CE QUE SURVIVRE VEUT DIRE : APRES LE GENOCIDE ARMENIEN, LA SHOAH ET HIROSHIMA
http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=77868
Publie le : 15-01-2014
Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - Le Collectif VAN vous
invite a lire la traduction de Georges Festa d'un article en anglais de
Taleen Babayan publie sur le site The Armenian Mirror-Spectator, mise
en ligne sur le site Armenian Trends - Mes Armenies le 14 janvier 2014.
Armenian Trends - Mes Armenies
mardi 14 janvier 2014
Universite Columbia - Ce que survivre veut dire : après le genocide
armenien, la Shoah et Hiroshima
© Columbia University Press, 2012
Ce que survivre veut dire
Symposium a l'Universite Columbia (New York), 4 dec. 2013
par Taleen Babayan
The Armenian Mirror-Spectator, 11.01.2014
NEW YORK - Un symposium sur le sens lie au statut de survivant,
qui reunissait d'eminents chercheurs dans ce domaine - Peter
Balakian, Robert Jay Lifton et Marianne Hirsch, s'est tenu a
l'universite Columbia, mercredi 4 decembre dernier, dans le cadre
d'une manifestation organisee par le Centre Armenien de cette meme
universite.
Intitulee "Ce que survivre veut dire : après le genocide armenien, la
Shoah et Hiroshima," cette table ronde s'est interessee aux sequelles
des survivants de ces catastrophes humaines, cherchant a comprendre
leurs experiences tragiques.
Poète et auteur reconnu, laureat de nombreux prix, Peter Balakian
fut presente par Marianne Hirsch, titulaire de la chaire William
Peterfield de litterature anglaise et comparee a l'universite Columbia,
qui officiait en qualite de moderatrice et qui a ecrit plusieurs
ouvrages importants sur le traumatisme, la memoire et la Shoah.
P. Balakian presenta un recit personnel, heritage familial, a savoir
celui de sa grand-mère, Nafina, survivante du genocide armenien,
en guise d'"introduction au debat sur l'experience de survivant."
Habitant a Diyarbakir a l'epoque du genocide armenien, les habitations
et les biens de sa famille furent pilles et confisques, et elle fut
temoin du massacre de sa famille et de sa communaute. Nafina survecut
a une marche forcee, dans laquelle tous les membres de sa famille
furent tues.
Arrivee a Alep a l'automne 1915, elle se met a compiler des
declarations sous serment, en vue d'un procès, au nom des droits de
l'homme, contre le gouvernement turc pour toutes les pertes subies
par sa famille. P. Balakian lut la demande d'indemnisation de sa
grand-mère, extraite de ses Memoires, Black Dog of Fate, distingues
par le New York Times. La plainte, rappela-t-il, qu'elle deposa a
son arrivee aux Etats-Unis, "contribua a la prise en compte d'un
survivante au lendemain immediat d'un choc a grande echelle avec le
meurtre de masse, le viol, la malnutrition, la famine et la mort."
"Elle fut temoin de la verite," souligna Peter Balakian, titulaire
de la chaire Donald M. et Constance H. Rebar en sciences humaines a
l'universite Colgate (Hamilton, NY) et professeur associe d'etudes
armeniennes (chaire Ordjanian) a l'universite Columbia.
Chercheur, psychiatre et historien, Robert Jay Lifton, qui a ecrit
plus de vingt ouvrages sur le traumatisme, la survie et la violence,
a defini ensuite le survivant comme quelqu'un qui a, en quelque sorte,
rencontre la mort, en a ete temoin, tout en restant en vie.
"Il y a une victoire dans le fait de survivre, puisque l'on demeure
vivant," rappela l'intervenant, professeur emerite en 3ème cycle a la
City University of NY et au John Jay College for Criminal Justice. "Il
est necessaire de donner du sens a ce genre de catastrophe, si l'on
veut trouver un sens au reste de son existence."
Les survivants du bombardement d'Hiroshima, au Japon, après la Seconde
Guerre mondiale, souligna-t-il, vecurent toute leur existence en
proie a "une imagerie hantee par la mort," nee de leur rencontre
avec les consequences de la tragedie qui furent transmises a la
generation suivante.
