouch, et en 1915, elle était gée
d'une dizaine d'année. Les Arméniens partis, les noms de leurs
localités furent changés, comme le furent les noms des orphelins.
Seher a été élevée comme une Turque musulmane. Lorsque Seher mourut en
2000, Cetin fit passer un avis de décès dans l'hebdomadaire Agos, la
Voix de la communauté des Arméniens de Turquie. Cetin était une amie
proche de l'éditeur et propriétaire d'Agos, Hrant Dink, assassiné en
2007. Cet avis traversa les océans et fut lu par la soeur cadette de
Seher et par ses cousins, la famille Gadaryan, qui appelèrent Agos.
Cetin put les rencontrer à New York. En 2004, Cetin publia un livre
qui fit du bruit, " My Grandmother ", l'histoire de sa grand-mère, qui
fut par la suite traduit en 13 langues. Elle publia en 2009 son second
livre " The Grandchildren ", les Petits-Enfants, traduit en trois
langues, des interviews de petits-enfants des Chrétiens cachés de
Turquie. Dans son livre récent, " I Feel Shame ", [J'ai Honte] elle
exprime ses doutes et préoccupations dans l'affaire Hrant Dink, dans
laquelle elle est avocate pour la famille de Hrant Dink.
À l'invitation de l'United Armenian Council pour la Commémoration du
Génocide Arménien, Cetin était à Los Angeles du 12 au 24 novembre.
Al Monitor : Il y a dix ans était publié votre livre " My Grandmother
". C'était un livre retentissant. Une décennie plus tard, comment
voyez-vous son impact dans la société turque et au-delà , dans les
milieux politiques ?
Cetin : Les événements de 1915 étaient tabou en Turquie ; on n'en
parlait ni en public ni en privé. Il régnait vis-à -vis d'eux un
silence douloureux. On gardait le silence sur le Génocide arménien, et
on gardait le silence sur les Arméniens islamisés. Étudiante, j'ai été
emprisonnée un court moment en 1980 pour avoir manifesté contre le
régime militaire. Nous étions intrépides et affirmions notre
résistance à haute voix. Nous scandions et criions nos slogans. Dans
notre petite cellule, comme femme résistante, nous avons créé des
liens d'amitié, et malgré cela, quand la question des racines
arméniennes était évoquée, nous en parlions du bout des lèvres. C'est
cela qui m'a amenée dans les décennies d'ouverture, plus tard [en
2004], Ã publier ce livre. J'ai voulu que cela soit entendu haut et
fort. Je pensais avoir cette dette envers ma grand-mère et envers ceux
qui survécurent aux événements, eux dont les vies et les identités ont
complètement changé et à qui on n'a jamais donné la parole. La plupart
de nos grands-parents sont morts à présent. Nous ne savons pas ce
qu'ils ont enduré mais nous savons qu'ils sont restés silencieux. Je
pense qu'un génocide ne se résume pas en un nombre de personnes qui
ont été massacrés, il se mesure aussi à l'étendue, et à la profondeur
du silence dans la société envers ce génocide. Plus le silence est
profond, plus est profonde la tragédie humaine qu'il recouvre.
Pour moi, personnellement, le livre a été reçu positivement. Je n'ai
eu à subir aucune persécution. Auparavant, des auteurs connus, comme
Orhan Pamuk, ont subi des attaques pour avoir abordé une question
similaire, mais mon livre a été reçu positivement. Et nous en avons
ressenti de l'espoir pour rompre le silence. Après mon premier livre,
" My Grandmother ", les gens ont commencé à se poser des questions sur
leur propre ascendance. Bien sûr en Turquie peu de familles
connaissent leur arbre généalogique. Cependant, après la parution du
livre, des jeunes ont commencé à poser des questions. Ils ont réalisé
que quelques-unes des histoires de famille avaient des lacunes et
qu'elles devraient être abordées. Certains disaient, " Il est curieux
que ma grand-mère n'ait aucun parent vivant ; serait-elle d'origine
grecque ou arménienne ? ". Ils ont commencé à s'informer. Il n'est pas
possible de recenser exactement les petits-enfants d'Arméniens
islamisés aujourd'hui, mais de leur histoire a découlé le second
livre. Après la publication de " My Grandmother ", ma famille s'est
scindée en deux camps. Un groupe m'en voulait, demandant : " Pourquoi
ressortir ces histoires à présent ? ". " Pourquoi révéler notre
identité aux yeux de tout le monde ? ". Ils étaient inquiets de
possibles réactions négatives. Dans l'autre moitié, en particulier
celle de la génération plus jeune, on acceptait et on s'étonnait. Cela
m'a donné de l'espoir.
