2015 : CAP SUR LES REPARATIONS DU GENOCIDE ARMENIEN
Publie le : 23-02-2015
http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=85989
Info Collectif VAN -www.collectifvan.org - Le Collectif VAN vous
propose cet article de Raffi Kalfayan, juriste, ancien secretaire
general de la Federation internationale des ligues des droits de
l'homme (FIDH) publie sur le site Repair le 12 fevrier 2015.
Repair
jeudi 12 fevrier 2015
Point de vue de la Diaspora
2015 : cap sur les reparations du Genocide Armenien
Raffi Kalfayan Juriste, ancien secretaire general de la Federation
internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH)
L'annee 2015 est a la fois l'annee des opportunites pour la cause
armenienne mais aussi celle de tous les dangers pour la politique
interieure et exterieure de l'Armenie. Or, les initiatives sur le
front de la cause armenienne requièrent un consensus transnational
armenien. Pour l'heure, les attentes, très fortes, de la diaspora
sont sensiblement decues tant par l'absence d'anticipation que par le
manque de visibilite des actions entreprises, que ce soit par l'Etat
armenien, les principales institutions politiques de la diaspora,
mais aussi, par le comite unifie du centenaire ; ce qui n'est point
une surprise : cela fait plus de deux ans que des voix s'elèvent en
diaspora pour denoncer l'absence de leadership, la passivite, et la
neutralisation des bonnes volontes.
Les militants ayant horreur du vide, des initiatives diverses,
nourries de bonnes intentions, prolifèrent, grâce a des financements,
qui ne sont pas totalement fortuits ni denues precisement d'objectifs
politiques de la part des sources bienfaitrices. Ces activites sont
principalement axees sur les pretendus dialogue et reconciliation
entre les societes civiles turque et armenienne, comme si tout
un chacun avait besoin de ces programmes pour dialoguer. D'autres
initiatives, plus audacieuses, certes, mais encore plus sujettes
aux manipulations, tels les groupes representant pretendument
l'Armenie occidentale essayent d'entrer en negociation directe
avec les autorites turques. Enfin, les declarations associatives
ou individuelles en diaspora comme en Armenie se multiplient dans
tous les sens. La plupart paraissent cependant aussi irrealistes
politiquement qu'infondees en droit.
Sans entrer dans le detail, il est utile de rappeler certaines
evidences juridiques. Les crimes commis sur la population armenienne
ne peuvent plus faire l'objet d'un procès penal : les organisateurs,
auteurs ou complices des massacres sont tous morts ; leurs victimes
et les temoins aussi. Par ailleurs, les procès ottomans de 1919 (>) ont deja juge et condamne les principaux
responsables des crimes de masse commis a l'encontre de la population
armenienne dans l'Empire ottoman. Deuxièmement, la Cour internationale
de justice est un tribunal interetatique dont seuls les Etats-parties,
l'Assemblee generale des Nations Unies ou le Conseil de securite
peuvent se saisir. La double question qui se pose alors est la suivante
: le genocide armenien de 1915-1916 est-il un differend entre l'Etat
turc et l'Etat armenien ? Rappelons que ce dernier n'existait pas a
cette epoque. A supposer qu'il [l'Armenie] soit accepte comme sujet
de droit, et qu'on lui reconnaisse son interet a agir, quels moyens
en droit mettrait-il en avant ? Rappelons ici que toute procedure
requiert que l'Etat adverse accepte le principe et les termes de la
saisine, sauf a ce que cela lui soit impose par les Nations Unies ou
le Conseil de securite. Cette procedure suppose, dans tous les cas,
que la responsabilite internationale de l'Etat turco-ottoman soit
etablie dans les massacres et deportations commis en 1915-1916 ;
un element qui sera conteste par la Turquie, mais dont les preuves
existantes sont suffisantes.
En parallèle, nous constatons que les actions en reconnaissance du
genocide armenien par des gouvernements ou des parlements etrangers
ont marque le pas ces dix dernières annees ; le discours apaisant
de la Turquie et les protocoles armeno-turcs d'octobre 2009 ne sont
pas etrangers a ce resultat. A la veille de 2015, nous assistons a
un regain d'activites mais dans des forums sans grande importance
strategique, et le phenomène promet d'etre ephemère et illusoire pour
deux raisons principales.
La première tient au fait que la Turquie ne veut pas admettre et combat
avec force moyens financiers et diplomatiques toute reconnaissance
juridique de ses crimes sous le qualificatif de genocide ou de crime
contre l'humanite. Elle prefère evoquer les souffrances endurees par
la population armenienne et le caractère inhumain des transferts
de populations pendant la periode troublee de la première guerre
mondiale. En admettant de facto la qualification et la culpabilite de
> (crimes ayant deja une realite juridique en
1915, meme s'ils n'etaient pas codifies de manière extensive), elle
se donne ainsi les moyens d'elaborer une demande reconventionnelle en
reparation des dommages subis par la population turque musulmane dans
l'est anatolien, du fait des actions de bandes armees armeniennes ou de
legions armeniennes soutenues par l'armee russe ; des evenements reels
qui ne sont bien evidemment pas pertinents pour la periode 1915-1916,
mais, qui, replaces dans le cadre plus large de la guerre 1914-1918,
constitueraient des motifs suffisants pour appuyer leur demande.
