Du > au >
jeudi 9 octobre 2014
L'identité arménienne et turque aujourd'hui
Point de vue de Turquie
Aïché Hur
Ecrivaine et chroniqueuse au journal Radikal
Les termes >, >, >, > apparurent
initialement dans les sources chinoises, et entrèrent ensuite dans la
littérature arabe et byzantine à partir du IXème siècle traduits par
'türk' (et türük ou türküt au pluriel) dans les sources
arabo-musulmanes. Le terme passa définitivement dans la littérature
européenne avec les travaux du linguiste danois Thomsen. En 1893, il
prononçait > certains termes retrouvés sur les inscriptions
d'Orhon-Yenisey (datées du VI-VIIIe siècle). Aujourd'hui, certains
scientifiques pensent que les Chinois désignaient tous les étrangers
par le mot >. D'autres avancent que le terme désignait
différentes lignées qui auraient eu un ancêtre commun. Ils affirment
qu'il viendrait de la confusion avec le terme mongol > qui
signifie > ou >, et qu'il désignerait des
populations à l'organisation pyramidale, rappelant la forme d'un
casque. D'autres, enfin, soutiennent que c'est le nom d'une société
parlant une seule et même langue, la langue turque (D'après eux, le
mot > signifierait >, >).
Au temps du >
Nous ne saurions dire laquelle de ces thèses est juste, mais dans le
dernier quart du XIème siècle, Mahmoud de Kachgar (auteur de Recueil
des langues turques, et il les a rendus maîtres du
monde. Il a fait d'eux les seigneurs de notre temps. Il leur a remis
les rênes des peuples du monde. Il a favorisé ceux qui sont à leurs
côtés et ceux qui travaillent pour eux. Grce aux Turcs, il a exaucé
tous leurs voeux. Il les a protégés eux des méfaits des gueux et des
méchants. Pour ne pas être la cible des flèches turques, celui doté
d'intelligence se doit de suivre la trace de ces hommes. Pour leur
faire entendre ses difficultés et être en paix avec eux, il n'y a
d'autres solutions que de parler la langue des Turcs >>. Mahmoud de
Kachgar disait : (Turcs) et > (Turquie) dans les documents
byzantins, ou encore > (les Turcs barbares) dans les
documents de la papauté. Le 11 octobre 1098, après les guerres de la
région d'Antioche, un prêtre (ayant pris part à la première croisade)
écrivait dans son journal : >. Un siècle plus
tard, Guillaume de Tyr racontait cette croisade et parlait de >. En 1228-1229, le poète
bavarois Tannhäuser, autre croisé, écrivait dans son chant aux
croisades [Kreuzfahrtlied] >.
Au temps du >
Vers 1270, Marco Polo passait par Istanbul et par l'Anatolie. Selon
lui : >.
Une trentaine d'années après le passage de Marco Polo, l'une des
tribus dites turques, les > (kayý), aurait alors fondé l'Empire
Ottoman mais le caractère originel de la > de l'Etat a
toujours fait l'objet de débats. En effet, dans l'Empire Ottoman, les
non-Turcs étaient nombreux, aussi bien parmi les dirigeants que parmi
le peuple. Une partie de la classe dirigeante, certains propriétaires
de dirlik[2] et tous les kapýkulu[3] n'étaient ni Turcs, ni musulmans.
A quelques exceptions près, les hommes de la dynastie ont largement
dilué > en se mariant à des femmes non-turques. Le turc
était, en revanche, la langue parlée par la dynastie et dans les
différents secteurs de l'Etat. Tous les documents d'Etat furent
rédigés en turc pendant des centaines d'années sans interruption. On
apprenait l'arabe dans les médersas, mais la langue parlée restait le
turc. Pour compliquer encore un peu les choses, de nombreux autres
termes étaient utilisés par les Ottomans eux-mêmes pour désigner leur
peuple, leur pays, leurs institutions, et leur langue dans les
documents officiels : Kayzer-i Rum (Le roi des Roums), Memleket-i Rûm
(Le pays des Roums) Þuara-yý Rûm (Les poètes roums), Ulema-yý Rûm (Les
savants/oulémas roums), Lisan-ý Rum (la langue roum), >, >, Eyalet-i Rûm (La province roum). En
bref, les Ottomans se qualifiaient eux-mêmes de >
(Rappelons-nous que pour l'auteur du 11èmesiècle, Mahmoud de Kashgar,
l'Anatolie était déjà le >).
Les points de vue sur la turcité n'étaient pas non plus uniformes. Le
terme > apparaît alternativement dans un sens positif, négatif
ou neutre. C'est par exemple le cas dans l'oeuvre d'þýkpaþazade (mort
en 1481), Tevarih-i li Osman, la plus important traité de la première
période de l'Empire Ottoman. Il raconte l'arrivée des Turcs en
Anatolie : ils y sont décrits comme un peuple issu >, >. Selon lui, personne
ne s'intéresserait à la langue turque, et mêmes les Turcs ne la
parleraient pas. A l'inverse, le sultan Cem est évoqué en termes
flatteurs comme .
