REVUE DE PRESSE
Les dégts d'une diplomatie désinvolte - La pire politique étrangère
de la Ve République
Jean-François Bayart
Directeur de recherche au CNRS
Journal LE MONDE
Extraits
A l'heure où Nicolas Sarkozy revient en sauveur, il n'est pas inutile
de dresser le bilan de sa politique étrangère.
Avec la Turquie, le bilan est plus consternant encore. Comme cela
était à prévoir, le blocage névrotique des négociations d'adhésion de
cette dernière à l'Union européenne l'a encouragée dans une diplomatie
de substitution.
Triomphalement élu à la présidence de la République au mois d'août,
Recep Tayyip Erdogan se sent pousser des ailes. La tentation sera
grande pour lui de faire cavalier seul, sans trop d'égards pour les
intérêts et la sécurité de l'Europe. L'agressivité de Nicolas Sarkozy
à son encontre n'a pas favorisé son dialogue délicat avec l'Arménie,
contribuant à rejeter celle-ci dans les bras de la Russie et Ã
cimenter la collusion entre la Turquie et un Azerbaïdjan fort de ses
pétrodollars. Le scandale du 17 décembre 2013, qui a impliqué,en même
temps que l'entourage de M.Erdogan et la banque publique Halkbank, un
homme d'affaires iranien, également détenteur des citoyennetés
azerbaïdjanaise et turque, dans le contournement des sanctions contre
l'Iran, Ã grand renfort de trafics d'or et de devises, donne un avant
goût des potentialités de l'économie de l'ombre que conforte le rejet,
par l'Union européenne, de la candidature d'Ankara.
L'énormité de ce > vis-à -vis de la Turquie ne doit pas
dissimuler une autre erreur d'appréciation, plus lourde encore,
peut-être, de conséquences. Nicolas Sarkozy est parvenu à faire passer
sa médiation entre la Géorgie et la Russie, en 2008, pour un grand
succès de son volontarisme diplomatique. Or, c'est oublier que cet
accord bclé,dont la traduction en russe n'avait même pas été vérifiée
- elle parlait de > des troupes russes, et non de leur >, comme dans les versions française et anglaise -,a permis Ã
Vladimir Poutine de s'emparer de l'Ossétie du Sud à la faveur d'une
guerre d'agression dont il reconnaîtra ultérieurement qu'elle était
préméditée. Venant après la satellisation par Moscou de l'Abkhazie
sécessionniste, l'invasion de la Géorgie ouvrait la voie au
démembrement de l'Ukraine.Nous y sommes. Certes, il ne s'agit pas
d'imputer à Nicolas Sarkozy la responsabilité de ces crises qui se
sont enchaînées et imbriquées.Néanmoins,il y a répondu avec une
désinvolture qui fait douter de sa stature d'homme d'Etat. Sa
politique étrangère a été la plus mauvaise qu'ait connue la Ve
République. Est-il encore besoin d'ennemis, avec un tel > ?
dimanche 26 octobre 2014,
Stéphane (c)armenews.com
Les dégts d'une diplomatie désinvolte - La pire politique étrangère
de la Ve République
Jean-François Bayart
Directeur de recherche au CNRS
Journal LE MONDE
Extraits
A l'heure où Nicolas Sarkozy revient en sauveur, il n'est pas inutile
de dresser le bilan de sa politique étrangère.
Avec la Turquie, le bilan est plus consternant encore. Comme cela
était à prévoir, le blocage névrotique des négociations d'adhésion de
cette dernière à l'Union européenne l'a encouragée dans une diplomatie
de substitution.
Triomphalement élu à la présidence de la République au mois d'août,
Recep Tayyip Erdogan se sent pousser des ailes. La tentation sera
grande pour lui de faire cavalier seul, sans trop d'égards pour les
intérêts et la sécurité de l'Europe. L'agressivité de Nicolas Sarkozy
à son encontre n'a pas favorisé son dialogue délicat avec l'Arménie,
contribuant à rejeter celle-ci dans les bras de la Russie et Ã
cimenter la collusion entre la Turquie et un Azerbaïdjan fort de ses
pétrodollars. Le scandale du 17 décembre 2013, qui a impliqué,en même
temps que l'entourage de M.Erdogan et la banque publique Halkbank, un
homme d'affaires iranien, également détenteur des citoyennetés
azerbaïdjanaise et turque, dans le contournement des sanctions contre
l'Iran, Ã grand renfort de trafics d'or et de devises, donne un avant
goût des potentialités de l'économie de l'ombre que conforte le rejet,
par l'Union européenne, de la candidature d'Ankara.
L'énormité de ce > vis-à -vis de la Turquie ne doit pas
dissimuler une autre erreur d'appréciation, plus lourde encore,
peut-être, de conséquences. Nicolas Sarkozy est parvenu à faire passer
sa médiation entre la Géorgie et la Russie, en 2008, pour un grand
succès de son volontarisme diplomatique. Or, c'est oublier que cet
accord bclé,dont la traduction en russe n'avait même pas été vérifiée
- elle parlait de > des troupes russes, et non de leur >, comme dans les versions française et anglaise -,a permis Ã
Vladimir Poutine de s'emparer de l'Ossétie du Sud à la faveur d'une
guerre d'agression dont il reconnaîtra ultérieurement qu'elle était
préméditée. Venant après la satellisation par Moscou de l'Abkhazie
sécessionniste, l'invasion de la Géorgie ouvrait la voie au
démembrement de l'Ukraine.Nous y sommes. Certes, il ne s'agit pas
d'imputer à Nicolas Sarkozy la responsabilité de ces crises qui se
sont enchaînées et imbriquées.Néanmoins,il y a répondu avec une
désinvolture qui fait douter de sa stature d'homme d'Etat. Sa
politique étrangère a été la plus mauvaise qu'ait connue la Ve
République. Est-il encore besoin d'ennemis, avec un tel > ?
dimanche 26 octobre 2014,
Stéphane (c)armenews.com