ARMENIE : LA SOCIETE CIVILE TURQUE MONTRE A ERDOGAN LA VOIE DE L'OUVERTURE
PRESSE TURQUE
Certains disent qu' Erdogan essaie de retrouver une crédibilité
Amberin Zaman
25 avril 2014
En ce matin gris a Istanbul, Raffi Hovannissian, une personnalité
politique en vue de l'opposition arménienne, debout a l'entrée de
la gare historique Haydarpacha, sur la côte asiatique d'Istanbul,
commenca a parler. " C'était plus que la vie de un million et demi
de personnes, plus qu'un génocide - c'était une perte de 3000 ans
d'écoles et d'églises, une civilisation entière et un un mode de
vie ".
Hovhanissian parlait a l'occasion 99ème anniversaire du massacre
de plus d'un million d'Arméniens ottomans, qui constitue, pour
les experts les plus renommés (et pour un nombre croissant de
Turcs, dont je fais partie), le premier génocide du vingtième
siècle. Sa grand-mère était parmi ceux qui ont survécu, grâce
aux " courageuses familles turques et kurdes qui sauvèrent la vie
d'Arméniens ".
Pour les Arméniens a travers le monde, la tragédie a commencé,
le 24 avril 1915, quand plus de 200 intellectuels arméniens, parmi
lesquels se trouvait le célèbre musicien de réputation mondiale
Komitas, furent réunis a Istanbul et emmenés a Haydarpacha pour un
sinistre voyage, un voyage qui pour la plupart d'entre eux se termina
par la mort.
Tandis que j'écoutais Raffi, un très bon ami que j'avais rencontré
lors de mon séjour dans la capitale arménienne d'Ã~Irevan,
où j'ai passé trois années passionnantes de 2007 a 2010, je
ressentais a la fois de la nostalgie et du chagrin, mais aussi de
l'espoir. Je dis espoir parce que jusqu'a tout récemment, il aurait
été impensable a quiconque de prononcer le mot " génocide " en
public sans être qualifié de traître et traîné devant une cour,
comme Orhan Pamuk, le romancier turc accueilli dans le monde entier,
en a fait l'expérience.
Mais il n'y a pas que cela. Le lendemain, le Premier ministre
turc Erdogan a fait une déclaration officielle pour marquer le 24
avril. Le texte, publié en neuf langues (dont l'arménien occidental
et oriental) reprenait la version officielle des événements, niant en
fait que les Chrétiens aient été victimes d'un nettoyage ethnique
délibéré. Erdogan a cependant reconnu les souffrances du peuple
arménien, présentant ses condoléances et annoncant que dès a
présent, un débat libre et sans entraves sur 1915 était souhaitable.
Ce qui faisait de cette déclaration un événement extraordinaire,
c'est qu'Erdogan l'ait faite au titre de premier ministre de la
République de Turquie - une première dans la bouche des chefs de
gouvernement turcs. Cela signifie, en conséquence, que la politique
officielle de la Turquie évolue et qu'il n'est plus impensable que
la Turquie puisse un jour demander pardon, et fasse amende honorable
pour les horreur du passé. Les officiels turcs admettent que des
plans sont en préparation pour offrir aux descendants des survivants
la nationalité turque.
Il n'est pas surprenant que ces changements aient provoqué un
beaucoup d'émotions divergentes. Les Arméniens de la diaspora,
pour la plupart, ont exprimé méfiance et dédain. " Le message
d'Erdogan, bien que sans précédent, est en réalité loin d'être
sincère. Il est dénué de toute signification et n'est pas vraiment
une ouverture pour une réconciliation ; il ne rompt pas avec la
politique négationniste adoptée par le gouvernement turc jusqu'a
aujourd'hui " a dit a Al-Monitor Giro Manoyan, l'un des cadres
important du Dashnag, le parti nationaliste arménien.
" Une vraie réconciliation, des relations amicales entre voisins
de plusieurs siècles, nécessitent une reconnaissance réelle et
sincère de la souffrance des Arméniens, non sa remise en cause ou
sa diminution.
Quand on exprime des doutes sur la réalité de la souffrance, ou quand
on les minimise, on entretient la douleur du côté des victimes et
les relations conflictuelles avec les auteurs " a-t-il ajouté.
Beaucoup d'Arméniens de Turquie, cependant, se montrent optimistes,
avec prudence. Raffi Hermonn, un intellectuel arménien de Turquie
en vue, a dit a Al-Monitor que même si les déclarations d'Erdogan
ne sont pas a la hauteur des espérances des Arméniens " au point
de vue politique et par rapport au droit ", elles nous ont tout de
même émus au " niveau humain ".