Mais ouvrons une parenthèse. Jusqu'à la chute de Grenade en 1492, ce
sont les Arabes qui sont l'> de l'Europe. Le discours sur les
Turcs est ainsi généralement positif. Après 1492, l'ottoman (turc)
devient l'> à son tour et le discours se fait dès lors
péjoratif. Même après la défaite de Vienne en 1529, les Turcs sont
évoqués en des termes particulièrement humiliants : >... La raison en
est certainement >. On peut trouver l'héritage de
cette >(obsession turque) de l'époque encore dans la
langue d'aujourd'hui comme en atteste l'expression italienne > (>). D'après certaines affirmations,
les Turcs de cette époque auraient été la source d'inspiration de
termes comme > (faire souffrir), > (torture),
> ou >(fourberie ou cruauté).
Refermons ici la parenthèse et reprenons. L'écrivain Suzi Çelebi (mort
en 1524), témoin des débuts du règne deSoliman Le Magnifique[6], fut
le premier à affirmer : >. Mais le fameux
poète du divan Baki brouille les pistes : à la même époque, dans le
poème qu'il présentait au Législateur (ndlr : à Soliman), >, il écrivait >. Hafýz Hamdi Çelebi, autre poète de
l'époque, n'aimait pas les Turcs et renchérissait :
à la place de > au moment même où les armées de Murat
Pasha le Puisatier (Kuyucu Murat Paþa) massacraient ces derniers en
Anatolie en 1609. Il n'est alors pas surprenant de lire des
qualificatifs tels >(brigand), >(bandit),>(féroce),>(rebelle)ou encore> (hérétique) les
concernant.
L'idéologie de la turcité
Avec les Tanzimat apparut l'usage de définitions >.
Emigré polonais, Constantin Borzecki (rebaptisé du nom musulman
Mustafa Celaleddin après s'être réfugié à Istanbul) fut l'un des
premiers à utiliser le concept > pour une catégorie ethnique.
Avec son ouvrage Les Turcs anciens et modernes, publié à Istanbul et à
Paris en 1870, l'auteur joua un rôle important dans le développement
d'une conscience de la >.
Parmi les envoyés d'Abdülhamid II, Arminius Vambery, orientaliste juif
hongrois, écrivit également sur la question. Dans son livre Voyage en
Asie centrale (1873), l'auteur a maintes fois recours à des termes
comme >, > ou >. Le turcologue
français Léon Cahun fut quant à lui à l'origine de la thèse selon
laquelle les Turcs vivaient en Asie centrale près d'une mer intérieure
et qu'ils durent commencer leur migration vers l'Eurasie après son
assèchement. C'est grce à son livre intitulé Introduction à
l'histoire de l'Asie sorti en 1896 que Cahun se fit connaître. L'oeuvre
permit de rendre célèbre les inscriptions d'Orhun découvertes entre
1889 et 1893, et l'on sait que Mustafa Kemal le lut puisqu'on retrouva
son écriture sur un exemplaire.
Le concept de > inventé par ces écrivains s'apprêtait alors
à devenir un projet politique. Les nouvelles générations d'élites (les
Jeunes Turcs) voyaient s'éloigner de l'Empire les minorités ethniques,
influencées par les courants nationalistes depuis la Révolution
française de 1789. L'Occidentalisme, l'Ottomanisme et l'Islamisme
avaient échoué à sauver l'empire, et ils s'appuyèrent sur la > qui permettait de mettre en avant l'identité turque et de combiner
les dimensions ethnique, politique et culturelle. Cette rapide
modernisation à l'occidentale avait été vécue à l'identique en Russie.
D'origine russe, des intellectuels comme Gaspýralý Ýsmail, Hüseyinzade
Ali, Aðaoðlu Ahmet, Caferoðlu Ahmed, Mehmet Emin Resulzade, Zeki
Velidi Togan et Yusuf Akçura avaient importé ce courant de pensée en
terres ottomanes (courant initialement né d'une réaction au
nationalisme russe). Considéré a posteriori comme le manifeste
politique de la turcité, l'article Trois styles de politique (Üç Tarzý
Siyaset. 1904) résumait les positions d'Akçura jugées >,
>, >, > à l'époque. L'oeuvre
influença beaucoup les intellectuels ottomans de la fin de l'empire
comme Ziya Gökalp, Ömer Seyfettin, Moiz Kohen ve Mehmet Emin.
La découverte du peuple turc
Le poète Yahya Kemal, issu de cette génération, rapporte les propos de
l'un de ses professeurs d'université à la Sorbonne, Albert Sorel. En
cours, il disait à ses étudiants : >. Cette phrase
eut l'effet d'un éclair dans l'esprit de Yahya Kemal : par le
peuple n'allait pas être aussi simple. On peut trouver un indice dans
les mémoires de guerre (Première Guerre Mondiale) de l'officier
ottoman Rahmi Apak. A Erzurum, Rahmi Bey rencontre un jeune soldat qui
pense être arménien. Voici leur échange :
- Tu es de quel millet ?
- Je suis ottoman.
- Qu'est-ce-que ça veut dire ottoman, tu n'es pas Turc toi ?
- Non, moi je ne suis pas Turc, je suis ottoman.
- D'accord, mais quelle langue tu parles ? L'arménien ou le turc ?
- Je parle turc.
- Si tu parles le turc, tu es Turc alors.
- Non, monsieur, je ne suis pas Turc.
- Mais si enfin, tu es Turc, moi aussi je suis Turc.