Al Monitor : Ainsi, vous n'avez pas eu de réactions négatives à votre
livre ? Et vous n'avez pas employé dans le livre le mot " génocide " -
qui est toujours inacceptable, selon l'état turc. Était-ce une
décision délibérée de votre part ?
Cetin : Je n'ai pas employé le mot parce que ma grand-mère ne l'a pas
employé. Je voulais m'en tenir à la vérité de son histoire dans ce
livre. Employer le mot " génocide " aurait relevé de ma propre
interprétation. Mon objectif dans ce livre était de présenter son
histoire. Je ne voulais pas passer de message sur la façon dont on
devrait comprendre aujourd'hui ces événements ; je tenais à écrire sa
vie et ses expériences. Telle est, je pense, la raison de l'émotion
que suscite la vie humaine racontée dans ce livre. Des personnes, même
issues de mouvements nationalistes en Turquie, m'arrêtent encore dans
la rue et me disent comment il les a amenés à se poser des questions
sur leur ascendance et comment il leur a fait connaître des parents
dont ils ignoraient l'existence ; c'est parce que ce n'était rien
d'autre qu'une histoire humaine et que c'était la première fois que le
voile était retiré sur une histoire cachée. Au cours d'une
présentation du livre à un groupe de jeunes hommes, on me dit : "
C'est bien d'avoir écrit un livre sur votre grand-mère islamisée, mais
nous aurions souhaité que vous ayez écrit d'autres histoires, celles
des épreuves subies par les grands-mères turques ". J'ai répondu : "
J'ai raconté l'histoire de ma propre grand-mère et j'aimerais lire
d'autres histoires ".
Al Monitor : Votre arrivée sur la scène publique avec votre grand-mère
arménienne et l'assassinat de votre ami Hrant Dink en 2007 se sont
produits sous le gouvernement du parti Justice et Développement [AKP].
Quelle idée vous faites-vous, en cette période, du changement de la
perception sur l' " être Arménien " dans la société turque ?
Cetin : Un grand changement. On peut, sans doute aucun, parler de
l'identité arménienne plus librement à présent. L'AKP s'est comporté
au début plutôt positivement envers les minorités, avec son projet de
restitution, aux minorités concernées, des biens des églises, temples
et autres édifices de fondations. Une certaine détente s'est fait
ressentir dans la sphère sociale des diverses identités. Lorsque Hrant
fut assassiné, en 2007, nous avons vu des milliers de personnes
pendant des heures rassemblés sur les lieux du meurtre, en solidarité
avec sa famille. Pendant les funérailles, ils étaient des millions en
cortège, criant " Nous sommes tous Hrant, nous sommes tous Arméniens
".
Cela était sans précédent. Et pourtant, l'affaire de son assassinat
n'est toujours pas close, parce que des questions subsistent. Des
sentiments négatifs sont toujours entretenus par quelques groupes et
relayés de temps à autres par des hauts-fonctionnaires du gouvernement
à propos des Arméniens. Même des pas limités, tels celui de la
nomination d'un écrivain Arménien comme conseiller du premier
ministre, peuvent être vus positivement. Et cependant, la perception
que les minorités sont des collaborateurs de forces étrangères est
encore vivante. En outre, l'AKP a donné un peu d'espace aux
intellectuels en rendant plus difficile les poursuites pour insulte Ã
l'identité turque, par exemple ; il faut dorénavant au procureur la
permission du ministre de la justice avant d'engager des poursuites.
Il ne s'agit pourtant pas d'une solution définitive ; que se
passerait- il si le ministre était remplacé par un autre dont la
perception serait différente ? En matière d'atteintes aux droits de
l'homme, les solutions sont toujours provisoires.
Al Monitor : Comment voyez-vous votre audience en Californie-Sud, et
en Turquie ?
