GENOCIDES: LE TERRIBLE MOIS D'AVRIL.
Le Club de Mediapart
6 avril 2015
06 avril 2015 | Par albert herszkowicz
Le mois d'avril voit se derouler la commemoration de 3 genocides
majeurs du XXe siècle : celui des Tutsi du Rwanda le 7 avril (date
du debut des massacres en avril 1994) celui de la Shoah le 19 avril
(correspondant au debut de la revolte du ghetto de Varsovie le 19 avril
1943) celui des Armeniens le 24 avril (correspondant aux premières
arrestations des intellectuels armeniens a Constantinople/Istanbul
en avril 1915). Nous y associons notamment les actions genocidaires
en Bosnie a Srebrenica dont le 20e anniversaire aura lieu en juillet
prochain, au Darfour, le genocide des Roms, les actions genocidaires du
regime khmer rouge au Cambodge et la recente tentative d'extermination
des Yezidis d'Irak par Daech...
Ces differents genocides ont des liens entre eux car dans tous les
cas les populations promises a l'extermination ont ete d'abord ete
discriminees, stigmatisees, accusees de tous les maux, mises en cause
comme preparant des plans hostiles aux pouvoir autoritaires en place,
puis designees comme ennemies, regroupees, marquees et > sous differents formes et enfin conduites a l'extermination ou
massacrees sur place. Le genocide est l'aboutissement de decennies
voire de siècles de discriminations.
La possibilite de realiser un genocide et d'echapper a la punition
correspondant a l'horreur de cette entreprise a aussi constitue un
puissant facteur d'encouragement pour les genocidaires successifs. Les
nazis eux-memes trouvaient une stimulation dans la manière dont le
genocide armenien etait impuni: > declarait ainsi Hitler dans une allocution
aux commandants en chef de l'armee allemande le 22 août 1939, quelques
jours avant l'invasion de la Pologne.
Un autre point commun a ces 3 genocides est la negation de ce qui
s'est passe, dans le cadre d'une solidarite avec ceux qui ont perpetre
le genocide. Nous luttons contre ce phenomène très organise, mis en
place par les genocidaires eux memes et qui constitue avec l'impunite
une incitation a de nouveaux massacres. Le but des genocidaires, en
tout temps et en tout lieu, ne consiste pas seulement a assassiner
les vivants, mais aussi a nier a tout jamais leur existence. C'est
pour cette raison que les negationnismes sont consubstantiels aux
genocides. En niant, il ne s'agit pas seulement d'une tentative faite
par les assassins pour echapper aux consequences de leurs crimes. Au
meme titre que les massacres physiques de masse, la negation est
au service au service du but final : effacer de l'histoire et de
l'humanite une partie des hommes et des femmes qui la constituent.
Cette annee avec le centenaire du genocide des Armeniens, nous
faisons face au negationnisme d'un appareil d'Etat. Il s'agit de
l'Etat turc qui non seulement refuse de reconnaître qu'il y a eu un
genocide organise envers les Armeniens mais fait aussi pression dans
le monde entier afin que cette reconnaissance n'ait pas lieu. Les
gouvernements turcs successifs mènent en effet unnegationnisme
d'Etatavec des moyens humains et financiers considerables visant a
intimider les universitaires, les journalistes et le monde associatif.
L'une des armes du gouvernement turc consiste a faire plier ses
opposants par des procès qui peuvent deboucher sur des dommages
financiers colossaux (aux Etats-Unis, les sommes se chiffrent meme en
millions de dollars) ou au moins sur une perte de temps et d'energie
importante pour les personnes poursuivies.
En France, les historiens, les journalistes, les responsables
associatifs, les hommes politiques, dès lors qu'ils travaillent hors
des sentiers balises par l'historiographie officielle de l'Etat turc,
s'attirent des pressions, des menaces, des insultes et des appels a
la haine, diffuses a grande echelle sur Internet. Ce negationnisme
etatique trouve aussi des relais chez des responsables politiques,
y compris a gauche et notamment chez Robert Badinter.
