Le Monde.fr, France
Samedi 21 Juin 2014
Andranik Teymourian, porte-drapeau des Arméniens d'Iran au Mondial
par Anthony Hernandez; Ghazal Golshiri
C'est une image qui le hante encore aujourd'hui. Un moment qu'il ne
veut pas revivre, même s'il l'a rendu célèbre. En foulant la pelouse
du stade de Belo Horizonte, samedi 21 juin face à l'Argentine,
l'Iranien Andranik Teymourian, 31 ans, aura sans doute en tête un
autre 21 juin. Celui de 2006, quand, à l'issue d'un match nul de
l'Iran face à l'Angola (1-1), il s'effondra en sanglots sur la pelouse
de Leipzig parce que son équipe quittait la Coupe du monde.
Argentine - Iran en direct à partir de 18 heures
Cet épisode, plutôt fréquent sur les terrains de sport, a fait parler
de lui en Iran. Parce que son appartenance à la minorité chrétienne et
arménienne en renforçait la portée symbolique. Huit ans après, fort
d'une expérience de quatre ans sur les pelouses anglaises (de 2006 à
2010), le milieu de terrain au catogan a, de nouveau, l'occasion de
montrer son talent et son patriotisme. Même si les gradins du stade
brésilien seront remplis par les supporters de l'Albiceleste.
Au côté du capitaine vedette de l'équipe, Javad Nekounam, il pourra
une nouvelle fois faire parler son expérience. Pour cette deuxième
rencontre du groupe F, l'Iran de Teymourian tentera de faire bonne
figure face à l'un des favoris du Mondial. ' Aucun match n'est facile
pour nous mais, de même, jouer contre l'Iran n'est jamais une chose
facile pour n'importe lequel de nos adversaires ', déclarait-il avant
le début de la compétition. Le Nigeria, champion d'Afrique en titre,
s'est en effet déjà cassé les dents (0-0) sur l'Iran, lors de son
premier match.
117 000 CHRÉTIENS EN IRAN
Avec 80 sélections depuis ses débuts internationaux en 2005, le joueur
de l'Esteghlal Téhéran a un rôle particulier au sein de la ' Team
Melli '. Le 18 mai, en match de préparation face à la Biélorussie
(0-0), il est ainsi devenu le premier chrétien à porter le brassard de
capitaine de l'équipe iranienne. Seul chrétien et arménien des 23
joueurs dirigés par le Portugais Carlos Queiroz, Andranik Teymourian
n'est pas le premier membre de la minorité arménienne à porter le
maillot national iranien. L'un de ses prédécesseurs les plus célèbres
se nomme Andranik Eskandarian. Cet ancien joueur du Cosmos de New York
a participé à la première Coupe du monde disputée par l'Iran, en 1978
en Argentine.
' Le football est très populaire chez les Arméniens, et nous y avons
toujours été actifs, assure Robert Beglarian, député de Téhéran et
membre de cette communauté. On suit de près Teymourian parce qu'il est
brillant et parce que les Arméniens ont toujours eu des joueurs au
sein de l'équipe nationale. Le sport crée effectivement un sentiment
de cohésion et une unité nationale en Iran et tout particulièrement le
football. '
Selon le dernier recensement officiel, la République islamique d'Iran
compte près de 117 000 chrétiens, dont environ 80 000 Arméniens. La
Constitution iranienne reconnaît quatre minorités religieuses :
chrétiens arméniens, chrétiens assyriens, juifs et zoroastriens. Au
Parlement iranien, 5 sièges sur 290 sont réservés à ces minorités,
dont deux aux Arméniens. Si leur accès à certaines responsabilités
militaires reste limité, et si le président de la République doit être
musulman, le député Beglarian ne se plaint pas du sort des minorités
en Iran : ' Il n'y a pas de méfiance en Iran par rapport aux minorités
; dès lors qu'un pays est dirigé avec un regard religieux, il est
peut-être naturel que certains postes ne soient pas ouverts aux
minorités. '
L'ARRIVÉE DES BI-NATIONAUX
Présents notamment à Tabriz et Oroumieh (nord-ouest du pays), à Shiraz
(sud) à Ispahan (centre), et bien entendu à Téhéran, les clubs
sportifs arméniens participent au maintien de l'identité de la
communauté. Henrik Khalouian, directeur du club arménien Ararat,
implanté dans la capitale, et dans lequel Teymourian a été formé, ne
cache pas l'importance que revêt la présence de son coreligionnaire en
sélection. ' Cela fait 400 ans que nous vivons en Iran. Il est vrai
que notre nombre a diminué et que nous sommes peut-être moins
visibles. Voilà pourquoi la présence de Teymourian au sein de l'équipe
nationale est d'autant plus importante. Nous en sommes fiers ',
affirme-t-il.
Finalement logique, bien que symbolique, la sélection d'Andranik
Teymourian s'accompagne cette année d'une révolution importante pour
le football iranien. A la demande du sélectionneur Carlos Queiroz, la
Team Melli s'est également ouverte aux joueurs bi-nationaux : un
Irano-Allemand (Ashkan Dejagah), un Irano-Néerlandais (Reza
Ghoochannejhad) et un... Irano-Américain, en la personne de Steven
Beitashour.
Entre minorités et diaspora, le football iranien ne veut se priver
d'aucun atout pour espérer remporter une deuxième victoire en Coupe du
monde, après celle obtenue en 1998 face aux Etats-Unis.