- Monsieur, vous, vous pouvez être Turc, ça ne me regarde pas, mais
moi, je ne suis pas Turc.
- Et, p'tit gars, t'es fou ou quoi, même le Sultan est Turc.
- Monsieur, ne salissez pas le nom de notre Sultan, le Sultan ne peut
pas être Turc !
Dans son oeuvre autobiographique Le chercheur d'eau, Þevket Süreyya
(Aydemir) raconte une situation similaire. Au cours de la Première
Guerre Mondiale, étudiant de 17 ans, il se trouve au front dans le
Caucase et interroge un groupe de soldats composé de paysans
d'Anatolie : >. Les réponses fusent : > répond l'un, > dit un autre. Þevket Süreyya demande >. Les réponses fusent à nouveau. Il y en a même un qui répond >. Þevket Süreyya poursuit : >. Chacun donne encore une réponse différente. L'écrivain essaie de
leur faciliter la tche : >. Les soldats
s'exclament en coeur, indignés: >.
Il fallut du temps avant de réussir à faire crier à ces soldats >, eux qui se pensaient insultés d'être dits
Turcs. A l'origine de ce changement radical et fulgurant, Mustafa
Kemal, qui l'organisa en trois étapes. La guerre d'indépendance (milli
mücadele) était une première étape (1919-1922) ; il avait d'abord
utilisé des définitions > pour fédérer les populations
musulmanes d'Anatolie et de Roumélie face aux Grandes puissances
(Düvel-i Muazzam). Dans un deuxième temps, la définition >
remplaça progressivement la définition >. On accola
d'abord le mot > au nom du Parlement le 8 février 1921.
Mustafa Kemal utilisa le mot > dans son sens politique pour la
première fois le 21 septembre 1922 dans son discours sur la Grande
Victoire (Büyük Zafer). En octobre 1922, s'adressant à groupe
d'instituteurs, il dit : : >.
Le 8 avril 1923 lors de l'annonce de la création du Parti du peuple
(Halk Fýrkasý), on tenta de rééquilibrer cette vision raciste avec
l'idée issue des Neuf principes (Dokuz Umde[8]) selon laquelle
existerait un >. Après la signature du traité de
Lausanne, les échanges de populations entre la Grèce et la Turquie
s'étaient ainsi réalisés sur le principe religieux. Malgré tout, les
alliances[9] faites pendant de la guerre d'indépendance semblaient
être de plus en plus obsolètes.
Dans ses prises de position sur la Constitution de 1924, Hamdullah
Suphi Tanrýöver précisait qu'il ne fallait pas considérer les
Arméniens, les Roums et les Juifs comme >
tant qu'ils ne se seraient pas approprié le terreau de la Turquie (sa
langue et sa culture). Celal Nuri Ileri aussi avançait que > étaient les >. Finalement, la citoyenneté fut formulée ainsi dans
l'article 88 : >. Mais l'article 12
précisait >, excluant d'emblée les minorités non-musulmanes et les
Kurdes tout particulièrement.
Après avoir écrasé la révolte de Þeyh Said (soulèvement probablement
en réaction à cette exclusion), le premier ministre Ismet Paþa
confirmait le caractère raciste du régime à venir dans sa déclaration
publiée dans le journal Vakit, le 27 Avril 1925 : >.
Mustafa Kemal avait pendant longtemps, on le sait, étudié avec grande
attention les oeuvres de penseurs racistes comme Pittard et Gobineau;
le Centre d'études anthropologiques fondé en 1925 menait des
recherches sur ses directives. Parmi ses premiers travaux, il y avait
des recherches comparées comme > et , d'une >.
La construction de la >
Lors du premier Congrès d'Histoire des 2-11 juillet 1932, on avait
commencé à débattre de la thèse selon laquelle l'Histoire turque
serait à l'origine de toutes les civilisations du monde ; Reþit Galip
décrivit la > de la manière suivante :
et les problèmes de logement que rencontraient les musulmans
(muhacir[10]) qui arrivaient par vague en Turquie ; le territoire fut
divisé en trois régions, à grand renfort de termes tels que >, >, >. Ainsi, on comprit à nouveau ce que
recouvrait le terme > de l'article 88 de la Constitution de
1924.
La théorie de la langue Soleil fut formulée en 1936 ; en résumé, elle
disait : >. Cette même
année, Afet Inan, le bras droit de Mustafa Kemal, fit soumettre sur
ordre d'Atatürk pas moins de 64 000 personnes à des mesures
anthropométriques, dans le cadre du travail de doctorat de
l'anthropologue suisse Pittard qui visait à >.
Lors du 2e Congrès d'histoire des 20-25 septembre 1937, les
interventions présentées s'intitulaient : > (Dr. Nurettin Onur). Publié
entre 1925 et 1939 sous les auspices Ministère de l'Education (Maarif
Vekilleri), le Journal d'Anthropologie Turc était bourré d'exemples
qui montraient combien, à l'époque, on s'était donné du mal pour
prouver la supériorité de la race turque en instrumentalisant
l'anthropologie comme garantie scientifique.
