LA PREMIERE GUERRE MONDIALE ET LE GENOCIDE ARMENIEN, PAR SERGE SARKISSIAN
LU DANS LE NEW-YORK TIMES DU 24 SEPTEMBRE
Cette annee on celèbre le centenaire de la Première Guerre mondiale,
qui, par son ampleur et sa ferocite, est devenue une immense
catastrophe pour l'humanite. Quelques 14 millions de morts humaines
dont 5 millions de civils et 9 millions de soldats, des millions de
blesses, des prisonniers de guerre. Des personnes deplacees egalement
qui ont ete forcees de quitter leur patrie ancestrale. Ce sort a
frappe aussi les Armeniens qui ont ete pratiquement aneantis de la
surface de la terre.
L'annee prochaine le peuple armenien commemorera le centenaire des
evènements qui ont marque la culmination des deportations et des
pogroms massifs, perpetres a l'egard de la population armenienne de
l'Empire Ottoman. L'annee de 1915 est devenue l'apogee genocidaire
d'une politique d'epuration ethnique, accompagnant de massacres
commis envers les Armeniens par la Turquie Ottomane depuis la
fin du 19e siècle. Le fait de l'extermination des Armeniens a ete
deja reconnu a cette epoque-la. Le 24 mai 1915 les Gouvernements
de la Grande Bretagne, de la France et de la Russie ont fait une
declaration conjointe enoncant que >. Cette declaration a
ete le premier document international qualifiant >.
En effet, c'est le juriste polonais Raphaël Lemkin qui a ete le premier
a faire usage du terme > pour definir les massacres
massifs des Armeniens perpetres par les autorites ottomanes lors de
la Première Guerre mondiale, aussi bien que les decimations commises
par les Nazis envers les Juifs durant les annees de la Deuxième
Guerre mondiale.
Dans les deux cas les genocides ont ete commis dans le contexte
plus general, c'est-a-dire pendant la guerre. Selon l'historien Mark
Levene, il s'agit d'une guerre qui n'oppose pas les deux Etats, mais
c'est une categorie de guerre dans laquelle c'est l'Etat ou le regime
tenant les renes de l'Etat qui agit contre un peuple.
Le genocide armenien etait le triste precurseur de l'Holocauste
perpetre pendant la Deuxième Guerre mondiale, autant des campagnes
genocidaires qui ont eu lieu des decennies après, au Cambodge, au
Rwanda, au Darfour. Le cycle sombre de l'histoire se repète, dans
une certaine manière, a cause des actions laissees inachevees dans
le passe.
Le genocide armenien reste impuni, est devenu un encouragement majeur
pour les futurs dictateurs. A titre d'exemple, Adolf Hitler a fini par
en deduire que la communaute internationale serait prete a tolerer les
genocides s'ils etaient commis notamment dans >. Hitler avait surtout une pensee pour les massacres armeniens quand,
en 1931, avant son arrivee au pouvoir, il examinait la question de la
necessite d'une politique de relocation des minorites non-allemandes.
.
Le genocide armenien nous rappelle les dangers dûs a la renonciation
d'assumer les lecons, a la negation des genocides ; il nous rapelle
les dangers menant aux consequences nefastes a long terme a cause
de l'impunition et de la non-reconnaissance de tels crimes. La
reconnaissance des genocides anterieurs tel que le genocide armenien
constitue la cle permettant de comprendre le contexte des genocides
futurs eventuels pour etre en mesure de les prevenir.
Malgre la Convention de l'ONU de 1948, censee prevenir les genocides
ulterieurs, nous sommes persuades que ni cette Convention ni aucun
autre document ne peut dûment fonctionner sans la denonciation,
la reconnaissance et la punition des genocides anterieurs. Nous
considerons que le genocide armenien n'est pas uniquement la tragedie
de notre peuple, il l'est aussi pour l'humanite, car il s'agit d'un
crime contre l'humanite a l'echelle universelle qui a ete reconnu au
niveau international au moment de sa perpetration. S'il etait reconnu,
a son juste titre, il pourrait avoir un rôle preventif vis-a-vis des
atrocites futures. L'Armenie va poursuivre d'oeuvrer activement dans
le cadre de l'Organisation des Nations Unies et dans les enceintes des
autres organisations internationales en vue d'aboutir a la condemnation
de ce type d'actes d'une extreme gravite dans tous les coins du monde.
La commemoration du Genocide armenien est toujours un rendez-vous
important pour la Diaspora armenienne, composee de generations des
hommes et des femmes qui depuis des millenaires jusqu'au jour d'etre
deracines violemment, ont vecu dans leur Patrie. A defaut d'une Armenie
independante et libre, la Diaspora et ses institutions ont tenu le
rôle de gardiens du patrimoine armenien jusqu'a la renaissance de la
nation armenienne regagnee sa liberte.