Cetin : Je ne suis pas allée aux États-Unis depuis 2004. Je me rends Ã
Los Angeles pour la première fois et mon audience là -bas est
principalement celle d'Arméniens d'Amérique. Ainsi, si je devais les
comparer à mes audiences en Turquie, les deux groupes sont presque
identiques quant à leurs sentiments. J'observe des réactions
similaires aux histoires que je raconte. Il apparaît important pour
les deux audiences que le silence soit rompu, et les mémoires
exprimées, parce que c'est ainsi que les blessures commencent à se
refermer. C'est ainsi que nous avons engagé la restauration des
fontaines dans le village natal de ma grand-mère en Turquie. Ces
fontaines étaient construites par des Arméniens résidents avant 1915 ;
elles étaient en ruines. Nous avons invité des jeunes Arméniens
d'Arménie, de France et des États-Unis pour accompagner des Turcs et
des Kurdes volontaires, venus de tout le pays, pour les remettre en
état. L'Arménien était à nouveau parlé à haute voix dans la ville
après des décennies. Ces fontaines sont aujourd'hui en état. Elles se
dressent comme un signe de notre guérison personnelle et de la
guérison de la société, parce que nous nous sommes réapproprié notre
histoire commune. En 2012, un documentaire titré " Les Fontaines
d'Habap ; histoire d'une Restauration " a été diffusé pour partager
cette histoire avec des gens qui ne visiteront peut-être jamais Habap,
mais pour leur montrer qu'une possibilité de cicatrisation des plaies
existe par la coopération plutôt que par la négation des différences.
Pinar Tremblay
Al-Monitor
23 novembre 2014
Traduction Gilbert Béguian
http://www.al-monitor.com/pulse/originals/2014/11/turkey-united-states-islamized-armenians.html##ixzz3KExfvISy
dimanche 7 décembre 2014,
Stéphane (c)armenews.com
From: A. Papazian
Une Turque s'exprime pour les Arméniens Islamisés
Ayant lu pendant dix ans des articles sur Fethiye Cetin et les livres
dont elle est l'auteur, j'avais d'elle l'image d'une femme amère et
fragile, désabusée peut-être, l'ge aidant, étant données les épreuves
traversées dans sa vie personnelle et professionnelle. J'ai été très
surprise : Cetin est tout à fait à l'opposé. Son sourire est
expressif. Elle évoque les questions les plus sombres d'une voix
plutôt douce, chaleureuse et avec une profonde compassion. L'attitude
affable et calme de Cetin est une rareté sur la scène politique
turque. J'ai appris après l'interview que mes observations étaient
partagées par tous ceux qui l'avaient rencontrée à Los Angeles ou en
Turquie.
Cetin est née à Maden, dans la province de l'est Elazig, en 1950. Sa
grand-mère maternelle, Seher, a choisi Cetin pour lui révéler son
secret longtemps gardé : elle était une Arménienne, rescapée des
marches de la mort de 1915, grce à un soldat qui la fit adopter par
sa famille. Son vrai nom était Héranouch, et en 1915, elle était gée
d'une dizaine d'année. Les Arméniens partis, les noms de leurs
localités furent changés, comme le furent les noms des orphelins.
Seher a été élevée comme une Turque musulmane. Lorsque Seher mourut en
2000, Cetin fit passer un avis de décès dans l'hebdomadaire Agos, la
Voix de la communauté des Arméniens de Turquie. Cetin était une amie
proche de l'éditeur et propriétaire d'Agos, Hrant Dink, assassiné en
2007. Cet avis traversa les océans et fut lu par la soeur cadette de
Seher et par ses cousins, la famille Gadaryan, qui appelèrent Agos.
Cetin put les rencontrer à New York. En 2004, Cetin publia un livre
qui fit du bruit, " My Grandmother ", l'histoire de sa grand-mère, qui
fut par la suite traduit en 13 langues. Elle publia en 2009 son second
livre " The Grandchildren ", les Petits-Enfants, traduit en trois
langues, des interviews de petits-enfants des Chrétiens cachés de
Turquie. Dans son livre récent, " I Feel Shame ", [J'ai Honte] elle
exprime ses doutes et préoccupations dans l'affaire Hrant Dink, dans
laquelle elle est avocate pour la famille de Hrant Dink.
À l'invitation de l'United Armenian Council pour la Commémoration du
Génocide Arménien, Cetin était à Los Angeles du 12 au 24 novembre.
Al Monitor : Il y a dix ans était publié votre livre " My Grandmother
". C'était un livre retentissant. Une décennie plus tard, comment
voyez-vous son impact dans la société turque et au-delà , dans les
milieux politiques ?
