SE SOUVENIR DU GENOCIDE ASSYRIEN
http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=78682
Publie le : 24-02-2014
Info Collectif VAN -www.collectifvan.org - Le Collectif VAN vous
invite a lire la traduction de Georges Festa d'un article en anglais
de Varak Ketsemanian publie sur le site The Armenian Weekly, mise en
ligne sur le site Armenian Trends - Mes Armenies le 21 fevrier 2014.
Armenian Trends - Mes Armenies
Se souvenir du genocide assyrien : entretien avec Sabri Atman
vendredi 21 fevrier 2014
(c) Gorgias Press, 2006
par Varak Ketsemanian The Armenian Weekly, 08.01.2014
BOSTON, Mass. - Exploitant un moment opportun durant la Première
Guerre mondiale, le gouvernement ottoman mit en oeuvre son projet
d'eliminer les elements chretiens de l'empire. Alors que de très
nombreuses recherches ont ete menees sur la destruction des Armeniens,
un aspect du genocide demeure obscur - l'extermination des Assyriens.
Dans l'entretien qui suit, Sabri Atman, fondateur et directeur du
Centre d'etudes et de recherches sur le genocide assyrien (Centre
Seyfo), eclaire certains traits particuliers de ce genocide (le Seyfo).
S. Atman est l'un des chercheurs les plus reputes sur le genocide
assyrien. Ne a Nsibin (Tur Abdin), au sud-est de la Turquie, il a
gagne l'Autriche pour des motifs politiques, puis la Suède, cinq
ans plus tard. Il a etudie les sciences economiques a l'universite
de Goteborg et est titulaire d'un mastère en droits de l'homme et
etudes sur le genocide des universites Kingston a Londres, de Sienne
en Italie et de Varsovie en Pologne. Il continue de contribuer sans
relâche a faire connaître le genocide assyrien a travers le monde. Il
est actuellement doctorant en etudes sur le genocide a l'universite
Clark de Worcester (Massachusetts). Sa thèse porte sur le genocide
assyrien et le rôle des Kurdes.
- Varak Ketsemanian : Quelle est la principale suite d'evenements
qui constitue le genocide assyrien ?
- Sabri Atman : Nous, les Assyriens, appelons le genocide de 1915
Seyfo, qui signifie "l'epee." La raison pour laquelle nous le faisons
est que les perpetrateurs se servirent de sabres pour les massacres.
Seyfo est un terme qui vise a eclairer le pan assyrien du genocide
perpetre contre les Armeniens et les Grecs, lors de la Première Guerre
mondiale. Ce genocide, qui aneantit plus de la moitie de la population
des Assyriens, se deroula principalement au sud-est de la Turquie,
mais aussi dans la ville d'Ourmia, au nord-ouest, en Iran.
Au debut, les Assyriens ont estime le nombre de leurs victimes
a 250 000 dans les territoires turcs et a Ourmia, en Iran. Or la
delegation assyrienne, durant les pourparlers de paix a Lausanne
en 1923, presenta le chiffre de 275 000, après avoir recueilli
davantage d'informations sur le nombre des victimes. Toutefois,
d'après certains chercheurs, près de 400 000 civils assyriens ont
peri dans les massacres systematiques, qui furent ordonnes et mis
en oeuvre par l'Etat ottoman, avec la collaboration de ses sujets
kurdes et a l'aide des troupes et divisions des forces militaires et
policières ottomanes regulières combinees.
Le genocide de 1915 ne cibla pas seulement les Armeniens, mais
aussi les Grecs, les Assyriens et les Yezidis. La strategie que les
perpetrateurs avaient en tete etait de detruire au plan ethnique tous
les citoyens non musulmans, qui vivaient sous l'occupation ottomane,
dans le but d'homogeneiser la Turquie, conformement a leur objectif de
creer une nation a la "religion unique." De fait, leur devise etait
"Une nation, une religion." Afin de parvenir a leur but, le djihad
[guerre sainte] fut declare le 14 novembre 1914 dans l'ensemble des
mosquees ottomanes. Lequel djihad fut declare contre tous les sujets
chretiens vivant a l'interieur des territoires ottomans, sans definir
de victimes en particulier. L'essentiel etait de se debarrasser de
l'ensemble des minorites chretiennes de la Turquie.
