La Provence, France
6 janv 2015
Margarian, le coeur dans les poings
Romuald Vinace
Mardi 06/01/2015 à 06H08 Marseille
Le boxeur, qui a grandi en Arménie, à Kirovakan, a dû briser bien des
barrières pour s'affirmer
Arrivé en France sur la pointe des pieds, Araik Margarian a su se
faire une place à Marseille. Et, lors de la dernière Nuit des
champions il a pu compter sur de nombreux soutiens. Photos frédéric
speich et R.V.
A+A-
La maison, immense, grouille de monde. Un chanteur arménien achève sa
complainte dans l'indifférence presque générale, captant la seule
attention d'une mère aimante devant ses fourneaux. Hamos, khorovadz et
ghapama feront le régal de la famille.
Cousins et amis poussent une porte toujours ouverte, comme les bras du
patriarche dans lesquels se réfugie le petit Araik. Le souvenir est
tenace. Les senteurs de l'orge et du froment se mêlent encore au goût
des grenades et des pommes de terre de Kirovakan, racines de l'homme
devenu Araik Margarian. "Seize ans ont passé et je garde encore ces
bons souvenirs près du coeur", lance l'intéressé. Regards en arrière,
passerelle vers un passé teinté de noir. Le noir du dégoût, loin, très
loin au fond de cette salle de classe marseillaise du quartier
d'Air-Bel.
"À ma descente d'avion, pour mes dix ans, je ne m'attendais pas à
vivre dans cet isolement qui trouve sa source dans la barrière de la
langue. L'école allait exacerber tout cela. J'étais toujours dans un
coin. Totalement perdu, je me faisais discret et une même réflexion
revenait : Mais qu'est-ce-que je fais là ?". Pourtant, le jeune Araik
le sait, il n'a pas le choix. L'heure est venue de se faire sa place,
de tenter d'imposer son style et de distribuer les cartes comme il le
faisait parmi les 600 gamins entassés dans le gymnase de son passé.
"En Arménie, la lutte est le sport national et j'y ai trouvé mon
exutoire", se souvient l'athlète.
Et si les pages des cahiers achetés par son grand-père pour le
familiariser, lui et ses quatre frères et soeurs, à la langue de
Molière ont quelque peu jauni, Araik Margarian tire le mérite de sa
soif d'apprendre, d'exister. "Je le faisais au mépris de la honte.
Pourquoi avoir honte de demander la signification d'un mot, d'une
phrase ? Pourquoi avoir honte de s'assurer de bien accorder une
terminaison si cela vous permet de vous rapprocher des autres ?Je
m'ouvrais au monde sans retenue, je parlais avec les mains."
Aujourd'hui encore, c'est auprès d'Éric Simonini, son entraîneur au
Sambo Saint-Pierre, qu'il trouve les réponses à ses incertitudes. "Il
est un second père pour moi", dit-il humblement. Une relation
quasi-filiale qu'évoque le coach. "Je l'ai vu grandir, devenir un
homme de coeur, généreux. Un de ceux qui donne tout et je ne le dément
pas, bien au contraire : Araik, c'est un peu mon fils avant d'être le
compétiteur que j'entraîne depuis une décennie. L'approche est avant
tout affective. Il prend souvent conseil et me consulte avant de
s'engager".
Attachant, lucide et réfléchi, Araik Margarian sait où il va, à la
ville, où il est cantonnier, comme sur le ring, où il balaye la
concurrence. C'est à l'envie, à la détermination qu'il s'est sauvé de
l'ignorance. À 26 ans, il est devenu ce boxeur populaire qui déplace
les foules de La Nuit des Champions ou du PFC.