From: A. Papazian
Samedi 21 Juin 2014
Andranik Teymourian, porte-drapeau des Arméniens d'Iran au Mondial
par Anthony Hernandez; Ghazal Golshiri
C'est une image qui le hante encore aujourd'hui. Un moment qu'il ne
veut pas revivre, même s'il l'a rendu célèbre. En foulant la pelouse
du stade de Belo Horizonte, samedi 21 juin face à l'Argentine,
l'Iranien Andranik Teymourian, 31 ans, aura sans doute en tête un
autre 21 juin. Celui de 2006, quand, à l'issue d'un match nul de
l'Iran face à l'Angola (1-1), il s'effondra en sanglots sur la pelouse
de Leipzig parce que son équipe quittait la Coupe du monde.
Argentine - Iran en direct à partir de 18 heures
Cet épisode, plutôt fréquent sur les terrains de sport, a fait parler
de lui en Iran. Parce que son appartenance à la minorité chrétienne et
arménienne en renforçait la portée symbolique. Huit ans après, fort
d'une expérience de quatre ans sur les pelouses anglaises (de 2006 à
2010), le milieu de terrain au catogan a, de nouveau, l'occasion de
montrer son talent et son patriotisme. Même si les gradins du stade
brésilien seront remplis par les supporters de l'Albiceleste.
Au côté du capitaine vedette de l'équipe, Javad Nekounam, il pourra
une nouvelle fois faire parler son expérience. Pour cette deuxième
rencontre du groupe F, l'Iran de Teymourian tentera de faire bonne
figure face à l'un des favoris du Mondial. ' Aucun match n'est facile
pour nous mais, de même, jouer contre l'Iran n'est jamais une chose
facile pour n'importe lequel de nos adversaires ', déclarait-il avant
le début de la compétition. Le Nigeria, champion d'Afrique en titre,
s'est en effet déjà cassé les dents (0-0) sur l'Iran, lors de son
premier match.
117 000 CHRÉTIENS EN IRAN
Avec 80 sélections depuis ses débuts internationaux en 2005, le joueur
de l'Esteghlal Téhéran a un rôle particulier au sein de la ' Team
Melli '. Le 18 mai, en match de préparation face à la Biélorussie
(0-0), il est ainsi devenu le premier chrétien à porter le brassard de
capitaine de l'équipe iranienne. Seul chrétien et arménien des 23
joueurs dirigés par le Portugais Carlos Queiroz, Andranik Teymourian
n'est pas le premier membre de la minorité arménienne à porter le
maillot national iranien. L'un de ses prédécesseurs les plus célèbres
se nomme Andranik Eskandarian. Cet ancien joueur du Cosmos de New York
a participé à la première Coupe du monde disputée par l'Iran, en 1978
en Argentine.
' Le football est très populaire chez les Arméniens, et nous y avons
toujours été actifs, assure Robert Beglarian, député de Téhéran et
membre de cette communauté. On suit de près Teymourian parce qu'il est
brillant et parce que les Arméniens ont toujours eu des joueurs au
sein de l'équipe nationale. Le sport crée effectivement un sentiment
de cohésion et une unité nationale en Iran et tout particulièrement le
football. '
Selon le dernier recensement officiel, la République islamique d'Iran
compte près de 117 000 chrétiens, dont environ 80 000 Arméniens. La
Constitution iranienne reconnaît quatre minorités religieuses :
chrétiens arméniens, chrétiens assyriens, juifs et zoroastriens. Au
Parlement iranien, 5 sièges sur 290 sont réservés à ces minorités,
dont deux aux Arméniens. Si leur accès à certaines responsabilités
militaires reste limité, et si le président de la République doit être
musulman, le député Beglarian ne se plaint pas du sort des minorités
en Iran : ' Il n'y a pas de méfiance en Iran par rapport aux minorités
; dès lors qu'un pays est dirigé avec un regard religieux, il est
peut-être naturel que certains postes ne soient pas ouverts aux
minorités. '
L'ARRIVÉE DES BI-NATIONAUX
Présents notamment à Tabriz et Oroumieh (nord-ouest du pays), à Shiraz
(sud) à Ispahan (centre), et bien entendu à Téhéran, les clubs
sportifs arméniens participent au maintien de l'identité de la
communauté. Henrik Khalouian, directeur du club arménien Ararat,
implanté dans la capitale, et dans lequel Teymourian a été formé, ne
cache pas l'importance que revêt la présence de son coreligionnaire en
sélection. ' Cela fait 400 ans que nous vivons en Iran. Il est vrai
que notre nombre a diminué et que nous sommes peut-être moins
visibles. Voilà pourquoi la présence de Teymourian au sein de l'équipe
nationale est d'autant plus importante. Nous en sommes fiers ',
affirme-t-il.
Finalement logique, bien que symbolique, la sélection d'Andranik
Teymourian s'accompagne cette année d'une révolution importante pour
le football iranien. A la demande du sélectionneur Carlos Queiroz, la
Team Melli s'est également ouverte aux joueurs bi-nationaux : un
Irano-Allemand (Ashkan Dejagah), un Irano-Néerlandais (Reza
Ghoochannejhad) et un... Irano-Américain, en la personne de Steven
Beitashour.
Entre minorités et diaspora, le football iranien ne veut se priver
d'aucun atout pour espérer remporter une deuxième victoire en Coupe du
monde, après celle obtenue en 1998 face aux Etats-Unis.
From: A. Papazian