L'ère du >
Après la défaite de l'Allemagne en 1945, les liens créés avec le bloc
occidental dissuadaient largement de soutenir ouvertement les thèses
fascistes. Les Turcs racistes durent modifier leur discours. Ils
remplaçaient désormais > par >, > par > et > (Bozkurtlar) par >. Ils tentaient de diffuser leurs nouvelles théories
par l'intermédiaire d'organisations comme l'association de la lutte
contre le communisme, l'association de la culture turque de Chypre, le
parti de la jeunesse turque ainsi que par des publications comme > (Hareket), > (Büyük Doðu), >, > ou > (Millet).
Rassemblés au sein du Foyer des Intellectuel fondé en 1970, les
intellectuels conservateurs se donnèrent beaucoup de mal pour trouver
une nouvelle définition à la turcité. Selon eux, la >
était une culture très ancienne, au rôle important dans l'histoire
mondiale, aux traditions ancrées, géographiquement étendue, étant
parvenue à dominer le monde ; .
Alparslan Türkeþ, leader du Mouvement nationaliste (MHP) fondé à cette
époque, répondait à la question des journalistes : > >. Les montagnes de Dieu étaient une énorme chaîne de montagnes dont
le plus haut sommet s'élevait à 7 429 tandis que le mont Hira (Nur)
n'était qu'une petite colline de 281 mètres de hauteur. La formule
donnait ainsi des éléments pour comprendre ce que recouvraient les
termes > et > d'après Türkeþ.
Pendant la période qui a suivi le coup d'Etat de 1980, où régnait
l'état d'exception, la synthèse turco-islamique vint à nouveau ouvrir
des perspectives idéologiques aux putschistes : ils promettaient de
restaurer l'ordre social perdu, de protéger à jamais son unité et son
intégrité. De nos jours, le pilier de la turcité s'est non seulement
maintenu, mais le pilier islamique de la formule de Türkeþ se trouve
nettement renforcé.
Les termes >, > ou > que nous
utilisons aujourd'hui sont donc le fruit d'un processus de > particulièrement complexe, débuté il y a des siècles et
qui s'est poursuivi jusqu'à nos jours. Il y a, de plus, des signaux
forts qui attestent que ce processus est toujours en cours. Affirmer
qu'une identité construite est supérieure à d'autres identités
probablement tout aussi construites atteste, au mieux, d'un manque de
conscience historique. Il est alors utile de prendre une profonde
inspiration et de se remémorer cet historique quand nous bombons le
torse au slogan >.
________________________________
[1] Ndlt : Paroles du Prophète.
[2] Le dirlik est une entité géographique. Il désigne un système fondé
sur une forme de location de territoire que le sultan ou l'empire
remet provisoirement à un seigneur en échange d'une taxe.
[3] Ensemble des soldats de l'Empire ottoman.
[4] Yafes, troisième fils du prophète Nuh. Il s'installe au nord de la
mer Caspienne (Hazar denizi) après le déluge
[5] Seigneur dans l'Empire ottoman
[6] Il est appelé > en turc (Kanuni Sultan Süleyman)
[7] Ulumi Siyasiye Mektebi
[8] Référence aux neuf principes de la turcité.
[9] Alliances conclues avec les peuples locaux non-turcs pour
combattre l'envahisseur.
[10] Populations musulmanes issues des territoires de l'ancien Empire musulman.
[11] La montagne Hira correspond au lieu où Mohamed fut déclaré
prophète pour la première fois, le lieu où l'Islam en tant que
religion pratiquée a débuté, en quelque sorte. Les montagnes de Dieu,
situées en Asie centrale, symbolisent les premiers territoires de la
turcité.
Sources :
Reþat Genç, Kaþgarlý Mahmud'a Göre XI. Yüzyýlda Türk Dünyasý, Türk
Kültürünü Araþtýrma Enstitüsü Yayýnlarý, 1997; Onur Bilge Kula,
"'Türkiye' Sözcüðünün Kullanýldýðý Almanca Ýlk Belge:Tannhauser'in
'Haçlý Seferi Þarkýsý'", Tarih ve Toplum, Aralýk 1992, S. 108, s. 329;
Hakan Erdem, "Osmanlý Kaynaklarýndan Yansýyan Türk Ýmaj(lar)ý",
Dünyada Türk Ýmgesi, Kitap Yayýnevi, 2005, s.13-26; Muzaffer Özdað,
"Osmanlý Tarih ve Edebiyatýnda Türk Düþmanlýðý", Tarih ve Toplum,
S.65, s.9-15; François Georgeon, Türk Milliyetçiliðinin Kökenleri
Yusuf Akçura (1876-1935), Tarih Vakfý Yurt Yayýnlarý, 1999; Rahmi
Apak, Yetmiþlik Bir Subayýn Hatýralarý, Türk Tarih Kurumu Yayýnlarý,
1988, Þevket Süreyya Aydemir, Suyu Arayan Adam, Remzi Kitabevi, 1999;
Þair ve Fikir Adamý Olarak Yahya Kemal, Yayýna Hazýrlayan: Osman
Oktay,http://www.turkocagi.org.tr/kitaplar/YahyaKemalBeyatli.pdf ;
Atatürk'ün Söylev ve Demeçleri, Atatürk Araþtýrma Merkezi, 2006; Ahmet
Yýldýz, "Ne Mutlu Türküm Diyebilene" Türk Ulusal Kimliðinin Etno
Seküler Sýnýrlarý (1919-1938), Ýletiþim, 2001; Nazan Maksudyan,
Türklüðü Ölçmek, (Bilimkurgusal Antropoloji ve Türk Milliyetçiliðinin
Irkçý Çehresi), Metis, 2005; Suavi Aydýn "Cumhuriyet'in Ýdeolojik
Þekillenmesinde Antropolojinin Rolü: Irkçý Paradigmanýn Yükseliþi ve
Düþüþü", Modern Türkiye'de Siyasi Düþünce, Kemalizm, C.2, Ýletiþim,
2001, s. 344-369; Etienne Copeaux, Türk Tarih Tezinden Türk-Ýslam
Sentezine, Tarih Vakfý Yurt Yayýnlarý, 1998; Bozkurt Güvenç ve
diðerleri, Türk-Ýslam Sentezi, Sarmal Yayýnlarý, 1994; Ýbrahim
Kafesoðlu, Türk-Ýslam Sentezi, Aydýnlar Ocaðý Yayýnlarý, 1985.
