CINQ ANS APRES LES PROTOCOLES ARMENO-TURCS
Publié le : 18-02-2015
http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=85837
Info Collectif VAN -www.collectifvan.org - David Shahnazaryan, analyste
du Centre d'études régionales d'Erevan en Arménie, ancien ministre
de la Sécurité nationale d'Arménie dans le gouvernement du premier
président Levon Ter Petrossian, opposant aux gouvernances de Robert
Kotcharian et de Serge Sarkissian, décrit dans la presse turque,
l'évolution des relations entre la Turquie et l'Arménie depuis la
signature des protocoles en octobre 2009. Son texte est une version
abrégée de l'article original paru sur le site Turkish Policy
Quarterly (TPQ) a l'automne 2014. On retrouve dans les thèses
développées ici les positions plus que conciliantes de Levon
Ter Petrossian a l'égard de la Turquie et de la reconnaissance du
génocide arménien. Ce n'est pas par hasard qu'elles paraissent sur
des médias turcs pas franchement en pointe (c'est un euphémisme)
sur la question de la reconnaissance du génocide et l'acceptation
de l'indépendance du Haut-Karabagh. Le Collectif VAN vous propose la
traduction de cet article, publié sur le site turc de langue anglaise,
Hurriyet Daily News, le 2 janvier 2015.
Des voisins nerveux : Cinq ans après les protocoles arméno-turcs
Hurriyet Daily News
DAVID SHAHNAZARYAN
2 janvier 2015
L'évolution des relations entre la Turquie et l'Arménie a impliqué
diverses phases, avec quelques dynamiques contradictoires.
La République turque a été l'un des premiers pays a reconnaître
l'Arménie comme Etat indépendant en 1991. Cela a été suivi de
l'établissement de contacts officiels entre Erevan et Ankara. Après
le coup d'Etat de 1998 qui a porté Robert Kotcharian au pouvoir en
Arménie [Nota CVAN : En réalité, le président Levon Ter-Petrossian
a été poussé a démissionner le 3 février 1998, par Robert
Kotcharian, devenu président de la République d'Arménie par
intérim. Ce dernier a ensuite été élu a ce poste le 30 mars 1998
avec 59,5 % des voix face au candidat communiste Karen Demirtchian],
les relations entre l'Arménie et la Turquie sont entrées dans une
nouvelle phase.
Kotcharian a décidé de réviser certaines dispositions clés
de l'agenda de la politique étrangère du pays, déclarant la
reconnaissance internationale du génocide arménien de 1915 dans
l'Empire ottoman comme axe de sa politique étrangère. En 2005,
le Premier ministre turc de l'époque, Recep Tayyip Erdogan, a
écrit une lettre au président Kotcharian proposant que l'Arménie
et la Turquie établissent un groupe mixte composé d'historiens et
d'autres experts des deux pays pour étudier les développements et
les événements de 1915.
L'intégration de la composante Â" historique Â" dans les relations
officielles arméno-turques s'est produite en 1998, en conditionnant
la résolution des problèmes politiques a celle des questions
historiques.
Cela a considérablement compliqué les relations entre l'Arménie
et la Turquie, qui étaient déja pré-conditionnées par la Turquie
a propos de l'Azerbaïdjan, du conflit du Haut-Karabakh et de la
diaspora arménienne.
Une nouvelle étape dans les relations de l'Arménie et de la Turquie
a commencé en 2008 et a abouti a la signature des protocoles a
Zurich le 10 octobre 2009. Les protocoles de Zurich n'ont pas pris
en considération deux réalités importantes. La première était
la disposition sur la création de la sous-commission d'historiens,
qui liait la normalisation des relations au fait de parvenir a une
évaluation commune de l'histoire arméno-turque. L'autre était le
fait que la réalité du pouvoir politique était sous-estimée.
Les médiateurs internationaux pour la paix et les autorités
de l'Arménie ont essayé de séparer la question du conflit du
Haut-Karabakh du processus de normalisation entre l'Arménie et la
Turquie, tandis que pour les fonctionnaires a Ankara ces questions
étaient, et sont, indivisibles. C'est la raison du refus flagrant de
la Turquie de ratifier les protocoles, contrairement aux fonctionnaires
d'Erevan qui sont prêts a la ratification et a la mise en Å"uvre
sans conditions.
Qu'est-ce que nous avons aujourd'hui, cinq ans après la signature
des protocoles? D'abord, ils ont eu un impact négatif sur les efforts
du Groupe de Minsk de l'OSCE pour faire avancer le processus de paix
du Haut-Karabakh. Deuxièmement, la tension entre Erevan et Ankara
a commencé a monter après la signature des protocoles a un niveau
jamais vu auparavant.
