TURQUIE
La délicate et périlleuse stratégie kurde de la Turquie en Syrie
La Turquie joue en Syrie une partition délicate : elle a poussé des
renforts de Kurdes d'Irak vers Kobané assiégée mais refusé de
renforcer le camp des Kurdes de Syrie, menaçant le processus de paix
engagé avec les rebelles du PKK.
Mal comprise, volontiers ambigüe, très critiquée, la ligne turque
s'oppose frontalement à celle des Etats-Unis et des Occidentaux. Si
eux ont fait des jihadistes du groupe Etat islamique (EI) leur
principal ennemi, Ankara semble d'abord s'inquiéter de l'activité des
mouvements kurdes, aussi bien turcs que syriens, qui les combattent.
Ces dernières semaines, le président turc Recep Tayyip Erdogan a
qualifié de "terroriste" le principal parti kurde de Syrie (PYD), à la
pointe du combat contre l'EI, au même titre que le mouvement frère du
Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) qui mène depuis 1984 la
guérilla sur le sol turc.
Pressé par ses alliés d'intervenir, le régime islamo-conservateur
d'Ankara a finalement fait un geste en autorisant le passage par son
territoire d'un symbolique contingent de 150 "peshmergas" kurdes
irakiens pour renforcer la défense de Kobané.
Mais sans pour autant revenir sur sa ligne férocement hostile au couple PKK/PYD.
Plus que celle des jihadistes, M. Erdogan redouterait ainsi par dessus
tout une victoire des Kurdes à Kobané, synonyme d'une indépendance de
fait de la Rojava, la partie kurde de la Syrie, aux frontières de son
pays.
"Le gouvernement turc continue de traiter PKK et PYD comme son pire
ennemi, pire encore qu'EI", note David Romano, spécialiste de la
question kurde à l'université d'Etat du Missouri. "On peut donc
craindre que les Kurdes de Turquie en éprouvent de plus en plus de
ressentiment contre leur gouvernement".
Lors de son passage en Turquie, le convoi des peshmergas irakiens a
été accueilli par des foules kurdes turques en liesse, provoquant
l'embarras du gouvernement.
"Avec leur politique étrangère prudente et leur ligne politique
procapitaliste et conservatrice, les Kurdes d'Irak ont offert à la
Turquie l'occasion de montrer qu'elle était juste anti-PKK, et non pas
antikurde", juge M. Romano.
Coup porté à la paix -
Mais malgré ce geste contraint, la crise de Kobané menace désormais de
faire dérailler les fragiles pourparlers de paix entamés il y a deux
ans avec le PKK.
Le mois dernier, la politique syrienne d'Ankara a provoqué de
violentes manifestations prokurdes en Turquie, principalement dans
tout le sud-est du pays, qui a fait plus de 30 morts. La plupart de
ces victimes ont été tuées lors de heurts entre Kurdes favorables au
PKK et ceux du mouvement islamiste Huda-Par.
De son île-prison d'Imrali (ouest), le chef historique du PKK Abdullah
Öcalan a prévenu que la chute de Kobané signifierait de fait la fin du
processus de paix.
"C'est la Turquie qui a ouvert la porte à l'EI", a accusé, après bien
d'autres, un des chefs militaires du PKK, Cemil Bayik. "Nous ne
pouvons séparer le processus de paix du sort de Kobané", a-t-il
déclaré au quotidien autrichien Der Standard.
Dans une récente étude, l'Institut international d'études stratégiques
(IISS) a qualifié cette crise de "coup majeur aux espoirs de
résolution de la question kurde en Turquie".
A son tour, l'International Crisis Group (ICG) a mis en garde contre
les risques de voir le conflit syrien "rouvrir les vieilles failles
ethniques, sectaires et politiques de la Turquie" et appelé
gouvernement et PKK à "définir un objectif commun qui va au-delà d'une
simple survie du processus de paix".
Pour l'heure, les protagonistes ne semblent pas avoir encore renoncé Ã
une solution. Le quotidien Hürriyet a révélé vendredi que M. Öcalan et
les services de renseignement (MIT) avait repris leurs discussions
pour relancer le processus.
M. Davutoglu a répété dimanche sa "détermination absolue" à conclure.
De son côté, M. Bayik s'est dit prêt à solliciter un médiateur. "Nous
sommes en guerre avec les Turcs depuis des années", a confié le chef
militaire du PKK, "ni nous, ni la Turquie ne parviendrons à nos fins
par la guerre, il faut une solution politique".