"Du sens lie au statut de survivant naît une mission du survivant,
que l'on entreprend, afin de faire valoir ce sens," nota R. J. Lifton,
qui conclut son expose en revenant au recit de Nafina. "Un combat
heroïque fut mene par cette femme, qui chercha a s'opposer aux forces
de destruction dans son existence. Je ne pense pas qu'il y ait un
meilleur principe moral sur lequel nous puissions fonder notre monde."
Succedant aux interventions de P. Balakian et R. J. Lifton,
Marianne Hirsch posa des questions complementaires, se demandant,
entre autres, pourquoi Nafina "fit le choix d'une plainte en justice,
non pour demander reparations, mais pour exprimer l'injustice subie
et commemorer les morts."
"Il s'agit d'un point d'appui contre le fait d'avoir ete supprime ou
aneanti," precisa P. Balakian, qui releva que la plainte n'aboutit
a rien et que le document resta dans le tiroir d'un buffet soixante
ans durant, jusqu'a ce qu'il le retrouvât. "Dans les cas de meurtres
de masse et de genocides, les survivants finissent par assumer un
rôle moral et la famille est essentielle. Cette plainte revet une
dimension post-mortem."
Robert Jay Lifton rappela toute la serie de temoins, puisque Nafina
eprouve la catastrophe et raconte a nouveau son histoire a travers sa
plainte en justice. "Ce qui n'aboutit pas au plan juridique inaugure
les ramifications juridiques du temoignage, et il y a en cela quelque
chose d'emouvant."
R. J. Lifton souligna que des desastres tels que la Shoah, Hiroshima
et le genocide armenien detruisent le sens, ainsi que les existences
et les structures humaines : "En tant qu'etres humains, nous sommes
des creatures assoiffees de sens. Voila pourquoi la lutte pour le sens
est si difficile, poignante et douloureuse - mais il en va toujours
ainsi, car c'est tel est notre fonctionnement mental. Il nous faut
recreer tout ce que nous percevons."
Son intervention fut suivie d'un debat anime, tandis que des echanges
informels se poursuivirent en soiree, concluant un semestre memorable
de manifestations accueillies par le Centre Armenien de Columbia.
Source : http://www.mirrorspectator.com/pdf/011114.pdf Traduction :
© Georges Festa - 01.2014
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Source/Lien : Armenian Trends - Mes Armenies
http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=77868
Publie le : 15-01-2014
Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - Le Collectif VAN vous
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Taleen Babayan publie sur le site The Armenian Mirror-Spectator, mise
en ligne sur le site Armenian Trends - Mes Armenies le 14 janvier 2014.
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mardi 14 janvier 2014
Universite Columbia - Ce que survivre veut dire : après le genocide
armenien, la Shoah et Hiroshima
© Columbia University Press, 2012
Ce que survivre veut dire
Symposium a l'Universite Columbia (New York), 4 dec. 2013
par Taleen Babayan
The Armenian Mirror-Spectator, 11.01.2014
NEW YORK - Un symposium sur le sens lie au statut de survivant,
qui reunissait d'eminents chercheurs dans ce domaine - Peter
Balakian, Robert Jay Lifton et Marianne Hirsch, s'est tenu a
l'universite Columbia, mercredi 4 decembre dernier, dans le cadre
d'une manifestation organisee par le Centre Armenien de cette meme
universite.
Intitulee "Ce que survivre veut dire : après le genocide armenien, la
Shoah et Hiroshima," cette table ronde s'est interessee aux sequelles
des survivants de ces catastrophes humaines, cherchant a comprendre
leurs experiences tragiques.
Poète et auteur reconnu, laureat de nombreux prix, Peter Balakian
fut presente par Marianne Hirsch, titulaire de la chaire William
Peterfield de litterature anglaise et comparee a l'universite Columbia,
qui officiait en qualite de moderatrice et qui a ecrit plusieurs
ouvrages importants sur le traumatisme, la memoire et la Shoah.
P. Balakian presenta un recit personnel, heritage familial, a savoir
celui de sa grand-mère, Nafina, survivante du genocide armenien,
en guise d'"introduction au debat sur l'experience de survivant."
Habitant a Diyarbakir a l'epoque du genocide armenien, les habitations
et les biens de sa famille furent pilles et confisques, et elle fut
temoin du massacre de sa famille et de sa communaute. Nafina survecut
a une marche forcee, dans laquelle tous les membres de sa famille
furent tues.
