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Le sultan et Atatürk

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  • Le sultan et Atatürk

    REVUE DE PRESSE
    Le sultan et Atatürk

    Il est dirigeant à vie ou presque. Il est autoritaire, traque ses
    opposants. Il dénonce l'Occident. Il veut restaurer la grandeur passée
    de son peuple. Non, il ne s'agit pas du président russe Vladimir
    Poutine, mais de son homologue turc Recep Tayyip Erdogan, qui a fait
    une visite-éclair à Paris vendredi 31 octobre. Après avoir été premier
    ministre pendant onze ans, Erdogan s'est fait élire fin août président
    et compte modifier la Constitution pour renforcer ses pouvoirs. Il n'a
    pas attendu pour afficher sa puissance retrouvée, alors qu'on le
    disait malade et qu'il a subi une forte contestation populaire en
    2013. Erdogan vient d'inaugurer son somptueux palais, dans un parc,
    dans la banlieue d'Ankara : 1 000 pièces, 491 millions d'euros.
    L'édifice blanc permet au président de relier les deux traditions de
    la Turquie : celle des sultans, le style néo-seldjoukide du palais
    rappelant la première dynastie turque qui régna sur l'Orient du XIe au
    XIIIe siècle ; et celle de Mustafa Kemal Atatürk, le fondateur, en
    1923, de la Turquie moderne, qui avait acquis le lieu pour y
    construire une ferme. A 60 ans, Erdogan se prend à la fois pour
    Atatürk et le sultan. Il veut incarner une Turquie en plein boom
    économique, respectueuse de l'Etat de droit, candidate à l'adhésion à
    l'Union européenne, et retrouver aussi l'influence des Ottomans. Mais
    rien ne se passe vraiment comme prévu. L'Union européenne, en
    particulier la France de Nicolas Sarkozy, a fermé la porte à Ankara au
    milieu des années 2000. L'ancien maire d'Istanbul, qui fut emprisonné
    en 1998 pour avoir récité un poème islamique (>), se voyait aussi en phare du
    monde musulman lors des >. Mais il est désormais
    entouré d'ennemis : Israël, qui décida l'abordage de la flottille
    turque pour Gaza en 2010 ; l'Egypte du maréchal Sissi, qui a renversé
    en 2013 les Frères musulmans d'Egypte, protégés d'Ankara ; et la Syrie
    de Bachar Al-Assad, qui massacre son peuple dans une guerre qui
    s'éternise.

    La crainte d'un Etat kurde La faute aux Proche-Orientaux ?

    Nenni ! La coupable, c'est cette fameuse première guerre mondiale, qui
    scella la chute de l'Empire ottoman avant que ne naisse la République
    turque moderne. Nous attendrons l'an prochain pour débattre des > - traduction du génocide arménien dans le langage
    d'Erdogan, qui s'exprimait à Paris lors d'un colloque organisé par
    l'Institut français des relations internationales (IFRI) -, qui >, a accusé le président, mi-octobre, à
    l'université Marmara d'Istanbul. A écouter Erdogan, les traîtres sont
    de retour, les frontières sont menacées. Sans le dire, le président
    turc a une angoisse : la naissance d'un Etat kurde aux confins de la
    Turquie, de la Syrie et de l'Irak, alors qu'il tentait de négocier un
    accord de paix avec le PKK, principale organisation armée des Kurdes
    de Turquie. Il a donc répondu violemment aux Occidentaux, qui
    l'accusent de traîner les pieds pour lutter contre l'Etat islamique -
    en ne permettant pas aux Etats-Unis d'utiliser ses bases militaires
    pour bombarder la Syrie et en ne défendant pas, de l'autre côté de sa
    frontière, la ville kurde syrienne de Kobané, assaillie par les
    djihadistes. , a glissé
    Erdogan. Un parler cru, mais sans doute est-ce le mot de trop. Erdogan
    était il y a dix ans celui qui voulait ancrer la démocratie dans le
    monde musulman. Il est devenu, aujourd'hui, prisonnier de son
    islamisme à l'extérieur, de son autoritarisme à l'intérieur.

    [email protected]

    LE MONDE

    par arnaud leparmentier

    JEUDI 6 NOVEMBRE 2014

    samedi 8 novembre 2014,
    Stéphane (c)armenews.com

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