REVUE DE PRESSE
L'écrivain Sevan Nisanyan en prison pour des « constructions illégales »
Guillaume Perrier
Depuis jeudi, Sevan Nisanyan dort en prison, près d'Izmir. Ce célèbre
intellectuel arménien de Turquie, écrivain, linguiste et hôtelier gé
de 57 ans, s'est présenté à la porte de l'établissement pénitentiaire
de Torbali, pour y purger une peine d'au moins deux ans
d'incarcération. Après des années de harcèlement judiciaire, le
tribunal de Selçuk (Ouest), l'a condamné mi-décembre pour avoir
construit sans permis une maisonnette de pierre et une tour de guet,
dans le village touristique de Sirince, où il a élu domicile il y a
vingt ans. La sentence a de quoi surprendre, « dans un pays où tout
est construit illégalement » selon M. Nisanyan, et où un scandale
retentissant de corruption et de malversations éclabousse l'entourage
du premier ministre Recep Tayyip Erdogan, notamment pour avoir délivré
des permis de construire complaisants à des promoteurs immobiliers. «
Il n'y a pas de loi en Turquie. Le système judiciaire est une
plaisanterie. Il serait ridicule de parler d'Etat de droit et
d'égalité devant la justice. Ce pays est gouverné en fonction des
affinités personnelles ou politiques », assène le condamné, joint par
téléphone, la veille de sa mise en détention.
Cela fait longtemps déjà que l'Etat turc s'obstine à vouloir faire
taire cet esprit boulimique et provocateur, diplômé de Yale et
Harvard, tour à tour génial et agaçant. Spécialiste de la langue
turque, dont il a rédigé l'un des premiers dictionnaires
étymologiques, cet Arménien né à Istanbul mène aussi un combat
intellectuel contre les dogmes dominants- le kémalisme et l'islamisme
- et pour la reconnaissance de l'identité multiculturelle de
l'Anatolie, s'employant à déconstruire l'histoire officielle et les
légendes nationalistes dont la Turquie est bercée. Sur Internet, il
constitue un index toponymique pour recenser les villes et les
villages dont le nom a été turquifié. Il sillonne le pays en voiture
pour recenser les hôtels de charme et les tables gastronomiques. Dans
les années 90, il s'installe dans le village de Sirince, autrefois
peuplé de Grecs, et se met à restaurer des maisons anciennes pour les
transformer en pensions touristiques. Avec son ami Ali Nesin,
mathématicien de renommée mondiale, il btit une école où des
étudiants du monde entier viennent apprendre les sciences et la
philosophie.
Les ennuis se sont précisés pour lui après la publication en 2008 de «
la fausse république », une critique féroce du régime kémaliste. « Un
mois après, le premier procès a été ouvert. Une armée d'inspecteurs a
défilé dans le village. Depuis, j'ai eu 19 procès, qui se sont tous
terminés par une condamnation avec au total 24 ans de prison », résume
M. Nisanyan qui assure avoir « commencé cette bataille avec la pleine
conscience des possibles conséquences ». Car finalement rien ne le
flatte plus que d'apparaître comme celui qui confronte la Turquie à
ses démons. En mai dernier, il a été condamné à 13 mois de prison pour
avoir prétendument « insulté le prophète Mahomet ». Lui se défend de
tout blasphème. « J'ai critiqué l'intolérance religieuse et le premier
ministre a voulu ma condamnation ». Et puis Sevan Nisanyan est
arménien, une circonstance « indiscutablement » aggravante. « En
Turquie, les Arméniens doivent baisser la tête. Il n'est pas
convenable de parler aussi directement de choses publiques »
http://istanbul.blog.lemonde.fr/2014/01/03/sevan-nisanyan-en-prison/
mardi 7 janvier 2014,
Stéphane ©armenews.com
L'écrivain Sevan Nisanyan en prison pour des « constructions illégales »
Guillaume Perrier
Depuis jeudi, Sevan Nisanyan dort en prison, près d'Izmir. Ce célèbre
intellectuel arménien de Turquie, écrivain, linguiste et hôtelier gé
de 57 ans, s'est présenté à la porte de l'établissement pénitentiaire
de Torbali, pour y purger une peine d'au moins deux ans
d'incarcération. Après des années de harcèlement judiciaire, le
tribunal de Selçuk (Ouest), l'a condamné mi-décembre pour avoir
construit sans permis une maisonnette de pierre et une tour de guet,
dans le village touristique de Sirince, où il a élu domicile il y a
vingt ans. La sentence a de quoi surprendre, « dans un pays où tout
est construit illégalement » selon M. Nisanyan, et où un scandale
retentissant de corruption et de malversations éclabousse l'entourage
du premier ministre Recep Tayyip Erdogan, notamment pour avoir délivré
des permis de construire complaisants à des promoteurs immobiliers. «
Il n'y a pas de loi en Turquie. Le système judiciaire est une
plaisanterie. Il serait ridicule de parler d'Etat de droit et
d'égalité devant la justice. Ce pays est gouverné en fonction des
affinités personnelles ou politiques », assène le condamné, joint par
téléphone, la veille de sa mise en détention.
Cela fait longtemps déjà que l'Etat turc s'obstine à vouloir faire
taire cet esprit boulimique et provocateur, diplômé de Yale et
Harvard, tour à tour génial et agaçant. Spécialiste de la langue
turque, dont il a rédigé l'un des premiers dictionnaires
étymologiques, cet Arménien né à Istanbul mène aussi un combat
intellectuel contre les dogmes dominants- le kémalisme et l'islamisme
- et pour la reconnaissance de l'identité multiculturelle de
l'Anatolie, s'employant à déconstruire l'histoire officielle et les
légendes nationalistes dont la Turquie est bercée. Sur Internet, il
constitue un index toponymique pour recenser les villes et les
villages dont le nom a été turquifié. Il sillonne le pays en voiture
pour recenser les hôtels de charme et les tables gastronomiques. Dans
les années 90, il s'installe dans le village de Sirince, autrefois
peuplé de Grecs, et se met à restaurer des maisons anciennes pour les
transformer en pensions touristiques. Avec son ami Ali Nesin,
mathématicien de renommée mondiale, il btit une école où des
étudiants du monde entier viennent apprendre les sciences et la
philosophie.
Les ennuis se sont précisés pour lui après la publication en 2008 de «
la fausse république », une critique féroce du régime kémaliste. « Un
mois après, le premier procès a été ouvert. Une armée d'inspecteurs a
défilé dans le village. Depuis, j'ai eu 19 procès, qui se sont tous
terminés par une condamnation avec au total 24 ans de prison », résume
M. Nisanyan qui assure avoir « commencé cette bataille avec la pleine
conscience des possibles conséquences ». Car finalement rien ne le
flatte plus que d'apparaître comme celui qui confronte la Turquie à
ses démons. En mai dernier, il a été condamné à 13 mois de prison pour
avoir prétendument « insulté le prophète Mahomet ». Lui se défend de
tout blasphème. « J'ai critiqué l'intolérance religieuse et le premier
ministre a voulu ma condamnation ». Et puis Sevan Nisanyan est
arménien, une circonstance « indiscutablement » aggravante. « En
Turquie, les Arméniens doivent baisser la tête. Il n'est pas
convenable de parler aussi directement de choses publiques »
http://istanbul.blog.lemonde.fr/2014/01/03/sevan-nisanyan-en-prison/
mardi 7 janvier 2014,
Stéphane ©armenews.com