Turquie : Les journalistes toujours sous tension
http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=77701
Publié le : 07-01-2014
Info Collectif VAN -www.collectifvan.org - Le Collectif VAN vous
invite à lire ce communiqué de presse publié sur le site des Reporters
sans frontières le 25 décembre 2013.
Reporters sans frontières
Publié le mercredi 25 décembre 2013.
Les journalistes une nouvelle fois boucs émissaires de la crise politique
Reporters sans frontières dénonce fermement la volonté des autorités
d'entraver la circulation de l'information sur le scandale
politico-financier qui défraie la chronique depuis une semaine en
Turquie. Restriction drastique de l'accès des médias aux sources
policières, blocage d'un site d'information, licenciement d'une
journaliste de premier plan... Le gouvernement tente par tous les moyens
de contenir les fuites sur ce sujet des plus embarrassants et renoue
avec une rhétorique très agressive à l'encontre des médias critiques.
« Nous sommes vivement préoccupés par la série de mesures liberticides
prises à l'encontre des médias ces derniers jours. En tentant
d'instaurer une censure a priori et a posteriori sur la vaste enquête
anti-corruption qui vise le c`ur du pouvoir, le gouvernement ne fait
que renforcer l'opacité déjà prégnante sur les grands dossiers
politico-judiciaires turcs, au mépris du droit à l'information de la
population sur un sujet aussi important », a déclaré Reporters sans
frontières.
« Ankara semble prendre pour habitude, lorsqu'il se sent en
difficulté, de tirer sur le messager. Les journalistes n'ont pas à
faire les frais de l'affrontement en cours au sommet du pouvoir. Il
est inacceptable que les discours officiels, comme pendant les
manifestations du parc Gezi, continuent d'assimiler les médias
critiques à des ennemis de la nation. »
Le 17 décembre 2013, une trentaine de personnalités de haut rang ont
été interpellées dans le cadre d'une vaste enquête anti-corruption.
Parmi elles figurent les fils de deux ministres, le directeur exécutif
d'une banque d'Etat et un magnat du secteur de la construction. Un
coup dur pour l'équipe gouvernementale, qui doit largement son arrivée
au pouvoir il y a dix ans à ses promesses de lutte contre la fraude et
la corruption. Alors que le scandale n'en finit pas de se développer,
l'exécutif a riposté, se disant victime d'un « complot international »
et limogeant de nombreux hauts responsables de la police à travers le
pays.
Cette affaire est largement interprétée comme un nouvel épisode de la
lutte d'influence au sein de l'élite conservatrice, qui s'approfondit
jusqu'au c`ur du parti AKP au pouvoir à l'approche des élections de
l'année 2014. Depuis plusieurs mois, le conflit s'exacerbe entre
partisans du premier ministre Recep Tayyip Erdogan et tenants de
l'influente confrérie islamique de Fethullah Gülen, qui compte de
nombreux membres au sein de la police et des institutions judiciaires.
L'information tarie à la source, bloquée à la sortie
Le 22 décembre, la Direction de la police a annoncé que les
journalistes n'auraient désormais plus d'accès direct aux institutions
policières dans le cadre de leurs activités professionnelles. En
conséquence, les professionnels des médias ont été priés de remettre
les accréditations et les clés qui leur permettaient de se rendre aux
services de presse d'un certain nombre de commissariats. Ils devront
désormais se contenter des informations officielles distillées lors
des points de presse ou autres briefings. Les associations turques de
défense de la liberté de la presse ont unanimement dénoncé cette
mesure « sans précédent », qui empêchera les journalistes de collecter
les données brutes indispensables à leur travail et prétend les
réduire à de simples relais de la communication policière.
La veille, le site d'information Yeni Dönem (Nouvelle ère), récemment
fondé par le célèbre journaliste Mehmet Baransu et qui était à
l'origine de certaines révélations sur l'enquête anti-corruption,
avait été bloqué. Il devenait ainsi la première victime d'un arrêt
rendu le 20 décembre par le procureur général de la République
d'Istanbul, qui mettait en garde les médias et les sites d'information
contre toute publication susceptible de « porter atteinte à la
présomption d'innocence » ou « à un procès juste et équitable ». Les
autorités de régulation, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (RTÜK)
et la Haute instance de la télécommunication (Tib), sont chargées de
veiller à l'application de cette décision.