On l'a aussi vu lorsque le Senat et l'Assemblee nationale, pourtant
majoritairement a gauche (le Senat est repasse a droite depuis) ont
multiplie les difficultes avant de voter le loi penalisant la negation
du genocide armenien. Celle-ci fut ensuite rejetee par le Conseil
Constitutionnel et nous en sommes donc a la meme situation de blocage,
14 ans après que le Parlement ait reconnu ce genocide. L'exigence
de justice et de defense contre le negationnisme d'Etat demeure
donc entière, un siècle après la deportation et l'extermination sur
les routes de Turquie. À l'occasion de ce centenaire, une grande
commemoration aura lieu en Turquie meme le 24 avril. De son côte, le
gouvernement turc provoque en organisant le 23 et 24 une commemoration
du 100e anniversaire de la bataille de Gallipoli, qui a vu les
troupes dirigees par Mustafa Kemal Ataturk resister a l'invasion
franco-britannique dans les Dardanelles. Le president turc Erdogan
a de plus insulte le president armenien en l'invitant a participer
a cette commemoration, organisee afin de detourner l'attention de
celle du genocide.
Rwanda
Le 20e anniversaire du genocide des Tutsi qui s'est deroule durant
l'annee 2014 au Rwanda, a vu une très importante activite de memoire.
De très nombreux debats, colloques et expositions ont marque ce
20e anniversaire. Un symbole en est l'inauguration d'une stèle du
souvenir a Paris, dans le cimetière du Père-Lachaise. Pour obtenir
ce petit monument il a fallu des annees de demandes et des combat
des rescapes, representes par l'association Ibuka ( qui signifie > dans la langue rwandaise ) ainsi que de ceux qui
les ont soutenus. L'exigence demeure d'un reel lieu de memoire dans
l'espace public ; l'engagement pris dans ce sens par Anne Hidalgo,
maire de Paris, lors de l'inauguration de la stèle le 31 octobre
dernier, doit etre tenu. Des progrès ont aussi ete realises dans le
domaine de la justice puisque enfin des genocidaires ont ete juges
et condamnes en France. Ces procès doivent beaucoup a l'action de nos
amis du Collectif des parties civiles pour le Rwanda qui poursuivent
un combat incessant pour que la justice joue enfin son rôle.
Les habitants de nôtre pays ont un devoir particulier en ce qui
concerne le Rwanda. En effet, une partie du combat est aujourd'hui
celui de la pleine reconnaissance par l'Etat francais de ses
responsabilites. Cet Etat qui pretend parler en notre nom, persiste
aujourd'hui a garder un silence complice sur l'implication de l'armee
francaise dans le genocide des Tutsi.
Or le pouvoir rwandais a recu de manière continue et appuyee le
soutien des autorites francaises tant au plan politique, militaire
que financier, avant, pendant et après le genocide. Toute la verite
doit etre faite au sujet de cette implication : tous les documents
doivent etre rendus publics. De ce point de vue la prochaine mutation
statutaire du juge Trevidic est une mauvaise nouvelle. Il a fait
franchir une etape capitale a la recherche de la verite en allant
enqueter sur place a Kigali et en rompant avec les efforts mensongers
du juge Bruguière concernant le debut du genocide ( voir Une claque
pour les negationnistes)
Nous appelons a participer aux ceremonies de commemoration du genocide
des Tutsi, a l'appel d'Ibuka-France et Belgique dont le detail figure
sur le blog d'actualites de Memorial 98, l'Info Antiraciste
Les combats contre l'impunite et le negationnisme sont plus que jamais
au coeur de nôtre action. C'est aussi dans lutte quotidienne contre
le racisme et les discriminations que nous construisons le barrage
qui doit empecher d'autres genocides.
