GENOCIDE ARMENIEN: QUELQUES REMARQUES SUR LE VOTE DU PARLEMENT EUROPEEN
Laurent Leylekian
Analyste politique
Publication: 17/04/2015 09h21 CEST Mis a jour: 17/04/2015 09h21 CEST
INTERNATIONAL - Ce mercredi 15 avril, le Parlement europeen a
adopte une resolution "sur le centenaire du genocide armenien". Cette
resolution suivait de quelques jours seulement l'homelie dominicale du
Pape Francois, au cours de laquelle le Saint-Père a egalement evoque
sans ambages ce Genocide en le placant sur un pied d'egalite avec la
Shoah et les crimes du stalinisme et en le reintegrant au sein de la
longue litanie des exterminations de masse qu'a connu le 20e siècle,
" comme celles au Cambodge, au Rwanda, au Burundi, en Bosnie".
La reaction de la Turquie ne s'est pas fait attendre. Dès après
l'homelie papale, Ankara a immediatement rappele son ambassadeur
près le Vatican tandis que les differents hierarques de l'Etat
kemaliste denoncaient ses propos comme "islamophobes ", "partiaux
", "inappropries " et " loin de la realite historique". Comme
souvent,Erdogan s'est lui-meme distingue en qualifiant de "delire
" la nouvelle position vaticane tandis que le Premier Ministre
Davutoglu -decidement pas a une injure près- osait declarer que le Pape
avait rejoint un " front du Mal " complotant contre la Turquie. Sans
revenir sur le fond, la succession de ces evènements appelle quelques
commentaires sur la forme.
D'abord, le vote du Parlement europeen ne constitue nullement une
première. Le 18 juin 1987, ce meme Parlement avait deja vote une
resolution >
dans laquelle il faisait du "refus de l'actuel gouvernement turc de
reconnaître le genocide [...] un obstacle incontournable a l'examen
d'une eventuelle adhesion de la Turquie" a ce qui n'etait alors que
la Communaute europeenne. Le 28 septembre 2005 encore, le Parlement
votait une resolution "sur l'ouverture des negociations d'adhesion
avec la Turquie" dans laquelle il appelait ce pays "a reconnaître
le genocide des Armeniens" et dans laquelle il considerait " cette
reconnaissance comme un prealable a l'adhesion a l'Union europeenne".
La presente resolution du Parlement europeen ne traduit donc pas une
position nouvelle ou inedite mais le contexte et le message etaient
cette fois-ci differents.
Une resolution d'apaisement durcie par le comportement d'Ankara
Il convient en effet de remarquer que le ton de ce dernier texte est
plus apaise et distancie que les precedents. D'une part parce que plus
personne ne croit vraiment que la Turquie adherera un jour a l'Union
ni meme qu'elle deviendra europeenne et, d'autre part, parce que
la presente resolution avait surtout pour objet de marquer le coup
du centenaire du genocide. En lieu et place des luttes politiques
qu'avaient suscites les votes de 1987 et 2005, la resolution de
ce 15 avril, empreinte de dignite et de solennite, portait sur un
texte consensuel soutenu par l'ensemble des groupes politiques. On
n'y condamne finalement que le negationnisme en considerant qu'il est
"d'une grande importance d'entretenir le souvenir du passe, puisqu'il
ne peut y avoir de reconciliation sans verite ni oeuvre de memoire"
et on y tend plutôt la main a la Turquie.
Deuxièmement, la reaction outrancière et injurieuse d'Ankara a
l'homelie du Pape a manifestement joue contre elle. Le texte initial ne
referait pas a l'appel du Saint-Père. Cette reference n'etait proposee
que par des amendements soutenus par
Laurent Leylekian
Analyste politique
Publication: 17/04/2015 09h21 CEST Mis a jour: 17/04/2015 09h21 CEST
INTERNATIONAL - Ce mercredi 15 avril, le Parlement europeen a
adopte une resolution "sur le centenaire du genocide armenien". Cette
resolution suivait de quelques jours seulement l'homelie dominicale du
Pape Francois, au cours de laquelle le Saint-Père a egalement evoque
sans ambages ce Genocide en le placant sur un pied d'egalite avec la
Shoah et les crimes du stalinisme et en le reintegrant au sein de la
longue litanie des exterminations de masse qu'a connu le 20e siècle,
" comme celles au Cambodge, au Rwanda, au Burundi, en Bosnie".
La reaction de la Turquie ne s'est pas fait attendre. Dès après
l'homelie papale, Ankara a immediatement rappele son ambassadeur
près le Vatican tandis que les differents hierarques de l'Etat
kemaliste denoncaient ses propos comme "islamophobes ", "partiaux
", "inappropries " et " loin de la realite historique". Comme
souvent,Erdogan s'est lui-meme distingue en qualifiant de "delire
" la nouvelle position vaticane tandis que le Premier Ministre
Davutoglu -decidement pas a une injure près- osait declarer que le Pape
avait rejoint un " front du Mal " complotant contre la Turquie. Sans
revenir sur le fond, la succession de ces evènements appelle quelques
commentaires sur la forme.
D'abord, le vote du Parlement europeen ne constitue nullement une
première. Le 18 juin 1987, ce meme Parlement avait deja vote une
resolution >
dans laquelle il faisait du "refus de l'actuel gouvernement turc de
reconnaître le genocide [...] un obstacle incontournable a l'examen
d'une eventuelle adhesion de la Turquie" a ce qui n'etait alors que
la Communaute europeenne. Le 28 septembre 2005 encore, le Parlement
votait une resolution "sur l'ouverture des negociations d'adhesion
avec la Turquie" dans laquelle il appelait ce pays "a reconnaître
le genocide des Armeniens" et dans laquelle il considerait " cette
reconnaissance comme un prealable a l'adhesion a l'Union europeenne".
La presente resolution du Parlement europeen ne traduit donc pas une
position nouvelle ou inedite mais le contexte et le message etaient
cette fois-ci differents.
Une resolution d'apaisement durcie par le comportement d'Ankara
Il convient en effet de remarquer que le ton de ce dernier texte est
plus apaise et distancie que les precedents. D'une part parce que plus
personne ne croit vraiment que la Turquie adherera un jour a l'Union
ni meme qu'elle deviendra europeenne et, d'autre part, parce que
la presente resolution avait surtout pour objet de marquer le coup
du centenaire du genocide. En lieu et place des luttes politiques
qu'avaient suscites les votes de 1987 et 2005, la resolution de
ce 15 avril, empreinte de dignite et de solennite, portait sur un
texte consensuel soutenu par l'ensemble des groupes politiques. On
n'y condamne finalement que le negationnisme en considerant qu'il est
"d'une grande importance d'entretenir le souvenir du passe, puisqu'il
ne peut y avoir de reconciliation sans verite ni oeuvre de memoire"
et on y tend plutôt la main a la Turquie.
Deuxièmement, la reaction outrancière et injurieuse d'Ankara a
l'homelie du Pape a manifestement joue contre elle. Le texte initial ne
referait pas a l'appel du Saint-Père. Cette reference n'etait proposee
que par des amendements soutenus par