Il y a 23 ans, le drapeau tricolore armenien a ete de nouveau leve a
Erevan en symbolisant le renaissance de l'Armenie independante. Le
peuple armenien a eu une nouvelle opportunite de vivre librement
dans sa Patrie. L'independance retrouvee de l'Armenie a ete aussi
une opportunite pour ouvrir une nouvelle ère dans des relations avec
la Turquie. La position de l'Armenie est refletee dans le principe,
le meme depuis des decennies, consistant a etablir des relations
>. C'etait le principe fondamental
du lancement des negociations et il etait inscrit egalement dans
les Protocoles signes en 2009. L'idee etait d'eviter de tout type
d'obstacles et de creer un environnement propice au developpement des
relations bilaterales et de favoriser l'entente et la reconciliation
des deux societes, suite a l'etablissement des relations diplomatiques
et l'ouverture des frontières.
Maleureusement la Turquie a fait marche arrière de cet accord refusant
d'etablir des relations diplomatiques et continue a maintenir la
frontière ferme avec l'Armenie en lui imposant un blocus economique.
La Turquie renonce a faire face aux crimes commis dans le passe
et de reconnaître les injustices historiques. Mettant de côte la
verite historique, le temps que le dernier troncon du rideau de fer,
c'est-a-dire la frontière entre la Turquie et l'Armenie, reste ferme,
cela continuera a perturber le developpement naturel et l'integration
regionale en injectant constamment de l'instabilite dans cette partie
du monde strategiquement sensible.
L'avenir des relations armeno-turques doit etre fonde sur la
reconciliation historique entre les deux pays. La reconnaissance de
la verite historique peut aider a surmonter les desaccords profonds
entre les peuples armeniens et turcs. Nous sommes convaincus que la
reconnaissance du Genocide armenien ne peut etre considere, en aucun
cas, comme un pas contre la Turquie, une menace ou une attaque envers
elle. De nombreux intellectuels, ecrivains et academiciens turcs ont
entrepris cette demarche courageuse et ouverte leur ayant permis
d'avancer avec dignite sur le chemin difficile de l'introspection
et de l'etude. Dans ce contexte, il est important que la communaute
internationale soutienne et encourage les leaders politiques turcs
pour les inciter a preuve d'attachement envers la justice et la verite
historique, a l'instar de ses nombreux citoyens meritant le respect,
dans le but de clore avec honnetete et humanisme l'un des chapitres
sombres et inacheves de l'histoire de l'humanite.
Serge Sarkissian President de la Republique d'Armenie
vendredi 26 septembre 2014, Ara (c)armenews.com
From: Baghdasarian
LU DANS LE NEW-YORK TIMES DU 24 SEPTEMBRE
Cette annee on celèbre le centenaire de la Première Guerre mondiale,
qui, par son ampleur et sa ferocite, est devenue une immense
catastrophe pour l'humanite. Quelques 14 millions de morts humaines
dont 5 millions de civils et 9 millions de soldats, des millions de
blesses, des prisonniers de guerre. Des personnes deplacees egalement
qui ont ete forcees de quitter leur patrie ancestrale. Ce sort a
frappe aussi les Armeniens qui ont ete pratiquement aneantis de la
surface de la terre.
L'annee prochaine le peuple armenien commemorera le centenaire des
evènements qui ont marque la culmination des deportations et des
pogroms massifs, perpetres a l'egard de la population armenienne de
l'Empire Ottoman. L'annee de 1915 est devenue l'apogee genocidaire
d'une politique d'epuration ethnique, accompagnant de massacres
commis envers les Armeniens par la Turquie Ottomane depuis la
fin du 19e siècle. Le fait de l'extermination des Armeniens a ete
deja reconnu a cette epoque-la. Le 24 mai 1915 les Gouvernements
de la Grande Bretagne, de la France et de la Russie ont fait une
declaration conjointe enoncant que >. Cette declaration a
ete le premier document international qualifiant >.
En effet, c'est le juriste polonais Raphaël Lemkin qui a ete le premier
a faire usage du terme > pour definir les massacres
massifs des Armeniens perpetres par les autorites ottomanes lors de
la Première Guerre mondiale, aussi bien que les decimations commises
par les Nazis envers les Juifs durant les annees de la Deuxième
Guerre mondiale.
Dans les deux cas les genocides ont ete commis dans le contexte
plus general, c'est-a-dire pendant la guerre. Selon l'historien Mark
Levene, il s'agit d'une guerre qui n'oppose pas les deux Etats, mais
c'est une categorie de guerre dans laquelle c'est l'Etat ou le regime
tenant les renes de l'Etat qui agit contre un peuple.
Le genocide armenien etait le triste precurseur de l'Holocauste
perpetre pendant la Deuxième Guerre mondiale, autant des campagnes
genocidaires qui ont eu lieu des decennies après, au Cambodge, au
Rwanda, au Darfour. Le cycle sombre de l'histoire se repète, dans
une certaine manière, a cause des actions laissees inachevees dans
le passe.