Cetin : Les événements de 1915 étaient tabou en Turquie ; on n'en
parlait ni en public ni en privé. Il régnait vis-à -vis d'eux un
silence douloureux. On gardait le silence sur le Génocide arménien, et
on gardait le silence sur les Arméniens islamisés. Étudiante, j'ai été
emprisonnée un court moment en 1980 pour avoir manifesté contre le
régime militaire. Nous étions intrépides et affirmions notre
résistance à haute voix. Nous scandions et criions nos slogans. Dans
notre petite cellule, comme femme résistante, nous avons créé des
liens d'amitié, et malgré cela, quand la question des racines
arméniennes était évoquée, nous en parlions du bout des lèvres. C'est
cela qui m'a amenée dans les décennies d'ouverture, plus tard [en
2004], Ã publier ce livre. J'ai voulu que cela soit entendu haut et
fort. Je pensais avoir cette dette envers ma grand-mère et envers ceux
qui survécurent aux événements, eux dont les vies et les identités ont
complètement changé et à qui on n'a jamais donné la parole. La plupart
de nos grands-parents sont morts à présent. Nous ne savons pas ce
qu'ils ont enduré mais nous savons qu'ils sont restés silencieux. Je
pense qu'un génocide ne se résume pas en un nombre de personnes qui
ont été massacrés, il se mesure aussi à l'étendue, et à la profondeur
du silence dans la société envers ce génocide. Plus le silence est
profond, plus est profonde la tragédie humaine qu'il recouvre.
Pour moi, personnellement, le livre a été reçu positivement. Je n'ai
eu à subir aucune persécution. Auparavant, des auteurs connus, comme
Orhan Pamuk, ont subi des attaques pour avoir abordé une question
similaire, mais mon livre a été reçu positivement. Et nous en avons
ressenti de l'espoir pour rompre le silence. Après mon premier livre,
" My Grandmother ", les gens ont commencé à se poser des questions sur
leur propre ascendance. Bien sûr en Turquie peu de familles
connaissent leur arbre généalogique. Cependant, après la parution du
livre, des jeunes ont commencé à poser des questions. Ils ont réalisé
que quelques-unes des histoires de famille avaient des lacunes et
qu'elles devraient être abordées. Certains disaient, " Il est curieux
que ma grand-mère n'ait aucun parent vivant ; serait-elle d'origine
grecque ou arménienne ? ". Ils ont commencé à s'informer. Il n'est pas
possible de recenser exactement les petits-enfants d'Arméniens
islamisés aujourd'hui, mais de leur histoire a découlé le second
livre. Après la publication de " My Grandmother ", ma famille s'est
scindée en deux camps. Un groupe m'en voulait, demandant : " Pourquoi
ressortir ces histoires à présent ? ". " Pourquoi révéler notre
identité aux yeux de tout le monde ? ". Ils étaient inquiets de
possibles réactions négatives. Dans l'autre moitié, en particulier
celle de la génération plus jeune, on acceptait et on s'étonnait. Cela
m'a donné de l'espoir.
Al Monitor : Ainsi, vous n'avez pas eu de réactions négatives à votre
livre ? Et vous n'avez pas employé dans le livre le mot " génocide " -
qui est toujours inacceptable, selon l'état turc. Était-ce une
décision délibérée de votre part ?
Cetin : Je n'ai pas employé le mot parce que ma grand-mère ne l'a pas
employé. Je voulais m'en tenir à la vérité de son histoire dans ce
livre. Employer le mot " génocide " aurait relevé de ma propre
interprétation. Mon objectif dans ce livre était de présenter son
histoire. Je ne voulais pas passer de message sur la façon dont on
devrait comprendre aujourd'hui ces événements ; je tenais à écrire sa
vie et ses expériences. Telle est, je pense, la raison de l'émotion
que suscite la vie humaine racontée dans ce livre. Des personnes, même
issues de mouvements nationalistes en Turquie, m'arrêtent encore dans
la rue et me disent comment il les a amenés à se poser des questions
sur leur ascendance et comment il leur a fait connaître des parents
dont ils ignoraient l'existence ; c'est parce que ce n'était rien
d'autre qu'une histoire humaine et que c'était la première fois que le
voile était retiré sur une histoire cachée. Au cours d'une
présentation du livre à un groupe de jeunes hommes, on me dit : "
C'est bien d'avoir écrit un livre sur votre grand-mère islamisée, mais
nous aurions souhaité que vous ayez écrit d'autres histoires, celles
des épreuves subies par les grands-mères turques ". J'ai répondu : "
J'ai raconté l'histoire de ma propre grand-mère et j'aimerais lire
d'autres histoires ".
