LETTRE OUVERTE AU SECRETAIRE GENERAL DE L'ONU, PAR G.H. GUARCH, ECRIVAIN ESPAGNOL
CENT ANS
LETTRE OUVERTE AU SECRETAIRE GENERAL DE L'ONU A L'OCCASION DU
CENTENAIRE DU GENOCIDE ARMENIEN
Monsieur le Secretaire General,
Je me permets de vous exposer mon opinion sur la Question armenienne.
La Turquie est un grand pays dont les habitants luttent pour vivre
comme tous les hommes de la planète. La difference c'est qu'aujourd'hui
encore, le gouvernement turc n'a toujours pas reconnu le genocide
armenien ; il s'entete meme a le nier sans comprendre que franchir
ce pas serait une catharsis nationale qui aiderait le pays a se
transformer en une nation europeenne moderne.
Pour que le pays devienne ce qu'il devrait etre, il faut d'abord regler
cette affaire en suspens. Il s'agit de ce que l'on appelle la question
armenienne et mon but est de vous en demontrer l'importance autant
pour les Armeniens que pour le reste du monde. Je crois, en effet,
comme le professeur Ohanian, que la Question armenienne, incluant
le genocide, n'est pas seulement une affaire locale et nationale,
mais qu'elle est liee a la paix en Europe et que, de sa solution,
dependra la pacification, le progrès et la prosperite au Moyen Orient.
Dans la vie, il est plus facile de s'incliner devant les plus forts,
meme s'ils n'ont pas raison et il est clair que si les plus forts
agissaient selon leur conscience le monde serait très different. Mais
ne perdons pas de vue l'essentiel.
Si vous le voulez bien, je commencerai par le debut, c'est-a-dire
par la definition meme du mot genocide. Comme vous le savez, ce mot
a ete cree par un juriste juif-polonais, Raphël Lemkin en 1944. Il
s'est inspire d'une racine grecque genos - famille, tribu ou race - et
latine cidio - caedere : tuer. Lemkin appliquait ce mot aux massacres
effectues pour des raisons raciales, nationalistes ou religieuses. Son
etude est precisement basee sur le genocide perpetre par le
gouvernement Jeune Turc contre le peuple armenien en l915. Lemkin a
lutte efficacement pour que les normes internationales definissent
et condamnent le genocide. L'humanite lui est reconnaissante pour
son apport et l'eclairage d'un concept fondamental pour la justice.
Je vais essayer de centrer le thème juridiquement. Pardonnez-moi de
m'etendre, mais je voudrais insister sur quelques points essentiels.
Selon la Convention pour la prevention et la sanction du delit
de genocide de 1948 et les Statuts de Rome de la Cour penale
internationale de 1998, sera taxe de genocide tout acte perpetre avec
l'intention de detruire totalement ou partiellement un groupe national,
ethnique, racial ou religieux en tant que tel ; le massacre de membres
du groupe, la lesion grave de l'integrite physique ou mentale des memes
; la soumission intentionnelle du groupe a des conditions d'existence
qui l'exposent a sa destruction physique totale ou partielle ;
toute mesure destinee a empecher les naissances au sein du groupe et
le transfert par la force d'enfants d'un groupe a un autre. Ceci en
definit le cadre juridique, legal et penal, au niveau international. Ce
que les Turcs ottomans ont commis contre des citoyens ottomans pour le
seul fait d'etre armeniens et chretiens, fut un genocide. Un crime de
lèse-humanite regule par la Convention sur l'imprescriptibilite des
crimes de guerre et des crimes de lèse-humanite du 26 novembre 1968,
qui existe, intact, actuel, imprescriptible et qui represente une
enorme epee de Damoclès sur le gouvernement turc actuel qui refuse
de reconnaître ce genocide et d'en accepter le terme.
Le Parlement europeen au cours de sa session du 14 novembre 2000,
a vivement encourage l'Etat turc a le reconnaître. Posterieurement,
le Parlement francais - la France est probablement le pays qui a le
plus fait pour l'Armenie et les Armeniens - a approuve a l'unanimite le
18 janvier 2001 la loi condamnant le genocide armenien. Actuellement,
la Cour Penale Internationale est l'instrument dont s'est dote la
communaute internationale pour essayer d'eviter que se reproduisent
des faits semblables. Le gouvernement turc y a repondu par un decret
du 14 avril 2003 du Ministère de l'Education Nationale. Un document a
ete envoye aux directeurs des centres scolaires dans lequel on forcait
les ecoliers a nier l'extermination des minorites et specialement
des Armeniens. Sans commentaire !
Avec votre permission, voici un bref resume historique de la situation
au moment où s'est creee la Republique d'Armenie, etablie sur des
territoires peuples depuis des siècles par les Armeniens, chretiens
de la première heure, qui y construisirent des villages et des
monuments dans l'architecture traditionnelle qui leur est propre, où
l'on enseignait l'armenien, où existaient des bibliothèques de livres
armeniens, où l'on pensait, on revait et on mourait en armenien. C'est
la qu'en 1915 commencèrent, ou plutôt se poursuivirent - parce
que ce n'etait pas la première fois - les massacres, deportations,
viols, pillages, appropriations indues, usurpation d'une realite
existante, elimination integrale d'une culture. Ce que l'on pourrait
definir comme le paradigme d'un genocide. La volonte d'effacer
definitivement l'autre. C'est la raison pour laquelle Lemkin a cree
ce mot fondamental.
