Le Figaro Économie, France
Mardi 28 Janvier 2014
Génocide arménien : l'appel du président français
Marchand, Laure
FRANÇOIS HOLLANDE s'est entretenu mardi avec Rakel Dink, la veuve du
journaliste arménien abattu par un jeune nationaliste turc devant son
journal, Agos, il y a sept ans, le 19 janvier 2007. Alors que le
procès de ses assassins tourne à la mascarade, cette entrevue revêt
une importance symbolique. C'est la première fois qu'un chef d'État
étranger rencontre en Turquie l'épouse de cet intellectuel qui a payé
de sa vie ses rêves de réconciliation entre les peuples turc et
arménien. C'est aussi une façon pour le président français de
maintenir la question du génocide arménien en lui faisant une place
dans son programme sans froisser Ankara.
Évoquée il y a de longues semaines, souhaitée par la diaspora
arménienne en France, elle n'a été définitivement inscrite à l'agenda
qu'au dernier moment, signe des précautions de l'Élysée : la visite de
François Hollande ambitionne de tourner la page de la brouille entre
les deux pays, notamment alimentée par la reconnaissance des massacres
et des déportations de centaines de milliers d'Arméniens ottomans
ordonnés par le gouvernement jeune turc pendant la Première Guerre
mondiale. Tout déraillement diplomatique à ce sujet a donc été examiné
de près.Il est donc peu probable que les spécificités du Palais de
Çankaya aient agrémenté les conversations du dîner offert lundi soir
par Abdullah Gül à son homologue français. C'est un fait soigneusement
caché par l'histoire officielle, mais la résidence des présidents
turcs depuis Mustafa Kemal Atatürk est une propriété spoliée en 1915 à
la famille Kasapyan, des commerçants prospères d'Ankara.Depuis la loi
reconnaissant le génocide arménien en 2001 et celle de 2012 pénalisant
sa négation - après une première tentative en 2006 -, cette page
sombre de la Turquie, qui nie toujours les intentions génocidaires des
autorités ottomanes de l'époque, fche Ankara et Paris. Malgré le
rejet par le Conseil constitutionnel de la loi criminalisant les
propos négationnistes, le 28 février 2012, les personnels
diplomatiques, ambassadeur en tête, avaient même été boycottés par
l'ensemble des administrations pendant quelques mois. Sans parler du
boycott des entreprises françaises dans les appels d'offres publics.
Un « travail de mémoire »
En plus de la décision du Conseil constitutionnel, un arrêt, en
décembre dernier, de la Cour européenne des droits de l'homme
affirmant que la négation du génocide ne constitue pas un délit rend
très difficile un nouveau texte pénalisant un tel déni. À la grande
satisfaction d'Ankara, qui affine son discours négationniste à un an
de la commémoration du premier génocide du XXe siècle, en 2015. Les
Turcs souhaitaient donc obtenir des garanties françaises sur l'absence
d'une nouvelle démarche législatrice. Mais, lors de la conférence de
presse avec Abdullah Gül, François Hollande a réitéré ses engagements.
Enjoignant à la Turquie d'effectuer son « travail de mémoire », même «
douloureux », il a déclaré vouloir transposer dans le droit national
une décision-cadre européenne de 2008. Le texte punit pénalement «
l'apologie, la négation ou la banalisation grossière publiques des
crimes de génocide, des crimes contre l'humanité ou des crimes de
guerre ».
Mardi 28 Janvier 2014
Génocide arménien : l'appel du président français
Marchand, Laure
FRANÇOIS HOLLANDE s'est entretenu mardi avec Rakel Dink, la veuve du
journaliste arménien abattu par un jeune nationaliste turc devant son
journal, Agos, il y a sept ans, le 19 janvier 2007. Alors que le
procès de ses assassins tourne à la mascarade, cette entrevue revêt
une importance symbolique. C'est la première fois qu'un chef d'État
étranger rencontre en Turquie l'épouse de cet intellectuel qui a payé
de sa vie ses rêves de réconciliation entre les peuples turc et
arménien. C'est aussi une façon pour le président français de
maintenir la question du génocide arménien en lui faisant une place
dans son programme sans froisser Ankara.
Évoquée il y a de longues semaines, souhaitée par la diaspora
arménienne en France, elle n'a été définitivement inscrite à l'agenda
qu'au dernier moment, signe des précautions de l'Élysée : la visite de
François Hollande ambitionne de tourner la page de la brouille entre
les deux pays, notamment alimentée par la reconnaissance des massacres
et des déportations de centaines de milliers d'Arméniens ottomans
ordonnés par le gouvernement jeune turc pendant la Première Guerre
mondiale. Tout déraillement diplomatique à ce sujet a donc été examiné
de près.Il est donc peu probable que les spécificités du Palais de
Çankaya aient agrémenté les conversations du dîner offert lundi soir
par Abdullah Gül à son homologue français. C'est un fait soigneusement
caché par l'histoire officielle, mais la résidence des présidents
turcs depuis Mustafa Kemal Atatürk est une propriété spoliée en 1915 à
la famille Kasapyan, des commerçants prospères d'Ankara.Depuis la loi
reconnaissant le génocide arménien en 2001 et celle de 2012 pénalisant
sa négation - après une première tentative en 2006 -, cette page
sombre de la Turquie, qui nie toujours les intentions génocidaires des
autorités ottomanes de l'époque, fche Ankara et Paris. Malgré le
rejet par le Conseil constitutionnel de la loi criminalisant les
propos négationnistes, le 28 février 2012, les personnels
diplomatiques, ambassadeur en tête, avaient même été boycottés par
l'ensemble des administrations pendant quelques mois. Sans parler du
boycott des entreprises françaises dans les appels d'offres publics.
Un « travail de mémoire »
En plus de la décision du Conseil constitutionnel, un arrêt, en
décembre dernier, de la Cour européenne des droits de l'homme
affirmant que la négation du génocide ne constitue pas un délit rend
très difficile un nouveau texte pénalisant un tel déni. À la grande
satisfaction d'Ankara, qui affine son discours négationniste à un an
de la commémoration du premier génocide du XXe siècle, en 2015. Les
Turcs souhaitaient donc obtenir des garanties françaises sur l'absence
d'une nouvelle démarche législatrice. Mais, lors de la conférence de
presse avec Abdullah Gül, François Hollande a réitéré ses engagements.
Enjoignant à la Turquie d'effectuer son « travail de mémoire », même «
douloureux », il a déclaré vouloir transposer dans le droit national
une décision-cadre européenne de 2008. Le texte punit pénalement «
l'apologie, la négation ou la banalisation grossière publiques des
crimes de génocide, des crimes contre l'humanité ou des crimes de
guerre ».