Ce sentiment était parfaitement rendu dans les titres de
l'hebdomadaire arménien d'Istanbul Agos ; l'un d'ente eux peut être
a peu près traduit par " Le seuil des condoléances franchi sur la
voie de la vérité ". La perception d'Agos revêt une signification
particulière parce que son fondateur, Hrant Dink, était parmi les
premiers Arméniens turcs qui ont parlé ouvertement du génocide. Dink
a été assassiné en 2007 par un jeune ultranationaliste que beaucoup
soupconnent d'avoir agi sous les ordres de l'état turc. L'assassinat
de Hrant Dink a touché une corde sensible. Plus de 100 000 personnes
ont assisté a ses funérailles qui ont constitué un point de
non retour.
Il n'aurait probablement pas été possible a Erdogan de faire
cette déclaration, aussi limitée soit-elle, si les initiatives
de la société civile suscitées par la mort de Hrant Dink et
discrètement encouragées par le gouvernement, n'avaient pas préparé
le terrain. La commémoration du 24 avril a Haydarpacha est le meilleur
exemple d'un ensemble de gestes faits pour s'efforcer de guérir les
blessures du passé.
Comme l'a expliqué l'expert turc du génocide Taner Akcam dans son
article du quotidien turc Taraf, le premier ministre se met en quelque
sorte au diapason d'un public turc dont le combat pour la vérité
et la justice rejoint celui de la diaspora arménienne. C'est une
idée quelque peu optimiste. La plupart des Turcs croient encore la
thèse officielle selon laquelle les Arméniens ont tué autant de
Turcs, sinon plus, que les Turcs ont tué les Arméniens au moment
de la chute de l'Empire. Et la rumeur éculée selon laquelle les
Arméniens continuent de comploter avec les ennemis de la Turquie
(lire les Ã~Itats-Unis et IsraÃ"l) pour agrandir leur état au
détriment des territoires de la Turquie, continue son Å"uvre.
L'autre argument d'Akcam - Erdogan essaie de restaurer sa crédibilité
internationale en tendant la main aux Arméniens - semble certainement
fondé. Il n'y a pas de doute, beaucoup de Turcs partagent la
suspicion des Arméniens de la diaspora, disant que la déclaration
est un stratagème cynique visant a gagner la faveur de l'Occident
et a détourner l'attention des scandales de corruption concernant
Erdogan et son gouvernement.
De plus, si Erdogan était aussi humain que le suggère son message
de condoléance, beaucoup se demandent pourquoi il ne montre pas la
même compassion, par exemple, pour les familles des victimes des
manifestations du Square Gezi ; et aussi pour quelles raisons il n'y
a aucun Arménien au gouvernement ou au parlement. Le Ministre des
affaires étrangères Davutoglu relève souvent qu'il y en avait au
temps des Ottomans. Pourquoi pas aujourd'hui ?
Un crime contre l'humanité a été commis en 1915. Il est nécessaire
de le reconnaître ; il faut qu'amende honorable soit faite. Je suis
tout a fait d'accord avec Taner Akcam : une première et immédiate
mesure serait de faire revivre un accord signé en 2009 qui prévoyait
l'établissement de liens formels et la réouverture de la frontière
turque avec l'Arménie. La Turquie l'a relégué en 2010 sous la
pression (quelques uns disent, le chantage) de l'Azerbaïdjan. Beaucoup
dans la diaspora sont d'avis que la reconnaissance du génocide
doit venir d'abord et que l'Arménie devrait adopter cette position
elle aussi.
Il n'ont pas a s'en faire. Peu après avoir fait cette déclaration
décisive, Erdogan a dit que la position de la Turquie a propos
de l'Arménie n'avait pas changé. En d'autres termes, jusqu'a ce
que l'Arménie ne se retire d'une partie des territoires qu'elle a
capturés au cours de sa guerre du Haut-Karabagh, la Turquie ne fera
pas la paix avec Erévan.
La Turquie ne comprend pas que tant que les citoyens arméniens
n'auront pas confiance en leurs relations avec la Turquie, il est
peu probable qu'ils feront des concessions sur le Karabagh.
Alors que je vivais a Erévan, j'ai appris que 60% des citoyens
d'Arménie descendaient d'Arméniens ottomans qui avaient fui le
bain de sang il y a un siècle. Cela explique pourquoi, ayant ôté
la croÃ"te soviétique, je me suis sentie a ce point chez moi en
Arménie. Et depuis que j'ai découvert les secrets de la Turquie,
je me sens ici, quelque part, comme en Arménie.
http://www.al-monitor.com/pulse/originals/2014/04/turkey-armenia-genocide-reconciliation-erdogan-credibility.html#
Traduction Gilbert Béguian
vendredi 9 mai 2014, Stéphane ©armenews.com
http://www.armenews.com/article.php3?id_article=99718
From: Baghdasarian
PRESSE TURQUE
Certains disent qu' Erdogan essaie de retrouver une crédibilité
Amberin Zaman
25 avril 2014
En ce matin gris a Istanbul, Raffi Hovannissian, une personnalité
politique en vue de l'opposition arménienne, debout a l'entrée de
la gare historique Haydarpacha, sur la côte asiatique d'Istanbul,
commenca a parler. " C'était plus que la vie de un million et demi
de personnes, plus qu'un génocide - c'était une perte de 3000 ans
d'écoles et d'églises, une civilisation entière et un un mode de
vie ".