La mise en oeuvre de leur projet central, visant a creer une
nation turco-musulmane, debuta par des tentatives pour assimiler
les populations musulmanes non turques, comme les Kurdes et autres
communautes immigrees originaires des Balkans. Ces groupes musulmans
furent diriges vers des villes comme Ankara, Adana et Konya, et
deployes parmi la majorite turque. L'etape suivante fut l'elimination
des groupes non musulmans de la Turquie. Deux millions de chretiens
(principalement les Armeniens, les Assyriens et les Grecs) furent
massacres, victimes de la famine et deportes, suite a cette politique.
- Varak Ketsemanian : En quoi le genocide assyrien diffère-t-il des
massacres perpetres contre les Grecs et les Armeniens ?
- Sabri Atman : Tous les temoins que j'ai interviewes ont souligne que
ni les concepteurs, ni les perpetrateurs [du genocide] n'operaient de
distinctions parmi les populations chretiennes. Ces derniers soutenant
: "Un oignon est un oignon, qu'il soit rouge ou blanc ! Il faut tous
les hacher !" Faisant directement reference au massacre planifie et
calcule des chretiens assyriens, armeniens et grecs.
Si un grand nombre d'Armeniens ont peri lors des deportations,
de nombreux Assyriens furent massacres au sein de leurs villages
et villes.
- Varak Ketsemanian : Quelles sont les sources principales constituant
le materiau de recherche pour ta thèse ?
- Sabri Atman : Les sources principales de ma recherche sont les
temoignages oraux sur ces evenements, que j'ai recueilli ces dix
dernières annees. Ces sources incluent des entretiens inedits -
que j'ai mene, ainsi que d'autres chercheurs, avec des survivants
du genocide - que nous transcrivons, traduisons et replacons dans le
contexte historique et sociopolitique.
La plupart des sources concernant et documentant le genocide assyrien
sont dispersees et redigees dans des langues peu accessibles aux
chercheurs sur le genocide. Ces sources sont ecrites en assyrien,
en arabe ou en turc.
Par ailleurs, l'histoire et les temoignages oraux sont totalement
ignores par le monde universitaire, la plupart des chercheurs
travaillant sur le genocide de 1915 ne connaissant guère la langue
assyrienne. Or ces temoignages oraux des survivants du genocide
sont essentiels et de la plus grande importance, car ils permettent
d'eclairer de nombreux aspects opaques du genocide assyrien. Ces
temoignages oraux representent un immense reservoir d'informations,
susceptible de faire l'objet d'etudes.
Bien que les sources ecrites soient d'une importance extreme, elles
n'ont pas encore ete traduites dans des langues europeennes modernes,
ce qui les rend inaccessibles a la plupart des chercheurs sur le
genocide. Pour n'en citer que quelques-unes, le recit du temoignage
oculaire d'Isaac Armalto, qu'il publia en arabe en 1919 au Liban;
et la documentation de Mar Israël Audo sur ces tragedies, consultable
sous la forme d'un manuscrit inedit en assyrien.
De nombreux documents d'histoire orale, que nous avons rassembles
au Centre Seyfo, sont des temoignages de première main, a partir de
recits de temoins oculaires. J'ai eu l'opportunite d'interviewer
et d'enregistrer de nombreux survivants; non seulement ils m'ont
apporte une information precieuse, mais leurs temoignages ne cessent
de m'encourager au plan moral dans mes recherches.
