Le Dauphine, France
7 janv 2015
Massacre des Arméniens : un mot pour le dire, genocide
Par Gilles DEBERNARDI
À Valence, dans son bureau tapissé de livres qui retracent l'indicible
horreur, le temps paraît suspendu. À 80 ans, vif gardien de la mémoire
arménienne en Drôme-Ardèche, Henri Siranyan attend. Pour lui et tous
les siens, l'année 2015 marque d'abord le centenaire du génocide
perpétré par les Turcs. Avec l'espoir de voir enfin Ankara l'admettre,
au lieu de camper sur un cruel déni...
insiste Henri. De nombreux intellectuels et
journalistes turcs, non sans courage, plaident désormais dans le même
sens. Au niveau gouvernemental, en revanche, la chape de plomb
demeure. La > Doux euphémisme : 1,2 million d'Arméniens y périrent de
massacre ou de faim, soit les deux tiers de la communauté. Mais le
terme de > reste tabou. À sa seule évocation, le président
Recep Erdogan s'érige en prince courroucé. Le néo-sultan, regard noir
et sourcils froncés, s'indigne qu'on veuille ainsi . Les Arméniens, minorité chrétienne
de deux millions d'mes, ne cachent pas leurs sentiments pro-russes.
Ils constituent donc une véritable > au service de
l'étranger. À la fin du XIXe siècle, déjà , une répression sanglante
fut menée pour réduire ces > qui réclamaient des réformes
politiques. Cette fois, alors que l'Empire menace de se désintégrer
dans l'embrasement général, la coupe est pleine. Finissons-en, sus aux
> !
Le 24 avril 1915, figure classique, on commence par décapiter les
élites (1). Des milliers de dirigeants et lettrés, présumés hostiles
au pouvoir central, sont arrêtés. On ne les reverra plus. , vers les déserts de Syrie.
Hommes, femmes, enfants, vieillards vont y connaître une épouvantable
agonie. Tués pendant le voyage, ou dans des camps, violés, battus,
affamés, vendus en esclavage, la plupart n'en reviendront pas. À
l'automne 1916, l'horreur est consommée. Plusieurs diplomates
occidentaux dénoncent alors >, mais le monde
regarde ailleurs. Vers le front de France, la Somme, les tranchées de
Verdun...
Pour le centenaire, peut-être ?
En 1918, après la défaite, l'empire ottoman disparaît. Avec la
révolution kémaliste, se présente une >. Qui
oserait reprocher aux fondateurs d'une aussi fringante > des meurtres de masse ? Personne. Le drame des Arméniens se
trouve refoulé au plus profond, ils n'auront pas leur Nuremberg. Un
tribunal turc prononce des condamnations par contumace et fait
exécuter quelques >. Pour solde de tout compte...
Il n'y a guère que les survivants de
7 janv 2015
Massacre des Arméniens : un mot pour le dire, genocide
Par Gilles DEBERNARDI
À Valence, dans son bureau tapissé de livres qui retracent l'indicible
horreur, le temps paraît suspendu. À 80 ans, vif gardien de la mémoire
arménienne en Drôme-Ardèche, Henri Siranyan attend. Pour lui et tous
les siens, l'année 2015 marque d'abord le centenaire du génocide
perpétré par les Turcs. Avec l'espoir de voir enfin Ankara l'admettre,
au lieu de camper sur un cruel déni...
insiste Henri. De nombreux intellectuels et
journalistes turcs, non sans courage, plaident désormais dans le même
sens. Au niveau gouvernemental, en revanche, la chape de plomb
demeure. La > Doux euphémisme : 1,2 million d'Arméniens y périrent de
massacre ou de faim, soit les deux tiers de la communauté. Mais le
terme de > reste tabou. À sa seule évocation, le président
Recep Erdogan s'érige en prince courroucé. Le néo-sultan, regard noir
et sourcils froncés, s'indigne qu'on veuille ainsi . Les Arméniens, minorité chrétienne
de deux millions d'mes, ne cachent pas leurs sentiments pro-russes.
Ils constituent donc une véritable > au service de
l'étranger. À la fin du XIXe siècle, déjà , une répression sanglante
fut menée pour réduire ces > qui réclamaient des réformes
politiques. Cette fois, alors que l'Empire menace de se désintégrer
dans l'embrasement général, la coupe est pleine. Finissons-en, sus aux
> !
Le 24 avril 1915, figure classique, on commence par décapiter les
élites (1). Des milliers de dirigeants et lettrés, présumés hostiles
au pouvoir central, sont arrêtés. On ne les reverra plus. , vers les déserts de Syrie.
Hommes, femmes, enfants, vieillards vont y connaître une épouvantable
agonie. Tués pendant le voyage, ou dans des camps, violés, battus,
affamés, vendus en esclavage, la plupart n'en reviendront pas. À
l'automne 1916, l'horreur est consommée. Plusieurs diplomates
occidentaux dénoncent alors >, mais le monde
regarde ailleurs. Vers le front de France, la Somme, les tranchées de
Verdun...
Pour le centenaire, peut-être ?
En 1918, après la défaite, l'empire ottoman disparaît. Avec la
révolution kémaliste, se présente une >. Qui
oserait reprocher aux fondateurs d'une aussi fringante > des meurtres de masse ? Personne. Le drame des Arméniens se
trouve refoulé au plus profond, ils n'auront pas leur Nuremberg. Un
tribunal turc prononce des condamnations par contumace et fait
exécuter quelques >. Pour solde de tout compte...
Il n'y a guère que les survivants de