La seconde raison tient au fait que la Turquie reste plus que jamais,
actuellement, un pilier incontournable de la diplomatie internationale,
en particulier au proche et au moyen Orient. A ce titre, les
Etats-Unis, Israël, et la Grande Bretagne (voir la note emise par
le Foreign Office le 9 decembre 2014), d'une part, et la Russie,
d'autre part, en competition pour s'imposer diplomatiquement dans
cette region, maintiennent bon gre mal gre un partenariat strategique
avec la Turquie. Il y a donc peu d'espoir pour que ces pays modifient
leur ligne de conduite et engagent par eux-memes des actions, ou
soutiennent celles de l'Armenie, en faveur de la reconnaissance
politique du genocide.
Cette impunite de fait offre a la Turquie l'opportunite de renforcer
son entreprise de negation du genocide et de dissemination de sa
version falsifiee de l'histoire. L'irruption de l'Azerbaïdjan dans
cette entreprise a renforce les capacites de nuisance de la Turquie,
meme si le caractère haineux, raciste et extremiste de la politique
azerbaïdjanaise envers les Armeniens gene de plus en plus la Turquie.
Les forces politiques en diaspora admettent plus ou moins l'enlisement
du processus de reconnaissance du genocide armenien dans le monde ;
l'inegalite des moyens etatiques et financiers est criante. Cette
reconnaissance etait pourtant largement acquise auprès des opinions
publiques et des milieux scientifiques dans le monde, et 2015 en sera
le point d'orgue. Le problème se pose deja pour l'après-2015. Il se
pose aussi dans une certaine mesure pour 2015, car la Turquie fait
tout son possible pour contrecarrer la portee mediatique et politique
de la commemoration des massacres et deportations de 1915-1916. Ses
initiatives ont demarre bien en amont.
Le dialogue et la reconciliation : tactique doublement gagnante pour
la Turquie
Cette strategie a demarre en 2004, lorsque la Turquie etait engagee
dans son entreprise de seduction de l'Union europeenne. Elle en a
compris tout l'interet strategique, et les Etats Unis et la Commission
europeenne, directement interesses a un retablissement de relations
diplomatiques et a un rapprochement entre les societes civiles des
deux pays en ont apporte les financements. Pour les Occidentaux,
cette strategie vise a marginaliser les pretendus extremistes de
la diaspora pour privilegier un dialogue direct avec une Armenie
affaiblie. Pour l' > avide d'aides financières,
cela represente une manne directe et immediate (rien que pour l'annee
2015, environ 2 millions EURO ont ete donnes a des ONG armenienne et
turque). La Turquie en tire le dividende politique.
Ce processus detourne en effet la partie armenienne des problèmes
politiques qui constituent le fond du differend. Par ailleurs ces
initiatives ne touchent qu'une frange infinitesimale de la population
turque, ce qui sur une longue duree, en tenant compte du dynamisme
demographique et economique de la population turque, tournee vers
l'avenir plutôt que sur son passe, fragilise les effets hypothetiques
sur lesquels certains Armeniens misent.
Les programmes de dialogue et d'echange interculturel et
intercommunautaire sont finances par l'Union europeenne et les aides
publique ou privee americaines, mais aussi, ce qui est plus recent,
par des fondations privees armenienne et turque. Ces programmes
n'existeraient pas sans ces aides. Nous pouvons lire ces dernières
semaines des declarations d'autosatisfaction, y compris de la part
de militants sincères de la cause armenienne, sans que l'impact
de ces initiatives ne soit veritablement demontre ni mesure
(outreach). Il conviendrait a ce propos que la recrudescence de
la propagande negationniste et l'activisme politico-juridique des
elements paraetatiques turcs ne soient pas occultes ; Rappelons que
cet activisme politico-juridique s'est manifeste en France a travers
des procès intentes a des militants de la cause armenienne ou a des
parlementaires amis de celle-ci. Aux Etats Unis, où les > (watchdogs) de la thèse officielle turque sur le genocide
armenien sont institutionnellement organises, il se manifeste de
manière systematique, politiquement et juridiquement dans la vie
publique americaine, et paradoxalement tetanise les Universites.
L'attaque deborde le seul debat relatif au genocide ; les scribes a
la solde de l'Etat turc presentent les Armeniens comme antisemites
dans la presse americaine et israelienne.
Autre effet indirect de ces plateformes programmatiques, elles ont
permis a la Turquie, d'une part, de collecter des renseignements
et des reflexions utiles pour alimenter ses analyses strategiques,
et, d'autre part, d'identifier certains Armeniens de diaspora, avec
lesquels la Turquie a decide d'engager cette fois-ci de manière
officielle une forme de cooperation plus directe (voir l'editorial
d'Harout Sassounian du 10 avril 2012). Ce phenomène, qui a demarre
aux Etats Unis a commence plus tardivement en Europe, mais il est
maintenant en ordre de bataille.
