NOUS FAISONS UN RÊVE COMMUN : REPONSE A TIGRANE YEGAVIAN
OPINION
Notre manifeste armeno-turc, >, a
retenu l'attention de Tigrane Yegavian, et sa lecture critique appelle
quelques reponses de la part de quelques uns de ses signataires.
Schematiquement le principal reproche qu'adresse TY a notre texte est
de se refugier dans le reve pour fuir la realite, et particulièrement
celle de l 'evolution du gouvernement turc depuis 2010, qui aurait
rendu les intellectuels et les democrates turcs >.
Ce qui nous rassemble n'est pas une analyse sur le gouvernement turc.
Le but de notre texte se situe sur un autre plan. A l'approche
du centième anniversaire du genocide, nous avons voulu donner une
perspective commune, ecrire ce que nous pouvons assumer et ce a quoi
nous nous engageons ensemble. Il y a eu deja des actions communes
entre Armeniens et Turcs, autour du procès des assassins de Hrant
Dink, ou bien le 24 avril dernier a Istanbul où l'on voyait, en plus
grand nombre que les annees precedentes, des Armeniens de la diaspora
et meme d'Armenie ( Raffi Hovanhissian par exemple), il y a eu la
petition d'excuses et une reponse d'Armeniens dont la plupart se
retrouvent autour de ce texte-ci, qui est le premier a etre concu,
signe et diffuse ensemble. Oui, le dialogue est un processus qui
continue et qui progresse, parce qu'il est le fruit de convictions
durables qui ne dependent pas d'une parenthèse heureuse mais depassee
ni non plus de conjonctures particulièrement inquietantes comme celle
que nous traversons en ce moment.
Ce texte manifeste donc deux choix majeurs. Le premier est de dire
que l'histoire a venir de la reconnaissance du genocide se passera
principalement en Turquie, meme s'il demeure utile, pour sa place
dans l'Histoire universelle, que les grands pays qui sont restes
silencieux franchissent ce pas, et que tous donnent a la commemoration
du centenaire un caractère solennel. C'est en Turquie que nous voulons
faire un pas de plus en avant dans la resolution du problème. Un
pas que nous estimons important parce qu'il pose des acquis sur
la reconnaissance du genocide et la necessite de reparations par
une certaine partie de la societe civile. Nous sommes conscients
qu'il reviendra aux politiques de concretiser une partie, la plus
emblematique, de nos propositions et que l'on en est encore loin,
d'où la forme du reve.
Mais precisement, formuler un reve, c'est faire aussi un autre choix,
celui de donner une figure concrète a la reparation morale, de montrer
comment le visage de la Turquie doit changer, dans les morts qu'elle
honore et ceux qu'elle rejette, mais aussi par les gestes forts que
cite TY : facilites portuaires, parc de l'Ararat.
Rever ne veut donc pas dire tourner le dos aux realites. Mais
s'appuyer sur celles qui sont positives : comme le mouvement ,
dans la societe turque, qui a leve le tabou sur le mot de genocide
et multiplie les initiatives culturelles et scientifiques communes,
ou, chez les Armeniens, l'attirance vers le Yerkir. Designer celles
qui sont negatives, comme la realite persistante d'une citoyennete de
seconde zone ou la fermeture de la frontière. Interroger celles qui
derangent , comme l'emergence des Armeniens islamises. Beaucoup des
avancees ont recu leur elan, sans doute irreversible, de la parole,
de l'action et de la mort de Hrant Dink. Il est la personnalite la
plus marquante du peuple armenien depuis longtemps, la plus lumineuse
aussi, et cette lumière qui rayonne toujours vient de sa capacite a
dire la complexite, a vouloir la partager avec le plus grand nombre
, a deceler l'avenir dans le present. Qu'il appartienne aussi au
monde turc n'est pas une restriction, mais un moteur pour mener vers
des solutions la question armenienne nee du genocide. Bien entendu
la societe, les societes, ne peuvent pas tout. Mais une constance
dans l'action et dans la vision de l'avenir permettront de peser
davantage sur des opinions publiques et des Etats plonges dans un monde
incertain. Croire que rien n'est possible, ce n'est pas du realisme,
c'est du defaitisme. Notre realisme ne baisse pas les bras et propose.
Il ne s'arroge aucune exclusivite sur la question. Que naissent mille
initiatives !
