EDITORIAL
Erdogan : un pas en avant, deux pas en arrière
Chassez le naturel, il revient au galop. Il n'aura pas fallu attendre
une semaine pour qu'Erdogan, qui avait surpris son monde le 23 avril
en présentant ses condoléances aux petits fils des Arméniens tués en
1915, se recale sur un positionnement plus conforme aux fondamentaux
antiarméniens de l'État turc et au négationnisme qui en découle. En
affirmant avec cynisme le 28 avril qu'il n'y avait jamais eu de
génocide des Arméniens, « puisqu'il en restait encore », le Premier
ministre turc renoue donc spectaculairement avec une logique de haine
dont il avait fait mine de vouloir s'écarter, le temps d'une
déclaration.
Cette parenthèse compassionnelle, qui n'était certes ni une
reconnaissance du crime, ni des excuses, constituait cependant depuis
cent ans le premier geste gouvernemental turc non empreint d'aversion
à l'endroit des Arméniens. Jusqu'alors, la politique d'Ankara s'était
caractérisée par les massacres, le génocide, le négationnisme, la
terreur, le racisme, la discrimination et des brimades de toutes
sortes à l'égard de ce peuple sur la destruction duquel l'État turc a
construit ses fondations. Dans ce contexte, le fait que pour la
première fois un dirigeant de ce pays puisse exprimer une forme
d'empathie à son endroit, quand bien même eut-elle pu paraître bien
tardive et très calculée, laissait les plus bienveillants espérer un
changement de cap.
Ainsi les États-Unis avaient voulu déceler dans ces « condoléances »
un pas en avant vers la « réconciliation ». Il ne leur aura donc pas
fallu attendre très longtemps pour déchanter, puisque c'est
précisément sur la chaine américaine PBS que le Premier ministre turc
s'est repositionné avec éclat dans le droit fil du déni. Un réancrage
qui donne raison aux « réalistes » qui ont vu dans la proclamation
turque du 23 avril une opération d'enfumage uniquement destiné Ã
améliorer l'image de la Turquie sur la scène internationale. Dommage,
car ce « pas en avant », suivi de deux en arrière, a pour effet de
creuser encore la distance dans les relations arméno-turques déjÃ
quasiment inexistantes.
La dernière tentative de rapprochement en ce domaine - les protocoles
signés avec l'Arménie en octobre 2009 - avait échoué du fait des
conditions posées par Ankara, ultérieurement à leur signature. Ankara
avait en effet subordonné leur ratification à un règlement du conflit
du Haut-Karabagh en faveur de l'Azerbaïdjan. On se souvient aussi
qu'en 2001, la fameuse commission de réconciliation arméno-turque,
mise en place avec le soutien du Département d'État américain, avait
elle aussi fait long feu, après que la partie turque, qui avaient
demandé et obtenu la réunion d'une structure d'experts et d'historiens
sur les événements de 1915, eu quitté la table au motif de ses
résultats inacceptables à ses yeux. Le « Centre de justice
transitionnelle » dirigé par David Philips, et qui pourtant avait été
agréé par les Turcs, avaient en effet conclu qu'il s'agissait d'un
génocide, selon la définition de la convention des Nations-Unies de
1948. Il n'en avait pas fallu davantage pour qu'ils désertent la
négociation...
Il est donc pour le moins légitime de se poser la question de savoir
s'il y a quoi que ce soit à espérer des gouvernants turcs qui n'ont
visiblement pour but que de maintenir le statu quo et de continuer Ã
toucher les dividendes de l'entreprise d'extermination. Et ce, en
dépit de manoeuvres dont ont voit bien qu'elles ne visent qu'Ã
brouiller les pistes et à gagner, 99 ans après, toujours plus de
temps. Des gesticulations aussi déshonorantes que contre-productives
qui ne font que ternir encore davantage l'image d'un État génocidaire
et négationniste dont ils assument et perpétuent, sans vergogne, la
tradition criminelle.