Enfin, l'action diplomatique de la Turquie revet les apprets d'un
discours apaisant et d'ouverture : le rappel du souvenir des annees > de la cohabitation dans l'Empire ottoman, l'expression
d'une >, et meme la reconnaissance du caractère
inhumain des deplacements de la population armenienne. Ce scenario
n'est pas nouveau (il existe depuis au moins huit ans), mais sa mise en
scène progressive cache une menace, reelle, celle d'une reconnaissance
publique et officielle a minima, comme celle qui se profile depuis
quelque temps deja, celle des excuses pour les souffrances endurees
par les populations armeniennes pendant la première guerre mondiale,
accompagnee de la restitution des proprietes et edifices appartenant
aux institutions religieuses armeniennes ; Un decret gouvernemental
a deja resolu, en 2011, le cas des proprietes et biens appartenant
aux fondations des minorites religieuses et culturelles armeniennes
(les Vakfi, institutions creees par edits imperiaux) en exigeant la
restitution des biens qui sont entres dans leur capital entre 1936
et 2007 et qu'on leur avait confisques a partir de 1974.
La Turquie pourrait aisement convaincre les gouvernements etrangers
que ces excuses et restitutions constituent un compromis honorable
et suffisent a rendre justice, ce qui placerait la nation armenienne
desireuse d'obtenir plus dans une position très difficile. Pour eviter
une telle issue et ne pas laisser la Turquie dicter seule l'avenir,
une strategie offensive s'impose du côte armenien. Elle doit anticiper
et mobiliser et faire l'objet d'un consensus pan-armenien. 2015
represente une formidable fenetre d'opportunites politiques pour
s'engager precisement dans cette direction et abandonner la politique
reactive et defensive. Mais la fenetre est etroite et il ne faut
pas la manquer. C'est l'occasion de deplacer la bataille politique
et diplomatique sur un nouveau terrain, de rappeler aux grandes
puissances : USA, France, Grande-Bretagne, Russie, mais en premier
l'Allemagne leurs dettes et obligations, et d'exploiter la diaspora
comme fer de lance de cette nouvelle politique. L'Etat armenien est
contraint diplomatiquement par le conflit lie au Nagorno-Karabagh
(la Turquie conditionne l'ouverture de sa frontière ou la ratification
des protocoles avec l'Armenie a l'evacuation de certains territoires)
et par sa dependance totale vis-a-vis de la Russie ; un partenaire
dominant qui vient de signer un partenariat strategique au niveau
politique et economique regional avec la Turquie.
La diaspora, qui est soit endormie, soit lassee des impasses politiques
sur le plan de la politique interieure comme exterieure de l'Armenie,
dans sa quete permanente de justice attend une action d'envergure
qui ouvrirait de nouvelles perspectives militantes et politiques ;
mais aussi une occasion de mobiliser chaque famille, et de faire
travailler intelligemment en etroite coordination les forces politiques
et diplomatiques d'Armenie et de diaspora.
Le lancement d'un processus de demande en reparations est l'option
politique et juridique qui repond a ces attentes et critères. Il
permettrait de se desengager de la double impasse actuelle que sont
le caractère illusoire d'une reconnaissance politique officielle du
genocide par la Turquie, d'une part, et la difficulte qu'il y a, sur
le plan strictement juridique, a qualifier les massacres et atrocites
de 1915 de genocide, d'autre part.
Les reparations sont la > de la cause
armenienne1
Le moyen strategique qui s'impose est celui d'engager, sur plusieurs
fronts, des initiatives juridico-politiques visant a obtenir des
reparations. Il ne serait pas judicieux d'evoquer publiquement et
de livrer a l'adversite les objectifs, les moyens et les arguments
juridiques qui les sous-tendent. Il convient cependant de relever
plusieurs idees recues, totalement erronees sur cette question.
La première consiste a croire que la reconnaissance officielle du
genocide par la Turquie en tant que crime qualifie comme tel est
une condition necessaire pour initier des demandes en reparations
financières et morales pour les crimes commis en 1915-1916 par l'Etat
turco-ottoman, et pour les dommages causes aux biens et richesses
de la nation armenienne a travers les spoliations, destructions et
confiscations. Il n'en est rien en droit international public. Le
crime d'Etat est etabli et peut etre prouve et quel que soit sa
qualification, il ouvre droit a reparation a ses victimes, ou plutôt,
cent ans après, aux ayants droit de ces dernières. La deuxième
idee fausse est que la Turquie craindrait plus les revendications
territoriales armeniennes que les demandes en reparations. Les
Armeniens ne doivent pas se mentir a eux-memes. L'Armenie est un
micro-Etat, deja englue dans un conflit militaire avec l'Azerbaïdjan,
et confronte a une grogne montante sur le plan interieur. A-t-elle
aujourd'hui une puissance politique et militaire qui puisse soutenir
de telles revendications ? l'Armenie ne trouverait par ailleurs pas
d'alliances dans cette entreprise.
