REVUE DE PRESSE
Génocide Arménien : quelques remarques sur le vote du Parlement
européen par Laurent Leylekian
INTERNATIONAL - Ce mercredi 15 avril, le Parlement européen a adopté
une résolution "sur le centenaire du génocide arménien". Cette
résolution suivait de quelques jours seulement l'homélie dominicale du
Pape François, au cours de laquelle le Saint-Père a également évoqué
sans ambages ce Génocide en le plaçant sur un pied d'égalité avec la
Shoah et les crimes du stalinisme et en le réintégrant au sein de la
longue litanie des exterminations de masse qu'a connu le 20e siècle, "
comme celles au Cambodge, au Rwanda, au Burundi, en Bosnie".
La réaction de la Turquie ne s'est pas fait attendre. Dès après
l'homélie papale, Ankara a immédiatement rappelé son ambassadeur près
le Vatican tandis que les différents hiérarques de l'Etat kémaliste
dénonçaient ses propos comme "islamophobes ", "partiaux ",
"inappropriés " et " loin de la réalité historique". Comme souvent,
Erdogan s'est lui-même distingué en qualifiant de "délire " la
nouvelle position vaticane tandis que le Premier Ministre Davutoglu
-décidément pas à une injure près- osait déclarer que le Pape avait
rejoint un " front du Mal " complotant contre la Turquie. Sans revenir
sur le fond, la succession de ces évènements appelle quelques
commentaires sur la forme.
D'abord, le vote du Parlement européen ne constitue nullement une
première. Le 18 juin 1987, ce même Parlement avait déjà voté une
résolution >
dans laquelle il faisait du "refus de l'actuel gouvernement turc de
reconnaître le génocide [...] un obstacle incontournable à l'examen
d'une éventuelle adhésion de la Turquie" à ce qui n'était alors que la
Communauté européenne. Le 28 septembre 2005 encore, le Parlement
votait une résolution "sur l'ouverture des négociations d'adhésion
avec la Turquie" dans laquelle il appelait ce pays "à reconnaître le
génocide des Arméniens" et dans laquelle il considérait " cette
reconnaissance comme un préalable à l'adhésion à l'Union européenne".
La présente résolution du Parlement européen ne traduit donc pas une
position nouvelle ou inédite mais le contexte et le message étaient
cette fois-ci différents.
Une résolution d'apaisement durcie par le comportement d'Ankara
Il convient en effet de remarquer que le ton de ce dernier texte est
plus apaisé et distancié que les précédents. D'une part parce que plus
personne ne croit vraiment que la Turquie adhérera un jour à l'Union
ni même qu'elle deviendra européenne et, d'autre part, parce que la
présente résolution avait surtout pour objet de marquer le coup du
centenaire du génocide. En lieu et place des luttes politiques
qu'avaient suscités les votes de 1987 et 2005, la résolution de ce 15
avril, empreinte de dignité et de solennité, portait sur un texte
consensuel soutenu par l'ensemble des groupes politiques. On n'y
condamne finalement que le négationnisme en considérant qu'il est
"d'une grande importance d'entretenir le souvenir du passé, puisqu'il
ne peut y avoir de réconciliation sans vérité ni oeuvre de mémoire" et
on y tend plutôt la main à la Turquie.
Deuxièmement, la réaction outrancière et injurieuse d'Ankara Ã
l'homélie du Pape a manifestement joué contre elle. Le texte initial
ne référait pas à l'appel du Saint-Père. Cette référence n'était
proposée que par des amendements soutenus par
Génocide Arménien : quelques remarques sur le vote du Parlement
européen par Laurent Leylekian
INTERNATIONAL - Ce mercredi 15 avril, le Parlement européen a adopté
une résolution "sur le centenaire du génocide arménien". Cette
résolution suivait de quelques jours seulement l'homélie dominicale du
Pape François, au cours de laquelle le Saint-Père a également évoqué
sans ambages ce Génocide en le plaçant sur un pied d'égalité avec la
Shoah et les crimes du stalinisme et en le réintégrant au sein de la
longue litanie des exterminations de masse qu'a connu le 20e siècle, "
comme celles au Cambodge, au Rwanda, au Burundi, en Bosnie".
La réaction de la Turquie ne s'est pas fait attendre. Dès après
l'homélie papale, Ankara a immédiatement rappelé son ambassadeur près
le Vatican tandis que les différents hiérarques de l'Etat kémaliste
dénonçaient ses propos comme "islamophobes ", "partiaux ",
"inappropriés " et " loin de la réalité historique". Comme souvent,
Erdogan s'est lui-même distingué en qualifiant de "délire " la
nouvelle position vaticane tandis que le Premier Ministre Davutoglu
-décidément pas à une injure près- osait déclarer que le Pape avait
rejoint un " front du Mal " complotant contre la Turquie. Sans revenir
sur le fond, la succession de ces évènements appelle quelques
commentaires sur la forme.
D'abord, le vote du Parlement européen ne constitue nullement une
première. Le 18 juin 1987, ce même Parlement avait déjà voté une
résolution >
dans laquelle il faisait du "refus de l'actuel gouvernement turc de
reconnaître le génocide [...] un obstacle incontournable à l'examen
d'une éventuelle adhésion de la Turquie" à ce qui n'était alors que la
Communauté européenne. Le 28 septembre 2005 encore, le Parlement
votait une résolution "sur l'ouverture des négociations d'adhésion
avec la Turquie" dans laquelle il appelait ce pays "à reconnaître le
génocide des Arméniens" et dans laquelle il considérait " cette
reconnaissance comme un préalable à l'adhésion à l'Union européenne".
La présente résolution du Parlement européen ne traduit donc pas une
position nouvelle ou inédite mais le contexte et le message étaient
cette fois-ci différents.
Une résolution d'apaisement durcie par le comportement d'Ankara
Il convient en effet de remarquer que le ton de ce dernier texte est
plus apaisé et distancié que les précédents. D'une part parce que plus
personne ne croit vraiment que la Turquie adhérera un jour à l'Union
ni même qu'elle deviendra européenne et, d'autre part, parce que la
présente résolution avait surtout pour objet de marquer le coup du
centenaire du génocide. En lieu et place des luttes politiques
qu'avaient suscités les votes de 1987 et 2005, la résolution de ce 15
avril, empreinte de dignité et de solennité, portait sur un texte
consensuel soutenu par l'ensemble des groupes politiques. On n'y
condamne finalement que le négationnisme en considérant qu'il est
"d'une grande importance d'entretenir le souvenir du passé, puisqu'il
ne peut y avoir de réconciliation sans vérité ni oeuvre de mémoire" et
on y tend plutôt la main à la Turquie.
Deuxièmement, la réaction outrancière et injurieuse d'Ankara Ã
l'homélie du Pape a manifestement joué contre elle. Le texte initial
ne référait pas à l'appel du Saint-Père. Cette référence n'était
proposée que par des amendements soutenus par