Hovhanissian parlait a l'occasion 99ème anniversaire du massacre
de plus d'un million d'Arméniens ottomans, qui constitue, pour
les experts les plus renommés (et pour un nombre croissant de
Turcs, dont je fais partie), le premier génocide du vingtième
siècle. Sa grand-mère était parmi ceux qui ont survécu, grâce
aux " courageuses familles turques et kurdes qui sauvèrent la vie
d'Arméniens ".
Pour les Arméniens a travers le monde, la tragédie a commencé,
le 24 avril 1915, quand plus de 200 intellectuels arméniens, parmi
lesquels se trouvait le célèbre musicien de réputation mondiale
Komitas, furent réunis a Istanbul et emmenés a Haydarpacha pour un
sinistre voyage, un voyage qui pour la plupart d'entre eux se termina
par la mort.
Tandis que j'écoutais Raffi, un très bon ami que j'avais rencontré
lors de mon séjour dans la capitale arménienne d'Ã~Irevan,
où j'ai passé trois années passionnantes de 2007 a 2010, je
ressentais a la fois de la nostalgie et du chagrin, mais aussi de
l'espoir. Je dis espoir parce que jusqu'a tout récemment, il aurait
été impensable a quiconque de prononcer le mot " génocide " en
public sans être qualifié de traître et traîné devant une cour,
comme Orhan Pamuk, le romancier turc accueilli dans le monde entier,
en a fait l'expérience.
Mais il n'y a pas que cela. Le lendemain, le Premier ministre
turc Erdogan a fait une déclaration officielle pour marquer le 24
avril. Le texte, publié en neuf langues (dont l'arménien occidental
et oriental) reprenait la version officielle des événements, niant en
fait que les Chrétiens aient été victimes d'un nettoyage ethnique
délibéré. Erdogan a cependant reconnu les souffrances du peuple
arménien, présentant ses condoléances et annoncant que dès a
présent, un débat libre et sans entraves sur 1915 était souhaitable.
Ce qui faisait de cette déclaration un événement extraordinaire,
c'est qu'Erdogan l'ait faite au titre de premier ministre de la
République de Turquie - une première dans la bouche des chefs de
gouvernement turcs. Cela signifie, en conséquence, que la politique
officielle de la Turquie évolue et qu'il n'est plus impensable que
la Turquie puisse un jour demander pardon, et fasse amende honorable
pour les horreur du passé. Les officiels turcs admettent que des
plans sont en préparation pour offrir aux descendants des survivants
la nationalité turque.
Il n'est pas surprenant que ces changements aient provoqué un
beaucoup d'émotions divergentes. Les Arméniens de la diaspora,
pour la plupart, ont exprimé méfiance et dédain. " Le message
d'Erdogan, bien que sans précédent, est en réalité loin d'être
sincère. Il est dénué de toute signification et n'est pas vraiment
une ouverture pour une réconciliation ; il ne rompt pas avec la
politique négationniste adoptée par le gouvernement turc jusqu'a
aujourd'hui " a dit a Al-Monitor Giro Manoyan, l'un des cadres
important du Dashnag, le parti nationaliste arménien.
" Une vraie réconciliation, des relations amicales entre voisins
de plusieurs siècles, nécessitent une reconnaissance réelle et
sincère de la souffrance des Arméniens, non sa remise en cause ou
sa diminution.
Quand on exprime des doutes sur la réalité de la souffrance, ou quand
on les minimise, on entretient la douleur du côté des victimes et
les relations conflictuelles avec les auteurs " a-t-il ajouté.
Beaucoup d'Arméniens de Turquie, cependant, se montrent optimistes,
avec prudence. Raffi Hermonn, un intellectuel arménien de Turquie
en vue, a dit a Al-Monitor que même si les déclarations d'Erdogan
ne sont pas a la hauteur des espérances des Arméniens " au point
de vue politique et par rapport au droit ", elles nous ont tout de
même émus au " niveau humain ".