Comment nous vacciner contre l'injustice, le manque d'ethique et
l'immoralite de certains politiciens ? En nous souvenant d'une facon
permanente des victimes, en essayant d'eviter que la memoire du
premier genocide du XXe siècle disparaisse de celle des nouvelles
generations. Les Armeniens n'ont jamais voulu oublier ce qui est
arrive au cours des annees 1915 et 1916, le terrible genocide que
les Turcs d'alors ont perpetre sur les minorites chretiennes qui
genaient la turquificationde l'Empire ottoman peu avant son inevitable
dislocation. Pour preuve : la commemoration du centenaire du genocide
qui aura lieu en avril 2015 et tout au long de l'annee.
Dans la tourmente chaotique de la première guerre mondiale, quelques
politiciens ambitieux et corrompus decidèrent que le meilleur moyen
pour homogeneiser le pays - ce qu'ils estimaient obligatoire pour
atteindre leur but - etait d'eliminer les minorites et particulièrement
celle qui pouvait leur tenir tete par son importance culturelle,
economique et dont la religion chretienne contrastait dans un empire
islamique regi par un sultan qui portait en outre le titre de calife,
c'est-a-dire de chef spirituel musulman.
Monsieur le Secretaire general, je ne vous apprendrai rien en vous
rappelant que près de deux millions d'Armeniens ont disparu au cours
de cette action implacable et injustifiable. On a voulu effacer la
trace d'une très importante minorite et pour se faire on a employe
des methodes et des systèmes mortellement efficaces qui, plus tard,
seront imites dans d'autres pays. C'est justement en Turquie qu'ont
ete utilisees des expressions telles que Solution finale et Espace
vital ou Lebensraum.
Pascal Ohanian a clairement declare : Le genocide est un acte
d'agression maximum contre les droits d'un groupe social aux interets
propres. Acte qui est inscrit dans les pages academiques les plus
graves de l'Histoire. De nature humaine, il est premedite et se passe
dans un lieu determine. Les hommes qui le planifient et l'executent
sont des individus qui pensent, parlent et voyagent. Ce tissage
de visions, de pensees, de paroles et de deplacements augmente la
dimension d'acte criminel qui atteint les personnes et la paix non
seulement du groupe social vise mais aussi de toute l'humanite au
milieu de laquelle nous nous trouvons nous aussi. Personne ne peut
se sentir etranger a un genocide perpetre sur un peuple.
Le genocide armenien a ouvert la porte a d'autre genocides du XXe
siècle. Un siècle qui restera dans l'histoire de l'humanite comme une
des etapes les plus obscures, au cours de laquelle l'homme fut un loup
pour l'homme. C'est aussi pour cette raison que ce qui est arrive aux
Armeniens a une enorme importance et que nous ne devons pas l'oublier.
Au contraire, il faut etudier quels en furent les motifs, les
justifications de l'epoque, les philosophies et politiques du moment
et comment un crime pareil pourrait-il rester impuni.
Voici un resume des faits qui conduisirent a cette situation. A la
fin de la Grande Guerre, la deroute de l'Empire ottoman provoqua sa
dislocation, la naissance du nationalisme et le debut de ce que l'on
a appele la Guerre d'Independance turque. En reponse belliqueuse
au Traite de Sèvres - qui avait pourtant ete ratifie par le Sultan
et le gouvernement ottoman - les nationalistes turcs menes par
Mustafa Kemal prirent le pouvoir et, combattant Grecs et Armeniens,
attaquèrent les territoires qui leur avaient ete assignes reprenant
toute l'Anatolie et une partie de la Thrace orientale, liquidant ainsi
les zones d'influence francaise et italienne decidees a Sèvres. En
outre, l'Armenie, qui avait recu une aide minime et interessee des
Britanniques, fut attaquee au meme moment par l'Azerbaïdjan gouvernee
par les communistes. En juin l920, pratiquement annihilee et epuisee,
elle fut contrainte de signer une treve avant de retourner sur le
front turc. En juillet, les Turcs appuyèrent la prise de pouvoir par
les communistes de Nakhitchevan preferant que le pays devienne une
republique sovietique plutôt qu'il soit domine par les Armeniens. Plus
tard, l'Armenie devra subir l'invasion sovietique depuis l'Azerbaïdjan
envahie par les Bolcheviques en 1920. En septembre, cette meme annee,
l'Armenie, ruinee, cernee, a bout de forces, sans armement adequat
ni troupes suffisantes - dont les survivants etaient au bord de
l'inanition - fut obligee de ceder Zangechur et le Nagorno-Karabach
ainsi que le contrôle du Nakhitchevan. La guerre n'etait pas terminee
avec la Turquie qui progressait dans ses avancees : en novembre
Alexandropol tomba et la paix fut signee en decembre 1920 par laquelle
l'Armenie renoncait a tous les districts d'Asie Mineure qui avaient
ete turcs avant la guerre, comme Kars et Ardshan et reconnaissait
l'independance du Nakhitchevan.