A ce jour, nous sommes en mesure de recueillir beaucoup d'informations
sur les massacres de 1915 a partir de recits de temoins oculaires,
qui ont adresse des rapports a leurs ambassades respectives. Quelques
exemples :
- L'ambassadeur des Etats-Unis a Constantinople, Henry Morgenthau Jr,
etablit des rapports concernant ses contacts avec le gouvernement
Jeune-Turc.
- Un document fut publie dès 1916, intitule The Treatment of Armenians
in the Ottoman Empire, 1915-1916, par James Bryce, un politologue
anglais, et Arnold Toynbee, un historien. Plus d'une centaine de
pages concerne les Assyriens.
- Johannes Lepsius, un missionnaire allemand qui vivait en Anatolie,
informa les autorites a Berlin sur ce qui se passait a cette epoque.
Sa documentation fut publiee en 1919 a Potsdam.
- Le professeur David Gaunt et le docteur Racho Donef ont publie en
2006 l'ouvrage Massacres, Resistance, Protectors (Gorgias Press), qui
couvre le sort de tous les groupes chretiens de l'Anatolie orientale,
durant la Première Guerre mondiale.
- Varak Ketsemanian : Quelle est la fonction première du Centre Seyfo
? En quoi contribue-t-il aux recherches sur le genocide ?
- Sabri Atman : Le Centre Seyfo possède un fonds important et apporte
son aide scientifique aux chercheurs, ecrivains, journalistes,
cineastes et institutions gouvernementales. Nous documentons aussi le
genocide assyrien en recueillant des histoires orales et en publiant
des preuves ecrites; en faisant connaître le genocide assyrien auprès
des Parlements et des instances gouvernementales; en informant les
non-Assyriens lors de rencontres politiques et universitaires;
en militant au nom de [la reconnaissance] du genocide assyrien;
et en publiant des ouvrages, des rapports, des brochures et autres
moyens d'information. Nous agissons en tant que groupe de pression
[pour la reconnaissance].
Je suis très heureux de pouvoir dire que nous avons fait de grands
progrès, ces dix dernières annees, concernant le genocide assyrien.
Tout d'abord, le mot Seyfo est maintenant davantage connu au niveau
national et international. Par exemple :
- Le 13 mai 2009, une conference de presse s'est tenue au Parlement
suedois. Un intellectuel kurde, Berzan Boti, presenta ses excuses pour
le genocide de 1915 et, comme temoignage de reparation, restitua son
bien a ses proprietaires legitimes, des Assyriens. L'acte notarie a
ete transfere au Centre Seyfo.
- Le 10 mars 2010, le Parlement suedois a reconnu le genocide assyrien.
- Grâce a l'Alliance Assyrienne Universelle (AUA) et aux efforts
des Assyriens en Australie, un monument a ete erige le 7 août 2010
en l'honneur des victimes assyriennes de la Première Guerre mondiale
et du Massacre de Simele (août 1933, Irak).
- Le 1er mai 2013, le Parlement australien de la Nouvelle-Galles du
Sud (NSW) a reconnu le genocide assyrien et grec.
- Le 25 avril 2012, un monument dedie au genocide assyrien a ete
inaugure a Erevan, la capitale de l'Armenie.
- Le 27 avril 2013, un troisième monument dedie au genocide assyrien
a ete de meme inaugure a Arnouville-lès-Gonesse (Val d'Oise, France).
Je suis certain que, dans un avenir très proche, nous verrons
d'autres monuments eriges a travers le monde et que le nombre de pays
reconnaissant le genocide assyrien augmentera sensiblement.
- Varak Ketsemanian : Quelles sont les principales revendications du
peuple assyrien auprès du gouvernement turc ?
- Sabri Atman : En premier lieu, nous voulons que la republique de
Turquie cesse les mensonges qu'elle propage depuis 98 ans et qu'elle
reconnaisse les genocides assyrien, armenien et grec.
Le deni est une forme de continuation du genocide. Qui equivaut a tuer
deux fois. La non reconnaissance du genocide a conduit a de nouveaux
genocides contre les Assyriens dans leur patrie.
