REVUE DE PRESSE
Le jeu trouble de l'Union européenne
L'UE pourrait adopter des sanctions contre les dirigeants ukrainiens
aujourd'hui. Mais pas plus hier qu'aujourd'hui, elle ne propose une
politique de coopération à Kiev.
Les ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne (UE) se
réunissent en urgence, aujourd'hui à Bruxelles, et pourraient décider
des sanctions contre certains dirigeants de l'Ukraine. En cause, la
reprise des violences dans ce pays. Dans la nuit de mardi à mercredi,
26 personnes ont été tuées à Kiev, dont au moins 9 policiers et un
journaliste. 241 personnes ont été hospitalisées, dont 79 policiers et
cinq journalistes, selon le ministère de la Santé. Ã Lviv, dans
l'ouest, des insurgés se sont emparés d'un dépôt d'armes (voir
ci-contre).
Dans ce climat, le ministère des Affaires étrangères russe a estimé
dans un communiqué qu'« il s'agit d'un coup d'État » et exigé « que
les leaders (de l'opposition) fassent cesser l'effusion de sang dans
leur pays, reprennent sans délai le dialogue avec le pouvoir légitime,
sans menaces ni ultimatum ».
Les pays occidentaux font, eux, pression sur le président ukrainien
Viktor Ianoukovitch. Lors du sommet franco-allemand hier, le président
François Hollande a « condamné » des « actes inqualifiables » et
assuré que leurs auteurs seraient « sanctionnés ». Les ministres des
Affaires étrangères européens « doivent parler des sanctions
spécifiques qui devraient être imposées pour montrer (...) que le
processus politique doit reprendre », a déclaré la chancelière
allemande Angela Merkel.
L'UE a toujours mené une drôle de guerre
La Pologne est en pointe pour exiger des mesures de rétorsion. Son
premier ministre, Donald Tusk, demande « des sanctions qui devraient
toucher sévèrement les auteurs du drame ukrainien, des sanctions
personnelles et financières ».
à la frontière avec la Russie, l'UE a toujours mené une drôle de
guerre. En 2004, contre l'avis de Moscou elle a intégré l'Estonie, la
Lettonie et la Lituanie qui sont entrés la même année dans l'Alliance
atlantique (Otan). Les grands pays rechignent depuis à de nouveaux
élargissements. Ils craignent d'avoir à verser de nouvelles aides et Ã
accueillir de nouveaux migrants.
Dès lors, l'UE propose depuis 2009 aux pays de ses marches de l'Est un
partenariat oriental (PO). En novembre, au sommet de Vilnius, tout
était prêt. Plusieurs États devaient rejoindre en grande pompe ce PO,
symbole d'une UE attractive. La Géorgie et la Moldavie ont bien prévu
d'entrer dans le partenariat, mais seulement courant 2014. Pis,
l'Arménie, l'Azerbaïdjan et l'Ukraine ont décliné l'offre.
Car de l'UE et de la Russie, c'est cette dernière qui se montre la
plus généreuse. En septembre¯2013 le président arménien, Serzh
Sarkisian, a choisi de rejoindre l'union douanière initiée par
Vladimir Poutine, tout en poursuivant les discussions avec Bruxelles.
Moscou avait un atout stratégique, sa puissance militaire, alors que
l'Arménie est techniquement en guerre avec son voisin, l'Azerbaïdjan.
De plus, l'Arménie bénéficie d'énormes investissements russes.
Le président ukrainien, Viktor Ianoukovitch, a décidé de tourner le
dos à l'UE le 21¯novembre. à Kiev, la capitale, et dans les régions du
sud-ouest, l'opposition très liée aux ONG occidentales et à certains
groupes du Parlement européen (conservateurs, libéraux, socialistes),
a su saisir l'occasion, sur fond de discrédit du pouvoir, du fait de
la crise et de la corruption. Le 1er¯décembre 200 000 personnes se
sont rassemblées sur la place Maïdan, initiant un mouvement de
contestation qui se poursuit jusqu'Ã aujourd'hui. En réponse, le 17
décembre, la Russie offrait une ligne de crédit de 15¯milliards de
dollars à Kiev et une réduction de 30¯% des prix du gaz.