En octobre 21, le Traite de Kars definit la division de l'ancien
district russo-armenien de Batum. La partie nord, incluant le port
de Batum, fut cedee par la Turquie a la Georgie. La partie sud
incluant Artvin fut adjugee a la Turquie. Une certaine autonomie fut
concedee a la partie nord situee en Georgie sovietique. Comme vous le
comprendrez, Monsieur le Secretaire general, on ne demanda pas leur
avis aux Armeniens. Les Turcs refusaient que les Armeniens aient un
accès a la mer. L'accord crea egalement une nouvelle frontière entre
la Turquie et l'Armenie sovietique definie par les fleuves Akhurian
et Aras. Les sovietiques cedèrent a la Turquie la plus grande partie
de l'ancien Oblast de Kars - possession de l'ancien empire russe -
incluant les villes de Igdir, Koghb, Kars, Ardahan, Olti, les ruines
d'Ani ainsi que le lac de Cildir qui etait sous gouvernance d'Erevan
auparavant, region comprise entre le fleuve Aras et le Mont Ararat. Ce
qui montre bien que les Armeniens n'avaient plus rien a voir dans
cette affaire. Ou encore qu'on decidait de leur avenir sans eux ! Ce
n'est pas le premier cas de l'Histoire. Suite a ces concessions,
la Turquie se retira de la region de Shirak - en Armenie actuelle -
qui recupera Zangezur, la partie occidentale de Qazakh et Daralagez
en Azerbaïdjan. Le traite incluait aussi la creation du Nakhitchevan.
L'annee suivante, les nations de la Transcaucasie furent converties
en Republique Federale Socialiste Sovietique de Transcaucasie annexee
a l'Union sovietique, sans possibilite pour l'Armenie de se defendre
car personne ne lui demanda son avis !
Si vous permettez, Monsieur le Secretaire general, tout cela a signifie
un veritable desastre pour les Armeniens qui ne purent ni protester
ni refuser car leur situation ne le leur permettait pas. Au moins,
il leur restait Erevan et Etchmiadzin, la tete et l'âme de l'Armenie
comme l'on dit, sans vouloir diminuer l'importance des autres regions
du pays. Ce que, depuis cette epoque, les Armeniens reclament,
c'est le reste du corps de leur pays ! Nous avons deja explique
que les uns et les autres s'approprièrent la plus grande partie de
l'Armenie historique par la force, la violence, le pillage et les
artifices diplomatiques. Vous serez d'accord avec moi, Monsieur le
Secretaire general, que ni les Britanniques, ni a fortiori les Turcs
de Kemal Ataturk, ni les autres acteurs du Traite n'avaient le droit
legalement - sans aucune procuration - d' agir au nom de l'Armenie,
de meme qu'auparavant ni les Allemands ni les Russes ne le pouvaient
davantage. L'Armenie ne fut qu'un pretexte, un nom utilise par des
tiers interesses qui contournèrent la loi frauduleusement.
Reparation n'en a pas ete faite jusqu'a aujourd'hui.
Le 24 juillet l923 se signa le Traite de Lausanne que l'on pourrait
qualifier de traite-emplâtre, qui n'affecta que certains aspects
du Traite de Sèvres... aussi fragile que la porcelaine du meme nom
! Pour situer le thème, Sèvres se refère a la Grande Guerre, alors
que Lausanne tient compte des agissements posterieurs jusqu'a fin
1922. A Sèvres, on a d'un côte les allies, de l'autre la Turquie, et
l'idee que la guerre est terminee et remplacee par une paix juste et
durable a n'importe quel prix. A Lausanne on se refère concrètement et
clairement a la suspension des actes armes des kemalistes qui violèrent
l'armistice de Mudros. L'Armenie en fut la grande perdante etant
donne qu'elle ne fut autorisee a participer ni a l'un ni a l'autre.
Je voudrais vous faire remarquer quelque chose de fondamental, Monsieur
le Secretaire general. Le fait que la Republique d'Armenie n'a ni
participe a la conference de Lausanne ni signe le traite signifie
que l'on n'a cree aucune obligation juridique pour elle.
Lausanne ne fait absolument pas mention de la caducite du Traite
de Sèvres qui reste donc un document totalement en vigueur en droit
international sous tous ses aspects. Et les obligations de la Turquie
surgissent de la sentence arbitraire contenue dans le Traite de Sèvres,
formulee par le President Woodrow Wilson. Le Traite de Lausanne ne
fait pas mention nommement de l'Armenie, mais se refère aux minorites
non musulmanes de Turquie et a la conformation legale du territoire de
la republique au moment où une nouvelle Turquie se cree a partir de
l'empire ottoman. Au premier paragraphe il est dit que : La Turquie
renonce a tous titres et droits relatifs a tous les territoires et
îles qui se trouvent hors des limites fixees par ce traite, sauf pour
ceux sur lesquels elle a une souverainete reconnue.
