TURQUIE
Turquie : le Premier ministre Erdogan jette toutes ses forces sur Istanbul
Une défaite sonnerait comme un échec personnel, lourd de menaces pour
son avenir. Alors le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a fait
du scrutin municipal à Istanbul une priorité, et ne laisse à personne
d'autre le soin d'y faire campagne.
Et certainement pas son maire sortant. En course pour un troisième
mandat, Kadir Topbas, un architecte de 69 ans, est même d'une
remarquable discrétion, tant dans les rues de la plus grande ville de
Turquie que dans les médias.
Sa moustache grisonnante n'apparaît guère que sur des affiches, où il
est immanquablement coiffé d'un casque de chantier blanc. Mais
qu'importe. Car pour les partisans du Parti de la justice et
développement (AKP) au pouvoir, le seul, le vrai patron de la mégapole
aux 15 millions d'habitants, c'est "Tayyip" Erdogan.
"Kadir Topbas ? Il travaille bien et il est bon avec le peuple",
confie Mustafa Hasan, rencontré dimanche au milieu de la marée humaine
bardée de drapeaux aux couleurs de l'AKP qui a acclamé le chef du
gouvernement. "Mais il faut surtout que notre Tayyip Erdogan ne parte
pas, que Dieu le protège, qu'il ne lui arrive rien".
A Istanbul plus qu'ailleurs, les élections du 30 mars ont pris des
allures de référendum pour le chef du régime islamo-conservateur, dont
le règne sur le pays depuis 2002 est menacé par un scandale de
corruption sans précédent.
Conscient des enjeux, M. Erdogan a multiplié les visites dans "sa"
ville, celle qui a lancé sa carrière politique en l'élisant maire en
1994. A chaque occasion, il a mobilisé ses troupes à grands coups
d'imprécations contre les "traîtres" qui veulent sa chute.
Cette personnalisation à outrance n'est pas pour déplaire au principal
adversaire de l'AKP à Istanbul. Maire du district de Sisli, Mustafa
Sarigül compte bien profiter du climat nauséabond des "affaires" pour
mettre fin à vingt ans de règne AKP sur la ville.
"Tout le monde le sait, le vrai maire d'Istanbul, c'est Erdogan",
explique M. Sarigül, 58 ans, sourire d'acteur de cinéma et brushing
impeccables. "Ces élections vont permettre de dire 'ça suffit', car il
est grand temps qu'il parte".
Le filon de Gezi
Depuis des semaines, le candidat du Parti républicain du peuple (CHP),
la principale force d'opposition du pays, ratisse méthodiquement les
quartiers de la ville à bord de son bus de campagne rouge, avec pour
mot d'ordre la version turque d'un slogan éprouvé : "le changement,
c'est maintenant".
Aux projets "fous" du Premier ministre, comme celui de canal parallèle
au Bosphore, il oppose sa vision "raisonnable" de la ville. Et il
n'hésite pas à s'appuyer sur le souvenir de la grande fronde, partie
du parc Gezi, qui a fait trembler le pouvoir en juin 2013.
"Tout ça est arrivé parce que les dirigeants actuels ont pris de
mauvaises décisions", argumente le candidat social-démocrate, "des
décisions qui ne vont pas dans le sens du progrès, des libertés et de
la démocratie".
M. Sarigül n'est pas le seul à exploiter le filon de la révolte du
printemps dernier. Son rival du Parti démocratique et populaire (HDP),
Sirri Sureyya Önder, se proclame même comme son unique héritier.
"C'est nous qui portons l'me de Gezi", dit-il, "les partis
traditionnels sont tous les mêmes. Ils ne respectent pas
l'environnement, ne représentent pas les femmes (...) et ils trempent
tous dans la corruption".
Le porte-drapeau du CHP n'est pas épargné par les accusations de
corruption, rattrapé par une affaire de prêt que, malgré ses
dénégations, le chef du gouvernement ne s'est pas privé de lui
renvoyer à la figure.
Dans ce climat tendu à l'extrême, la bataille d'Istanbul s'annonce
serrée. "Nous allons triompher", proclame M. Erdogan à chacune de ses
sorties. "Il a compris que ses jours sont comptés et ça le rend
nerveux", rétorque M. Sarigül.
Plus encore que le score national de l'AKP, le sort d'Istanbul donnera
donc le ton de la victoire ou de la défaite du Premier ministre.