Face à cela, l'UE n'a qu'un traité de libre-échange à proposer. Or
l'industrie ukrainienne, essentiellement implantée dans les zones
russophones, et peu dans les zones acquises à l'opposition, serait
balayée. Moins compétitive que l'occidentale, elle est intégrée à la
Russie. Elle comptait pour un tiers des capacités industrielles de
l'Union soviétique. En outre, c'est la Russie qui menaçait de fermer
ses frontières, qui est le principal pays bénéficiaire des
exportations ukrainiennes.
Dans ce contexte, la diplomatie européenne se réorganise sous
l'impulsion des ministres de la Pologne et de la Suède. La diplomatie
suédoise a même rédigé un document, « Vingt points sur le partenariat
oriental post-Vilnius », recommandant de s'adresser, « y compris avec
des visites » non plus seulement aux gouvernements, mais à « ¯tous les
secteurs de la société dans les pays du Partenariat oriental ». Mais
elle semble prendre les dernières évolutions en compte en préconisant
d'« engager avec la Russie un (...) dialogue sur les processus
d'intégration en Europe ».
Les violences critiquées Les dirigeants occidentaux ont condamné la
violence des forces sécuritaires contre les manifestants. Toutefois,
plusieurs chancelleries ont aussi adressé des critiques à une partie
de l'opposition. Tout en attaquant les « manÅ`uvres dilatoires » et la
« grosse faute » du président Viktor Ianoukovitch, le chef de la
diplomatie allemande, Frank-Walter Steinmeier, a « appelé avec force Ã
renoncer à la violence ». « Et cela vaut pour les forces de l'ordre
mais aussi pour les éléments radicaux au sein des manifestants »,
a-t-il précisé. Son homologue italienne, Emma Bonino, a dit ne tolérer
ni les violences gouvernementales, ni « les provocations de franges
extrémistes et violentes ».
Gaël De Santis
http://www.humanite.fr/monde/le-jeu-trouble-de-l-union-europeenne-559604
samedi 1er mars 2014,
Stéphane ©armenews.com
Le jeu trouble de l'Union européenne
L'UE pourrait adopter des sanctions contre les dirigeants ukrainiens
aujourd'hui. Mais pas plus hier qu'aujourd'hui, elle ne propose une
politique de coopération à Kiev.
Les ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne (UE) se
réunissent en urgence, aujourd'hui à Bruxelles, et pourraient décider
des sanctions contre certains dirigeants de l'Ukraine. En cause, la
reprise des violences dans ce pays. Dans la nuit de mardi à mercredi,
26 personnes ont été tuées à Kiev, dont au moins 9 policiers et un
journaliste. 241 personnes ont été hospitalisées, dont 79 policiers et
cinq journalistes, selon le ministère de la Santé. Ã Lviv, dans
l'ouest, des insurgés se sont emparés d'un dépôt d'armes (voir
ci-contre).
Dans ce climat, le ministère des Affaires étrangères russe a estimé
dans un communiqué qu'« il s'agit d'un coup d'État » et exigé « que
les leaders (de l'opposition) fassent cesser l'effusion de sang dans
leur pays, reprennent sans délai le dialogue avec le pouvoir légitime,
sans menaces ni ultimatum ».
Les pays occidentaux font, eux, pression sur le président ukrainien
Viktor Ianoukovitch. Lors du sommet franco-allemand hier, le président
François Hollande a « condamné » des « actes inqualifiables » et
assuré que leurs auteurs seraient « sanctionnés ». Les ministres des
Affaires étrangères européens « doivent parler des sanctions
spécifiques qui devraient être imposées pour montrer (...) que le
processus politique doit reprendre », a déclaré la chancelière
allemande Angela Merkel.
L'UE a toujours mené une drôle de guerre
La Pologne est en pointe pour exiger des mesures de rétorsion. Son
premier ministre, Donald Tusk, demande « des sanctions qui devraient
toucher sévèrement les auteurs du drame ukrainien, des sanctions
personnelles et financières ».