Le futur de ces territoires et îles sera decide par les parties
interessees. Les experts internationaux sur le sujet ont reconnu que
l'unique limite qui n'a pas ete fixee dans le traite a ete la frontière
armeno-turque ce qui nous permet d'affirmer que juridiquement les
frontières de l'Armenie sont toujours celles qui ont ete fixees par
le Traite de Sèvres, soit celles de l'Armenie wilsonienne.
C'est la raison pour laquelle il serait très important que tout le
monde sache ce qui est arrive et pourquoi les Armeniens ne purent
recuperer leurs possessions historiques. Pourquoi le Nakhitchevan,
le Karabach, Kars, Trebizonde, Van, Erzerum, le mont Ararat et tant
d'autres lieux qui ont toujours fait partie de l'Armenie historique
sont hors de l'Armenie actuelle ? Je vais vous dire, Monsieur le
Secretaire general, que j'ai la certitude que dans le futur tout ceci
sera discute aux Nations Unies. Il n'y a pas d'autre possibilite.
Contrairement a ce que certains pensent, l'histoire est un livre
ouvert, jamais ferme. Pour cela, le travail d'historiens et d'ecrivains
comme Pascal Ohanian, Vahan Dadrian, Yves Ternon, Johannes Lepsius,
Varoujan Attarian, Jacques Derogy, Ashot Artzruni, Haik Ghazarian,
Henri Verneuil, Nikolay Hovhannisyan, Rouben Galichian, Beatrice
Favre et tant d'autres est si important et pas seulement pour les
Armeniens. Ce qui est en jeu n'est ni plus ni moins la credibilite
des Nations Unies et des règles que les humains se sont donnees pour
resoudre ces conflits d'une manière civilisee.
Vous savez parfaitement ce que je vais vous dire. A la question que
vous pourriez vous poser sur l'utilite de maintenir vivant ce souvenir,
je repondrais que je n'ai pas le moindre doute la-dessus.
Quelle serait l'alternative ? Il n'y en a pas ! J'ai la certitude
absolue qu'entre tous, les Armeniens d'une part et les amis de la
verite et de la justice d'autre part, nous construisons une base de
pensee morale qui preservera ce souvenir pour toujours.
Il est possible que les bourreaux n'aient pas pris en compte la
memoire proverbiale des Armeniens. Ils sont tetus et n'oublieront
jamais. Jamais ! Si le monde futur desire avoir une base cimentee
solide, il doit l'arrimer a la justice. Il devra mettre sur la table
le genocide armenien avant de signer n'importe quel traite, accord,
convention, proposition ou initiative internationale avec la Turquie.
Il s'agit d'une affaire IMPRESCRIPTIBLE.
Monsieur le Secretaire general, en Turquie, en Anatolie, dans ce qui
fut un jour le royaume historique d'Armenie, il reste des milliers
de vestiges d'une culture, d'une facon de vivre, d'une civilisation
chretienne avec comme temoins les ruines de centaines d'eglises et de
monastères, de stèles de pierre cassees et enterrees qui marquaient
les croisees des chemins. Peu importe aux Turcs que les historiens les
repertorient, qu'une grande partie de l'Anatolie, en realite depuis
la côte mediterraneenne d'Asie Mineure jusqu'aux montagnes sauvages
du Caucase, soit bourree de symboles et pierres gravees d'ecriture
armenienne, constituant les preuves physiques d'une presence que
l'absence rend encore plus evidente. Tout demontre qu'a une certaine
epoque cet endroit etait très different malgre la volonte de le cacher,
de le detruire, de le nier en pretendant qu'il n'y eut pas de genocide,
que l'Armenie n'a pas existe en tant que telle, mais seulement sous
la forme d'une petite communaute. Mais les pierres sont tetues elles
aussi et a la fin, l'Histoire remet chacun a sa place.
Les Armeniens qu'ils soient de la Republique d'Armenie ou, dans de
nombreux cas, citoyens de droit d'autres pays, quoique leur coeur
appartienne a l'Armenie de toujours qui est la, attendent le jour de
cette reconnaissance avec impatience et la certitude qu'il viendra
comme un acte de justice qui refermera a jamais les blessures ouvertes
il y a cent ans. Les Armeniens ont bonne memoire, mais ont surtout
une enorme dignite et n'ont jamais voulu oublier ce qui leur est
arrive durant les annees 1915-1916.
C'est pour toutes ces raisons, Monsieur le Secretaire general, que le
centenaire de ce genocide est si important, car il essaie d'eviter que
la memoire du premier genocide du XXe siècle disparaisse. L'unique
moyen de prevention d'evenements aussi atroces est de ne jamais les
oublier pour que les nouvelles generations sachent que des massacres
aussi incroyables et epouvantables ne sont pas des legendes ni des
inventions, mais des faits tragiques et atroces qui se sont reellement
passes. Comme vous le savez très bien, Monsieur le Secretaire general,
le seul moyen de nous vacciner contre l'injustice est de perpetuer
continuellement ce souvenir.
Merci de votre attention au nom des victimes.