Arrivee a Alep a l'automne 1915, elle se met a compiler des
declarations sous serment, en vue d'un procès, au nom des droits de
l'homme, contre le gouvernement turc pour toutes les pertes subies
par sa famille. P. Balakian lut la demande d'indemnisation de sa
grand-mère, extraite de ses Memoires, Black Dog of Fate, distingues
par le New York Times. La plainte, rappela-t-il, qu'elle deposa a
son arrivee aux Etats-Unis, "contribua a la prise en compte d'un
survivante au lendemain immediat d'un choc a grande echelle avec le
meurtre de masse, le viol, la malnutrition, la famine et la mort."
"Elle fut temoin de la verite," souligna Peter Balakian, titulaire
de la chaire Donald M. et Constance H. Rebar en sciences humaines a
l'universite Colgate (Hamilton, NY) et professeur associe d'etudes
armeniennes (chaire Ordjanian) a l'universite Columbia.
Chercheur, psychiatre et historien, Robert Jay Lifton, qui a ecrit
plus de vingt ouvrages sur le traumatisme, la survie et la violence,
a defini ensuite le survivant comme quelqu'un qui a, en quelque sorte,
rencontre la mort, en a ete temoin, tout en restant en vie.
"Il y a une victoire dans le fait de survivre, puisque l'on demeure
vivant," rappela l'intervenant, professeur emerite en 3ème cycle a la
City University of NY et au John Jay College for Criminal Justice. "Il
est necessaire de donner du sens a ce genre de catastrophe, si l'on
veut trouver un sens au reste de son existence."
Les survivants du bombardement d'Hiroshima, au Japon, après la Seconde
Guerre mondiale, souligna-t-il, vecurent toute leur existence en
proie a "une imagerie hantee par la mort," nee de leur rencontre
avec les consequences de la tragedie qui furent transmises a la
generation suivante.
"Du sens lie au statut de survivant naît une mission du survivant,
que l'on entreprend, afin de faire valoir ce sens," nota R. J. Lifton,
qui conclut son expose en revenant au recit de Nafina. "Un combat
heroïque fut mene par cette femme, qui chercha a s'opposer aux forces
de destruction dans son existence. Je ne pense pas qu'il y ait un
meilleur principe moral sur lequel nous puissions fonder notre monde."
Succedant aux interventions de P. Balakian et R. J. Lifton,
Marianne Hirsch posa des questions complementaires, se demandant,
entre autres, pourquoi Nafina "fit le choix d'une plainte en justice,
non pour demander reparations, mais pour exprimer l'injustice subie
et commemorer les morts."
"Il s'agit d'un point d'appui contre le fait d'avoir ete supprime ou
aneanti," precisa P. Balakian, qui releva que la plainte n'aboutit
a rien et que le document resta dans le tiroir d'un buffet soixante
ans durant, jusqu'a ce qu'il le retrouvât. "Dans les cas de meurtres
de masse et de genocides, les survivants finissent par assumer un
rôle moral et la famille est essentielle. Cette plainte revet une
dimension post-mortem."
Robert Jay Lifton rappela toute la serie de temoins, puisque Nafina
eprouve la catastrophe et raconte a nouveau son histoire a travers sa
plainte en justice. "Ce qui n'aboutit pas au plan juridique inaugure
les ramifications juridiques du temoignage, et il y a en cela quelque
chose d'emouvant."
R. J. Lifton souligna que des desastres tels que la Shoah, Hiroshima
et le genocide armenien detruisent le sens, ainsi que les existences
et les structures humaines : "En tant qu'etres humains, nous sommes
des creatures assoiffees de sens. Voila pourquoi la lutte pour le sens
est si difficile, poignante et douloureuse - mais il en va toujours
ainsi, car c'est tel est notre fonctionnement mental. Il nous faut
recreer tout ce que nous percevons."
Son intervention fut suivie d'un debat anime, tandis que des echanges
informels se poursuivirent en soiree, concluant un semestre memorable
de manifestations accueillies par le Centre Armenien de Columbia.
Source : http://www.mirrorspectator.com/pdf/011114.pdf Traduction :
© Georges Festa - 01.2014
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