http://blogs.mediapart.fr/blog/albert-herszkowicz/060415/genocides-le-terrible-mois-davril
From: A. Papazian
Le Club de Mediapart
6 avril 2015
06 avril 2015 | Par albert herszkowicz
Le mois d'avril voit se derouler la commemoration de 3 genocides
majeurs du XXe siècle : celui des Tutsi du Rwanda le 7 avril (date
du debut des massacres en avril 1994) celui de la Shoah le 19 avril
(correspondant au debut de la revolte du ghetto de Varsovie le 19 avril
1943) celui des Armeniens le 24 avril (correspondant aux premières
arrestations des intellectuels armeniens a Constantinople/Istanbul
en avril 1915). Nous y associons notamment les actions genocidaires
en Bosnie a Srebrenica dont le 20e anniversaire aura lieu en juillet
prochain, au Darfour, le genocide des Roms, les actions genocidaires du
regime khmer rouge au Cambodge et la recente tentative d'extermination
des Yezidis d'Irak par Daech...
Ces differents genocides ont des liens entre eux car dans tous les
cas les populations promises a l'extermination ont ete d'abord ete
discriminees, stigmatisees, accusees de tous les maux, mises en cause
comme preparant des plans hostiles aux pouvoir autoritaires en place,
puis designees comme ennemies, regroupees, marquees et > sous differents formes et enfin conduites a l'extermination ou
massacrees sur place. Le genocide est l'aboutissement de decennies
voire de siècles de discriminations.
La possibilite de realiser un genocide et d'echapper a la punition
correspondant a l'horreur de cette entreprise a aussi constitue un
puissant facteur d'encouragement pour les genocidaires successifs. Les
nazis eux-memes trouvaient une stimulation dans la manière dont le
genocide armenien etait impuni: > declarait ainsi Hitler dans une allocution
aux commandants en chef de l'armee allemande le 22 août 1939, quelques
jours avant l'invasion de la Pologne.
Un autre point commun a ces 3 genocides est la negation de ce qui
s'est passe, dans le cadre d'une solidarite avec ceux qui ont perpetre
le genocide. Nous luttons contre ce phenomène très organise, mis en
place par les genocidaires eux memes et qui constitue avec l'impunite
une incitation a de nouveaux massacres. Le but des genocidaires, en
tout temps et en tout lieu, ne consiste pas seulement a assassiner
les vivants, mais aussi a nier a tout jamais leur existence. C'est
pour cette raison que les negationnismes sont consubstantiels aux
genocides. En niant, il ne s'agit pas seulement d'une tentative faite
par les assassins pour echapper aux consequences de leurs crimes. Au
meme titre que les massacres physiques de masse, la negation est
au service au service du but final : effacer de l'histoire et de
l'humanite une partie des hommes et des femmes qui la constituent.
Cette annee avec le centenaire du genocide des Armeniens, nous
faisons face au negationnisme d'un appareil d'Etat. Il s'agit de
l'Etat turc qui non seulement refuse de reconnaître qu'il y a eu un
genocide organise envers les Armeniens mais fait aussi pression dans
le monde entier afin que cette reconnaissance n'ait pas lieu. Les
gouvernements turcs successifs mènent en effet unnegationnisme
d'Etatavec des moyens humains et financiers considerables visant a
intimider les universitaires, les journalistes et le monde associatif.
L'une des armes du gouvernement turc consiste a faire plier ses
opposants par des procès qui peuvent deboucher sur des dommages
financiers colossaux (aux Etats-Unis, les sommes se chiffrent meme en
millions de dollars) ou au moins sur une perte de temps et d'energie
importante pour les personnes poursuivies.
En France, les historiens, les journalistes, les responsables
associatifs, les hommes politiques, dès lors qu'ils travaillent hors
des sentiers balises par l'historiographie officielle de l'Etat turc,
s'attirent des pressions, des menaces, des insultes et des appels a
la haine, diffuses a grande echelle sur Internet. Ce negationnisme
etatique trouve aussi des relais chez des responsables politiques,
y compris a gauche et notamment chez Robert Badinter.
