REVUE DE PRESSE
Le Scandale Paradjanov
LE SCANDALE PARADJANOV
Mediapart, France 17 decembre 2014
17 decembre 2014 | Par YVES FAUCOUP
Le 7 janvier, sort en salle le film de Serge Avedikian : Le Scandale
Paradjanov ou La vie tumultueuse d'un artiste sovietique. Je rends
compte ici de ce film lumineux sur un createur facetieux et
inclassable. J'evoque egalement ma rencontre a Erevan (Armenie),
quatre ans avant sa mort, avec ce cineaste censure et reprime par le
pouvoir sovietique.
Lorsque l'on croise Serge Avedikian dans le civil, on ne peut imaginer
qu'il interprète Serguei Paradjanov : pourtant la transformation est
stupefiante, on croit vraiment voir s'animer sous nos yeux de
spectateurs emerveilles l'auteur des Chevaux de feu.
Le recit du film debute a Kiev en 1958 justement lors du tournage des
Chevaux, puis plus tard a Erevan pour Sayat Nova. En 1973, il est
incarcere en Ukraine, car les autorites cherchent a le detruire grce
a la perversite des zeks (les prisonniers de droit commun). Mais
Paradjanov est un sacre bonhomme. C'est un artiste et il va donner aux
zeks des dessins, des cartes a jouer porno, pour leur plus grande
joie. Du coup, ils vont le proteger. Il tient le coup grce a cette
activite. S'il est emprisonne c'est que les autorites lui reprochent
son homosexualite selon l'article 121 de la Constitution sovietique.
On l'accuse d'etre indirectement responsable de la tentative de
suicide d'un jeune homme, qui fut son ami, tout en etant le fils d'un
hierarque communiste.
Ensuite, on le retrouve en Georgie, a Tbilissi en 1983. Mastroianni
vient lui rendre visite : au cours d'une soiree burlesque, mise en
scène magistralement par Avedikian, un jeune garcon ne cesse de
scander que " Paradjanov est un genie ". Avedikian tourne dans des
paysages grandioses, magnifiques, car il importe de donner a voir la
poesie de Paradjanov, sa demesure, sa folie creatrice. Les autorites
refusent ses films ? Ce n'est pas grave : c'est le signe de sa
reussite, de son talent.
Paradjanov cree avec rien : il decoupe n'importe quoi, du papier, des
bouchons, il fait des collages, de facon très minutieuse. Il peint, il
sculpte. Avedikian rend avec merveille cette personnalite malicieuse,
attachante, parfois colerique, provocatrice, mais tellement vivante,
capable de faceties permanentes.
Le film se termine sur sa venue a Paris en 1998 : il est recu au
Centre Pompidou et prononce cette phrase : " moins il y a de mots plus
il y a de beaute et d'esthetique ". La dernière image du film nous
montre Paradjanov couche sur un banc de ciment près du bassin qui se
trouve a côte de Beaubourg (place Igor-Stravinsky), près de l'eglise
Saint-Merry (sous le regard du personnage, graphite sur un mur qui
jouxte l'eglise et... qui trône en tete de ce blog).
Paradjanov est mort le 21 juillet 1991 a Erevan. Depuis, un musee a
ete erige a sa memoire dans la capitale de l'Armenie (où est exposee,
entre autres, une oeuvre plastique incroyable creee en prison).
Paradjanov
Echange avec Serge Avedikian :
Lors de la presentation du Scandale de Paradjanov en avant-première a
Auch, en octobre, au cours du festival Independance(s) et Creation,
Serge Avedikian a explique que le titre du film est tout simplement
Paradjanov pour sa diffusion en Russie, en Ukraine et en Armenie,
tellement ce cineaste est connu dans ces pays. En France, il a fallu
rajouter "scandale" pour attirer l'attention.
Que lui reprochaient les autorites sovietiques ? De faire des films
poetiques, surrealistes, et quelque peu hermetiques mais surtout
d'obtenir du succès a l'etranger. Il se mettait en scène, c'etait un
provocateur. Brejnev avait discouru sur "le travail lumineux" ?..
alors au fond de sa prison, Paradjanov, le prenant au pied de la
lettre, avait attache des petites lumières autour de son balai pour
nettoyer la cour de la maison d'arret.
Ses films se caracterisent par une composition plastique a l'interieur
du plan. Dans les ecoles de cinema, il disait aux etudiants :
n'ecoutez pas vos professeurs, ne suivez pas les consignes du parti,
ecoutez-vous vous-memes : il etait anti-scolastique, et contagieux.
