TURQUIE : UNE MAISON, DEUX PIECES POUR CINQ FAMILLES POUSSEES A L'EXODE PAR LA BATAILLE DE KOBANE
TURQUIE
C'est une petite maison de pierre posee a l'extreme lisière de
la Turquie. Deux etroites pièces dans lesquelles s'entassent cinq
familles de refugies kurdes de Syrie, et autant de destins emportes
par la bataille acharnee qui se joue a leur porte.
Pas plus de 50 m separent le petit village turc de Karaca de la
frontière syrienne. Pour Sebah Temo, c'est la distance entre la paix et
la guerre, celle que se livrent depuis un mois les combattants kurdes
et les jihadistes du groupe Etat islamique (EI) pour le contrôle de
la ville kurde syrienne de Kobane, a une poignee de kilomètres a peine.
Mais c'est une paix fragile, a portee des obus de mortiers et des
rafales d'armes automatiques qui claquent aux oreilles. Et dans des
conditions materielles d'une extreme precarite.
"Combien de temps allons-nous pouvoir survivre dans une situation
pareille ?", s'interroge Mme Temo. "La nuit, nous sommes obliges de
nous serrer comme des sardines dans cette petite pièce pour dormir
par terre", poursuit la vieille femme, qui a quitte la Syrie avec
ses sept enfants.
La petite maison de Karaca ne compte qu'un seul cabinet de toilettes
devant lequel la trentaine de refugies qui en ont fait leur domicile
pietinent a longueur de journee. Juste a côte, un trou de 2 m de
profondeur y fait office d'egout.
La plupart de ses locataires y ont pourtant pose leurs sacs avec
soulagement. Tous ont dû patienter avec angoisse pendant des jours,
certains meme des semaines, avant que l'armee turque ne leur donne
l'autorisation de passer la frontière.
"J'ai attendu 17 a 18 jours", raconte Sevket Hesin, qui a quitte la
Syrie il y a cinq jours avec sa femme et leur bebe de deux mois.
"Meme dans mes pires cauchemars" -
"Il pleuvait et mon bebe allait tomber malade. Alors j'ai pris
le risque et j'ai decide de passer illegalement les barbeles",
explique-t-il, "j'aurais pu me faire arreter mais, grâce a Dieu,
je suis passe et on a pu rentrer en Turquie".
Pour ceux qui refusent d'attendre le feu vert officiel des autorites,
le chemin qui mène en Turquie n'est pas de tout repos et les passeurs
qui les aident pas toujours très fiables.
"C'est très dangereux", insiste Sevket Hesin, "un de mes voisins s'est
trompe de route et a marche dans un champs de mines. Il a ete blesse
et a perdu ses jambes". "Mais ce risque n'est rien compare a l'EI",
s'empresse-t-il d'ajouter.
Au total, quelque 200.000 Kurdes ont quitte depuis un mois la region
de Kobane, pousses par l'offensive des jihadistes et la peur des
exactions et des tortures dont ils sont accuses.
Mais a peine en securite sur le territoire turc, la quasi-totalite
n'ont plus qu'une seule idee en tete, faire demi-tour et rentrer
chez eux.
"J'essaie tous les jours de me raisonner et de me preparer a continuer
a vivre dans ses conditions terribles mais je n'y arrive pas",
se lamente Sebah Temo en regardant les sacs d'aide humanitaire qui
recouvrent son toit. "Meme dans mes pires cauchemars, je n'avais
jamais imagine que nous allions vivre quelque chose comme ca".
Sa "voisine" Sabiha, 50 ans, qui s'est installee dans la petite maison
de Karaca avec ses douze enfants, espère elle aussi en partir au plus
vite et retrouver le confort de son domicile de Kobane.
"Nous avions une très belle maison. Elle etait a nous, sur notre sol.