Al Monitor : Votre arrivée sur la scène publique avec votre grand-mère
arménienne et l'assassinat de votre ami Hrant Dink en 2007 se sont
produits sous le gouvernement du parti Justice et Développement [AKP].
Quelle idée vous faites-vous, en cette période, du changement de la
perception sur l' " être Arménien " dans la société turque ?
Cetin : Un grand changement. On peut, sans doute aucun, parler de
l'identité arménienne plus librement à présent. L'AKP s'est comporté
au début plutôt positivement envers les minorités, avec son projet de
restitution, aux minorités concernées, des biens des églises, temples
et autres édifices de fondations. Une certaine détente s'est fait
ressentir dans la sphère sociale des diverses identités. Lorsque Hrant
fut assassiné, en 2007, nous avons vu des milliers de personnes
pendant des heures rassemblés sur les lieux du meurtre, en solidarité
avec sa famille. Pendant les funérailles, ils étaient des millions en
cortège, criant " Nous sommes tous Hrant, nous sommes tous Arméniens
".
Cela était sans précédent. Et pourtant, l'affaire de son assassinat
n'est toujours pas close, parce que des questions subsistent. Des
sentiments négatifs sont toujours entretenus par quelques groupes et
relayés de temps à autres par des hauts-fonctionnaires du gouvernement
à propos des Arméniens. Même des pas limités, tels celui de la
nomination d'un écrivain Arménien comme conseiller du premier
ministre, peuvent être vus positivement. Et cependant, la perception
que les minorités sont des collaborateurs de forces étrangères est
encore vivante. En outre, l'AKP a donné un peu d'espace aux
intellectuels en rendant plus difficile les poursuites pour insulte Ã
l'identité turque, par exemple ; il faut dorénavant au procureur la
permission du ministre de la justice avant d'engager des poursuites.
Il ne s'agit pourtant pas d'une solution définitive ; que se
passerait- il si le ministre était remplacé par un autre dont la
perception serait différente ? En matière d'atteintes aux droits de
l'homme, les solutions sont toujours provisoires.
Al Monitor : Comment voyez-vous votre audience en Californie-Sud, et
en Turquie ?
Cetin : Je ne suis pas allée aux États-Unis depuis 2004. Je me rends Ã
Los Angeles pour la première fois et mon audience là -bas est
principalement celle d'Arméniens d'Amérique. Ainsi, si je devais les
comparer à mes audiences en Turquie, les deux groupes sont presque
identiques quant à leurs sentiments. J'observe des réactions
similaires aux histoires que je raconte. Il apparaît important pour
les deux audiences que le silence soit rompu, et les mémoires
exprimées, parce que c'est ainsi que les blessures commencent à se
refermer. C'est ainsi que nous avons engagé la restauration des
fontaines dans le village natal de ma grand-mère en Turquie. Ces
fontaines étaient construites par des Arméniens résidents avant 1915 ;
elles étaient en ruines. Nous avons invité des jeunes Arméniens
d'Arménie, de France et des États-Unis pour accompagner des Turcs et
des Kurdes volontaires, venus de tout le pays, pour les remettre en
état. L'Arménien était à nouveau parlé à haute voix dans la ville
après des décennies. Ces fontaines sont aujourd'hui en état. Elles se
dressent comme un signe de notre guérison personnelle et de la
guérison de la société, parce que nous nous sommes réapproprié notre
histoire commune. En 2012, un documentaire titré " Les Fontaines
d'Habap ; histoire d'une Restauration " a été diffusé pour partager
cette histoire avec des gens qui ne visiteront peut-être jamais Habap,
mais pour leur montrer qu'une possibilité de cicatrisation des plaies
existe par la coopération plutôt que par la négation des différences.
Pinar Tremblay
Al-Monitor
23 novembre 2014
Traduction Gilbert Béguian
http://www.al-monitor.com/pulse/originals/2014/11/turkey-united-states-islamized-armenians.html##ixzz3KExfvISy
dimanche 7 décembre 2014,
Stéphane (c)armenews.com
From: A. Papazian