Troisièmement, Moscou a commencé a exploiter cette tension pour
renforcer sensiblement sa présence militaire en Arménie. Le fait que
la Russie a considérablement augmenté son influence politique dans
la région est peut-être le résultat le plus grave des protocoles
de Zurich.
Il est erroné de croire que l'influence croissante russe en
Arménie est conforme a l'intérêt national de la Turquie. En outre,
personne ne croit que si l'Azerbaïdjan attaquait le Haut-Karabakh
et l'Arménie, la base militaire russe a Gumri agirait pour protéger
les intérêts arméniens.
La tension actuelle dans les relations arméno-turques peut se
poursuivre tant que le processus est libre de médiation externe. Les
contacts sans intermédiaire au niveau gouvernemental devraient se
poursuivre, comme la visite d'Edward Nalbandian en Turquie pour
assister a la cérémonie d'investiture du président Erdogan en
aoÃ"t 2014. En fait, ces visites sont plus susceptibles de se produire
après le centenaire du 24 avril [Nota CVAN : Depuis la parution de cet
article, les manÅ"uvres Â" gallipoliennes Â" d'Erdogan et Davutoglu,
ont contribué a crisper davantage les relations arméno-turques].
Parce qu'ils visaient a essayer dès le début de produire un accord
sur le passé, les protocoles de Zurich ne pouvaient pas servir de
base pour la normalisation des relations arméno-turques. Pour faire
entrer la phase post-Zurich dans les relations arméno-turques,
il est clair que les efforts pour réconcilier les questions de
l'histoire devraient être clairement séparés des relations entre
l'Arménie et la Turquie au niveau étatique. Ce n'est qu'une fois
que les relations diplomatiques sont établies entre les deux Etats,
qu'un véritable processus de réconciliation turco-arménienne peut
commencer entre les sociétés (y compris la diaspora).
02 Janvier 2015
* David Shahnazaryan est analyste au Centre d'études régionales
d'Erevan, en Arménie. Il a servi en tant qu'ambassadeur du Président
d'Arménie Levon Ter Petrossian sur les missions spéciales, de 1992 a
95. Il a également été ministre arménien de la Sécurité nationale
en 1994-1995.
Traduction de l'anglais Collectif VAN - 12 janvier 2015 -
www.collectifvan.org
Source/Lien : Hurriyet Daily News
Publié le : 18-02-2015
http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=85837
Info Collectif VAN -www.collectifvan.org - David Shahnazaryan, analyste
du Centre d'études régionales d'Erevan en Arménie, ancien ministre
de la Sécurité nationale d'Arménie dans le gouvernement du premier
président Levon Ter Petrossian, opposant aux gouvernances de Robert
Kotcharian et de Serge Sarkissian, décrit dans la presse turque,
l'évolution des relations entre la Turquie et l'Arménie depuis la
signature des protocoles en octobre 2009. Son texte est une version
abrégée de l'article original paru sur le site Turkish Policy
Quarterly (TPQ) a l'automne 2014. On retrouve dans les thèses
développées ici les positions plus que conciliantes de Levon
Ter Petrossian a l'égard de la Turquie et de la reconnaissance du
génocide arménien. Ce n'est pas par hasard qu'elles paraissent sur
des médias turcs pas franchement en pointe (c'est un euphémisme)
sur la question de la reconnaissance du génocide et l'acceptation
de l'indépendance du Haut-Karabagh. Le Collectif VAN vous propose la
traduction de cet article, publié sur le site turc de langue anglaise,
Hurriyet Daily News, le 2 janvier 2015.
Des voisins nerveux : Cinq ans après les protocoles arméno-turcs
Hurriyet Daily News
DAVID SHAHNAZARYAN
2 janvier 2015
L'évolution des relations entre la Turquie et l'Arménie a impliqué
diverses phases, avec quelques dynamiques contradictoires.
La République turque a été l'un des premiers pays a reconnaître
l'Arménie comme Etat indépendant en 1991. Cela a été suivi de
l'établissement de contacts officiels entre Erevan et Ankara. Après
le coup d'Etat de 1998 qui a porté Robert Kotcharian au pouvoir en
Arménie [Nota CVAN : En réalité, le président Levon Ter-Petrossian
a été poussé a démissionner le 3 février 1998, par Robert
Kotcharian, devenu président de la République d'Arménie par
intérim. Ce dernier a ensuite été élu a ce poste le 30 mars 1998
avec 59,5 % des voix face au candidat communiste Karen Demirtchian],
les relations entre l'Arménie et la Turquie sont entrées dans une
nouvelle phase.
