Le Figaro, France
Vendredi 16 Mai 2014
Cannes 2014 : Captive d'Atom Egoyan ne capte rien
par Delcroix, Olivier
ENCART: Deuxième déception à Cannes aprés l'insignifiant Grace de
Monaco. Le réalisateur canadien déçoit avec un polar qui peine à
décoller.
Il n'y a rien de plus malplaisant que de sortir de la projection d'un
film en course pour la palme en se disant: que vient faire ce polar
mollasson en sélection?
Certes, le réalisateur canadien d'origine arménienne Atom Egoyan est
un habitué du festival, où il obtint en 1997 le grand prix avecDe
beaux lendemains. Mais si on a été jadis secoué par Exotica ou même
The Adjuster (1991), depuis belle lurette ses films ne sont pas au
niveau, à l'image du tristounet thriller Devil's Knot avec Colin Firth
et Reese Witherspoon, qui n'a pas fait la moindre étincelle au
festival du polar de Beaune en avril dernier.
Le premier quart d'heure deCaptivespromettait pourtant un retour en
forme. Sous la neige épaisse et blanche des paysages de l'Ontario, un
père inconsolable (Ryan Reynolds, totalement transparent sous sa barbe
hirsute et son bonnet bleu marine) passe ses journées sur les routes à
chercher sa fille, une gentille petite patineuse enlevée huit ans
auparavant alors qu'il l'avait laissée à l'arrière de sa voiture pour
aller récupérer un plat à emporter.
Egoyan agence intelligemment son intrigue sur fond de pédophilie et de
vidéosurveillance. Les repères temporels s'effacent sous les flocons.
Des séquences se suivent, entraînant d'abord chez le spectateur une
sensation de flottement assez troublante. Comme si le cinéaste
disposait une à une les pièces de son thriller: une famille
traumatisée par la disparition de sa fille, une équipe d'enquêteurs
menée par Rosario Dawson (en rupture totale avec ses rôles de
séductrice sensuelle), et un cow-boy borné, sorte de doublure affadie
de Jake Gyllenhaal dans Zodiac. Sans oublier un méchant suave et
retors à souhait (Kevin Durand) qui, avec sa fine moustache à la Eroll
Flynn, sa raie sur le côté et les mains dans le dos, affiche un look
hitchcockien désuet tout en écoutant religieusement l'aria deLa Flûte
enchantée de Mozart.
Le film patine
Le véritable problème deCaptives, c'est qu'il accumule les parallèles
avec Prisoners(2013) signé par son compatriote Denis Villeneuve, avec
Hugh Jackman en père affligé par la disparition de sa fillette dans la
banlieue de Boston et... Jake Gyllenhaal en flic aussi suspicieux que
méticuleux.
Entre les routes immaculées, camionnettes crapoteuses, parents
traumatisés et pervers pédophiles, les similitudes sont innombrables.
À l'exception, c'est vrai, d'un point essentiel: à aucun moment on ne
ressent la peur voulue par ce type de films de genre. À aucun moment
le spectateur ne frissonne ou ne se trouve captivé par cette intrigue
cousue de fil blanc.
Si la neige de Prisoners nous gelait jusqu'aux os, celle deCaptives ne
fait que nous anesthésier dans un cocon de faux-semblants assez
lassant. Et l'on finit par s'apercevoir qu'Atom Egoyan nous ressert, à
peine huit mois après la sortie du terrifiant suspense de Villeneuve,
un fade remake, vidé de sa chair et de sa sourde angoisse.
Reste une paranoïa qui court le long des routes du Canada, ou qui
s'infiltre dans les bouches d'aération d'hôtels donnant sur les chutes
du Niagara. Une psychose incarnée par de petites caméras de
surveillance. Sauf que la thématique orwellienne adaptée aux
cyberpédophiles est loin d'être neuve. On ne voudrait pas atomiser
Egoyan, maisCaptives patine sec sur son sujet. Une réplique centrale
du film se demande quelle différence existe entre le mot et le
terme : au fond peu importe, surtout si le tour est raté.