Une valeur sûre, toujours en quête de nouveaux défis. "J'aime le
sambo. Néanmoins, je suis animé par la seule ambition de devenir un
lutteur correct. Correct, voilà tout ! Je ne serai jamais le plus
talentueux, ni le plus doué car je garde une certitude au fond de moi
: celle que je trouverai toujours meilleur sur ma route."
http://www.laprovence.com/article/sports/3205040/margarian-le-coeur-dans-les-poings.html
6 janv 2015
Margarian, le coeur dans les poings
Romuald Vinace
Mardi 06/01/2015 à 06H08 Marseille
Le boxeur, qui a grandi en Arménie, à Kirovakan, a dû briser bien des
barrières pour s'affirmer
Arrivé en France sur la pointe des pieds, Araik Margarian a su se
faire une place à Marseille. Et, lors de la dernière Nuit des
champions il a pu compter sur de nombreux soutiens. Photos frédéric
speich et R.V.
A+A-
La maison, immense, grouille de monde. Un chanteur arménien achève sa
complainte dans l'indifférence presque générale, captant la seule
attention d'une mère aimante devant ses fourneaux. Hamos, khorovadz et
ghapama feront le régal de la famille.
Cousins et amis poussent une porte toujours ouverte, comme les bras du
patriarche dans lesquels se réfugie le petit Araik. Le souvenir est
tenace. Les senteurs de l'orge et du froment se mêlent encore au goût
des grenades et des pommes de terre de Kirovakan, racines de l'homme
devenu Araik Margarian. "Seize ans ont passé et je garde encore ces
bons souvenirs près du coeur", lance l'intéressé. Regards en arrière,
passerelle vers un passé teinté de noir. Le noir du dégoût, loin, très
loin au fond de cette salle de classe marseillaise du quartier
d'Air-Bel.
"À ma descente d'avion, pour mes dix ans, je ne m'attendais pas à
vivre dans cet isolement qui trouve sa source dans la barrière de la
langue. L'école allait exacerber tout cela. J'étais toujours dans un
coin. Totalement perdu, je me faisais discret et une même réflexion
revenait : Mais qu'est-ce-que je fais là ?". Pourtant, le jeune Araik
le sait, il n'a pas le choix. L'heure est venue de se faire sa place,
de tenter d'imposer son style et de distribuer les cartes comme il le
faisait parmi les 600 gamins entassés dans le gymnase de son passé.
"En Arménie, la lutte est le sport national et j'y ai trouvé mon
exutoire", se souvient l'athlète.
Et si les pages des cahiers achetés par son grand-père pour le
familiariser, lui et ses quatre frères et soeurs, à la langue de
Molière ont quelque peu jauni, Araik Margarian tire le mérite de sa
soif d'apprendre, d'exister. "Je le faisais au mépris de la honte.
Pourquoi avoir honte de demander la signification d'un mot, d'une
phrase ? Pourquoi avoir honte de s'assurer de bien accorder une
terminaison si cela vous permet de vous rapprocher des autres ?Je
m'ouvrais au monde sans retenue, je parlais avec les mains."
Aujourd'hui encore, c'est auprès d'Éric Simonini, son entraîneur au
Sambo Saint-Pierre, qu'il trouve les réponses à ses incertitudes. "Il
est un second père pour moi", dit-il humblement. Une relation
quasi-filiale qu'évoque le coach. "Je l'ai vu grandir, devenir un
homme de coeur, généreux. Un de ceux qui donne tout et je ne le dément
pas, bien au contraire : Araik, c'est un peu mon fils avant d'être le
compétiteur que j'entraîne depuis une décennie. L'approche est avant
tout affective. Il prend souvent conseil et me consulte avant de
s'engager".
Attachant, lucide et réfléchi, Araik Margarian sait où il va, à la
ville, où il est cantonnier, comme sur le ring, où il balaye la
concurrence. C'est à l'envie, à la détermination qu'il s'est sauvé de
l'ignorance. À 26 ans, il est devenu ce boxeur populaire qui déplace
les foules de La Nuit des Champions ou du PFC.
Une valeur sûre, toujours en quête de nouveaux défis. "J'aime le
sambo. Néanmoins, je suis animé par la seule ambition de devenir un
lutteur correct. Correct, voilà tout ! Je ne serai jamais le plus
talentueux, ni le plus doué car je garde une certitude au fond de moi
: celle que je trouverai toujours meilleur sur ma route."
http://www.laprovence.com/article/sports/3205040/margarian-le-coeur-dans-les-poings.html