Tuquie
Les Arméniens musulmans
13 novembre 2013
Cengiz Aktar, ToDays'Zaman
` Pour ce qui nous concerne, 2015 n'est pas différent d'aujourd'hui ;
aujourd'hui et 2015, c'est la même chose. Il n'y a aucune raison de se
faire du souci.
Les allégations qui pourraient nous être présentées alors nous sont
présentées aujourd'hui aussi. S'ils [les Arméniens] avaient quoi que
ce soit entre leurs mains, preuves du massacre, ils nous les auraient
déjà présentées. S'ils ont une preuve quelconque, qu'ils nous
l'apportent. Il n'y a aucun document montrant qu'il y a eu génocide.
S'il y en avait une, ils n'auraient pas attendu 100 ans avant de la
montrer. Nous sommes sûrs de nous-mêmes, confiants sur notre passé.
Nous avons sauvé les Juifs d'Espagne ; nous avons ouvert l'Anatolie à
tout le monde. Il n'y a rien dans notre histoire qui puisse nous
embarrasser.
` Lorsque 2015 sera là, les gens ne devraient pas penser à la question
arménienne, mais plutôt à la Bataille de Canakkale. La question
arménienne est en fait contenue dans la Bataille de Canakkale. Si la
Bataille de Cannakkale n'avait pas eu lieu, si l'Angleterre et la
France ne s'étaient pas présentées à Canakkale, il n'y aurait pas de
question arménienne. La France et l'Angleterre étaient venues de
milliers de kilomètres d'ici, essayant d'envahir l'Anatolie. Ils ont
assiégé Canakkale, attirant les Russes et les Arméniens de leur côté.
Après tout cela, ils demandent, ' Pourquoi les avez-vous déportés [les
Arméniens] ? '. Si les Arméniens veulent vraiment des réponses,
demandons leur de poser la question à la France et à la Russie.
Pourquoi nous le demandent-ils à nous ? `.
Les citations sont tirées des déclarations du président de la Société
Turque d'Histoire au quotidien Bugun. A l'approche de 2015, le
permafrost de la mentalité et du langage de l'état en est à ce point.
Ce qui est nouveau, cependant, c'est ce zèle à lier le massacre des
Arméniens au récit de Canakkale, une tendance qui prend de l'ampleur
ces derniers temps. Face à une telle obstination, la société civile
travaille sans relche à la recherche de la vérité. ` Les soupirs des
survivants de l'épée sont audibles encore aujourd'hui. Mais
qu'`expriment ces soupirs ? La douleur ? La nostalgie ? Les pertes ?
La séparation d'avec ceux qu'ils aimaient ? Ou pour une culture perdue
? Peut-être pour cette langue que personne ne parle plus aujourd'hui ?
Ou pour la religion qu'ils avaient été forcés de renier ? Peut-être
même ne pouvaient-ils plus soupirer pour quoi que ce soit. Personne ne
les appellerait plus jamais par leur vrai nom... Ils étaient éliminés,
morts tout en étant vivants. Et à présent, ces soupirs se transforment
en une forte lamentation `.
Tels sont les mots que Rakel Dink - la veuve de Hrant Dink abattu -
disait il y a quelques jours ce mois-ci, à l'Université Bogazici, à
l'ouverture de la conférence organisée par la fondation Hrant Dink
consacrée aux Arméniens islamisés.
Ils ont été des milliers à se convertir à l'Islam, pendant les
massacres, pour sauver leur vie ; la plupart des enfants de sexe
féminin dont les vies étaient épargnées au cours des massacres ont été
islamisés. En conséquence, aujourd'hui, ils sont probablement des
millions à travers la Turquie à avoir pour ancêtres des Arméniens. Le
secret connu de tous à travers l'Anatolie est finalement discuté aussi
ouvertement que n'importe quel autre tabou.
L'annihilation n'est pas un processus qui s'est déroulé en une seule
fois. ` Les Ingénieurs de la nation et de la population `, au début du
20ème siècle, percevaient les éléments chrétiens d'Anatolie comme une
menace contre la nation nouvelle et ils les ont soumis à l'exil forcé,
au massacre et à l'assimilation. Ils pensaient ainsi pouvoir `
résoudre ` le problème. A l'évidence, les Arméniens et les autres
éléments chrétiens ont été éliminés. Leurs cultures locales ont été
détruites, probablement pour toujours. Il en a résulté une nation
turque monotone et homogène.
Mais à la fin, la mémoire des violences, l'histoire des Chrétiens
anatoliens et les racines de ceux qui ont été assimilés n'ont pas
disparu. Aujourd'hui, dans son ensemble, la mémoire revient. Cela vaut
pour toutes les autres communautés exclues par la nation nouvelle.
L'expression ` Arméniens musulmans ` défie l'identification, dans les
discours nationalistes, des Musulmans aux Turcs et Kurdes et celle des
Arméniens aux Chrétiens pour l'essentiel. Elle transforme aussi le
soupir en un son réel. Dans ce sens, elle imprime un nouvel élan à la
condition d' arménité ` gelée `.
` À propos de 1915, nous ne devrions pas parler simplement de ceux qui
ont péri, mais aussi de ceux qui ont survécu `, disait Hrant Dink.
Finalement, nous y sommes.