Vendredi 16 Mai 2014
Cannes 2014 : Captive d'Atom Egoyan ne capte rien
par Delcroix, Olivier
ENCART: Deuxième déception à Cannes aprés l'insignifiant Grace de
Monaco. Le réalisateur canadien déçoit avec un polar qui peine à
décoller.
Il n'y a rien de plus malplaisant que de sortir de la projection d'un
film en course pour la palme en se disant: que vient faire ce polar
mollasson en sélection?
Certes, le réalisateur canadien d'origine arménienne Atom Egoyan est
un habitué du festival, où il obtint en 1997 le grand prix avecDe
beaux lendemains. Mais si on a été jadis secoué par Exotica ou même
The Adjuster (1991), depuis belle lurette ses films ne sont pas au
niveau, à l'image du tristounet thriller Devil's Knot avec Colin Firth
et Reese Witherspoon, qui n'a pas fait la moindre étincelle au
festival du polar de Beaune en avril dernier.
Le premier quart d'heure deCaptivespromettait pourtant un retour en
forme. Sous la neige épaisse et blanche des paysages de l'Ontario, un
père inconsolable (Ryan Reynolds, totalement transparent sous sa barbe
hirsute et son bonnet bleu marine) passe ses journées sur les routes à
chercher sa fille, une gentille petite patineuse enlevée huit ans
auparavant alors qu'il l'avait laissée à l'arrière de sa voiture pour
aller récupérer un plat à emporter.
Egoyan agence intelligemment son intrigue sur fond de pédophilie et de
vidéosurveillance. Les repères temporels s'effacent sous les flocons.
Des séquences se suivent, entraînant d'abord chez le spectateur une
sensation de flottement assez troublante. Comme si le cinéaste
disposait une à une les pièces de son thriller: une famille
traumatisée par la disparition de sa fille, une équipe d'enquêteurs
menée par Rosario Dawson (en rupture totale avec ses rôles de
séductrice sensuelle), et un cow-boy borné, sorte de doublure affadie
de Jake Gyllenhaal dans Zodiac. Sans oublier un méchant suave et
retors à souhait (Kevin Durand) qui, avec sa fine moustache à la Eroll
Flynn, sa raie sur le côté et les mains dans le dos, affiche un look
hitchcockien désuet tout en écoutant religieusement l'aria deLa Flûte
enchantée de Mozart.
Le film patine
Le véritable problème deCaptives, c'est qu'il accumule les parallèles
avec Prisoners(2013) signé par son compatriote Denis Villeneuve, avec
Hugh Jackman en père affligé par la disparition de sa fillette dans la
banlieue de Boston et... Jake Gyllenhaal en flic aussi suspicieux que
méticuleux.
Entre les routes immaculées, camionnettes crapoteuses, parents
traumatisés et pervers pédophiles, les similitudes sont innombrables.
À l'exception, c'est vrai, d'un point essentiel: à aucun moment on ne
ressent la peur voulue par ce type de films de genre. À aucun moment
le spectateur ne frissonne ou ne se trouve captivé par cette intrigue
cousue de fil blanc.
Si la neige de Prisoners nous gelait jusqu'aux os, celle deCaptives ne
fait que nous anesthésier dans un cocon de faux-semblants assez
lassant. Et l'on finit par s'apercevoir qu'Atom Egoyan nous ressert, à
peine huit mois après la sortie du terrifiant suspense de Villeneuve,
un fade remake, vidé de sa chair et de sa sourde angoisse.
Reste une paranoïa qui court le long des routes du Canada, ou qui
s'infiltre dans les bouches d'aération d'hôtels donnant sur les chutes
du Niagara. Une psychose incarnée par de petites caméras de
surveillance. Sauf que la thématique orwellienne adaptée aux
cyberpédophiles est loin d'être neuve. On ne voudrait pas atomiser
Egoyan, maisCaptives patine sec sur son sujet. Une réplique centrale
du film se demande quelle différence existe entre le mot et le
terme : au fond peu importe, surtout si le tour est raté.