Les solutions existent et un plan d'actions juridico-politiques
est meme pret, y compris dans ses aspects operationnels. Des
groupes d'etudes, complementaires les uns des autres : Armenian
Genocide Reparations Study Group (AGRSG) et Armenian Genocide
International Reparation (AGIR) en diaspora, et en Armenie le
Groupe d'etude juridique sous la coordination du President de la
Cour constitutionnelle d'Armenie, ont travaille sur le sujet. Le
Catholicos Aram I a, de son côte, organise une importance conference
sur le sujet a Beyrouth en 2012.
La strategie doit reposer sur des bases juridiques solides et lucides
et ne pas compter sur le soutien de pays tiers. Elle doit etre
elaboree de telle manière qu'elle ne puisse porter prejudice ni aux
revendications territoriales de l'Armenie (L'Etat etant le seul sujet
de droit pouvant agir sur cette question, en droit international), ni
aux actions continues de reconnaissance politique du genocide par la
Turquie ou par d'autres pays. Cette qualification, comme nous l'avons
dit plus haut, n'est pas une condition necessaire pour demander des
reparations. Par ailleurs, le concept de reparation est très large et
contient des aspects materiels et moraux. Les aspects moraux incluent
entre autres la reconnaissance de culpabilite, la demande de pardon,
l'arret de la negation des faits, une politique educative appropriee.
Pour bien comprendre que l'enjeu pecuniaire est autrement plus
contraignant et inquietant pour l'Etat turc, il suffit d'observer les
montants des indemnisations obtenues de l'Allemagne par l'institution
mise en place par les Juifs survivants de l'Holocauste (la Claims
Conference), soit 60 milliards de dollars, et du resultat de la
negociation directe et parallèle entre l'Etat d'Israël et l'Allemagne,
soit 3 milliards de deutschemarks en 1952, au titre et pour le compte
des victimes n'ayant pas d'heritiers. Les demandes d'indemnisation
se poursuivent encore aujourd'hui (cf. l'accord SNCF/Le gouvernement
des Etats Unis). Une fois le processus lance, le champ des requetes
possibles depasse l'imagination.
L'etude publiee par Armenian Genocide Reparations Study Group (AGRSG),
qui s'est attachee a definir et a mesurer les reparations dans toutes
ses dimensions dans le cas du genocide armenien, a fait une première
estimation des dommages, en actualisant les montants indiques dans
les conferences preparatoires au Traite de Sèvres (1920), avance
un montant d'indemnisation proche des 100 milliards de dollars. Des
methodes plus modernes de calcul permettront d'affiner ces chiffres.
Ces derniers sont bien presents dans l'esprit des dirigeants turcs,
mais aussi chez les > turcs proches des Armeniens,
qui evacuent vite la question d'un revers de la main quand elle est
abordee. La strategie doit appuyer la où cela fait mal. Cela necessite
d'avancer de manière dûment reflechie et structuree. En droit, rien
n'est simple, ni le sens des mots ni l'interaction entre principes,
surtout quand s'y melent, en l'espèce, droit local, droit regional
et droit international. Le droit ecrit est de surcroît soumis a
l'interpretation des hommes qui rendent justice, avec toutes les
incertitudes et erreurs qui peuvent accompagner leur jugement. La
justice internationale est particulièrement liee aux relations
internationales. Les recours deposes aux Etats Unis dans l'affaire
Movsesian et autres ont montre les limites de la justice federale
quand la diplomatie s'en mele.
La question qui se pose alors est : si tout est pret, pourquoi aucune
demarche ou decision politique a la hauteur des enjeux n'ont encore
ete annoncees ?
La situation politique, economique et sociale du pays atteint un etat
de desolation sans pareil : la guerre avec le voisin azerbaïdjanais a
repris sur les lignes frontalières et le rapprochement de l'Azerbaïdjan
avec la Russie et la Turquie ne peut qu'inquieter ; l'adhesion,
dans des conditions humiliantes, a l'Union economique eurasienne,
sous la pression de la Russie, a consacre la rupture d'un equilibre
diplomatique entre blocs mais il se traduit deja par une menace de
chaos economique et monetaire ; la Russie entrainant l'Armenie dans
sa descente aux enfers. La grogne economique et sociale a l'interieur
pousse, en raison de l'inflation des prix, et le nombre de candidats a
l'emigration augmente encore. Pour couronner le tout, il est observe un
regain de repression des droits et libertes politiques. Par mimetisme
du modèle russe, les attaques physiques sur les militants et opposants
et les arrestations de manifestants ont repris et l'Armenie elabore
des lois liberticides visant a contrôler les sources de financement
des ONG et les sources d'information des journalistes.
C'est donc dans un tel contexte qu'il faut reunir un consensus national
sur le plan d'actions juridico-politiques. La prochaine echeance qu'il
conviendra d'observer est le 29 janvier 2015, date de la prochaine
assemblee plenière du comite du centenaire. Les speculations sur la
venue d'une haute autorite turque aux commemorations du 24 avril a
Erevan ne font que renforcer la pertinence et l'urgence d'une annonce
officielle de lancement de la campagne de demandes en reparations.
Cet article a ete publie dans Les Nouvelles d'Armenie Magazine du 19
decembre 2014.