Kotcharian a décidé de réviser certaines dispositions clés
de l'agenda de la politique étrangère du pays, déclarant la
reconnaissance internationale du génocide arménien de 1915 dans
l'Empire ottoman comme axe de sa politique étrangère. En 2005,
le Premier ministre turc de l'époque, Recep Tayyip Erdogan, a
écrit une lettre au président Kotcharian proposant que l'Arménie
et la Turquie établissent un groupe mixte composé d'historiens et
d'autres experts des deux pays pour étudier les développements et
les événements de 1915.
L'intégration de la composante Â" historique Â" dans les relations
officielles arméno-turques s'est produite en 1998, en conditionnant
la résolution des problèmes politiques a celle des questions
historiques.
Cela a considérablement compliqué les relations entre l'Arménie
et la Turquie, qui étaient déja pré-conditionnées par la Turquie
a propos de l'Azerbaïdjan, du conflit du Haut-Karabakh et de la
diaspora arménienne.
Une nouvelle étape dans les relations de l'Arménie et de la Turquie
a commencé en 2008 et a abouti a la signature des protocoles a
Zurich le 10 octobre 2009. Les protocoles de Zurich n'ont pas pris
en considération deux réalités importantes. La première était
la disposition sur la création de la sous-commission d'historiens,
qui liait la normalisation des relations au fait de parvenir a une
évaluation commune de l'histoire arméno-turque. L'autre était le
fait que la réalité du pouvoir politique était sous-estimée.
Les médiateurs internationaux pour la paix et les autorités
de l'Arménie ont essayé de séparer la question du conflit du
Haut-Karabakh du processus de normalisation entre l'Arménie et la
Turquie, tandis que pour les fonctionnaires a Ankara ces questions
étaient, et sont, indivisibles. C'est la raison du refus flagrant de
la Turquie de ratifier les protocoles, contrairement aux fonctionnaires
d'Erevan qui sont prêts a la ratification et a la mise en Å"uvre
sans conditions.
Qu'est-ce que nous avons aujourd'hui, cinq ans après la signature
des protocoles? D'abord, ils ont eu un impact négatif sur les efforts
du Groupe de Minsk de l'OSCE pour faire avancer le processus de paix
du Haut-Karabakh. Deuxièmement, la tension entre Erevan et Ankara
a commencé a monter après la signature des protocoles a un niveau
jamais vu auparavant.
Troisièmement, Moscou a commencé a exploiter cette tension pour
renforcer sensiblement sa présence militaire en Arménie. Le fait que
la Russie a considérablement augmenté son influence politique dans
la région est peut-être le résultat le plus grave des protocoles
de Zurich.
Il est erroné de croire que l'influence croissante russe en
Arménie est conforme a l'intérêt national de la Turquie. En outre,
personne ne croit que si l'Azerbaïdjan attaquait le Haut-Karabakh
et l'Arménie, la base militaire russe a Gumri agirait pour protéger
les intérêts arméniens.
La tension actuelle dans les relations arméno-turques peut se
poursuivre tant que le processus est libre de médiation externe. Les
contacts sans intermédiaire au niveau gouvernemental devraient se
poursuivre, comme la visite d'Edward Nalbandian en Turquie pour
assister a la cérémonie d'investiture du président Erdogan en
aoÃ"t 2014. En fait, ces visites sont plus susceptibles de se produire
après le centenaire du 24 avril [Nota CVAN : Depuis la parution de cet
article, les manÅ"uvres Â" gallipoliennes Â" d'Erdogan et Davutoglu,
ont contribué a crisper davantage les relations arméno-turques].
Parce qu'ils visaient a essayer dès le début de produire un accord
sur le passé, les protocoles de Zurich ne pouvaient pas servir de
base pour la normalisation des relations arméno-turques. Pour faire
entrer la phase post-Zurich dans les relations arméno-turques,
il est clair que les efforts pour réconcilier les questions de
l'histoire devraient être clairement séparés des relations entre
l'Arménie et la Turquie au niveau étatique. Ce n'est qu'une fois
que les relations diplomatiques sont établies entre les deux Etats,
qu'un véritable processus de réconciliation turco-arménienne peut
commencer entre les sociétés (y compris la diaspora).
02 Janvier 2015
* David Shahnazaryan est analyste au Centre d'études régionales
d'Erevan, en Arménie. Il a servi en tant qu'ambassadeur du Président
d'Arménie Levon Ter Petrossian sur les missions spéciales, de 1992 a
95. Il a également été ministre arménien de la Sécurité nationale
en 1994-1995.
Traduction de l'anglais Collectif VAN - 12 janvier 2015 -
www.collectifvan.org
Source/Lien : Hurriyet Daily News