AFP
vendredi 28 mars 2014,
Stéphane (c)armenews.com
Turquie : le Premier ministre Erdogan jette toutes ses forces sur Istanbul
Une défaite sonnerait comme un échec personnel, lourd de menaces pour
son avenir. Alors le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a fait
du scrutin municipal à Istanbul une priorité, et ne laisse à personne
d'autre le soin d'y faire campagne.
Et certainement pas son maire sortant. En course pour un troisième
mandat, Kadir Topbas, un architecte de 69 ans, est même d'une
remarquable discrétion, tant dans les rues de la plus grande ville de
Turquie que dans les médias.
Sa moustache grisonnante n'apparaît guère que sur des affiches, où il
est immanquablement coiffé d'un casque de chantier blanc. Mais
qu'importe. Car pour les partisans du Parti de la justice et
développement (AKP) au pouvoir, le seul, le vrai patron de la mégapole
aux 15 millions d'habitants, c'est "Tayyip" Erdogan.
"Kadir Topbas ? Il travaille bien et il est bon avec le peuple",
confie Mustafa Hasan, rencontré dimanche au milieu de la marée humaine
bardée de drapeaux aux couleurs de l'AKP qui a acclamé le chef du
gouvernement. "Mais il faut surtout que notre Tayyip Erdogan ne parte
pas, que Dieu le protège, qu'il ne lui arrive rien".
A Istanbul plus qu'ailleurs, les élections du 30 mars ont pris des
allures de référendum pour le chef du régime islamo-conservateur, dont
le règne sur le pays depuis 2002 est menacé par un scandale de
corruption sans précédent.
Conscient des enjeux, M. Erdogan a multiplié les visites dans "sa"
ville, celle qui a lancé sa carrière politique en l'élisant maire en
1994. A chaque occasion, il a mobilisé ses troupes à grands coups
d'imprécations contre les "traîtres" qui veulent sa chute.
Cette personnalisation à outrance n'est pas pour déplaire au principal
adversaire de l'AKP à Istanbul. Maire du district de Sisli, Mustafa
Sarigül compte bien profiter du climat nauséabond des "affaires" pour
mettre fin à vingt ans de règne AKP sur la ville.
"Tout le monde le sait, le vrai maire d'Istanbul, c'est Erdogan",
explique M. Sarigül, 58 ans, sourire d'acteur de cinéma et brushing
impeccables. "Ces élections vont permettre de dire 'ça suffit', car il
est grand temps qu'il parte".
Le filon de Gezi
Depuis des semaines, le candidat du Parti républicain du peuple (CHP),
la principale force d'opposition du pays, ratisse méthodiquement les
quartiers de la ville à bord de son bus de campagne rouge, avec pour
mot d'ordre la version turque d'un slogan éprouvé : "le changement,
c'est maintenant".
Aux projets "fous" du Premier ministre, comme celui de canal parallèle
au Bosphore, il oppose sa vision "raisonnable" de la ville. Et il
n'hésite pas à s'appuyer sur le souvenir de la grande fronde, partie
du parc Gezi, qui a fait trembler le pouvoir en juin 2013.
"Tout ça est arrivé parce que les dirigeants actuels ont pris de
mauvaises décisions", argumente le candidat social-démocrate, "des
décisions qui ne vont pas dans le sens du progrès, des libertés et de
la démocratie".
M. Sarigül n'est pas le seul à exploiter le filon de la révolte du
printemps dernier. Son rival du Parti démocratique et populaire (HDP),
Sirri Sureyya Önder, se proclame même comme son unique héritier.
"C'est nous qui portons l'me de Gezi", dit-il, "les partis
traditionnels sont tous les mêmes. Ils ne respectent pas
l'environnement, ne représentent pas les femmes (...) et ils trempent
tous dans la corruption".
Le porte-drapeau du CHP n'est pas épargné par les accusations de
corruption, rattrapé par une affaire de prêt que, malgré ses
dénégations, le chef du gouvernement ne s'est pas privé de lui
renvoyer à la figure.
Dans ce climat tendu à l'extrême, la bataille d'Istanbul s'annonce
serrée. "Nous allons triompher", proclame M. Erdogan à chacune de ses
sorties. "Il a compris que ses jours sont comptés et ça le rend
nerveux", rétorque M. Sarigül.
Plus encore que le score national de l'AKP, le sort d'Istanbul donnera
donc le ton de la victoire ou de la défaite du Premier ministre.
AFP
vendredi 28 mars 2014,
Stéphane (c)armenews.com