Par ailleurs, en tant qu'Assyriens, nous ne comprenons pas le fait que
la republique d'Armenie n'ait pas encore reconnu le genocide assyrien.
A ce jour, je suis très heureux que près de 26 pays aient
officiellement reconnu le genocide armenien de 1915.
Le 10 mars 2010 et le 1er mai 2013 sont des jours historiques pour
nous, les Assyriens et les Grecs. Les Parlements suedois et australien
ont vote une resolution et reconnu les genocides assyrien et grec,
outre le genocide armenien. J'espère que d'autres pays suivront.
Nos amis armeniens vivant en Armenie et a travers le monde doivent
nous aider et ajouter les genocides assyrien et grec a leur agenda
international.
Souvenons-nous : les Assyriens et les Grecs ont subi, eux aussi, le
genocide en Turquie. Nous demandons qu'aujourd'hui le monde entier
reconnaisse officiellement ce fait. Naturellement, la republique
d'Armenie, pour de multiples raisons, devrait etre un des premiers
pays du monde a reconnaître le genocide assyrien !
Nous aimerions avoir une strategie fondee sur une amitie entre
Armeniens, Assyriens et Grecs. Nous tous, qui avons ete soumis au
meme genocide, devrions trouver les modalites d'un dialogue interne
et nous exprimer d'une seule voix.
[Varak Ketsemanian est licencie en philosophie (mention Histoire) de
l'Universite Americaine de Beyrouth (U.A.B.). Il a publie des articles
dans le quotidien libano-armenien Aztag et dans le magazine en ligne
Outlook de l'U.A.B. Il est actuellement stagiaire a la redaction de
The Armenian Weekly a Boston.] ___________
Source :
http://www.armenianweekly.com/2014/01/08/remembering-the-assyrian-genocide-an-interview-with-sabri-atman/
Traduction : (c) Georges Festa - 02.2014
site du Centre Seyfo : http://www.seyfocenter.com/
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Source/Lien : Armenian Trends - Mes Armenies
From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress
http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=78682
Publie le : 24-02-2014
Info Collectif VAN -www.collectifvan.org - Le Collectif VAN vous
invite a lire la traduction de Georges Festa d'un article en anglais
de Varak Ketsemanian publie sur le site The Armenian Weekly, mise en
ligne sur le site Armenian Trends - Mes Armenies le 21 fevrier 2014.
Armenian Trends - Mes Armenies
Se souvenir du genocide assyrien : entretien avec Sabri Atman
vendredi 21 fevrier 2014
(c) Gorgias Press, 2006
par Varak Ketsemanian The Armenian Weekly, 08.01.2014
BOSTON, Mass. - Exploitant un moment opportun durant la Première
Guerre mondiale, le gouvernement ottoman mit en oeuvre son projet
d'eliminer les elements chretiens de l'empire. Alors que de très
nombreuses recherches ont ete menees sur la destruction des Armeniens,
un aspect du genocide demeure obscur - l'extermination des Assyriens.
Dans l'entretien qui suit, Sabri Atman, fondateur et directeur du
Centre d'etudes et de recherches sur le genocide assyrien (Centre
Seyfo), eclaire certains traits particuliers de ce genocide (le Seyfo).
S. Atman est l'un des chercheurs les plus reputes sur le genocide
assyrien. Ne a Nsibin (Tur Abdin), au sud-est de la Turquie, il a
gagne l'Autriche pour des motifs politiques, puis la Suède, cinq
ans plus tard. Il a etudie les sciences economiques a l'universite
de Goteborg et est titulaire d'un mastère en droits de l'homme et
etudes sur le genocide des universites Kingston a Londres, de Sienne
en Italie et de Varsovie en Pologne. Il continue de contribuer sans
relâche a faire connaître le genocide assyrien a travers le monde. Il
est actuellement doctorant en etudes sur le genocide a l'universite
Clark de Worcester (Massachusetts). Sa thèse porte sur le genocide
assyrien et le rôle des Kurdes.