1. Reparations: The New Frontier of the Armenian Cause and its
Challenges
Source/Lien : Repair
From: Baghdasarian
Publie le : 23-02-2015
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propose cet article de Raffi Kalfayan, juriste, ancien secretaire
general de la Federation internationale des ligues des droits de
l'homme (FIDH) publie sur le site Repair le 12 fevrier 2015.
Repair
jeudi 12 fevrier 2015
Point de vue de la Diaspora
2015 : cap sur les reparations du Genocide Armenien
Raffi Kalfayan Juriste, ancien secretaire general de la Federation
internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH)
L'annee 2015 est a la fois l'annee des opportunites pour la cause
armenienne mais aussi celle de tous les dangers pour la politique
interieure et exterieure de l'Armenie. Or, les initiatives sur le
front de la cause armenienne requièrent un consensus transnational
armenien. Pour l'heure, les attentes, très fortes, de la diaspora
sont sensiblement decues tant par l'absence d'anticipation que par le
manque de visibilite des actions entreprises, que ce soit par l'Etat
armenien, les principales institutions politiques de la diaspora,
mais aussi, par le comite unifie du centenaire ; ce qui n'est point
une surprise : cela fait plus de deux ans que des voix s'elèvent en
diaspora pour denoncer l'absence de leadership, la passivite, et la
neutralisation des bonnes volontes.
Les militants ayant horreur du vide, des initiatives diverses,
nourries de bonnes intentions, prolifèrent, grâce a des financements,
qui ne sont pas totalement fortuits ni denues precisement d'objectifs
politiques de la part des sources bienfaitrices. Ces activites sont
principalement axees sur les pretendus dialogue et reconciliation
entre les societes civiles turque et armenienne, comme si tout
un chacun avait besoin de ces programmes pour dialoguer. D'autres
initiatives, plus audacieuses, certes, mais encore plus sujettes
aux manipulations, tels les groupes representant pretendument
l'Armenie occidentale essayent d'entrer en negociation directe
avec les autorites turques. Enfin, les declarations associatives
ou individuelles en diaspora comme en Armenie se multiplient dans
tous les sens. La plupart paraissent cependant aussi irrealistes
politiquement qu'infondees en droit.
Sans entrer dans le detail, il est utile de rappeler certaines
evidences juridiques. Les crimes commis sur la population armenienne
ne peuvent plus faire l'objet d'un procès penal : les organisateurs,
auteurs ou complices des massacres sont tous morts ; leurs victimes
et les temoins aussi. Par ailleurs, les procès ottomans de 1919 (>) ont deja juge et condamne les principaux
responsables des crimes de masse commis a l'encontre de la population
armenienne dans l'Empire ottoman. Deuxièmement, la Cour internationale
de justice est un tribunal interetatique dont seuls les Etats-parties,
l'Assemblee generale des Nations Unies ou le Conseil de securite
peuvent se saisir. La double question qui se pose alors est la suivante
: le genocide armenien de 1915-1916 est-il un differend entre l'Etat
turc et l'Etat armenien ? Rappelons que ce dernier n'existait pas a
cette epoque. A supposer qu'il [l'Armenie] soit accepte comme sujet
de droit, et qu'on lui reconnaisse son interet a agir, quels moyens
en droit mettrait-il en avant ? Rappelons ici que toute procedure
requiert que l'Etat adverse accepte le principe et les termes de la
saisine, sauf a ce que cela lui soit impose par les Nations Unies ou
le Conseil de securite. Cette procedure suppose, dans tous les cas,
que la responsabilite internationale de l'Etat turco-ottoman soit
etablie dans les massacres et deportations commis en 1915-1916 ;
un element qui sera conteste par la Turquie, mais dont les preuves
existantes sont suffisantes.
En parallèle, nous constatons que les actions en reconnaissance du
genocide armenien par des gouvernements ou des parlements etrangers
ont marque le pas ces dix dernières annees ; le discours apaisant
de la Turquie et les protocoles armeno-turcs d'octobre 2009 ne sont
pas etrangers a ce resultat. A la veille de 2015, nous assistons a
un regain d'activites mais dans des forums sans grande importance
strategique, et le phenomène promet d'etre ephemère et illusoire pour
deux raisons principales.
La première tient au fait que la Turquie ne veut pas admettre et combat
avec force moyens financiers et diplomatiques toute reconnaissance
juridique de ses crimes sous le qualificatif de genocide ou de crime
contre l'humanite. Elle prefère evoquer les souffrances endurees par
la population armenienne et le caractère inhumain des transferts
de populations pendant la periode troublee de la première guerre
mondiale. En admettant de facto la qualification et la culpabilite de
> (crimes ayant deja une realite juridique en
1915, meme s'ils n'etaient pas codifies de manière extensive), elle
se donne ainsi les moyens d'elaborer une demande reconventionnelle en
reparation des dommages subis par la population turque musulmane dans
l'est anatolien, du fait des actions de bandes armees armeniennes ou de
legions armeniennes soutenues par l'armee russe ; des evenements reels
qui ne sont bien evidemment pas pertinents pour la periode 1915-1916,
mais, qui, replaces dans le cadre plus large de la guerre 1914-1918,
constitueraient des motifs suffisants pour appuyer leur demande.
