Le Parisien, France
Vendredi 9 Mai 2014
Le calvaire du Coluche arménien
Propos recueillis par Élisabeth Fleury
Justice . Vardan Petrosyan, humoriste franco-arménien, est détenu en
Arménie après un accident de la route meurtrier. Son épouse dénonce un
scandale.
ACTRICE, metteur en scène et directrice d'acteurs, Ani a épousé Vardan
Petrosyan il y a vingt ans. Le 20 octobre dernier, alors qu'il rentre
seul à Erevan (Arménie) pour y préparer un spectacle, cet artiste
franco-arménien de 55 ans percute une voiture dont deux occupants sont
tués sur le coup. Alors qu'une expertise établit qu'il n'a commis
aucune faute dans ce drame, il est accusé d'homicide involontaire et
maintenu en détention provisoire depuis. Son procès, qui a débuté il y
a trois semaines, s'annonce interminable.
Surnommé le Coluche arménien pour l'humour corrosif de ses sketchs,
Vardan irrite les autorités arméniennes mais bénéficie d'un fort
soutien populaire dans son pays d'origine. Les appels en sa faveur,
signés par des milliers de personnes en Arménie comme en France, n'ont
pour l'instant rien changé. Bien que très affaibli et en dépit des
demandes de remise en liberté déposées par ses avocats arméniens - M e
Baghdasarian - et français - M es Dosé et Daoud - , l'artiste est
toujours incarcéré. Le 12 mai prochain, François Hollande se rend pour
la première fois en visite d'Etat en Arménie. L'occasion, pour
l'épouse de Vardan Petrosyan, de lancer un appel à l'aide au chef de
l'Etat français.
Comment se déroule le procès de votre époux ?
ANI PETROSYAN. Ce qui se passe en Arménie est un énorme scandale, une
monstrueuse parodie de justice. Pour cet accident de la route,
l'accusation a constitué un dossier de 1 000 pages qui repose sur une
expertise bidon. Non seulement elle est truffée de données falsifiées,
mais un de ses signataires n'existe même pas ! Ce document est nul.
Mes avocats réclament une nouvelle expertise. Or, il ne se passe rien.
Le 25 avril, lors de la dernière audience, le juge a repoussé nos
demandes et interrompu la lecture du dossier à la page 19. Combien
d'années faudra-t-il pour en arriver à bout ? Pendant ce temps-là,
alors qu'il est gravement malade, mon époux est emprisonné. Sa
détention aurait dû prendre fin le 6 mars. Elle est prolongée,
arbitrairement, sans aucun motif légal...
Comment expliquez-vous ce qui lui arrive ?
Je ne me l'explique pas. Depuis l'accident de Vardan, ce même
tribunal, ces mêmes magistrats ont eu à juger de nombreux accidents de
la route mortels : aucun n'a donné lieu à une détention provisoire. Le
sort fait à mon mari est d'autant plus inacceptable que Vardan n'est
absolument pour rien dans ce drame. La voiture dans laquelle se
trouvaient les deux victimes effectuait une marche arrière de nuit,
sans feux arrière, à six sans ceinture de sécurité, sur la bretelle
d'autoroute où Vardan s'était engagé. Il lui était impossible de
l'éviter.
Pourquoi la justice lui ferait-elle un sort particulier ?
En Arménie, mon mari est un des très rares artistes à oser dénoncer
l'ordre établi. Dans ses spectacles, il tourne les puissants en
ridicule et se bat pour la liberté, la justice, la démocratie. On le
surnomme le Coluche arménien. Il le paie très cher aujourd'hui. Au
lieu de juger un accident, on essaie de discréditer un homme, de le
faire taire.
Le 12 mai, François Hollande
se rend en Arménie pour la première fois. Qu'en attendez-vous ?
C'est pour nous un immense espoir. Il est impératif que François
Hollande, à cette occasion, intervienne en faveur de mon époux.
L'ambassade, le ministère des Affaires étrangères ainsi que le
ministère de la Justice ont déjà été informés de sa situation, il faut
que le chef d'Etat s'en mêle. Vardan est un citoyen franco-arménien.
Le président Hollande se doit de protéger les droits fondamentaux de
cet artiste français.
Vardan bénéficie-t-il d'un soutien de son public ?
Ses spectacles, qu'il monte seul de A à Z, sont toujours joués à
guichets fermés. Les gens aiment profondément Vardan et il le leur
rend bien. Juste après l'accident, en Arménie, une pétition a
recueilli 11 000 signatures en sa faveur. En France, où il a notamment
travaillé avec Robert Hossein, 10 000 personnes, parmi lesquelles
Alain Delon, Marina Vlady ou encore Jacques Weber, Francis Huster,
Robert Guédiguian, ont signé une pétition de soutien.
En attendant, son procès continue...
Oui. A raison d'une audience de quatre heures chaque vendredi,
j'ignore combien de temps cela va durer. Tout est filmé, le public
peut prendre les images qu'il veut, le procès ressemble à une sorte de
téléréalité. Mais la peine encourue est bien réelle : s'il est
reconnu coupable d'homicide involontaire, Vardan risque entre quatre
et dix ans de prison. C'est totalement aberrant car, je le répète, il
est une victime. Il n'avait pas bu, n'avait pas fumé, n'était pas en
excès de vitesse. Il n'a pas pu éviter cette voiture et a bien failli,
dans cet accident, perdre la vie lui aussi.