Ce sentiment était parfaitement rendu dans les titres de
l'hebdomadaire arménien d'Istanbul Agos ; l'un d'ente eux peut être
a peu près traduit par " Le seuil des condoléances franchi sur la
voie de la vérité ". La perception d'Agos revêt une signification
particulière parce que son fondateur, Hrant Dink, était parmi les
premiers Arméniens turcs qui ont parlé ouvertement du génocide. Dink
a été assassiné en 2007 par un jeune ultranationaliste que beaucoup
soupconnent d'avoir agi sous les ordres de l'état turc. L'assassinat
de Hrant Dink a touché une corde sensible. Plus de 100 000 personnes
ont assisté a ses funérailles qui ont constitué un point de
non retour.
Il n'aurait probablement pas été possible a Erdogan de faire
cette déclaration, aussi limitée soit-elle, si les initiatives
de la société civile suscitées par la mort de Hrant Dink et
discrètement encouragées par le gouvernement, n'avaient pas préparé
le terrain. La commémoration du 24 avril a Haydarpacha est le meilleur
exemple d'un ensemble de gestes faits pour s'efforcer de guérir les
blessures du passé.
Comme l'a expliqué l'expert turc du génocide Taner Akcam dans son
article du quotidien turc Taraf, le premier ministre se met en quelque
sorte au diapason d'un public turc dont le combat pour la vérité
et la justice rejoint celui de la diaspora arménienne. C'est une
idée quelque peu optimiste. La plupart des Turcs croient encore la
thèse officielle selon laquelle les Arméniens ont tué autant de
Turcs, sinon plus, que les Turcs ont tué les Arméniens au moment
de la chute de l'Empire. Et la rumeur éculée selon laquelle les
Arméniens continuent de comploter avec les ennemis de la Turquie
(lire les Ã~Itats-Unis et IsraÃ"l) pour agrandir leur état au
détriment des territoires de la Turquie, continue son Å"uvre.
L'autre argument d'Akcam - Erdogan essaie de restaurer sa crédibilité
internationale en tendant la main aux Arméniens - semble certainement
fondé. Il n'y a pas de doute, beaucoup de Turcs partagent la
suspicion des Arméniens de la diaspora, disant que la déclaration
est un stratagème cynique visant a gagner la faveur de l'Occident
et a détourner l'attention des scandales de corruption concernant
Erdogan et son gouvernement.
De plus, si Erdogan était aussi humain que le suggère son message
de condoléance, beaucoup se demandent pourquoi il ne montre pas la
même compassion, par exemple, pour les familles des victimes des
manifestations du Square Gezi ; et aussi pour quelles raisons il n'y
a aucun Arménien au gouvernement ou au parlement. Le Ministre des
affaires étrangères Davutoglu relève souvent qu'il y en avait au
temps des Ottomans. Pourquoi pas aujourd'hui ?
Un crime contre l'humanité a été commis en 1915. Il est nécessaire
de le reconnaître ; il faut qu'amende honorable soit faite. Je suis
tout a fait d'accord avec Taner Akcam : une première et immédiate
mesure serait de faire revivre un accord signé en 2009 qui prévoyait
l'établissement de liens formels et la réouverture de la frontière
turque avec l'Arménie. La Turquie l'a relégué en 2010 sous la
pression (quelques uns disent, le chantage) de l'Azerbaïdjan. Beaucoup
dans la diaspora sont d'avis que la reconnaissance du génocide
doit venir d'abord et que l'Arménie devrait adopter cette position
elle aussi.
Il n'ont pas a s'en faire. Peu après avoir fait cette déclaration
décisive, Erdogan a dit que la position de la Turquie a propos
de l'Arménie n'avait pas changé. En d'autres termes, jusqu'a ce
que l'Arménie ne se retire d'une partie des territoires qu'elle a
capturés au cours de sa guerre du Haut-Karabagh, la Turquie ne fera
pas la paix avec Erévan.
La Turquie ne comprend pas que tant que les citoyens arméniens
n'auront pas confiance en leurs relations avec la Turquie, il est
peu probable qu'ils feront des concessions sur le Karabagh.
Alors que je vivais a Erévan, j'ai appris que 60% des citoyens
d'Arménie descendaient d'Arméniens ottomans qui avaient fui le
bain de sang il y a un siècle. Cela explique pourquoi, ayant ôté
la croÃ"te soviétique, je me suis sentie a ce point chez moi en
Arménie. Et depuis que j'ai découvert les secrets de la Turquie,
je me sens ici, quelque part, comme en Arménie.
http://www.al-monitor.com/pulse/originals/2014/04/turkey-armenia-genocide-reconciliation-erdogan-credibility.html#
Traduction Gilbert Béguian
vendredi 9 mai 2014, Stéphane ©armenews.com
http://www.armenews.com/article.php3?id_article=99718
From: Baghdasarian