http://repairfuture.net/index.php/fr/l-identite-point-de-vue-de-turquie/du-turc-barbare-au-turc-musulman
jeudi 9 octobre 2014
L'identité arménienne et turque aujourd'hui
Point de vue de Turquie
Aïché Hur
Ecrivaine et chroniqueuse au journal Radikal
Les termes >, >, >, > apparurent
initialement dans les sources chinoises, et entrèrent ensuite dans la
littérature arabe et byzantine à partir du IXème siècle traduits par
'türk' (et türük ou türküt au pluriel) dans les sources
arabo-musulmanes. Le terme passa définitivement dans la littérature
européenne avec les travaux du linguiste danois Thomsen. En 1893, il
prononçait > certains termes retrouvés sur les inscriptions
d'Orhon-Yenisey (datées du VI-VIIIe siècle). Aujourd'hui, certains
scientifiques pensent que les Chinois désignaient tous les étrangers
par le mot >. D'autres avancent que le terme désignait
différentes lignées qui auraient eu un ancêtre commun. Ils affirment
qu'il viendrait de la confusion avec le terme mongol > qui
signifie > ou >, et qu'il désignerait des
populations à l'organisation pyramidale, rappelant la forme d'un
casque. D'autres, enfin, soutiennent que c'est le nom d'une société
parlant une seule et même langue, la langue turque (D'après eux, le
mot > signifierait >, >).
Au temps du >
Nous ne saurions dire laquelle de ces thèses est juste, mais dans le
dernier quart du XIème siècle, Mahmoud de Kachgar (auteur de Recueil
des langues turques, et il les a rendus maîtres du
monde. Il a fait d'eux les seigneurs de notre temps. Il leur a remis
les rênes des peuples du monde. Il a favorisé ceux qui sont à leurs
côtés et ceux qui travaillent pour eux. Grce aux Turcs, il a exaucé
tous leurs voeux. Il les a protégés eux des méfaits des gueux et des
méchants. Pour ne pas être la cible des flèches turques, celui doté
d'intelligence se doit de suivre la trace de ces hommes. Pour leur
faire entendre ses difficultés et être en paix avec eux, il n'y a
d'autres solutions que de parler la langue des Turcs >>. Mahmoud de
Kachgar disait : (Turcs) et > (Turquie) dans les documents
byzantins, ou encore > (les Turcs barbares) dans les
documents de la papauté. Le 11 octobre 1098, après les guerres de la
région d'Antioche, un prêtre (ayant pris part à la première croisade)
écrivait dans son journal : >. Un siècle plus
tard, Guillaume de Tyr racontait cette croisade et parlait de >. En 1228-1229, le poète
bavarois Tannhäuser, autre croisé, écrivait dans son chant aux
croisades [Kreuzfahrtlied] >.
Au temps du >
Vers 1270, Marco Polo passait par Istanbul et par l'Anatolie. Selon
lui : >.
Une trentaine d'années après le passage de Marco Polo, l'une des
tribus dites turques, les > (kayý), aurait alors fondé l'Empire
Ottoman mais le caractère originel de la > de l'Etat a
toujours fait l'objet de débats. En effet, dans l'Empire Ottoman, les
non-Turcs étaient nombreux, aussi bien parmi les dirigeants que parmi
le peuple. Une partie de la classe dirigeante, certains propriétaires
de dirlik[2] et tous les kapýkulu[3] n'étaient ni Turcs, ni musulmans.
A quelques exceptions près, les hommes de la dynastie ont largement
dilué > en se mariant à des femmes non-turques. Le turc
était, en revanche, la langue parlée par la dynastie et dans les
différents secteurs de l'Etat. Tous les documents d'Etat furent
rédigés en turc pendant des centaines d'années sans interruption. On
apprenait l'arabe dans les médersas, mais la langue parlée restait le
turc. Pour compliquer encore un peu les choses, de nombreux autres
termes étaient utilisés par les Ottomans eux-mêmes pour désigner leur
peuple, leur pays, leurs institutions, et leur langue dans les
documents officiels : Kayzer-i Rum (Le roi des Roums), Memleket-i Rûm
(Le pays des Roums) Þuara-yý Rûm (Les poètes roums), Ulema-yý Rûm (Les
savants/oulémas roums), Lisan-ý Rum (la langue roum), >, >, Eyalet-i Rûm (La province roum). En
bref, les Ottomans se qualifiaient eux-mêmes de >
(Rappelons-nous que pour l'auteur du 11èmesiècle, Mahmoud de Kashgar,
l'Anatolie était déjà le >).