G.H. Guarch, ecrivain Medaille d'or du Merite culturel de la Republique
d'Armenie 2002 Prix Garbis Papazian - AGBU 2007 Prix Moyses Khorenatsi
2013
jeudi 5 fevrier 2015, Ara (c)armenews.com
http://www.armenews.com/article.php3?id_article=107776
CENT ANS
LETTRE OUVERTE AU SECRETAIRE GENERAL DE L'ONU A L'OCCASION DU
CENTENAIRE DU GENOCIDE ARMENIEN
Monsieur le Secretaire General,
Je me permets de vous exposer mon opinion sur la Question armenienne.
La Turquie est un grand pays dont les habitants luttent pour vivre
comme tous les hommes de la planète. La difference c'est qu'aujourd'hui
encore, le gouvernement turc n'a toujours pas reconnu le genocide
armenien ; il s'entete meme a le nier sans comprendre que franchir
ce pas serait une catharsis nationale qui aiderait le pays a se
transformer en une nation europeenne moderne.
Pour que le pays devienne ce qu'il devrait etre, il faut d'abord regler
cette affaire en suspens. Il s'agit de ce que l'on appelle la question
armenienne et mon but est de vous en demontrer l'importance autant
pour les Armeniens que pour le reste du monde. Je crois, en effet,
comme le professeur Ohanian, que la Question armenienne, incluant
le genocide, n'est pas seulement une affaire locale et nationale,
mais qu'elle est liee a la paix en Europe et que, de sa solution,
dependra la pacification, le progrès et la prosperite au Moyen Orient.
Dans la vie, il est plus facile de s'incliner devant les plus forts,
meme s'ils n'ont pas raison et il est clair que si les plus forts
agissaient selon leur conscience le monde serait très different. Mais
ne perdons pas de vue l'essentiel.
Si vous le voulez bien, je commencerai par le debut, c'est-a-dire
par la definition meme du mot genocide. Comme vous le savez, ce mot
a ete cree par un juriste juif-polonais, Raphël Lemkin en 1944. Il
s'est inspire d'une racine grecque genos - famille, tribu ou race - et
latine cidio - caedere : tuer. Lemkin appliquait ce mot aux massacres
effectues pour des raisons raciales, nationalistes ou religieuses. Son
etude est precisement basee sur le genocide perpetre par le
gouvernement Jeune Turc contre le peuple armenien en l915. Lemkin a
lutte efficacement pour que les normes internationales definissent
et condamnent le genocide. L'humanite lui est reconnaissante pour
son apport et l'eclairage d'un concept fondamental pour la justice.
Je vais essayer de centrer le thème juridiquement. Pardonnez-moi de
m'etendre, mais je voudrais insister sur quelques points essentiels.
Selon la Convention pour la prevention et la sanction du delit
de genocide de 1948 et les Statuts de Rome de la Cour penale
internationale de 1998, sera taxe de genocide tout acte perpetre avec
l'intention de detruire totalement ou partiellement un groupe national,
ethnique, racial ou religieux en tant que tel ; le massacre de membres
du groupe, la lesion grave de l'integrite physique ou mentale des memes
; la soumission intentionnelle du groupe a des conditions d'existence
qui l'exposent a sa destruction physique totale ou partielle ;
toute mesure destinee a empecher les naissances au sein du groupe et
le transfert par la force d'enfants d'un groupe a un autre. Ceci en
definit le cadre juridique, legal et penal, au niveau international. Ce
que les Turcs ottomans ont commis contre des citoyens ottomans pour le
seul fait d'etre armeniens et chretiens, fut un genocide. Un crime de
lèse-humanite regule par la Convention sur l'imprescriptibilite des
crimes de guerre et des crimes de lèse-humanite du 26 novembre 1968,
qui existe, intact, actuel, imprescriptible et qui represente une
enorme epee de Damoclès sur le gouvernement turc actuel qui refuse
de reconnaître ce genocide et d'en accepter le terme.
Le Parlement europeen au cours de sa session du 14 novembre 2000,
a vivement encourage l'Etat turc a le reconnaître. Posterieurement,
le Parlement francais - la France est probablement le pays qui a le
plus fait pour l'Armenie et les Armeniens - a approuve a l'unanimite le
18 janvier 2001 la loi condamnant le genocide armenien. Actuellement,
la Cour Penale Internationale est l'instrument dont s'est dote la
communaute internationale pour essayer d'eviter que se reproduisent
des faits semblables. Le gouvernement turc y a repondu par un decret
du 14 avril 2003 du Ministère de l'Education Nationale. Un document a
ete envoye aux directeurs des centres scolaires dans lequel on forcait
les ecoliers a nier l'extermination des minorites et specialement
des Armeniens. Sans commentaire !
Avec votre permission, voici un bref resume historique de la situation
au moment où s'est creee la Republique d'Armenie, etablie sur des
territoires peuples depuis des siècles par les Armeniens, chretiens
de la première heure, qui y construisirent des villages et des
monuments dans l'architecture traditionnelle qui leur est propre, où
l'on enseignait l'armenien, où existaient des bibliothèques de livres
armeniens, où l'on pensait, on revait et on mourait en armenien. C'est
la qu'en 1915 commencèrent, ou plutôt se poursuivirent - parce
que ce n'etait pas la première fois - les massacres, deportations,
viols, pillages, appropriations indues, usurpation d'une realite
existante, elimination integrale d'une culture. Ce que l'on pourrait
definir comme le paradigme d'un genocide. La volonte d'effacer
definitivement l'autre. C'est la raison pour laquelle Lemkin a cree
ce mot fondamental.