- Varak Ketsemanian : Quelle est la principale suite d'evenements
qui constitue le genocide assyrien ?
- Sabri Atman : Nous, les Assyriens, appelons le genocide de 1915
Seyfo, qui signifie "l'epee." La raison pour laquelle nous le faisons
est que les perpetrateurs se servirent de sabres pour les massacres.
Seyfo est un terme qui vise a eclairer le pan assyrien du genocide
perpetre contre les Armeniens et les Grecs, lors de la Première Guerre
mondiale. Ce genocide, qui aneantit plus de la moitie de la population
des Assyriens, se deroula principalement au sud-est de la Turquie,
mais aussi dans la ville d'Ourmia, au nord-ouest, en Iran.
Au debut, les Assyriens ont estime le nombre de leurs victimes
a 250 000 dans les territoires turcs et a Ourmia, en Iran. Or la
delegation assyrienne, durant les pourparlers de paix a Lausanne
en 1923, presenta le chiffre de 275 000, après avoir recueilli
davantage d'informations sur le nombre des victimes. Toutefois,
d'après certains chercheurs, près de 400 000 civils assyriens ont
peri dans les massacres systematiques, qui furent ordonnes et mis
en oeuvre par l'Etat ottoman, avec la collaboration de ses sujets
kurdes et a l'aide des troupes et divisions des forces militaires et
policières ottomanes regulières combinees.
Le genocide de 1915 ne cibla pas seulement les Armeniens, mais
aussi les Grecs, les Assyriens et les Yezidis. La strategie que les
perpetrateurs avaient en tete etait de detruire au plan ethnique tous
les citoyens non musulmans, qui vivaient sous l'occupation ottomane,
dans le but d'homogeneiser la Turquie, conformement a leur objectif de
creer une nation a la "religion unique." De fait, leur devise etait
"Une nation, une religion." Afin de parvenir a leur but, le djihad
[guerre sainte] fut declare le 14 novembre 1914 dans l'ensemble des
mosquees ottomanes. Lequel djihad fut declare contre tous les sujets
chretiens vivant a l'interieur des territoires ottomans, sans definir
de victimes en particulier. L'essentiel etait de se debarrasser de
l'ensemble des minorites chretiennes de la Turquie.
La mise en oeuvre de leur projet central, visant a creer une
nation turco-musulmane, debuta par des tentatives pour assimiler
les populations musulmanes non turques, comme les Kurdes et autres
communautes immigrees originaires des Balkans. Ces groupes musulmans
furent diriges vers des villes comme Ankara, Adana et Konya, et
deployes parmi la majorite turque. L'etape suivante fut l'elimination
des groupes non musulmans de la Turquie. Deux millions de chretiens
(principalement les Armeniens, les Assyriens et les Grecs) furent
massacres, victimes de la famine et deportes, suite a cette politique.
- Varak Ketsemanian : En quoi le genocide assyrien diffère-t-il des
massacres perpetres contre les Grecs et les Armeniens ?
- Sabri Atman : Tous les temoins que j'ai interviewes ont souligne que
ni les concepteurs, ni les perpetrateurs [du genocide] n'operaient de
distinctions parmi les populations chretiennes. Ces derniers soutenant
: "Un oignon est un oignon, qu'il soit rouge ou blanc ! Il faut tous
les hacher !" Faisant directement reference au massacre planifie et
calcule des chretiens assyriens, armeniens et grecs.
Si un grand nombre d'Armeniens ont peri lors des deportations,
de nombreux Assyriens furent massacres au sein de leurs villages
et villes.
- Varak Ketsemanian : Quelles sont les sources principales constituant
le materiau de recherche pour ta thèse ?