Les points de vue sur la turcité n'étaient pas non plus uniformes. Le
terme > apparaît alternativement dans un sens positif, négatif
ou neutre. C'est par exemple le cas dans l'oeuvre d'þýkpaþazade (mort
en 1481), Tevarih-i li Osman, la plus important traité de la première
période de l'Empire Ottoman. Il raconte l'arrivée des Turcs en
Anatolie : ils y sont décrits comme un peuple issu >, >. Selon lui, personne
ne s'intéresserait à la langue turque, et mêmes les Turcs ne la
parleraient pas. A l'inverse, le sultan Cem est évoqué en termes
flatteurs comme .
Mais ouvrons une parenthèse. Jusqu'à la chute de Grenade en 1492, ce
sont les Arabes qui sont l'> de l'Europe. Le discours sur les
Turcs est ainsi généralement positif. Après 1492, l'ottoman (turc)
devient l'> à son tour et le discours se fait dès lors
péjoratif. Même après la défaite de Vienne en 1529, les Turcs sont
évoqués en des termes particulièrement humiliants : >... La raison en
est certainement >. On peut trouver l'héritage de
cette >(obsession turque) de l'époque encore dans la
langue d'aujourd'hui comme en atteste l'expression italienne > (>). D'après certaines affirmations,
les Turcs de cette époque auraient été la source d'inspiration de
termes comme > (faire souffrir), > (torture),
> ou >(fourberie ou cruauté).
Refermons ici la parenthèse et reprenons. L'écrivain Suzi Çelebi (mort
en 1524), témoin des débuts du règne deSoliman Le Magnifique[6], fut
le premier à affirmer : >. Mais le fameux
poète du divan Baki brouille les pistes : à la même époque, dans le
poème qu'il présentait au Législateur (ndlr : à Soliman), >, il écrivait >. Hafýz Hamdi Çelebi, autre poète de
l'époque, n'aimait pas les Turcs et renchérissait :
à la place de > au moment même où les armées de Murat
Pasha le Puisatier (Kuyucu Murat Paþa) massacraient ces derniers en
Anatolie en 1609. Il n'est alors pas surprenant de lire des
qualificatifs tels >(brigand), >(bandit),>(féroce),>(rebelle)ou encore> (hérétique) les
concernant.
L'idéologie de la turcité
Avec les Tanzimat apparut l'usage de définitions >.
Emigré polonais, Constantin Borzecki (rebaptisé du nom musulman
Mustafa Celaleddin après s'être réfugié à Istanbul) fut l'un des
premiers à utiliser le concept > pour une catégorie ethnique.
Avec son ouvrage Les Turcs anciens et modernes, publié à Istanbul et à
Paris en 1870, l'auteur joua un rôle important dans le développement
d'une conscience de la >.
Parmi les envoyés d'Abdülhamid II, Arminius Vambery, orientaliste juif
hongrois, écrivit également sur la question. Dans son livre Voyage en
Asie centrale (1873), l'auteur a maintes fois recours à des termes
comme >, > ou >. Le turcologue
français Léon Cahun fut quant à lui à l'origine de la thèse selon
laquelle les Turcs vivaient en Asie centrale près d'une mer intérieure
et qu'ils durent commencer leur migration vers l'Eurasie après son
assèchement. C'est grce à son livre intitulé Introduction à
l'histoire de l'Asie sorti en 1896 que Cahun se fit connaître. L'oeuvre
permit de rendre célèbre les inscriptions d'Orhun découvertes entre
1889 et 1893, et l'on sait que Mustafa Kemal le lut puisqu'on retrouva
son écriture sur un exemplaire.
Le concept de > inventé par ces écrivains s'apprêtait alors
à devenir un projet politique. Les nouvelles générations d'élites (les
Jeunes Turcs) voyaient s'éloigner de l'Empire les minorités ethniques,
influencées par les courants nationalistes depuis la Révolution
française de 1789. L'Occidentalisme, l'Ottomanisme et l'Islamisme
avaient échoué à sauver l'empire, et ils s'appuyèrent sur la > qui permettait de mettre en avant l'identité turque et de combiner
les dimensions ethnique, politique et culturelle. Cette rapide
modernisation à l'occidentale avait été vécue à l'identique en Russie.
D'origine russe, des intellectuels comme Gaspýralý Ýsmail, Hüseyinzade
Ali, Aðaoðlu Ahmet, Caferoðlu Ahmed, Mehmet Emin Resulzade, Zeki
Velidi Togan et Yusuf Akçura avaient importé ce courant de pensée en
terres ottomanes (courant initialement né d'une réaction au
nationalisme russe). Considéré a posteriori comme le manifeste
politique de la turcité, l'article Trois styles de politique (Üç Tarzý
Siyaset. 1904) résumait les positions d'Akçura jugées >,
>, >, > à l'époque. L'oeuvre
influença beaucoup les intellectuels ottomans de la fin de l'empire
comme Ziya Gökalp, Ömer Seyfettin, Moiz Kohen ve Mehmet Emin.