Ici, nous n'avons plus rien", dit-elle. "Ca, ce n'est pas notre
maison, nous ne sommes ici que de passage, on pourrait nous mettre
dehors n'importe quand, comme ca. Alors mon seul espoir est de pouvoir
rentrer. De quoi pourrais-je rever d'autre ?"
lundi 20 octobre 2014, Stephane (c)armenews.com
TURQUIE
C'est une petite maison de pierre posee a l'extreme lisière de
la Turquie. Deux etroites pièces dans lesquelles s'entassent cinq
familles de refugies kurdes de Syrie, et autant de destins emportes
par la bataille acharnee qui se joue a leur porte.
Pas plus de 50 m separent le petit village turc de Karaca de la
frontière syrienne. Pour Sebah Temo, c'est la distance entre la paix et
la guerre, celle que se livrent depuis un mois les combattants kurdes
et les jihadistes du groupe Etat islamique (EI) pour le contrôle de
la ville kurde syrienne de Kobane, a une poignee de kilomètres a peine.
Mais c'est une paix fragile, a portee des obus de mortiers et des
rafales d'armes automatiques qui claquent aux oreilles. Et dans des
conditions materielles d'une extreme precarite.
"Combien de temps allons-nous pouvoir survivre dans une situation
pareille ?", s'interroge Mme Temo. "La nuit, nous sommes obliges de
nous serrer comme des sardines dans cette petite pièce pour dormir
par terre", poursuit la vieille femme, qui a quitte la Syrie avec
ses sept enfants.
La petite maison de Karaca ne compte qu'un seul cabinet de toilettes
devant lequel la trentaine de refugies qui en ont fait leur domicile
pietinent a longueur de journee. Juste a côte, un trou de 2 m de
profondeur y fait office d'egout.
La plupart de ses locataires y ont pourtant pose leurs sacs avec
soulagement. Tous ont dû patienter avec angoisse pendant des jours,
certains meme des semaines, avant que l'armee turque ne leur donne
l'autorisation de passer la frontière.
"J'ai attendu 17 a 18 jours", raconte Sevket Hesin, qui a quitte la
Syrie il y a cinq jours avec sa femme et leur bebe de deux mois.
"Meme dans mes pires cauchemars" -
"Il pleuvait et mon bebe allait tomber malade. Alors j'ai pris
le risque et j'ai decide de passer illegalement les barbeles",
explique-t-il, "j'aurais pu me faire arreter mais, grâce a Dieu,
je suis passe et on a pu rentrer en Turquie".
Pour ceux qui refusent d'attendre le feu vert officiel des autorites,
le chemin qui mène en Turquie n'est pas de tout repos et les passeurs
qui les aident pas toujours très fiables.
"C'est très dangereux", insiste Sevket Hesin, "un de mes voisins s'est
trompe de route et a marche dans un champs de mines. Il a ete blesse
et a perdu ses jambes". "Mais ce risque n'est rien compare a l'EI",
s'empresse-t-il d'ajouter.
Au total, quelque 200.000 Kurdes ont quitte depuis un mois la region
de Kobane, pousses par l'offensive des jihadistes et la peur des
exactions et des tortures dont ils sont accuses.
Mais a peine en securite sur le territoire turc, la quasi-totalite
n'ont plus qu'une seule idee en tete, faire demi-tour et rentrer
chez eux.
"J'essaie tous les jours de me raisonner et de me preparer a continuer
a vivre dans ses conditions terribles mais je n'y arrive pas",
se lamente Sebah Temo en regardant les sacs d'aide humanitaire qui
recouvrent son toit. "Meme dans mes pires cauchemars, je n'avais
jamais imagine que nous allions vivre quelque chose comme ca".
Sa "voisine" Sabiha, 50 ans, qui s'est installee dans la petite maison
de Karaca avec ses douze enfants, espère elle aussi en partir au plus
vite et retrouver le confort de son domicile de Kobane.
"Nous avions une très belle maison. Elle etait a nous, sur notre sol.
Ici, nous n'avons plus rien", dit-elle. "Ca, ce n'est pas notre
maison, nous ne sommes ici que de passage, on pourrait nous mettre
dehors n'importe quand, comme ca. Alors mon seul espoir est de pouvoir
rentrer. De quoi pourrais-je rever d'autre ?"
lundi 20 octobre 2014, Stephane (c)armenews.com