La seconde raison tient au fait que la Turquie reste plus que jamais,
actuellement, un pilier incontournable de la diplomatie internationale,
en particulier au proche et au moyen Orient. A ce titre, les
Etats-Unis, Israël, et la Grande Bretagne (voir la note emise par
le Foreign Office le 9 decembre 2014), d'une part, et la Russie,
d'autre part, en competition pour s'imposer diplomatiquement dans
cette region, maintiennent bon gre mal gre un partenariat strategique
avec la Turquie. Il y a donc peu d'espoir pour que ces pays modifient
leur ligne de conduite et engagent par eux-memes des actions, ou
soutiennent celles de l'Armenie, en faveur de la reconnaissance
politique du genocide.
Cette impunite de fait offre a la Turquie l'opportunite de renforcer
son entreprise de negation du genocide et de dissemination de sa
version falsifiee de l'histoire. L'irruption de l'Azerbaïdjan dans
cette entreprise a renforce les capacites de nuisance de la Turquie,
meme si le caractère haineux, raciste et extremiste de la politique
azerbaïdjanaise envers les Armeniens gene de plus en plus la Turquie.
Les forces politiques en diaspora admettent plus ou moins l'enlisement
du processus de reconnaissance du genocide armenien dans le monde ;
l'inegalite des moyens etatiques et financiers est criante. Cette
reconnaissance etait pourtant largement acquise auprès des opinions
publiques et des milieux scientifiques dans le monde, et 2015 en sera
le point d'orgue. Le problème se pose deja pour l'après-2015. Il se
pose aussi dans une certaine mesure pour 2015, car la Turquie fait
tout son possible pour contrecarrer la portee mediatique et politique
de la commemoration des massacres et deportations de 1915-1916. Ses
initiatives ont demarre bien en amont.
Le dialogue et la reconciliation : tactique doublement gagnante pour
la Turquie
Cette strategie a demarre en 2004, lorsque la Turquie etait engagee
dans son entreprise de seduction de l'Union europeenne. Elle en a
compris tout l'interet strategique, et les Etats Unis et la Commission
europeenne, directement interesses a un retablissement de relations
diplomatiques et a un rapprochement entre les societes civiles des
deux pays en ont apporte les financements. Pour les Occidentaux,
cette strategie vise a marginaliser les pretendus extremistes de
la diaspora pour privilegier un dialogue direct avec une Armenie
affaiblie. Pour l' > avide d'aides financières,
cela represente une manne directe et immediate (rien que pour l'annee
2015, environ 2 millions EURO ont ete donnes a des ONG armenienne et
turque). La Turquie en tire le dividende politique.
Ce processus detourne en effet la partie armenienne des problèmes
politiques qui constituent le fond du differend. Par ailleurs ces
initiatives ne touchent qu'une frange infinitesimale de la population
turque, ce qui sur une longue duree, en tenant compte du dynamisme
demographique et economique de la population turque, tournee vers
l'avenir plutôt que sur son passe, fragilise les effets hypothetiques
sur lesquels certains Armeniens misent.
Les programmes de dialogue et d'echange interculturel et
intercommunautaire sont finances par l'Union europeenne et les aides
publique ou privee americaines, mais aussi, ce qui est plus recent,
par des fondations privees armenienne et turque. Ces programmes
n'existeraient pas sans ces aides. Nous pouvons lire ces dernières
semaines des declarations d'autosatisfaction, y compris de la part
de militants sincères de la cause armenienne, sans que l'impact
de ces initiatives ne soit veritablement demontre ni mesure
(outreach). Il conviendrait a ce propos que la recrudescence de
la propagande negationniste et l'activisme politico-juridique des
elements paraetatiques turcs ne soient pas occultes ; Rappelons que
cet activisme politico-juridique s'est manifeste en France a travers
des procès intentes a des militants de la cause armenienne ou a des
parlementaires amis de celle-ci. Aux Etats Unis, où les > (watchdogs) de la thèse officielle turque sur le genocide
armenien sont institutionnellement organises, il se manifeste de
manière systematique, politiquement et juridiquement dans la vie
publique americaine, et paradoxalement tetanise les Universites.
L'attaque deborde le seul debat relatif au genocide ; les scribes a
la solde de l'Etat turc presentent les Armeniens comme antisemites
dans la presse americaine et israelienne.
Autre effet indirect de ces plateformes programmatiques, elles ont
permis a la Turquie, d'une part, de collecter des renseignements
et des reflexions utiles pour alimenter ses analyses strategiques,
et, d'autre part, d'identifier certains Armeniens de diaspora, avec
lesquels la Turquie a decide d'engager cette fois-ci de manière
officielle une forme de cooperation plus directe (voir l'editorial
d'Harout Sassounian du 10 avril 2012). Ce phenomène, qui a demarre
aux Etats Unis a commence plus tardivement en Europe, mais il est
maintenant en ordre de bataille.