La découverte du peuple turc
Le poète Yahya Kemal, issu de cette génération, rapporte les propos de
l'un de ses professeurs d'université à la Sorbonne, Albert Sorel. En
cours, il disait à ses étudiants : >. Cette phrase
eut l'effet d'un éclair dans l'esprit de Yahya Kemal : par le
peuple n'allait pas être aussi simple. On peut trouver un indice dans
les mémoires de guerre (Première Guerre Mondiale) de l'officier
ottoman Rahmi Apak. A Erzurum, Rahmi Bey rencontre un jeune soldat qui
pense être arménien. Voici leur échange :
- Tu es de quel millet ?
- Je suis ottoman.
- Qu'est-ce-que ça veut dire ottoman, tu n'es pas Turc toi ?
- Non, moi je ne suis pas Turc, je suis ottoman.
- D'accord, mais quelle langue tu parles ? L'arménien ou le turc ?
- Je parle turc.
- Si tu parles le turc, tu es Turc alors.
- Non, monsieur, je ne suis pas Turc.
- Mais si enfin, tu es Turc, moi aussi je suis Turc.
- Monsieur, vous, vous pouvez être Turc, ça ne me regarde pas, mais
moi, je ne suis pas Turc.
- Et, p'tit gars, t'es fou ou quoi, même le Sultan est Turc.
- Monsieur, ne salissez pas le nom de notre Sultan, le Sultan ne peut
pas être Turc !
Dans son oeuvre autobiographique Le chercheur d'eau, Þevket Süreyya
(Aydemir) raconte une situation similaire. Au cours de la Première
Guerre Mondiale, étudiant de 17 ans, il se trouve au front dans le
Caucase et interroge un groupe de soldats composé de paysans
d'Anatolie : >. Les réponses fusent : > répond l'un, > dit un autre. Þevket Süreyya demande >. Les réponses fusent à nouveau. Il y en a même un qui répond >. Þevket Süreyya poursuit : >. Chacun donne encore une réponse différente. L'écrivain essaie de
leur faciliter la tche : >. Les soldats
s'exclament en coeur, indignés: >.
Il fallut du temps avant de réussir à faire crier à ces soldats >, eux qui se pensaient insultés d'être dits
Turcs. A l'origine de ce changement radical et fulgurant, Mustafa
Kemal, qui l'organisa en trois étapes. La guerre d'indépendance (milli
mücadele) était une première étape (1919-1922) ; il avait d'abord
utilisé des définitions > pour fédérer les populations
musulmanes d'Anatolie et de Roumélie face aux Grandes puissances
(Düvel-i Muazzam). Dans un deuxième temps, la définition >
remplaça progressivement la définition >. On accola
d'abord le mot > au nom du Parlement le 8 février 1921.
Mustafa Kemal utilisa le mot > dans son sens politique pour la
première fois le 21 septembre 1922 dans son discours sur la Grande
Victoire (Büyük Zafer). En octobre 1922, s'adressant à groupe
d'instituteurs, il dit : : >.
Le 8 avril 1923 lors de l'annonce de la création du Parti du peuple
(Halk Fýrkasý), on tenta de rééquilibrer cette vision raciste avec
l'idée issue des Neuf principes (Dokuz Umde[8]) selon laquelle
existerait un >. Après la signature du traité de
Lausanne, les échanges de populations entre la Grèce et la Turquie
s'étaient ainsi réalisés sur le principe religieux. Malgré tout, les
alliances[9] faites pendant de la guerre d'indépendance semblaient
être de plus en plus obsolètes.
Dans ses prises de position sur la Constitution de 1924, Hamdullah
Suphi Tanrýöver précisait qu'il ne fallait pas considérer les
Arméniens, les Roums et les Juifs comme >
tant qu'ils ne se seraient pas approprié le terreau de la Turquie (sa
langue et sa culture). Celal Nuri Ileri aussi avançait que > étaient les >. Finalement, la citoyenneté fut formulée ainsi dans
l'article 88 : >. Mais l'article 12
précisait >, excluant d'emblée les minorités non-musulmanes et les
Kurdes tout particulièrement.
Après avoir écrasé la révolte de Þeyh Said (soulèvement probablement
en réaction à cette exclusion), le premier ministre Ismet Paþa
confirmait le caractère raciste du régime à venir dans sa déclaration
publiée dans le journal Vakit, le 27 Avril 1925 : >.
Mustafa Kemal avait pendant longtemps, on le sait, étudié avec grande
attention les oeuvres de penseurs racistes comme Pittard et Gobineau;
le Centre d'études anthropologiques fondé en 1925 menait des
recherches sur ses directives. Parmi ses premiers travaux, il y avait
des recherches comparées comme > et , d'une >.
La construction de la >
Lors du premier Congrès d'Histoire des 2-11 juillet 1932, on avait
commencé à débattre de la thèse selon laquelle l'Histoire turque
serait à l'origine de toutes les civilisations du monde ; Reþit Galip
décrivit la > de la manière suivante :
et les problèmes de logement que rencontraient les musulmans
(muhacir[10]) qui arrivaient par vague en Turquie ; le territoire fut
divisé en trois régions, à grand renfort de termes tels que >, >, >. Ainsi, on comprit à nouveau ce que
recouvrait le terme > de l'article 88 de la Constitution de
1924.
