LE TRAVAIL SUR LA MEMOIRE VIVE DES ARMENIENS DE MARSEILLE
ARAM
Marseille, 26 sept 2014 (AFP) - Christian Artin chausse un gant
blanc puis feuillette avec precaution un precieux registre du 19e
siècle : il contient toute la memoire de la communaute armenienne
de Marseille, la plus importante de France, a laquelle donne vie une
serie d'initiatives recentes.
Christian Artin, 54 ans, est webmaster-programmeur de profession. Le
reste du temps, il est administrateur de l'Association pour la
recherche et l'archivage de la memoire armenienne (Aram) que son
père, aujourd'hui decede, a fondee en 1998 a Marseille. Au depart,
cette institution n'occupait qu'un petit garage de St-Jerôme, l'un
des huit quartiers de Marseille où s'est installee progressivement la
communaute, forte aujourd'hui de 80.000 personnes. Mais depuis 2011,
Aram a recupere et reamenage un ex-atelier de chaussures armenien dans
ce meme quartier, a proximite d'une des huit eglises armeniennes de
la ville, triplant la surface de ses locaux.
Chaque semaine, une dizaine de benevoles actifs sur la trentaine
d'adherents, dont le president Jacques Ouloussian, s'attaquent ici a
leur Everest : le classement et la numerisation partielle de dizaines
de milliers de documents de tout type, traitant de l'histoire des
Armeniens de la diaspora, de Marseille, mais pas seulement.
Il y a la sur trois niveaux plus de 5.000 photos, des ouvrages
historiques, des romans, des affiches d'un autre temps, des 78 tours
de musique jouee dans les cabarets d'Istanbul... Un petit atelier de
reliure dûment equipe permet meme la remise a neuf de livres tombant
en lambeaux.
Un materiau sans cesse renouvele : "aujourd'hui, dans les familles
armeniennes, si les grands-parents ne sont plus la, plus personne
en general ne parle armenien. Alors de vieux documents partent
a la poubelle, aux puces ou sont conserves sans but precis. Nous
sommes la pour les recuperer", raconte Vartan Arzoumanian, un des
administrateurs.
Dès le XVIIe siècle, des commercant armeniens s'implantent a
Marseille. A la fin du XIXe siècle, ils sont environ 400. Des ecoles
voient le jour, une petite chapelle aussi. Au gre de l'arrivee de
refugies suivant les premiers grands massacres de 1894-95, Marseille
devient le siège de journaux armeniens et un foyer de l'activisme
politique. La principale vague d'emigration intervient cependant
a partir de 1922, sept ans après le debut du genocide, lorsque la
France abandonne son protectorat en Cilicie (Anatolie meridionale),
où nombre de rescapes avaient trouve refuge.
- Achod Malakian, alias Henri Verneuil - Beaucoup debarquent
a Marseille, sans famille, des "orphelins adultes" comme le dit
Christian Artin. Plus de 5.000 d'entre eux se retrouvent dans l'ancien
camp militaire Oddo, près du debarcadère du port a la Joliette,
transforme en lieu de transit. Comment, dans ces conditions,
justifier d'une identite ? L'eglise apostolique va s'en charger :
sous la houlette de Mgr Balakian, lui-meme rescape, se constitue un
etat-civil. Ces survivants de l'horreur declarent en effet dans un
meme document leur identite mais aussi celle de leurs parents, nom de
jeune fille de la mère compris, de leur parrain et du religieux qui
les a baptises. Ces documents seront alors transmis a la prefecture
qui etablira des papiers officiels. Des photos sont parfois jointes,
realisees au studio Eclair, sur la Canebière. Au detour de ce tresor,
surgit le nom d'Achod Malakian, alias Henri Verneuil, le celèbre
cineaste arrive en 1924 a Marseille...
C'est cette precieuse base de donnees d'environ 2.000 noms, qu'Aram
vient de mettre en ligne, après un lourd travail de numerisation. "Il
est desormais consulte par les Armeniens du monde entier, c'est
un outil vivant", se felicite M. Artin, evoquant une forte hausse
du trafic sur le site internet. Des Armeniens du monde entier, de
passage a Marseille, arpentant l'histoire de leurs familles, font
aussi le detour au siège de l'association.
Ce sont ces memes "portraits d'exil" qui ont ete exposes au
printemps a Diyarbakir, la capitale du Kurdistan turc (1 million
d'habitants), a l'occasion du 99e anniversaire du genocide, en
liaison avec l'association francaise Yerkir Europe, favorisant le
dialogue armeno-turc. "Un moment très fort, des Armeniens islamises
ont pleure devant ces photos dans lesquelles ils se sont reconnus",
se souvient M. Artin.
Revitaliser la memoire armenienne de Marseille, c'est aussi s'enquerir
auprès du maire de Marseille Jean-Claude Gaudin, dans un courrier du
19 septembre, de l'installation d'une nouvelle plaque rappelant la
presence du camp Oddo, où le vaste chantier en cours d'extension du
metro a englouti l'ancienne. Une exposition sur l'histoire de ce camp
est d'ailleurs prevue en 2015, pour le 100e anniversaire du genocide.
vendredi 26 septembre 2014, Ara (c)armenews.com
http://www.armenews.com/article.php3?id_article=103679
ARAM
Marseille, 26 sept 2014 (AFP) - Christian Artin chausse un gant
blanc puis feuillette avec precaution un precieux registre du 19e
siècle : il contient toute la memoire de la communaute armenienne
de Marseille, la plus importante de France, a laquelle donne vie une
serie d'initiatives recentes.