Traduction Gilbert Béguian pour Armenews
mercredi 1er janvier 2014,
Jean Eckian ©armenews.com
Les Arméniens musulmans
13 novembre 2013
Cengiz Aktar, ToDays'Zaman
` Pour ce qui nous concerne, 2015 n'est pas différent d'aujourd'hui ;
aujourd'hui et 2015, c'est la même chose. Il n'y a aucune raison de se
faire du souci.
Les allégations qui pourraient nous être présentées alors nous sont
présentées aujourd'hui aussi. S'ils [les Arméniens] avaient quoi que
ce soit entre leurs mains, preuves du massacre, ils nous les auraient
déjà présentées. S'ils ont une preuve quelconque, qu'ils nous
l'apportent. Il n'y a aucun document montrant qu'il y a eu génocide.
S'il y en avait une, ils n'auraient pas attendu 100 ans avant de la
montrer. Nous sommes sûrs de nous-mêmes, confiants sur notre passé.
Nous avons sauvé les Juifs d'Espagne ; nous avons ouvert l'Anatolie à
tout le monde. Il n'y a rien dans notre histoire qui puisse nous
embarrasser.
` Lorsque 2015 sera là, les gens ne devraient pas penser à la question
arménienne, mais plutôt à la Bataille de Canakkale. La question
arménienne est en fait contenue dans la Bataille de Canakkale. Si la
Bataille de Cannakkale n'avait pas eu lieu, si l'Angleterre et la
France ne s'étaient pas présentées à Canakkale, il n'y aurait pas de
question arménienne. La France et l'Angleterre étaient venues de
milliers de kilomètres d'ici, essayant d'envahir l'Anatolie. Ils ont
assiégé Canakkale, attirant les Russes et les Arméniens de leur côté.
Après tout cela, ils demandent, ' Pourquoi les avez-vous déportés [les
Arméniens] ? '. Si les Arméniens veulent vraiment des réponses,
demandons leur de poser la question à la France et à la Russie.
Pourquoi nous le demandent-ils à nous ? `.
Les citations sont tirées des déclarations du président de la Société
Turque d'Histoire au quotidien Bugun. A l'approche de 2015, le
permafrost de la mentalité et du langage de l'état en est à ce point.
Ce qui est nouveau, cependant, c'est ce zèle à lier le massacre des
Arméniens au récit de Canakkale, une tendance qui prend de l'ampleur
ces derniers temps. Face à une telle obstination, la société civile
travaille sans relche à la recherche de la vérité. ` Les soupirs des
survivants de l'épée sont audibles encore aujourd'hui. Mais
qu'`expriment ces soupirs ? La douleur ? La nostalgie ? Les pertes ?
La séparation d'avec ceux qu'ils aimaient ? Ou pour une culture perdue
? Peut-être pour cette langue que personne ne parle plus aujourd'hui ?
Ou pour la religion qu'ils avaient été forcés de renier ? Peut-être
même ne pouvaient-ils plus soupirer pour quoi que ce soit. Personne ne
les appellerait plus jamais par leur vrai nom... Ils étaient éliminés,
morts tout en étant vivants. Et à présent, ces soupirs se transforment
en une forte lamentation `.
Tels sont les mots que Rakel Dink - la veuve de Hrant Dink abattu -
disait il y a quelques jours ce mois-ci, à l'Université Bogazici, à
l'ouverture de la conférence organisée par la fondation Hrant Dink
consacrée aux Arméniens islamisés.
Ils ont été des milliers à se convertir à l'Islam, pendant les
massacres, pour sauver leur vie ; la plupart des enfants de sexe
féminin dont les vies étaient épargnées au cours des massacres ont été
islamisés. En conséquence, aujourd'hui, ils sont probablement des
millions à travers la Turquie à avoir pour ancêtres des Arméniens. Le
secret connu de tous à travers l'Anatolie est finalement discuté aussi
ouvertement que n'importe quel autre tabou.
L'annihilation n'est pas un processus qui s'est déroulé en une seule
fois. ` Les Ingénieurs de la nation et de la population `, au début du
20ème siècle, percevaient les éléments chrétiens d'Anatolie comme une
menace contre la nation nouvelle et ils les ont soumis à l'exil forcé,
au massacre et à l'assimilation. Ils pensaient ainsi pouvoir `
résoudre ` le problème. A l'évidence, les Arméniens et les autres
éléments chrétiens ont été éliminés. Leurs cultures locales ont été
détruites, probablement pour toujours. Il en a résulté une nation
turque monotone et homogène.
Mais à la fin, la mémoire des violences, l'histoire des Chrétiens
anatoliens et les racines de ceux qui ont été assimilés n'ont pas
disparu. Aujourd'hui, dans son ensemble, la mémoire revient. Cela vaut
pour toutes les autres communautés exclues par la nation nouvelle.
L'expression ` Arméniens musulmans ` défie l'identification, dans les
discours nationalistes, des Musulmans aux Turcs et Kurdes et celle des
Arméniens aux Chrétiens pour l'essentiel. Elle transforme aussi le
soupir en un son réel. Dans ce sens, elle imprime un nouvel élan à la
condition d' arménité ` gelée `.
` À propos de 1915, nous ne devrions pas parler simplement de ceux qui
ont péri, mais aussi de ceux qui ont survécu `, disait Hrant Dink.
Finalement, nous y sommes.
Traduction Gilbert Béguian pour Armenews
mercredi 1er janvier 2014,
Jean Eckian ©armenews.com