Comment nous vacciner contre l'injustice, le manque d'ethique et
l'immoralite de certains politiciens ? En nous souvenant d'une facon
permanente des victimes, en essayant d'eviter que la memoire du
premier genocide du XXe siècle disparaisse de celle des nouvelles
generations. Les Armeniens n'ont jamais voulu oublier ce qui est
arrive au cours des annees 1915 et 1916, le terrible genocide que
les Turcs d'alors ont perpetre sur les minorites chretiennes qui
genaient la turquificationde l'Empire ottoman peu avant son inevitable
dislocation. Pour preuve : la commemoration du centenaire du genocide
qui aura lieu en avril 2015 et tout au long de l'annee.
Dans la tourmente chaotique de la première guerre mondiale, quelques
politiciens ambitieux et corrompus decidèrent que le meilleur moyen
pour homogeneiser le pays - ce qu'ils estimaient obligatoire pour
atteindre leur but - etait d'eliminer les minorites et particulièrement
celle qui pouvait leur tenir tete par son importance culturelle,
economique et dont la religion chretienne contrastait dans un empire
islamique regi par un sultan qui portait en outre le titre de calife,
c'est-a-dire de chef spirituel musulman.
Monsieur le Secretaire general, je ne vous apprendrai rien en vous
rappelant que près de deux millions d'Armeniens ont disparu au cours
de cette action implacable et injustifiable. On a voulu effacer la
trace d'une très importante minorite et pour se faire on a employe
des methodes et des systèmes mortellement efficaces qui, plus tard,
seront imites dans d'autres pays. C'est justement en Turquie qu'ont
ete utilisees des expressions telles que Solution finale et Espace
vital ou Lebensraum.
Pascal Ohanian a clairement declare : Le genocide est un acte
d'agression maximum contre les droits d'un groupe social aux interets
propres. Acte qui est inscrit dans les pages academiques les plus
graves de l'Histoire. De nature humaine, il est premedite et se passe
dans un lieu determine. Les hommes qui le planifient et l'executent
sont des individus qui pensent, parlent et voyagent. Ce tissage
de visions, de pensees, de paroles et de deplacements augmente la
dimension d'acte criminel qui atteint les personnes et la paix non
seulement du groupe social vise mais aussi de toute l'humanite au
milieu de laquelle nous nous trouvons nous aussi. Personne ne peut
se sentir etranger a un genocide perpetre sur un peuple.
Le genocide armenien a ouvert la porte a d'autre genocides du XXe
siècle. Un siècle qui restera dans l'histoire de l'humanite comme une
des etapes les plus obscures, au cours de laquelle l'homme fut un loup
pour l'homme. C'est aussi pour cette raison que ce qui est arrive aux
Armeniens a une enorme importance et que nous ne devons pas l'oublier.
Au contraire, il faut etudier quels en furent les motifs, les
justifications de l'epoque, les philosophies et politiques du moment
et comment un crime pareil pourrait-il rester impuni.
Voici un resume des faits qui conduisirent a cette situation. A la
fin de la Grande Guerre, la deroute de l'Empire ottoman provoqua sa
dislocation, la naissance du nationalisme et le debut de ce que l'on
a appele la Guerre d'Independance turque. En reponse belliqueuse
au Traite de Sèvres - qui avait pourtant ete ratifie par le Sultan
et le gouvernement ottoman - les nationalistes turcs menes par
Mustafa Kemal prirent le pouvoir et, combattant Grecs et Armeniens,
attaquèrent les territoires qui leur avaient ete assignes reprenant
toute l'Anatolie et une partie de la Thrace orientale, liquidant ainsi
les zones d'influence francaise et italienne decidees a Sèvres. En
outre, l'Armenie, qui avait recu une aide minime et interessee des
Britanniques, fut attaquee au meme moment par l'Azerbaïdjan gouvernee
par les communistes. En juin l920, pratiquement annihilee et epuisee,
elle fut contrainte de signer une treve avant de retourner sur le
front turc. En juillet, les Turcs appuyèrent la prise de pouvoir par
les communistes de Nakhitchevan preferant que le pays devienne une
republique sovietique plutôt qu'il soit domine par les Armeniens. Plus
tard, l'Armenie devra subir l'invasion sovietique depuis l'Azerbaïdjan
envahie par les Bolcheviques en 1920. En septembre, cette meme annee,
l'Armenie, ruinee, cernee, a bout de forces, sans armement adequat
ni troupes suffisantes - dont les survivants etaient au bord de
l'inanition - fut obligee de ceder Zangechur et le Nagorno-Karabach
ainsi que le contrôle du Nakhitchevan. La guerre n'etait pas terminee
avec la Turquie qui progressait dans ses avancees : en novembre
Alexandropol tomba et la paix fut signee en decembre 1920 par laquelle
l'Armenie renoncait a tous les districts d'Asie Mineure qui avaient
ete turcs avant la guerre, comme Kars et Ardshan et reconnaissait
l'independance du Nakhitchevan.