Ara Toranian
vendredi 2 mai 2014,
Ara ©armenews.com
Erdogan : un pas en avant, deux pas en arrière
Chassez le naturel, il revient au galop. Il n'aura pas fallu attendre
une semaine pour qu'Erdogan, qui avait surpris son monde le 23 avril
en présentant ses condoléances aux petits fils des Arméniens tués en
1915, se recale sur un positionnement plus conforme aux fondamentaux
antiarméniens de l'État turc et au négationnisme qui en découle. En
affirmant avec cynisme le 28 avril qu'il n'y avait jamais eu de
génocide des Arméniens, « puisqu'il en restait encore », le Premier
ministre turc renoue donc spectaculairement avec une logique de haine
dont il avait fait mine de vouloir s'écarter, le temps d'une
déclaration.
Cette parenthèse compassionnelle, qui n'était certes ni une
reconnaissance du crime, ni des excuses, constituait cependant depuis
cent ans le premier geste gouvernemental turc non empreint d'aversion
à l'endroit des Arméniens. Jusqu'alors, la politique d'Ankara s'était
caractérisée par les massacres, le génocide, le négationnisme, la
terreur, le racisme, la discrimination et des brimades de toutes
sortes à l'égard de ce peuple sur la destruction duquel l'État turc a
construit ses fondations. Dans ce contexte, le fait que pour la
première fois un dirigeant de ce pays puisse exprimer une forme
d'empathie à son endroit, quand bien même eut-elle pu paraître bien
tardive et très calculée, laissait les plus bienveillants espérer un
changement de cap.
Ainsi les États-Unis avaient voulu déceler dans ces « condoléances »
un pas en avant vers la « réconciliation ». Il ne leur aura donc pas
fallu attendre très longtemps pour déchanter, puisque c'est
précisément sur la chaine américaine PBS que le Premier ministre turc
s'est repositionné avec éclat dans le droit fil du déni. Un réancrage
qui donne raison aux « réalistes » qui ont vu dans la proclamation
turque du 23 avril une opération d'enfumage uniquement destiné Ã
améliorer l'image de la Turquie sur la scène internationale. Dommage,
car ce « pas en avant », suivi de deux en arrière, a pour effet de
creuser encore la distance dans les relations arméno-turques déjÃ
quasiment inexistantes.
La dernière tentative de rapprochement en ce domaine - les protocoles
signés avec l'Arménie en octobre 2009 - avait échoué du fait des
conditions posées par Ankara, ultérieurement à leur signature. Ankara
avait en effet subordonné leur ratification à un règlement du conflit
du Haut-Karabagh en faveur de l'Azerbaïdjan. On se souvient aussi
qu'en 2001, la fameuse commission de réconciliation arméno-turque,
mise en place avec le soutien du Département d'État américain, avait
elle aussi fait long feu, après que la partie turque, qui avaient
demandé et obtenu la réunion d'une structure d'experts et d'historiens
sur les événements de 1915, eu quitté la table au motif de ses
résultats inacceptables à ses yeux. Le « Centre de justice
transitionnelle » dirigé par David Philips, et qui pourtant avait été
agréé par les Turcs, avaient en effet conclu qu'il s'agissait d'un
génocide, selon la définition de la convention des Nations-Unies de
1948. Il n'en avait pas fallu davantage pour qu'ils désertent la
négociation...
Il est donc pour le moins légitime de se poser la question de savoir
s'il y a quoi que ce soit à espérer des gouvernants turcs qui n'ont
visiblement pour but que de maintenir le statu quo et de continuer Ã
toucher les dividendes de l'entreprise d'extermination. Et ce, en
dépit de manoeuvres dont ont voit bien qu'elles ne visent qu'Ã
brouiller les pistes et à gagner, 99 ans après, toujours plus de
temps. Des gesticulations aussi déshonorantes que contre-productives
qui ne font que ternir encore davantage l'image d'un État génocidaire
et négationniste dont ils assument et perpétuent, sans vergogne, la
tradition criminelle.
Ara Toranian
vendredi 2 mai 2014,
Ara ©armenews.com