AFP
dimanche 9 novembre 2014,
Stéphane (c)armenews.com
La délicate et périlleuse stratégie kurde de la Turquie en Syrie
La Turquie joue en Syrie une partition délicate : elle a poussé des
renforts de Kurdes d'Irak vers Kobané assiégée mais refusé de
renforcer le camp des Kurdes de Syrie, menaçant le processus de paix
engagé avec les rebelles du PKK.
Mal comprise, volontiers ambigüe, très critiquée, la ligne turque
s'oppose frontalement à celle des Etats-Unis et des Occidentaux. Si
eux ont fait des jihadistes du groupe Etat islamique (EI) leur
principal ennemi, Ankara semble d'abord s'inquiéter de l'activité des
mouvements kurdes, aussi bien turcs que syriens, qui les combattent.
Ces dernières semaines, le président turc Recep Tayyip Erdogan a
qualifié de "terroriste" le principal parti kurde de Syrie (PYD), à la
pointe du combat contre l'EI, au même titre que le mouvement frère du
Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) qui mène depuis 1984 la
guérilla sur le sol turc.
Pressé par ses alliés d'intervenir, le régime islamo-conservateur
d'Ankara a finalement fait un geste en autorisant le passage par son
territoire d'un symbolique contingent de 150 "peshmergas" kurdes
irakiens pour renforcer la défense de Kobané.
Mais sans pour autant revenir sur sa ligne férocement hostile au couple PKK/PYD.
Plus que celle des jihadistes, M. Erdogan redouterait ainsi par dessus
tout une victoire des Kurdes à Kobané, synonyme d'une indépendance de
fait de la Rojava, la partie kurde de la Syrie, aux frontières de son
pays.
"Le gouvernement turc continue de traiter PKK et PYD comme son pire
ennemi, pire encore qu'EI", note David Romano, spécialiste de la
question kurde à l'université d'Etat du Missouri. "On peut donc
craindre que les Kurdes de Turquie en éprouvent de plus en plus de
ressentiment contre leur gouvernement".
Lors de son passage en Turquie, le convoi des peshmergas irakiens a
été accueilli par des foules kurdes turques en liesse, provoquant
l'embarras du gouvernement.
"Avec leur politique étrangère prudente et leur ligne politique
procapitaliste et conservatrice, les Kurdes d'Irak ont offert à la
Turquie l'occasion de montrer qu'elle était juste anti-PKK, et non pas
antikurde", juge M. Romano.
Coup porté à la paix -
Mais malgré ce geste contraint, la crise de Kobané menace désormais de
faire dérailler les fragiles pourparlers de paix entamés il y a deux
ans avec le PKK.
Le mois dernier, la politique syrienne d'Ankara a provoqué de
violentes manifestations prokurdes en Turquie, principalement dans
tout le sud-est du pays, qui a fait plus de 30 morts. La plupart de
ces victimes ont été tuées lors de heurts entre Kurdes favorables au
PKK et ceux du mouvement islamiste Huda-Par.
De son île-prison d'Imrali (ouest), le chef historique du PKK Abdullah
Öcalan a prévenu que la chute de Kobané signifierait de fait la fin du
processus de paix.
"C'est la Turquie qui a ouvert la porte à l'EI", a accusé, après bien
d'autres, un des chefs militaires du PKK, Cemil Bayik. "Nous ne
pouvons séparer le processus de paix du sort de Kobané", a-t-il
déclaré au quotidien autrichien Der Standard.
Dans une récente étude, l'Institut international d'études stratégiques
(IISS) a qualifié cette crise de "coup majeur aux espoirs de
résolution de la question kurde en Turquie".
A son tour, l'International Crisis Group (ICG) a mis en garde contre
les risques de voir le conflit syrien "rouvrir les vieilles failles
ethniques, sectaires et politiques de la Turquie" et appelé
gouvernement et PKK à "définir un objectif commun qui va au-delà d'une
simple survie du processus de paix".
Pour l'heure, les protagonistes ne semblent pas avoir encore renoncé Ã
une solution. Le quotidien Hürriyet a révélé vendredi que M. Öcalan et
les services de renseignement (MIT) avait repris leurs discussions
pour relancer le processus.
M. Davutoglu a répété dimanche sa "détermination absolue" à conclure.
De son côté, M. Bayik s'est dit prêt à solliciter un médiateur. "Nous
sommes en guerre avec les Turcs depuis des années", a confié le chef
militaire du PKK, "ni nous, ni la Turquie ne parviendrons à nos fins
par la guerre, il faut une solution politique".
AFP
dimanche 9 novembre 2014,
Stéphane (c)armenews.com