Enfin, l'action diplomatique de la Turquie revet les apprets d'un
discours apaisant et d'ouverture : le rappel du souvenir des annees > de la cohabitation dans l'Empire ottoman, l'expression
d'une >, et meme la reconnaissance du caractère
inhumain des deplacements de la population armenienne. Ce scenario
n'est pas nouveau (il existe depuis au moins huit ans), mais sa mise en
scène progressive cache une menace, reelle, celle d'une reconnaissance
publique et officielle a minima, comme celle qui se profile depuis
quelque temps deja, celle des excuses pour les souffrances endurees
par les populations armeniennes pendant la première guerre mondiale,
accompagnee de la restitution des proprietes et edifices appartenant
aux institutions religieuses armeniennes ; Un decret gouvernemental
a deja resolu, en 2011, le cas des proprietes et biens appartenant
aux fondations des minorites religieuses et culturelles armeniennes
(les Vakfi, institutions creees par edits imperiaux) en exigeant la
restitution des biens qui sont entres dans leur capital entre 1936
et 2007 et qu'on leur avait confisques a partir de 1974.
La Turquie pourrait aisement convaincre les gouvernements etrangers
que ces excuses et restitutions constituent un compromis honorable
et suffisent a rendre justice, ce qui placerait la nation armenienne
desireuse d'obtenir plus dans une position très difficile. Pour eviter
une telle issue et ne pas laisser la Turquie dicter seule l'avenir,
une strategie offensive s'impose du côte armenien. Elle doit anticiper
et mobiliser et faire l'objet d'un consensus pan-armenien. 2015
represente une formidable fenetre d'opportunites politiques pour
s'engager precisement dans cette direction et abandonner la politique
reactive et defensive. Mais la fenetre est etroite et il ne faut
pas la manquer. C'est l'occasion de deplacer la bataille politique
et diplomatique sur un nouveau terrain, de rappeler aux grandes
puissances : USA, France, Grande-Bretagne, Russie, mais en premier
l'Allemagne leurs dettes et obligations, et d'exploiter la diaspora
comme fer de lance de cette nouvelle politique. L'Etat armenien est
contraint diplomatiquement par le conflit lie au Nagorno-Karabagh
(la Turquie conditionne l'ouverture de sa frontière ou la ratification
des protocoles avec l'Armenie a l'evacuation de certains territoires)
et par sa dependance totale vis-a-vis de la Russie ; un partenaire
dominant qui vient de signer un partenariat strategique au niveau
politique et economique regional avec la Turquie.
La diaspora, qui est soit endormie, soit lassee des impasses politiques
sur le plan de la politique interieure comme exterieure de l'Armenie,
dans sa quete permanente de justice attend une action d'envergure
qui ouvrirait de nouvelles perspectives militantes et politiques ;
mais aussi une occasion de mobiliser chaque famille, et de faire
travailler intelligemment en etroite coordination les forces politiques
et diplomatiques d'Armenie et de diaspora.
Le lancement d'un processus de demande en reparations est l'option
politique et juridique qui repond a ces attentes et critères. Il
permettrait de se desengager de la double impasse actuelle que sont
le caractère illusoire d'une reconnaissance politique officielle du
genocide par la Turquie, d'une part, et la difficulte qu'il y a, sur
le plan strictement juridique, a qualifier les massacres et atrocites
de 1915 de genocide, d'autre part.
Les reparations sont la > de la cause
armenienne1
Le moyen strategique qui s'impose est celui d'engager, sur plusieurs
fronts, des initiatives juridico-politiques visant a obtenir des
reparations. Il ne serait pas judicieux d'evoquer publiquement et
de livrer a l'adversite les objectifs, les moyens et les arguments
juridiques qui les sous-tendent. Il convient cependant de relever
plusieurs idees recues, totalement erronees sur cette question.
La première consiste a croire que la reconnaissance officielle du
genocide par la Turquie en tant que crime qualifie comme tel est
une condition necessaire pour initier des demandes en reparations
financières et morales pour les crimes commis en 1915-1916 par l'Etat
turco-ottoman, et pour les dommages causes aux biens et richesses
de la nation armenienne a travers les spoliations, destructions et
confiscations. Il n'en est rien en droit international public. Le
crime d'Etat est etabli et peut etre prouve et quel que soit sa
qualification, il ouvre droit a reparation a ses victimes, ou plutôt,
cent ans après, aux ayants droit de ces dernières. La deuxième
idee fausse est que la Turquie craindrait plus les revendications
territoriales armeniennes que les demandes en reparations. Les
Armeniens ne doivent pas se mentir a eux-memes. L'Armenie est un
micro-Etat, deja englue dans un conflit militaire avec l'Azerbaïdjan,
et confronte a une grogne montante sur le plan interieur. A-t-elle
aujourd'hui une puissance politique et militaire qui puisse soutenir
de telles revendications ? l'Armenie ne trouverait par ailleurs pas
d'alliances dans cette entreprise.