En octobre 21, le Traite de Kars definit la division de l'ancien
district russo-armenien de Batum. La partie nord, incluant le port
de Batum, fut cedee par la Turquie a la Georgie. La partie sud
incluant Artvin fut adjugee a la Turquie. Une certaine autonomie fut
concedee a la partie nord situee en Georgie sovietique. Comme vous le
comprendrez, Monsieur le Secretaire general, on ne demanda pas leur
avis aux Armeniens. Les Turcs refusaient que les Armeniens aient un
accès a la mer. L'accord crea egalement une nouvelle frontière entre
la Turquie et l'Armenie sovietique definie par les fleuves Akhurian
et Aras. Les sovietiques cedèrent a la Turquie la plus grande partie
de l'ancien Oblast de Kars - possession de l'ancien empire russe -
incluant les villes de Igdir, Koghb, Kars, Ardahan, Olti, les ruines
d'Ani ainsi que le lac de Cildir qui etait sous gouvernance d'Erevan
auparavant, region comprise entre le fleuve Aras et le Mont Ararat. Ce
qui montre bien que les Armeniens n'avaient plus rien a voir dans
cette affaire. Ou encore qu'on decidait de leur avenir sans eux ! Ce
n'est pas le premier cas de l'Histoire. Suite a ces concessions,
la Turquie se retira de la region de Shirak - en Armenie actuelle -
qui recupera Zangezur, la partie occidentale de Qazakh et Daralagez
en Azerbaïdjan. Le traite incluait aussi la creation du Nakhitchevan.
L'annee suivante, les nations de la Transcaucasie furent converties
en Republique Federale Socialiste Sovietique de Transcaucasie annexee
a l'Union sovietique, sans possibilite pour l'Armenie de se defendre
car personne ne lui demanda son avis !
Si vous permettez, Monsieur le Secretaire general, tout cela a signifie
un veritable desastre pour les Armeniens qui ne purent ni protester
ni refuser car leur situation ne le leur permettait pas. Au moins,
il leur restait Erevan et Etchmiadzin, la tete et l'âme de l'Armenie
comme l'on dit, sans vouloir diminuer l'importance des autres regions
du pays. Ce que, depuis cette epoque, les Armeniens reclament,
c'est le reste du corps de leur pays ! Nous avons deja explique
que les uns et les autres s'approprièrent la plus grande partie de
l'Armenie historique par la force, la violence, le pillage et les
artifices diplomatiques. Vous serez d'accord avec moi, Monsieur le
Secretaire general, que ni les Britanniques, ni a fortiori les Turcs
de Kemal Ataturk, ni les autres acteurs du Traite n'avaient le droit
legalement - sans aucune procuration - d' agir au nom de l'Armenie,
de meme qu'auparavant ni les Allemands ni les Russes ne le pouvaient
davantage. L'Armenie ne fut qu'un pretexte, un nom utilise par des
tiers interesses qui contournèrent la loi frauduleusement.
Reparation n'en a pas ete faite jusqu'a aujourd'hui.
Le 24 juillet l923 se signa le Traite de Lausanne que l'on pourrait
qualifier de traite-emplâtre, qui n'affecta que certains aspects
du Traite de Sèvres... aussi fragile que la porcelaine du meme nom
! Pour situer le thème, Sèvres se refère a la Grande Guerre, alors
que Lausanne tient compte des agissements posterieurs jusqu'a fin
1922. A Sèvres, on a d'un côte les allies, de l'autre la Turquie, et
l'idee que la guerre est terminee et remplacee par une paix juste et
durable a n'importe quel prix. A Lausanne on se refère concrètement et
clairement a la suspension des actes armes des kemalistes qui violèrent
l'armistice de Mudros. L'Armenie en fut la grande perdante etant
donne qu'elle ne fut autorisee a participer ni a l'un ni a l'autre.
Je voudrais vous faire remarquer quelque chose de fondamental, Monsieur
le Secretaire general. Le fait que la Republique d'Armenie n'a ni
participe a la conference de Lausanne ni signe le traite signifie
que l'on n'a cree aucune obligation juridique pour elle.
Lausanne ne fait absolument pas mention de la caducite du Traite
de Sèvres qui reste donc un document totalement en vigueur en droit
international sous tous ses aspects. Et les obligations de la Turquie
surgissent de la sentence arbitraire contenue dans le Traite de Sèvres,
formulee par le President Woodrow Wilson. Le Traite de Lausanne ne
fait pas mention nommement de l'Armenie, mais se refère aux minorites
non musulmanes de Turquie et a la conformation legale du territoire de
la republique au moment où une nouvelle Turquie se cree a partir de
l'empire ottoman. Au premier paragraphe il est dit que : La Turquie
renonce a tous titres et droits relatifs a tous les territoires et
îles qui se trouvent hors des limites fixees par ce traite, sauf pour
ceux sur lesquels elle a une souverainete reconnue.
Le futur de ces territoires et îles sera decide par les parties
interessees. Les experts internationaux sur le sujet ont reconnu que
l'unique limite qui n'a pas ete fixee dans le traite a ete la frontière
armeno-turque ce qui nous permet d'affirmer que juridiquement les
frontières de l'Armenie sont toujours celles qui ont ete fixees par
le Traite de Sèvres, soit celles de l'Armenie wilsonienne.