Le genocide armenien reste impuni, est devenu un encouragement majeur
pour les futurs dictateurs. A titre d'exemple, Adolf Hitler a fini par
en deduire que la communaute internationale serait prete a tolerer les
genocides s'ils etaient commis notamment dans >. Hitler avait surtout une pensee pour les massacres armeniens quand,
en 1931, avant son arrivee au pouvoir, il examinait la question de la
necessite d'une politique de relocation des minorites non-allemandes.
.
Le genocide armenien nous rappelle les dangers dûs a la renonciation
d'assumer les lecons, a la negation des genocides ; il nous rapelle
les dangers menant aux consequences nefastes a long terme a cause
de l'impunition et de la non-reconnaissance de tels crimes. La
reconnaissance des genocides anterieurs tel que le genocide armenien
constitue la cle permettant de comprendre le contexte des genocides
futurs eventuels pour etre en mesure de les prevenir.
Malgre la Convention de l'ONU de 1948, censee prevenir les genocides
ulterieurs, nous sommes persuades que ni cette Convention ni aucun
autre document ne peut dûment fonctionner sans la denonciation,
la reconnaissance et la punition des genocides anterieurs. Nous
considerons que le genocide armenien n'est pas uniquement la tragedie
de notre peuple, il l'est aussi pour l'humanite, car il s'agit d'un
crime contre l'humanite a l'echelle universelle qui a ete reconnu au
niveau international au moment de sa perpetration. S'il etait reconnu,
a son juste titre, il pourrait avoir un rôle preventif vis-a-vis des
atrocites futures. L'Armenie va poursuivre d'oeuvrer activement dans
le cadre de l'Organisation des Nations Unies et dans les enceintes des
autres organisations internationales en vue d'aboutir a la condemnation
de ce type d'actes d'une extreme gravite dans tous les coins du monde.
La commemoration du Genocide armenien est toujours un rendez-vous
important pour la Diaspora armenienne, composee de generations des
hommes et des femmes qui depuis des millenaires jusqu'au jour d'etre
deracines violemment, ont vecu dans leur Patrie. A defaut d'une Armenie
independante et libre, la Diaspora et ses institutions ont tenu le
rôle de gardiens du patrimoine armenien jusqu'a la renaissance de la
nation armenienne regagnee sa liberte.
Il y a 23 ans, le drapeau tricolore armenien a ete de nouveau leve a
Erevan en symbolisant le renaissance de l'Armenie independante. Le
peuple armenien a eu une nouvelle opportunite de vivre librement
dans sa Patrie. L'independance retrouvee de l'Armenie a ete aussi
une opportunite pour ouvrir une nouvelle ère dans des relations avec
la Turquie. La position de l'Armenie est refletee dans le principe,
le meme depuis des decennies, consistant a etablir des relations
>. C'etait le principe fondamental
du lancement des negociations et il etait inscrit egalement dans
les Protocoles signes en 2009. L'idee etait d'eviter de tout type
d'obstacles et de creer un environnement propice au developpement des
relations bilaterales et de favoriser l'entente et la reconciliation
des deux societes, suite a l'etablissement des relations diplomatiques
et l'ouverture des frontières.
Maleureusement la Turquie a fait marche arrière de cet accord refusant
d'etablir des relations diplomatiques et continue a maintenir la
frontière ferme avec l'Armenie en lui imposant un blocus economique.
La Turquie renonce a faire face aux crimes commis dans le passe
et de reconnaître les injustices historiques. Mettant de côte la
verite historique, le temps que le dernier troncon du rideau de fer,
c'est-a-dire la frontière entre la Turquie et l'Armenie, reste ferme,
cela continuera a perturber le developpement naturel et l'integration
regionale en injectant constamment de l'instabilite dans cette partie
du monde strategiquement sensible.
L'avenir des relations armeno-turques doit etre fonde sur la
reconciliation historique entre les deux pays. La reconnaissance de
la verite historique peut aider a surmonter les desaccords profonds
entre les peuples armeniens et turcs. Nous sommes convaincus que la
reconnaissance du Genocide armenien ne peut etre considere, en aucun
cas, comme un pas contre la Turquie, une menace ou une attaque envers
elle. De nombreux intellectuels, ecrivains et academiciens turcs ont
entrepris cette demarche courageuse et ouverte leur ayant permis
d'avancer avec dignite sur le chemin difficile de l'introspection
et de l'etude. Dans ce contexte, il est important que la communaute
internationale soutienne et encourage les leaders politiques turcs
pour les inciter a preuve d'attachement envers la justice et la verite
historique, a l'instar de ses nombreux citoyens meritant le respect,
dans le but de clore avec honnetete et humanisme l'un des chapitres
sombres et inacheves de l'histoire de l'humanite.
Serge Sarkissian President de la Republique d'Armenie
vendredi 26 septembre 2014, Ara (c)armenews.com
From: Baghdasarian