Les solutions existent et un plan d'actions juridico-politiques
est meme pret, y compris dans ses aspects operationnels. Des
groupes d'etudes, complementaires les uns des autres : Armenian
Genocide Reparations Study Group (AGRSG) et Armenian Genocide
International Reparation (AGIR) en diaspora, et en Armenie le
Groupe d'etude juridique sous la coordination du President de la
Cour constitutionnelle d'Armenie, ont travaille sur le sujet. Le
Catholicos Aram I a, de son côte, organise une importance conference
sur le sujet a Beyrouth en 2012.
La strategie doit reposer sur des bases juridiques solides et lucides
et ne pas compter sur le soutien de pays tiers. Elle doit etre
elaboree de telle manière qu'elle ne puisse porter prejudice ni aux
revendications territoriales de l'Armenie (L'Etat etant le seul sujet
de droit pouvant agir sur cette question, en droit international), ni
aux actions continues de reconnaissance politique du genocide par la
Turquie ou par d'autres pays. Cette qualification, comme nous l'avons
dit plus haut, n'est pas une condition necessaire pour demander des
reparations. Par ailleurs, le concept de reparation est très large et
contient des aspects materiels et moraux. Les aspects moraux incluent
entre autres la reconnaissance de culpabilite, la demande de pardon,
l'arret de la negation des faits, une politique educative appropriee.
Pour bien comprendre que l'enjeu pecuniaire est autrement plus
contraignant et inquietant pour l'Etat turc, il suffit d'observer les
montants des indemnisations obtenues de l'Allemagne par l'institution
mise en place par les Juifs survivants de l'Holocauste (la Claims
Conference), soit 60 milliards de dollars, et du resultat de la
negociation directe et parallèle entre l'Etat d'Israël et l'Allemagne,
soit 3 milliards de deutschemarks en 1952, au titre et pour le compte
des victimes n'ayant pas d'heritiers. Les demandes d'indemnisation
se poursuivent encore aujourd'hui (cf. l'accord SNCF/Le gouvernement
des Etats Unis). Une fois le processus lance, le champ des requetes
possibles depasse l'imagination.
L'etude publiee par Armenian Genocide Reparations Study Group (AGRSG),
qui s'est attachee a definir et a mesurer les reparations dans toutes
ses dimensions dans le cas du genocide armenien, a fait une première
estimation des dommages, en actualisant les montants indiques dans
les conferences preparatoires au Traite de Sèvres (1920), avance
un montant d'indemnisation proche des 100 milliards de dollars. Des
methodes plus modernes de calcul permettront d'affiner ces chiffres.
Ces derniers sont bien presents dans l'esprit des dirigeants turcs,
mais aussi chez les > turcs proches des Armeniens,
qui evacuent vite la question d'un revers de la main quand elle est
abordee. La strategie doit appuyer la où cela fait mal. Cela necessite
d'avancer de manière dûment reflechie et structuree. En droit, rien
n'est simple, ni le sens des mots ni l'interaction entre principes,
surtout quand s'y melent, en l'espèce, droit local, droit regional
et droit international. Le droit ecrit est de surcroît soumis a
l'interpretation des hommes qui rendent justice, avec toutes les
incertitudes et erreurs qui peuvent accompagner leur jugement. La
justice internationale est particulièrement liee aux relations
internationales. Les recours deposes aux Etats Unis dans l'affaire
Movsesian et autres ont montre les limites de la justice federale
quand la diplomatie s'en mele.
La question qui se pose alors est : si tout est pret, pourquoi aucune
demarche ou decision politique a la hauteur des enjeux n'ont encore
ete annoncees ?
La situation politique, economique et sociale du pays atteint un etat
de desolation sans pareil : la guerre avec le voisin azerbaïdjanais a
repris sur les lignes frontalières et le rapprochement de l'Azerbaïdjan
avec la Russie et la Turquie ne peut qu'inquieter ; l'adhesion,
dans des conditions humiliantes, a l'Union economique eurasienne,
sous la pression de la Russie, a consacre la rupture d'un equilibre
diplomatique entre blocs mais il se traduit deja par une menace de
chaos economique et monetaire ; la Russie entrainant l'Armenie dans
sa descente aux enfers. La grogne economique et sociale a l'interieur
pousse, en raison de l'inflation des prix, et le nombre de candidats a
l'emigration augmente encore. Pour couronner le tout, il est observe un
regain de repression des droits et libertes politiques. Par mimetisme
du modèle russe, les attaques physiques sur les militants et opposants
et les arrestations de manifestants ont repris et l'Armenie elabore
des lois liberticides visant a contrôler les sources de financement
des ONG et les sources d'information des journalistes.
C'est donc dans un tel contexte qu'il faut reunir un consensus national
sur le plan d'actions juridico-politiques. La prochaine echeance qu'il
conviendra d'observer est le 29 janvier 2015, date de la prochaine
assemblee plenière du comite du centenaire. Les speculations sur la
venue d'une haute autorite turque aux commemorations du 24 avril a
Erevan ne font que renforcer la pertinence et l'urgence d'une annonce
officielle de lancement de la campagne de demandes en reparations.
Cet article a ete publie dans Les Nouvelles d'Armenie Magazine du 19
decembre 2014.
1. Reparations: The New Frontier of the Armenian Cause and its
Challenges
Source/Lien : Repair
From: Baghdasarian