à la frontière avec la Russie, l'UE a toujours mené une drôle de
guerre. En 2004, contre l'avis de Moscou elle a intégré l'Estonie, la
Lettonie et la Lituanie qui sont entrés la même année dans l'Alliance
atlantique (Otan). Les grands pays rechignent depuis à de nouveaux
élargissements. Ils craignent d'avoir à verser de nouvelles aides et Ã
accueillir de nouveaux migrants.
Dès lors, l'UE propose depuis 2009 aux pays de ses marches de l'Est un
partenariat oriental (PO). En novembre, au sommet de Vilnius, tout
était prêt. Plusieurs États devaient rejoindre en grande pompe ce PO,
symbole d'une UE attractive. La Géorgie et la Moldavie ont bien prévu
d'entrer dans le partenariat, mais seulement courant 2014. Pis,
l'Arménie, l'Azerbaïdjan et l'Ukraine ont décliné l'offre.
Car de l'UE et de la Russie, c'est cette dernière qui se montre la
plus généreuse. En septembre¯2013 le président arménien, Serzh
Sarkisian, a choisi de rejoindre l'union douanière initiée par
Vladimir Poutine, tout en poursuivant les discussions avec Bruxelles.
Moscou avait un atout stratégique, sa puissance militaire, alors que
l'Arménie est techniquement en guerre avec son voisin, l'Azerbaïdjan.
De plus, l'Arménie bénéficie d'énormes investissements russes.
Le président ukrainien, Viktor Ianoukovitch, a décidé de tourner le
dos à l'UE le 21¯novembre. à Kiev, la capitale, et dans les régions du
sud-ouest, l'opposition très liée aux ONG occidentales et à certains
groupes du Parlement européen (conservateurs, libéraux, socialistes),
a su saisir l'occasion, sur fond de discrédit du pouvoir, du fait de
la crise et de la corruption. Le 1er¯décembre 200 000 personnes se
sont rassemblées sur la place Maïdan, initiant un mouvement de
contestation qui se poursuit jusqu'Ã aujourd'hui. En réponse, le 17
décembre, la Russie offrait une ligne de crédit de 15¯milliards de
dollars à Kiev et une réduction de 30¯% des prix du gaz.
Face à cela, l'UE n'a qu'un traité de libre-échange à proposer. Or
l'industrie ukrainienne, essentiellement implantée dans les zones
russophones, et peu dans les zones acquises à l'opposition, serait
balayée. Moins compétitive que l'occidentale, elle est intégrée à la
Russie. Elle comptait pour un tiers des capacités industrielles de
l'Union soviétique. En outre, c'est la Russie qui menaçait de fermer
ses frontières, qui est le principal pays bénéficiaire des
exportations ukrainiennes.
Dans ce contexte, la diplomatie européenne se réorganise sous
l'impulsion des ministres de la Pologne et de la Suède. La diplomatie
suédoise a même rédigé un document, « Vingt points sur le partenariat
oriental post-Vilnius », recommandant de s'adresser, « y compris avec
des visites » non plus seulement aux gouvernements, mais à « ¯tous les
secteurs de la société dans les pays du Partenariat oriental ». Mais
elle semble prendre les dernières évolutions en compte en préconisant
d'« engager avec la Russie un (...) dialogue sur les processus
d'intégration en Europe ».
Les violences critiquées Les dirigeants occidentaux ont condamné la
violence des forces sécuritaires contre les manifestants. Toutefois,
plusieurs chancelleries ont aussi adressé des critiques à une partie
de l'opposition. Tout en attaquant les « manÅ`uvres dilatoires » et la
« grosse faute » du président Viktor Ianoukovitch, le chef de la
diplomatie allemande, Frank-Walter Steinmeier, a « appelé avec force Ã
renoncer à la violence ». « Et cela vaut pour les forces de l'ordre
mais aussi pour les éléments radicaux au sein des manifestants »,
a-t-il précisé. Son homologue italienne, Emma Bonino, a dit ne tolérer
ni les violences gouvernementales, ni « les provocations de franges
extrémistes et violentes ».
Gaël De Santis
http://www.humanite.fr/monde/le-jeu-trouble-de-l-union-europeenne-559604
samedi 1er mars 2014,
Stéphane ©armenews.com