Christian Artin, 54 ans, est webmaster-programmeur de profession. Le
reste du temps, il est administrateur de l'Association pour la
recherche et l'archivage de la memoire armenienne (Aram) que son
père, aujourd'hui decede, a fondee en 1998 a Marseille. Au depart,
cette institution n'occupait qu'un petit garage de St-Jerôme, l'un
des huit quartiers de Marseille où s'est installee progressivement la
communaute, forte aujourd'hui de 80.000 personnes. Mais depuis 2011,
Aram a recupere et reamenage un ex-atelier de chaussures armenien dans
ce meme quartier, a proximite d'une des huit eglises armeniennes de
la ville, triplant la surface de ses locaux.
Chaque semaine, une dizaine de benevoles actifs sur la trentaine
d'adherents, dont le president Jacques Ouloussian, s'attaquent ici a
leur Everest : le classement et la numerisation partielle de dizaines
de milliers de documents de tout type, traitant de l'histoire des
Armeniens de la diaspora, de Marseille, mais pas seulement.
Il y a la sur trois niveaux plus de 5.000 photos, des ouvrages
historiques, des romans, des affiches d'un autre temps, des 78 tours
de musique jouee dans les cabarets d'Istanbul... Un petit atelier de
reliure dûment equipe permet meme la remise a neuf de livres tombant
en lambeaux.
Un materiau sans cesse renouvele : "aujourd'hui, dans les familles
armeniennes, si les grands-parents ne sont plus la, plus personne
en general ne parle armenien. Alors de vieux documents partent
a la poubelle, aux puces ou sont conserves sans but precis. Nous
sommes la pour les recuperer", raconte Vartan Arzoumanian, un des
administrateurs.
Dès le XVIIe siècle, des commercant armeniens s'implantent a
Marseille. A la fin du XIXe siècle, ils sont environ 400. Des ecoles
voient le jour, une petite chapelle aussi. Au gre de l'arrivee de
refugies suivant les premiers grands massacres de 1894-95, Marseille
devient le siège de journaux armeniens et un foyer de l'activisme
politique. La principale vague d'emigration intervient cependant
a partir de 1922, sept ans après le debut du genocide, lorsque la
France abandonne son protectorat en Cilicie (Anatolie meridionale),
où nombre de rescapes avaient trouve refuge.
- Achod Malakian, alias Henri Verneuil - Beaucoup debarquent
a Marseille, sans famille, des "orphelins adultes" comme le dit
Christian Artin. Plus de 5.000 d'entre eux se retrouvent dans l'ancien
camp militaire Oddo, près du debarcadère du port a la Joliette,
transforme en lieu de transit. Comment, dans ces conditions,
justifier d'une identite ? L'eglise apostolique va s'en charger :
sous la houlette de Mgr Balakian, lui-meme rescape, se constitue un
etat-civil. Ces survivants de l'horreur declarent en effet dans un
meme document leur identite mais aussi celle de leurs parents, nom de
jeune fille de la mère compris, de leur parrain et du religieux qui
les a baptises. Ces documents seront alors transmis a la prefecture
qui etablira des papiers officiels. Des photos sont parfois jointes,
realisees au studio Eclair, sur la Canebière. Au detour de ce tresor,
surgit le nom d'Achod Malakian, alias Henri Verneuil, le celèbre
cineaste arrive en 1924 a Marseille...
C'est cette precieuse base de donnees d'environ 2.000 noms, qu'Aram
vient de mettre en ligne, après un lourd travail de numerisation. "Il
est desormais consulte par les Armeniens du monde entier, c'est
un outil vivant", se felicite M. Artin, evoquant une forte hausse
du trafic sur le site internet. Des Armeniens du monde entier, de
passage a Marseille, arpentant l'histoire de leurs familles, font
aussi le detour au siège de l'association.
Ce sont ces memes "portraits d'exil" qui ont ete exposes au
printemps a Diyarbakir, la capitale du Kurdistan turc (1 million
d'habitants), a l'occasion du 99e anniversaire du genocide, en
liaison avec l'association francaise Yerkir Europe, favorisant le
dialogue armeno-turc. "Un moment très fort, des Armeniens islamises
ont pleure devant ces photos dans lesquelles ils se sont reconnus",
se souvient M. Artin.
Revitaliser la memoire armenienne de Marseille, c'est aussi s'enquerir
auprès du maire de Marseille Jean-Claude Gaudin, dans un courrier du
19 septembre, de l'installation d'une nouvelle plaque rappelant la
presence du camp Oddo, où le vaste chantier en cours d'extension du
metro a englouti l'ancienne. Une exposition sur l'histoire de ce camp
est d'ailleurs prevue en 2015, pour le 100e anniversaire du genocide.
vendredi 26 septembre 2014, Ara (c)armenews.com
http://www.armenews.com/article.php3?id_article=103679