Vendredi 9 Mai 2014
Le calvaire du Coluche arménien
Propos recueillis par Élisabeth Fleury
Justice . Vardan Petrosyan, humoriste franco-arménien, est détenu en
Arménie après un accident de la route meurtrier. Son épouse dénonce un
scandale.
ACTRICE, metteur en scène et directrice d'acteurs, Ani a épousé Vardan
Petrosyan il y a vingt ans. Le 20 octobre dernier, alors qu'il rentre
seul à Erevan (Arménie) pour y préparer un spectacle, cet artiste
franco-arménien de 55 ans percute une voiture dont deux occupants sont
tués sur le coup. Alors qu'une expertise établit qu'il n'a commis
aucune faute dans ce drame, il est accusé d'homicide involontaire et
maintenu en détention provisoire depuis. Son procès, qui a débuté il y
a trois semaines, s'annonce interminable.
Surnommé le Coluche arménien pour l'humour corrosif de ses sketchs,
Vardan irrite les autorités arméniennes mais bénéficie d'un fort
soutien populaire dans son pays d'origine. Les appels en sa faveur,
signés par des milliers de personnes en Arménie comme en France, n'ont
pour l'instant rien changé. Bien que très affaibli et en dépit des
demandes de remise en liberté déposées par ses avocats arméniens - M e
Baghdasarian - et français - M es Dosé et Daoud - , l'artiste est
toujours incarcéré. Le 12 mai prochain, François Hollande se rend pour
la première fois en visite d'Etat en Arménie. L'occasion, pour
l'épouse de Vardan Petrosyan, de lancer un appel à l'aide au chef de
l'Etat français.
Comment se déroule le procès de votre époux ?
ANI PETROSYAN. Ce qui se passe en Arménie est un énorme scandale, une
monstrueuse parodie de justice. Pour cet accident de la route,
l'accusation a constitué un dossier de 1 000 pages qui repose sur une
expertise bidon. Non seulement elle est truffée de données falsifiées,
mais un de ses signataires n'existe même pas ! Ce document est nul.
Mes avocats réclament une nouvelle expertise. Or, il ne se passe rien.
Le 25 avril, lors de la dernière audience, le juge a repoussé nos
demandes et interrompu la lecture du dossier à la page 19. Combien
d'années faudra-t-il pour en arriver à bout ? Pendant ce temps-là,
alors qu'il est gravement malade, mon époux est emprisonné. Sa
détention aurait dû prendre fin le 6 mars. Elle est prolongée,
arbitrairement, sans aucun motif légal...
Comment expliquez-vous ce qui lui arrive ?
Je ne me l'explique pas. Depuis l'accident de Vardan, ce même
tribunal, ces mêmes magistrats ont eu à juger de nombreux accidents de
la route mortels : aucun n'a donné lieu à une détention provisoire. Le
sort fait à mon mari est d'autant plus inacceptable que Vardan n'est
absolument pour rien dans ce drame. La voiture dans laquelle se
trouvaient les deux victimes effectuait une marche arrière de nuit,
sans feux arrière, à six sans ceinture de sécurité, sur la bretelle
d'autoroute où Vardan s'était engagé. Il lui était impossible de
l'éviter.
Pourquoi la justice lui ferait-elle un sort particulier ?
En Arménie, mon mari est un des très rares artistes à oser dénoncer
l'ordre établi. Dans ses spectacles, il tourne les puissants en
ridicule et se bat pour la liberté, la justice, la démocratie. On le
surnomme le Coluche arménien. Il le paie très cher aujourd'hui. Au
lieu de juger un accident, on essaie de discréditer un homme, de le
faire taire.
Le 12 mai, François Hollande
se rend en Arménie pour la première fois. Qu'en attendez-vous ?
C'est pour nous un immense espoir. Il est impératif que François
Hollande, à cette occasion, intervienne en faveur de mon époux.
L'ambassade, le ministère des Affaires étrangères ainsi que le
ministère de la Justice ont déjà été informés de sa situation, il faut
que le chef d'Etat s'en mêle. Vardan est un citoyen franco-arménien.
Le président Hollande se doit de protéger les droits fondamentaux de
cet artiste français.
Vardan bénéficie-t-il d'un soutien de son public ?
Ses spectacles, qu'il monte seul de A à Z, sont toujours joués à
guichets fermés. Les gens aiment profondément Vardan et il le leur
rend bien. Juste après l'accident, en Arménie, une pétition a
recueilli 11 000 signatures en sa faveur. En France, où il a notamment
travaillé avec Robert Hossein, 10 000 personnes, parmi lesquelles
Alain Delon, Marina Vlady ou encore Jacques Weber, Francis Huster,
Robert Guédiguian, ont signé une pétition de soutien.
En attendant, son procès continue...
Oui. A raison d'une audience de quatre heures chaque vendredi,
j'ignore combien de temps cela va durer. Tout est filmé, le public
peut prendre les images qu'il veut, le procès ressemble à une sorte de
téléréalité. Mais la peine encourue est bien réelle : s'il est
reconnu coupable d'homicide involontaire, Vardan risque entre quatre
et dix ans de prison. C'est totalement aberrant car, je le répète, il
est une victime. Il n'avait pas bu, n'avait pas fumé, n'était pas en
excès de vitesse. Il n'a pas pu éviter cette voiture et a bien failli,
dans cet accident, perdre la vie lui aussi.