L'avocat de Mehmet Baransu, Sercan Sakalli, a annoncé son intention de
demander la levée du blocage, mais également de porter plainte auprès
du parquet d'Ankara contre les magistrats à l'origine de cette mesure.
Il souligne que cette affaire provoque un intense débat de société,
que les médias continuent de la couvrir, et que Yeni Dönem n'est pas
le seul support à rendre publics des éléments de l'enquête.
De célèbres journalistes pris pour cibles
Mehmet Baransu était déjà au c`ur du précédent épisode de censure liée
à l'affrontement entre le Premier ministre et le mouvement Gülen. Fin
novembre, il avait publié dans le quotidien libéral Taraf un document
datant de 2004, dans lequel Recep Tayyip Erdogan, l'actuel président
de la République Abdullah Gül et le Conseil national de sécurité (MGK)
demandaient au gouvernement de prendre des mesures pour « en finir »
avec la confrérie. Quelques jours plus tard, le journaliste révélait
que des mesures de surveillance et de fichage des membres de la
confrérie avaient été mises en place par les services de renseignement
(MIT). Bien que l'authenticité de ces documents soit hors de cause,
Mehmet Baransu et Taraf ont été visés par une cascade de plaintes
émanant des services du Premier ministre, du MGK et de la MIT, pour
avoir « diffusé des documents classifiés relatifs à la sécurité de
l'Etat ». Le 7 décembre, le Premier ministre a publiquement assimilé
le travail de Taraf et de son chroniqueur à de la « trahison » et
suggéré que la justice devait les condamner. Ce qui a poussé le
journaliste et son employeur à porter plainte à leur tour pour «
insulte », « diffamation » et « tentative d'influencer le cours de la
justice ».
Mehmet Baransu n'est pas le seul journaliste de premier plan à faire
les frais de la tension politique actuelle. La célèbre chroniqueuse du
quotidien conservateur Sabah, Nazli Ilicak, a été licenciée le 18
décembre, au lendemain d'une apparition sur la chaîne CNN Türk au
cours de laquelle elle appelé à la démission des ministres dont les
fils sont impliqués dans le scandale de corruption. La direction de ce
journal pro-gouvernemental a invoqué une « divergence d'opinions ».
La Turquie occupe la 154e place sur 179 dans le classement mondial
2013 de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières.
Retour à la rubrique
Source/Lien : RSF
From: Baghdasarian
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Publié le : 07-01-2014
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invite à lire ce communiqué de presse publié sur le site des Reporters
sans frontières le 25 décembre 2013.
Reporters sans frontières
Publié le mercredi 25 décembre 2013.
Les journalistes une nouvelle fois boucs émissaires de la crise politique
Reporters sans frontières dénonce fermement la volonté des autorités
d'entraver la circulation de l'information sur le scandale
politico-financier qui défraie la chronique depuis une semaine en
Turquie. Restriction drastique de l'accès des médias aux sources
policières, blocage d'un site d'information, licenciement d'une
journaliste de premier plan... Le gouvernement tente par tous les moyens
de contenir les fuites sur ce sujet des plus embarrassants et renoue
avec une rhétorique très agressive à l'encontre des médias critiques.
« Nous sommes vivement préoccupés par la série de mesures liberticides
prises à l'encontre des médias ces derniers jours. En tentant
d'instaurer une censure a priori et a posteriori sur la vaste enquête
anti-corruption qui vise le c`ur du pouvoir, le gouvernement ne fait
que renforcer l'opacité déjà prégnante sur les grands dossiers
politico-judiciaires turcs, au mépris du droit à l'information de la
population sur un sujet aussi important », a déclaré Reporters sans
frontières.
« Ankara semble prendre pour habitude, lorsqu'il se sent en
difficulté, de tirer sur le messager. Les journalistes n'ont pas à
faire les frais de l'affrontement en cours au sommet du pouvoir. Il
est inacceptable que les discours officiels, comme pendant les
manifestations du parc Gezi, continuent d'assimiler les médias
critiques à des ennemis de la nation. »
Le 17 décembre 2013, une trentaine de personnalités de haut rang ont
été interpellées dans le cadre d'une vaste enquête anti-corruption.
Parmi elles figurent les fils de deux ministres, le directeur exécutif
d'une banque d'Etat et un magnat du secteur de la construction. Un
coup dur pour l'équipe gouvernementale, qui doit largement son arrivée
au pouvoir il y a dix ans à ses promesses de lutte contre la fraude et
la corruption. Alors que le scandale n'en finit pas de se développer,
l'exécutif a riposté, se disant victime d'un « complot international »
et limogeant de nombreux hauts responsables de la police à travers le
pays.