- Sabri Atman : Les sources principales de ma recherche sont les
temoignages oraux sur ces evenements, que j'ai recueilli ces dix
dernières annees. Ces sources incluent des entretiens inedits -
que j'ai mene, ainsi que d'autres chercheurs, avec des survivants
du genocide - que nous transcrivons, traduisons et replacons dans le
contexte historique et sociopolitique.
La plupart des sources concernant et documentant le genocide assyrien
sont dispersees et redigees dans des langues peu accessibles aux
chercheurs sur le genocide. Ces sources sont ecrites en assyrien,
en arabe ou en turc.
Par ailleurs, l'histoire et les temoignages oraux sont totalement
ignores par le monde universitaire, la plupart des chercheurs
travaillant sur le genocide de 1915 ne connaissant guère la langue
assyrienne. Or ces temoignages oraux des survivants du genocide
sont essentiels et de la plus grande importance, car ils permettent
d'eclairer de nombreux aspects opaques du genocide assyrien. Ces
temoignages oraux representent un immense reservoir d'informations,
susceptible de faire l'objet d'etudes.
Bien que les sources ecrites soient d'une importance extreme, elles
n'ont pas encore ete traduites dans des langues europeennes modernes,
ce qui les rend inaccessibles a la plupart des chercheurs sur le
genocide. Pour n'en citer que quelques-unes, le recit du temoignage
oculaire d'Isaac Armalto, qu'il publia en arabe en 1919 au Liban;
et la documentation de Mar Israël Audo sur ces tragedies, consultable
sous la forme d'un manuscrit inedit en assyrien.
De nombreux documents d'histoire orale, que nous avons rassembles
au Centre Seyfo, sont des temoignages de première main, a partir de
recits de temoins oculaires. J'ai eu l'opportunite d'interviewer
et d'enregistrer de nombreux survivants; non seulement ils m'ont
apporte une information precieuse, mais leurs temoignages ne cessent
de m'encourager au plan moral dans mes recherches.
A ce jour, nous sommes en mesure de recueillir beaucoup d'informations
sur les massacres de 1915 a partir de recits de temoins oculaires,
qui ont adresse des rapports a leurs ambassades respectives. Quelques
exemples :
- L'ambassadeur des Etats-Unis a Constantinople, Henry Morgenthau Jr,
etablit des rapports concernant ses contacts avec le gouvernement
Jeune-Turc.
- Un document fut publie dès 1916, intitule The Treatment of Armenians
in the Ottoman Empire, 1915-1916, par James Bryce, un politologue
anglais, et Arnold Toynbee, un historien. Plus d'une centaine de
pages concerne les Assyriens.
- Johannes Lepsius, un missionnaire allemand qui vivait en Anatolie,
informa les autorites a Berlin sur ce qui se passait a cette epoque.
Sa documentation fut publiee en 1919 a Potsdam.
- Le professeur David Gaunt et le docteur Racho Donef ont publie en
2006 l'ouvrage Massacres, Resistance, Protectors (Gorgias Press), qui
couvre le sort de tous les groupes chretiens de l'Anatolie orientale,
durant la Première Guerre mondiale.
- Varak Ketsemanian : Quelle est la fonction première du Centre Seyfo
? En quoi contribue-t-il aux recherches sur le genocide ?
- Sabri Atman : Le Centre Seyfo possède un fonds important et apporte
son aide scientifique aux chercheurs, ecrivains, journalistes,
cineastes et institutions gouvernementales. Nous documentons aussi le
genocide assyrien en recueillant des histoires orales et en publiant
des preuves ecrites; en faisant connaître le genocide assyrien auprès
des Parlements et des instances gouvernementales; en informant les
non-Assyriens lors de rencontres politiques et universitaires;
en militant au nom de [la reconnaissance] du genocide assyrien;
et en publiant des ouvrages, des rapports, des brochures et autres
moyens d'information. Nous agissons en tant que groupe de pression
[pour la reconnaissance].
Je suis très heureux de pouvoir dire que nous avons fait de grands
progrès, ces dix dernières annees, concernant le genocide assyrien.