C'est la raison pour laquelle il serait très important que tout le
monde sache ce qui est arrive et pourquoi les Armeniens ne purent
recuperer leurs possessions historiques. Pourquoi le Nakhitchevan,
le Karabach, Kars, Trebizonde, Van, Erzerum, le mont Ararat et tant
d'autres lieux qui ont toujours fait partie de l'Armenie historique
sont hors de l'Armenie actuelle ? Je vais vous dire, Monsieur le
Secretaire general, que j'ai la certitude que dans le futur tout ceci
sera discute aux Nations Unies. Il n'y a pas d'autre possibilite.
Contrairement a ce que certains pensent, l'histoire est un livre
ouvert, jamais ferme. Pour cela, le travail d'historiens et d'ecrivains
comme Pascal Ohanian, Vahan Dadrian, Yves Ternon, Johannes Lepsius,
Varoujan Attarian, Jacques Derogy, Ashot Artzruni, Haik Ghazarian,
Henri Verneuil, Nikolay Hovhannisyan, Rouben Galichian, Beatrice
Favre et tant d'autres est si important et pas seulement pour les
Armeniens. Ce qui est en jeu n'est ni plus ni moins la credibilite
des Nations Unies et des règles que les humains se sont donnees pour
resoudre ces conflits d'une manière civilisee.
Vous savez parfaitement ce que je vais vous dire. A la question que
vous pourriez vous poser sur l'utilite de maintenir vivant ce souvenir,
je repondrais que je n'ai pas le moindre doute la-dessus.
Quelle serait l'alternative ? Il n'y en a pas ! J'ai la certitude
absolue qu'entre tous, les Armeniens d'une part et les amis de la
verite et de la justice d'autre part, nous construisons une base de
pensee morale qui preservera ce souvenir pour toujours.
Il est possible que les bourreaux n'aient pas pris en compte la
memoire proverbiale des Armeniens. Ils sont tetus et n'oublieront
jamais. Jamais ! Si le monde futur desire avoir une base cimentee
solide, il doit l'arrimer a la justice. Il devra mettre sur la table
le genocide armenien avant de signer n'importe quel traite, accord,
convention, proposition ou initiative internationale avec la Turquie.
Il s'agit d'une affaire IMPRESCRIPTIBLE.
Monsieur le Secretaire general, en Turquie, en Anatolie, dans ce qui
fut un jour le royaume historique d'Armenie, il reste des milliers
de vestiges d'une culture, d'une facon de vivre, d'une civilisation
chretienne avec comme temoins les ruines de centaines d'eglises et de
monastères, de stèles de pierre cassees et enterrees qui marquaient
les croisees des chemins. Peu importe aux Turcs que les historiens les
repertorient, qu'une grande partie de l'Anatolie, en realite depuis
la côte mediterraneenne d'Asie Mineure jusqu'aux montagnes sauvages
du Caucase, soit bourree de symboles et pierres gravees d'ecriture
armenienne, constituant les preuves physiques d'une presence que
l'absence rend encore plus evidente. Tout demontre qu'a une certaine
epoque cet endroit etait très different malgre la volonte de le cacher,
de le detruire, de le nier en pretendant qu'il n'y eut pas de genocide,
que l'Armenie n'a pas existe en tant que telle, mais seulement sous
la forme d'une petite communaute. Mais les pierres sont tetues elles
aussi et a la fin, l'Histoire remet chacun a sa place.
Les Armeniens qu'ils soient de la Republique d'Armenie ou, dans de
nombreux cas, citoyens de droit d'autres pays, quoique leur coeur
appartienne a l'Armenie de toujours qui est la, attendent le jour de
cette reconnaissance avec impatience et la certitude qu'il viendra
comme un acte de justice qui refermera a jamais les blessures ouvertes
il y a cent ans. Les Armeniens ont bonne memoire, mais ont surtout
une enorme dignite et n'ont jamais voulu oublier ce qui leur est
arrive durant les annees 1915-1916.
C'est pour toutes ces raisons, Monsieur le Secretaire general, que le
centenaire de ce genocide est si important, car il essaie d'eviter que
la memoire du premier genocide du XXe siècle disparaisse. L'unique
moyen de prevention d'evenements aussi atroces est de ne jamais les
oublier pour que les nouvelles generations sachent que des massacres
aussi incroyables et epouvantables ne sont pas des legendes ni des
inventions, mais des faits tragiques et atroces qui se sont reellement
passes. Comme vous le savez très bien, Monsieur le Secretaire general,
le seul moyen de nous vacciner contre l'injustice est de perpetuer
continuellement ce souvenir.
Merci de votre attention au nom des victimes.
G.H. Guarch, ecrivain Medaille d'or du Merite culturel de la Republique
d'Armenie 2002 Prix Garbis Papazian - AGBU 2007 Prix Moyses Khorenatsi
2013
jeudi 5 fevrier 2015, Ara (c)armenews.com
http://www.armenews.com/article.php3?id_article=107776