Cette affaire est largement interprétée comme un nouvel épisode de la
lutte d'influence au sein de l'élite conservatrice, qui s'approfondit
jusqu'au c`ur du parti AKP au pouvoir à l'approche des élections de
l'année 2014. Depuis plusieurs mois, le conflit s'exacerbe entre
partisans du premier ministre Recep Tayyip Erdogan et tenants de
l'influente confrérie islamique de Fethullah Gülen, qui compte de
nombreux membres au sein de la police et des institutions judiciaires.
L'information tarie à la source, bloquée à la sortie
Le 22 décembre, la Direction de la police a annoncé que les
journalistes n'auraient désormais plus d'accès direct aux institutions
policières dans le cadre de leurs activités professionnelles. En
conséquence, les professionnels des médias ont été priés de remettre
les accréditations et les clés qui leur permettaient de se rendre aux
services de presse d'un certain nombre de commissariats. Ils devront
désormais se contenter des informations officielles distillées lors
des points de presse ou autres briefings. Les associations turques de
défense de la liberté de la presse ont unanimement dénoncé cette
mesure « sans précédent », qui empêchera les journalistes de collecter
les données brutes indispensables à leur travail et prétend les
réduire à de simples relais de la communication policière.
La veille, le site d'information Yeni Dönem (Nouvelle ère), récemment
fondé par le célèbre journaliste Mehmet Baransu et qui était à
l'origine de certaines révélations sur l'enquête anti-corruption,
avait été bloqué. Il devenait ainsi la première victime d'un arrêt
rendu le 20 décembre par le procureur général de la République
d'Istanbul, qui mettait en garde les médias et les sites d'information
contre toute publication susceptible de « porter atteinte à la
présomption d'innocence » ou « à un procès juste et équitable ». Les
autorités de régulation, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (RTÜK)
et la Haute instance de la télécommunication (Tib), sont chargées de
veiller à l'application de cette décision.
L'avocat de Mehmet Baransu, Sercan Sakalli, a annoncé son intention de
demander la levée du blocage, mais également de porter plainte auprès
du parquet d'Ankara contre les magistrats à l'origine de cette mesure.
Il souligne que cette affaire provoque un intense débat de société,
que les médias continuent de la couvrir, et que Yeni Dönem n'est pas
le seul support à rendre publics des éléments de l'enquête.
De célèbres journalistes pris pour cibles
Mehmet Baransu était déjà au c`ur du précédent épisode de censure liée
à l'affrontement entre le Premier ministre et le mouvement Gülen. Fin
novembre, il avait publié dans le quotidien libéral Taraf un document
datant de 2004, dans lequel Recep Tayyip Erdogan, l'actuel président
de la République Abdullah Gül et le Conseil national de sécurité (MGK)
demandaient au gouvernement de prendre des mesures pour « en finir »
avec la confrérie. Quelques jours plus tard, le journaliste révélait
que des mesures de surveillance et de fichage des membres de la
confrérie avaient été mises en place par les services de renseignement
(MIT). Bien que l'authenticité de ces documents soit hors de cause,
Mehmet Baransu et Taraf ont été visés par une cascade de plaintes
émanant des services du Premier ministre, du MGK et de la MIT, pour
avoir « diffusé des documents classifiés relatifs à la sécurité de
l'Etat ». Le 7 décembre, le Premier ministre a publiquement assimilé
le travail de Taraf et de son chroniqueur à de la « trahison » et
suggéré que la justice devait les condamner. Ce qui a poussé le
journaliste et son employeur à porter plainte à leur tour pour «
insulte », « diffamation » et « tentative d'influencer le cours de la
justice ».
Mehmet Baransu n'est pas le seul journaliste de premier plan à faire
les frais de la tension politique actuelle. La célèbre chroniqueuse du
quotidien conservateur Sabah, Nazli Ilicak, a été licenciée le 18
décembre, au lendemain d'une apparition sur la chaîne CNN Türk au
cours de laquelle elle appelé à la démission des ministres dont les
fils sont impliqués dans le scandale de corruption. La direction de ce
journal pro-gouvernemental a invoqué une « divergence d'opinions ».
La Turquie occupe la 154e place sur 179 dans le classement mondial
2013 de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières.
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