On l'a aussi vu lorsque le Senat et l'Assemblee nationale, pourtant
majoritairement a gauche (le Senat est repasse a droite depuis) ont
multiplie les difficultes avant de voter le loi penalisant la negation
du genocide armenien. Celle-ci fut ensuite rejetee par le Conseil
Constitutionnel et nous en sommes donc a la meme situation de blocage,
14 ans après que le Parlement ait reconnu ce genocide. L'exigence
de justice et de defense contre le negationnisme d'Etat demeure
donc entière, un siècle après la deportation et l'extermination sur
les routes de Turquie. À l'occasion de ce centenaire, une grande
commemoration aura lieu en Turquie meme le 24 avril. De son côte, le
gouvernement turc provoque en organisant le 23 et 24 une commemoration
du 100e anniversaire de la bataille de Gallipoli, qui a vu les
troupes dirigees par Mustafa Kemal Ataturk resister a l'invasion
franco-britannique dans les Dardanelles. Le president turc Erdogan
a de plus insulte le president armenien en l'invitant a participer
a cette commemoration, organisee afin de detourner l'attention de
celle du genocide.
Rwanda
Le 20e anniversaire du genocide des Tutsi qui s'est deroule durant
l'annee 2014 au Rwanda, a vu une très importante activite de memoire.
De très nombreux debats, colloques et expositions ont marque ce
20e anniversaire. Un symbole en est l'inauguration d'une stèle du
souvenir a Paris, dans le cimetière du Père-Lachaise. Pour obtenir
ce petit monument il a fallu des annees de demandes et des combat
des rescapes, representes par l'association Ibuka ( qui signifie > dans la langue rwandaise ) ainsi que de ceux qui
les ont soutenus. L'exigence demeure d'un reel lieu de memoire dans
l'espace public ; l'engagement pris dans ce sens par Anne Hidalgo,
maire de Paris, lors de l'inauguration de la stèle le 31 octobre
dernier, doit etre tenu. Des progrès ont aussi ete realises dans le
domaine de la justice puisque enfin des genocidaires ont ete juges
et condamnes en France. Ces procès doivent beaucoup a l'action de nos
amis du Collectif des parties civiles pour le Rwanda qui poursuivent
un combat incessant pour que la justice joue enfin son rôle.
Les habitants de nôtre pays ont un devoir particulier en ce qui
concerne le Rwanda. En effet, une partie du combat est aujourd'hui
celui de la pleine reconnaissance par l'Etat francais de ses
responsabilites. Cet Etat qui pretend parler en notre nom, persiste
aujourd'hui a garder un silence complice sur l'implication de l'armee
francaise dans le genocide des Tutsi.
Or le pouvoir rwandais a recu de manière continue et appuyee le
soutien des autorites francaises tant au plan politique, militaire
que financier, avant, pendant et après le genocide. Toute la verite
doit etre faite au sujet de cette implication : tous les documents
doivent etre rendus publics. De ce point de vue la prochaine mutation
statutaire du juge Trevidic est une mauvaise nouvelle. Il a fait
franchir une etape capitale a la recherche de la verite en allant
enqueter sur place a Kigali et en rompant avec les efforts mensongers
du juge Bruguière concernant le debut du genocide ( voir Une claque
pour les negationnistes)
Nous appelons a participer aux ceremonies de commemoration du genocide
des Tutsi, a l'appel d'Ibuka-France et Belgique dont le detail figure
sur le blog d'actualites de Memorial 98, l'Info Antiraciste
Les combats contre l'impunite et le negationnisme sont plus que jamais
au coeur de nôtre action. C'est aussi dans lutte quotidienne contre
le racisme et les discriminations que nous construisons le barrage
qui doit empecher d'autres genocides.
http://blogs.mediapart.fr/blog/albert-herszkowicz/060415/genocides-le-terrible-mois-davril
From: A. Papazian