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Arsène, le dernier des Manouchian

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    Aujourd'hui en France
    Dimanche 23 Février 2014

    Arsène, le dernier des Manouchian

    par: Clément Chaillou


    Pour se rendre chez Arsène Tchakarian, Ã Vitry-sur-Seine
    (Val-de-Marne), on peut passer par la place du 19-Mars-1962 et son
    monument aux morts. On peut aussi prendre l'avenue du
    Groupe-Manouchian... réseau de résistants dont il est, Ã 97 ans, le
    dernier survivant.

    Le teint mat et le regard vif, l'homme ouvre le portail de son
    pavillon en pointant du doigt une voiture française garée dans la rue.
    « Je conduis encore, lance-t-il avec fierté. D'ailleurs, depuis la
    Libération, je n'ai dû prendre le métro que deux ou trois fois. »
    Arsène Tchakarian se tient droit, parle bien. Beaucoup. « Je suis
    assez bavard », prévient-il en s'asseyant derrière son bureau, aménagé
    sous une véranda en bordure de jardin.

    Armé de ses notes « pour ne rien oublier », le patriarche (il a 25
    arrière-petits-enfants) assure avoir raconté ses aventures dans « plus
    de 220 conférences », une « histoire magnifique », sourit-il. Né en
    Turquie, élevé en Bulgarie, Arsène est arrivé Ã Paris avec sa famille
    au début des années 1930. En 1943, il a 27 ans et fréquente déjà son
    ami Missak Manouchian, issu comme lui de la communauté arménienne et
    de la CGT. « Un homme très intelligent et très cultivé, se
    souvient-il. Il avait été journaliste et poète. Entre 1940 et 1942,
    nous distribuions ensemble des tracts anti-hitlériens. » Une guerre
    des mots, prémices d'une action plus pre.

    Après l'unification de la Résistance, Tchakarian et Manouchian
    prennent part à la première armée secrète. « C'était quelque chose de
    très organisé. Nous étions des commandos, nous utilisions des faux
    noms. Je ne connaissais l'identité de personne, excepté Manouchian. »
    C'est avec lui et Marcel Rayman qu'il commet le 17 mars 1943 un
    premier attentat à la grenade contre une vingtaine de feldgendarmes, Ã
    Levallois-Perret. « Pour passer à l'attaque, il fallait être rusé,
    mais il fallait aussi avoir du courage. Moi, j'ai toujours eu beaucoup
    de sang-froid. Si je haïssais les Allemands ? J'ai beau être un petit
    immigré arménien, j'ai subi l'occupation comme tout le monde. J'ai eu
    froid, j'ai eu faim et je suis allé au front en 1939. Je me suis plus
    battu pour la France que certains Français. J'étais un dur. »

    Un dur ?qui, 70 ans plus tard, ne se laisse pas déborder par ses
    émotions en racontant la dizaine d'actions auxquelles il a participé,
    Ã la tête d'un petit groupe. « Tout ce que je peux dire, c'est que
    mettre des obus dans un canon, ce n'est pas pareil que de se dresser
    en face d'un homme et pointer une arme vers lui », concède-t-il avec
    pudeur.

    Ce n'est que lorsqu'il évoque celui qui l'a aidé Ã se cacher, un
    camarade de bataillon, que l'oeil se met à briller. « Frédéric
    Navar... vous pouvez noter son nom. Ce qu'il a fait est juste
    formidable. » Quand les 23 du groupe Manouchian sont arrêtés, Arsène
    se terre dans un petit appartement de Montrouge (Hauts-de-Seine). A sa
    sortie, l'Affiche rouge est placardée sur les murs de la capitale. «
    Ce que j'ai ressenti ? Des fois, il vaut mieux arrêter de penser »,
    soupire l'homme qui rejoindra ensuite la Résistance, notamment en
    Gironde.

    Après 1945, Arsène explore les archives, écrit des livres et en vient
    Ã la conclusion que les Manouchian sont tombés du fait d'un traître,
    une version contestée par les historiens. Dernier encore debout, il se
    sent toujours investi d'une mission. « Il faut que je raconte cette
    histoire parce que je ne serai pas toujours lÃ. Mais je n'ai pas peur
    de la mort. J'ai eu une vie bien remplie. »

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