La théorie de la langue Soleil fut formulée en 1936 ; en résumé, elle
disait : >. Cette même
année, Afet Inan, le bras droit de Mustafa Kemal, fit soumettre sur
ordre d'Atatürk pas moins de 64 000 personnes à des mesures
anthropométriques, dans le cadre du travail de doctorat de
l'anthropologue suisse Pittard qui visait à >.
Lors du 2e Congrès d'histoire des 20-25 septembre 1937, les
interventions présentées s'intitulaient : > (Dr. Nurettin Onur). Publié
entre 1925 et 1939 sous les auspices Ministère de l'Education (Maarif
Vekilleri), le Journal d'Anthropologie Turc était bourré d'exemples
qui montraient combien, à l'époque, on s'était donné du mal pour
prouver la supériorité de la race turque en instrumentalisant
l'anthropologie comme garantie scientifique.
L'ère du >
Après la défaite de l'Allemagne en 1945, les liens créés avec le bloc
occidental dissuadaient largement de soutenir ouvertement les thèses
fascistes. Les Turcs racistes durent modifier leur discours. Ils
remplaçaient désormais > par >, > par > et > (Bozkurtlar) par >. Ils tentaient de diffuser leurs nouvelles théories
par l'intermédiaire d'organisations comme l'association de la lutte
contre le communisme, l'association de la culture turque de Chypre, le
parti de la jeunesse turque ainsi que par des publications comme > (Hareket), > (Büyük Doðu), >, > ou > (Millet).
Rassemblés au sein du Foyer des Intellectuel fondé en 1970, les
intellectuels conservateurs se donnèrent beaucoup de mal pour trouver
une nouvelle définition à la turcité. Selon eux, la >
était une culture très ancienne, au rôle important dans l'histoire
mondiale, aux traditions ancrées, géographiquement étendue, étant
parvenue à dominer le monde ; .
Alparslan Türkeþ, leader du Mouvement nationaliste (MHP) fondé à cette
époque, répondait à la question des journalistes : > >. Les montagnes de Dieu étaient une énorme chaîne de montagnes dont
le plus haut sommet s'élevait à 7 429 tandis que le mont Hira (Nur)
n'était qu'une petite colline de 281 mètres de hauteur. La formule
donnait ainsi des éléments pour comprendre ce que recouvraient les
termes > et > d'après Türkeþ.
Pendant la période qui a suivi le coup d'Etat de 1980, où régnait
l'état d'exception, la synthèse turco-islamique vint à nouveau ouvrir
des perspectives idéologiques aux putschistes : ils promettaient de
restaurer l'ordre social perdu, de protéger à jamais son unité et son
intégrité. De nos jours, le pilier de la turcité s'est non seulement
maintenu, mais le pilier islamique de la formule de Türkeþ se trouve
nettement renforcé.
Les termes >, > ou > que nous
utilisons aujourd'hui sont donc le fruit d'un processus de > particulièrement complexe, débuté il y a des siècles et
qui s'est poursuivi jusqu'à nos jours. Il y a, de plus, des signaux
forts qui attestent que ce processus est toujours en cours. Affirmer
qu'une identité construite est supérieure à d'autres identités
probablement tout aussi construites atteste, au mieux, d'un manque de
conscience historique. Il est alors utile de prendre une profonde
inspiration et de se remémorer cet historique quand nous bombons le
torse au slogan >.
________________________________
[1] Ndlt : Paroles du Prophète.
[2] Le dirlik est une entité géographique. Il désigne un système fondé
sur une forme de location de territoire que le sultan ou l'empire
remet provisoirement à un seigneur en échange d'une taxe.
[3] Ensemble des soldats de l'Empire ottoman.
[4] Yafes, troisième fils du prophète Nuh. Il s'installe au nord de la
mer Caspienne (Hazar denizi) après le déluge
[5] Seigneur dans l'Empire ottoman
[6] Il est appelé > en turc (Kanuni Sultan Süleyman)
[7] Ulumi Siyasiye Mektebi
[8] Référence aux neuf principes de la turcité.
[9] Alliances conclues avec les peuples locaux non-turcs pour
combattre l'envahisseur.
[10] Populations musulmanes issues des territoires de l'ancien Empire musulman.
[11] La montagne Hira correspond au lieu où Mohamed fut déclaré
prophète pour la première fois, le lieu où l'Islam en tant que
religion pratiquée a débuté, en quelque sorte. Les montagnes de Dieu,
situées en Asie centrale, symbolisent les premiers territoires de la
turcité.
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"Osmanlý Tarih ve Edebiyatýnda Türk Düþmanlýðý", Tarih ve Toplum,
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Yusuf Akçura (1876-1935), Tarih Vakfý Yurt Yayýnlarý, 1999; Rahmi
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Oktay,http://www.turkocagi.org.tr/kitaplar/YahyaKemalBeyatli.pdf ;
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2001, s. 344-369; Etienne Copeaux, Türk Tarih Tezinden Türk-Ýslam
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Kafesoðlu, Türk-Ýslam Sentezi, Aydýnlar Ocaðý Yayýnlarý, 1985.
http://repairfuture.net/index.php/fr/l-identite-point-de-vue-de-turquie/du-turc-barbare-au-turc-musulman