Gorune Aprikian
Gerard Malkassian
Michel Marian
lundi 20 octobre 2014, Ara (c)arm
From: A. Papazian
OPINION
Notre manifeste armeno-turc, >, a
retenu l'attention de Tigrane Yegavian, et sa lecture critique appelle
quelques reponses de la part de quelques uns de ses signataires.
Schematiquement le principal reproche qu'adresse TY a notre texte est
de se refugier dans le reve pour fuir la realite, et particulièrement
celle de l 'evolution du gouvernement turc depuis 2010, qui aurait
rendu les intellectuels et les democrates turcs >.
Ce qui nous rassemble n'est pas une analyse sur le gouvernement turc.
Le but de notre texte se situe sur un autre plan. A l'approche
du centième anniversaire du genocide, nous avons voulu donner une
perspective commune, ecrire ce que nous pouvons assumer et ce a quoi
nous nous engageons ensemble. Il y a eu deja des actions communes
entre Armeniens et Turcs, autour du procès des assassins de Hrant
Dink, ou bien le 24 avril dernier a Istanbul où l'on voyait, en plus
grand nombre que les annees precedentes, des Armeniens de la diaspora
et meme d'Armenie ( Raffi Hovanhissian par exemple), il y a eu la
petition d'excuses et une reponse d'Armeniens dont la plupart se
retrouvent autour de ce texte-ci, qui est le premier a etre concu,
signe et diffuse ensemble. Oui, le dialogue est un processus qui
continue et qui progresse, parce qu'il est le fruit de convictions
durables qui ne dependent pas d'une parenthèse heureuse mais depassee
ni non plus de conjonctures particulièrement inquietantes comme celle
que nous traversons en ce moment.
Ce texte manifeste donc deux choix majeurs. Le premier est de dire
que l'histoire a venir de la reconnaissance du genocide se passera
principalement en Turquie, meme s'il demeure utile, pour sa place
dans l'Histoire universelle, que les grands pays qui sont restes
silencieux franchissent ce pas, et que tous donnent a la commemoration
du centenaire un caractère solennel. C'est en Turquie que nous voulons
faire un pas de plus en avant dans la resolution du problème. Un
pas que nous estimons important parce qu'il pose des acquis sur
la reconnaissance du genocide et la necessite de reparations par
une certaine partie de la societe civile. Nous sommes conscients
qu'il reviendra aux politiques de concretiser une partie, la plus
emblematique, de nos propositions et que l'on en est encore loin,
d'où la forme du reve.
Mais precisement, formuler un reve, c'est faire aussi un autre choix,
celui de donner une figure concrète a la reparation morale, de montrer
comment le visage de la Turquie doit changer, dans les morts qu'elle
honore et ceux qu'elle rejette, mais aussi par les gestes forts que
cite TY : facilites portuaires, parc de l'Ararat.
Rever ne veut donc pas dire tourner le dos aux realites. Mais
s'appuyer sur celles qui sont positives : comme le mouvement ,
dans la societe turque, qui a leve le tabou sur le mot de genocide
et multiplie les initiatives culturelles et scientifiques communes,
ou, chez les Armeniens, l'attirance vers le Yerkir. Designer celles
qui sont negatives, comme la realite persistante d'une citoyennete de
seconde zone ou la fermeture de la frontière. Interroger celles qui
derangent , comme l'emergence des Armeniens islamises. Beaucoup des
avancees ont recu leur elan, sans doute irreversible, de la parole,
de l'action et de la mort de Hrant Dink. Il est la personnalite la
plus marquante du peuple armenien depuis longtemps, la plus lumineuse
aussi, et cette lumière qui rayonne toujours vient de sa capacite a
dire la complexite, a vouloir la partager avec le plus grand nombre
, a deceler l'avenir dans le present. Qu'il appartienne aussi au
monde turc n'est pas une restriction, mais un moteur pour mener vers
des solutions la question armenienne nee du genocide. Bien entendu
la societe, les societes, ne peuvent pas tout. Mais une constance
dans l'action et dans la vision de l'avenir permettront de peser
davantage sur des opinions publiques et des Etats plonges dans un monde
incertain. Croire que rien n'est possible, ce n'est pas du realisme,
c'est du defaitisme. Notre realisme ne baisse pas les bras et propose.
Il ne s'arroge aucune exclusivite sur la question. Que naissent mille
initiatives !
Gorune Aprikian
Gerard Malkassian
Michel Marian
lundi 20 octobre 2014, Ara (c)arm
From: A. Papazian