Tout d'abord, le mot Seyfo est maintenant davantage connu au niveau
national et international. Par exemple :
- Le 13 mai 2009, une conference de presse s'est tenue au Parlement
suedois. Un intellectuel kurde, Berzan Boti, presenta ses excuses pour
le genocide de 1915 et, comme temoignage de reparation, restitua son
bien a ses proprietaires legitimes, des Assyriens. L'acte notarie a
ete transfere au Centre Seyfo.
- Le 10 mars 2010, le Parlement suedois a reconnu le genocide assyrien.
- Grâce a l'Alliance Assyrienne Universelle (AUA) et aux efforts
des Assyriens en Australie, un monument a ete erige le 7 août 2010
en l'honneur des victimes assyriennes de la Première Guerre mondiale
et du Massacre de Simele (août 1933, Irak).
- Le 1er mai 2013, le Parlement australien de la Nouvelle-Galles du
Sud (NSW) a reconnu le genocide assyrien et grec.
- Le 25 avril 2012, un monument dedie au genocide assyrien a ete
inaugure a Erevan, la capitale de l'Armenie.
- Le 27 avril 2013, un troisième monument dedie au genocide assyrien
a ete de meme inaugure a Arnouville-lès-Gonesse (Val d'Oise, France).
Je suis certain que, dans un avenir très proche, nous verrons
d'autres monuments eriges a travers le monde et que le nombre de pays
reconnaissant le genocide assyrien augmentera sensiblement.
- Varak Ketsemanian : Quelles sont les principales revendications du
peuple assyrien auprès du gouvernement turc ?
- Sabri Atman : En premier lieu, nous voulons que la republique de
Turquie cesse les mensonges qu'elle propage depuis 98 ans et qu'elle
reconnaisse les genocides assyrien, armenien et grec.
Le deni est une forme de continuation du genocide. Qui equivaut a tuer
deux fois. La non reconnaissance du genocide a conduit a de nouveaux
genocides contre les Assyriens dans leur patrie.
Par ailleurs, en tant qu'Assyriens, nous ne comprenons pas le fait que
la republique d'Armenie n'ait pas encore reconnu le genocide assyrien.
A ce jour, je suis très heureux que près de 26 pays aient
officiellement reconnu le genocide armenien de 1915.
Le 10 mars 2010 et le 1er mai 2013 sont des jours historiques pour
nous, les Assyriens et les Grecs. Les Parlements suedois et australien
ont vote une resolution et reconnu les genocides assyrien et grec,
outre le genocide armenien. J'espère que d'autres pays suivront.
Nos amis armeniens vivant en Armenie et a travers le monde doivent
nous aider et ajouter les genocides assyrien et grec a leur agenda
international.
Souvenons-nous : les Assyriens et les Grecs ont subi, eux aussi, le
genocide en Turquie. Nous demandons qu'aujourd'hui le monde entier
reconnaisse officiellement ce fait. Naturellement, la republique
d'Armenie, pour de multiples raisons, devrait etre un des premiers
pays du monde a reconnaître le genocide assyrien !
Nous aimerions avoir une strategie fondee sur une amitie entre
Armeniens, Assyriens et Grecs. Nous tous, qui avons ete soumis au
meme genocide, devrions trouver les modalites d'un dialogue interne
et nous exprimer d'une seule voix.
[Varak Ketsemanian est licencie en philosophie (mention Histoire) de
l'Universite Americaine de Beyrouth (U.A.B.). Il a publie des articles
dans le quotidien libano-armenien Aztag et dans le magazine en ligne
Outlook de l'U.A.B. Il est actuellement stagiaire a la redaction de
The Armenian Weekly a Boston.] ___________
Source :
http://www.armenianweekly.com/2014/01/08/remembering-the-assyrian-genocide-an-interview-with-sabri-atman/
Traduction : (c) Georges Festa - 02.2014
site du Centre Seyfo : http://www.seyfocenter.com/
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