Paradjanov, lorsqu'il rencontrait les gens, il se comportait avec eux
comme s'il les connaissait deja. Il abolissait tout de suite les
barrières, il etait dans la vie de chaque instant. Il faisait des
conneries mais sobrement. Pour lui, la vie vaut la peine d'etre mise
en scène. Il a pretendu qu'il etait realisateur parce que sa mère
etait un peu comedienne et son père avait beaucoup chante quand elle
etait enceinte.
A la difference d'autres cineastes du monde sovietique, il n'etait pas
dissident, il ne voulait pas quitter l'URSS. Et lorsque les autorites
lui ont impose un autre realisateur pour monter l'un de ses films, il
a deconcerte tout le monde en admettant que finalement le resultat lui
convenait très bien.
Serge Avedikian, realisateur et acteur, interpretant de facon
magistrale Sergueï Paradjanov, lors de la presentation de son film au
cours d'une avant-première au Festival Independance(s) et Creation a
Auch, Gers, en octobre 2014 [Photos YF]
Rencontre fugitive :
En 301 après Jesus-Christ, l'Armenie devient le premier pays a
reconnaitre le christianisme comme religion d'Etat. A proximite
d'Erevan (actuelle capitale de l'Armenie), avec le Mont Ararat pour
horizon, sous la double tutelle, donc, de l'Arche de Noe et de ces
premices chretiennes, est erigee la cathedrale d'Etchmiadzine,
haut-lieu culturel et cultuel, où Saint-Mesrop y a invente l'alphabet
armenien au Ve siècle. Siège encore aujourd'hui, dans ce petit
Vatican, le Catholicos, hierarque de l'eglise armenienne.
Dans Sayat Nova, Paradjanov utilise les objets somptueux
d'Etchmiadzine pour raconter l'histoire d'un moine-poète (film qui lui
valut censure du pouvoir central). En avril 1987, en voyage en URSS,
entre une escale a Moscou et une autre a Bakou, j'ai atterri a Erevan.
Un matin, j'ai visite Etchmiadzine et le soir tard, a l'hôtel, par un
curieux hasard, je me suis mele a la conversation d'un groupe
d'Armeniens de la region parisienne qui m'ont confie qu'ils
participaient a la realisation d'un film de Paradjanov. Puis ils m'ont
presente au cineaste qui etait venu nous rejoindre un instant.
J'avais souvent lu dans Liberation des informations sur la repression
que subissait Paradjanov et vu sa photo. La, je rencontrais cet homme,
aux cheveux et a la barbe blanche, aux sourcils et a la moustache
noire, petits yeux malicieux. Sa bonhomie exprimait a la fois une
grande serenite et une joie de vivre enfantine. L'occidental, au
souffle coupe devant ce "cheval de feu", interrogeait le dissident sur
ses annees de prison ("trois fois cinq ans"), et sur les causes d'un
tel acharnement contre lui ("je ne sais pas tenir ma langue"). Le
cineaste, qui avait ete traîne dans la boue pour sa marginalite
sexuelle, n'avait pas craint de deconcerter : pour lui, la France
c'etait "Parisse et Yves Saint-Laurent", s'extasiant sur ce prenom.
Il m'informa qu'il tournait un film commande par le Catholicos sur
cette cathedrale d'Etchmiadzine qui devait etre intitule Les tresors
du Mont Ararat. Alors que je dirigeais a l'epoque une publication en
France, Paradjanov et ses collaborateurs tinrent absolument a me
montrer les icônes fabriquees par l'artiste a partir de collages et
qui servaient d'introductions aux differents plans du film,
m'autorisant a les photographier. Le documentaire devait etre termine
en juillet, et etre suivi d'un film sur un poème de Lermontov et d'une
autre creation portant pour titre, m'avait-il dit, Achoure Raribe (le
troubadour Raribe). En realite, le film s'intitula Achik Kerib (1988),
sur un conte de Lermontov, qui raconte l'histoire d'un troubadour
pauvre amoureux d'une jeune fille très riche. Quant au documentaire
sur Etchmiadzine, il ne fut jamais termine ni diffuse.
Sergueï Paradjanov pose devant un portrait de Mikhaïl Gorbatchev
[Photo Alex Atanessian pour YF] et icônes, collages de Paradjanov [Ph.
YF]
J'eus droit a une photo prise les jours precedents, qui montre
Paradjanov, avec, a ses côtes, un jeune acteur et un enfant. En
arrière-plan, facetie supplementaire, une affiche de Gorbatchev, alors
chef de l'Etat ! Et Paradjanov, au dos d'une revue armenienne, me
delivra une dedicace.
Dedicace de Paradjanov : a UB [le son "ive" en cyrillique], une paire
de ciseaux sectionne les fils de fer barbeles qui l'emprisonnent.
Dans Les Chevaux de Feu, Paradjanov mettait en scène le peuple des
Goutzouls : il avait declare a leur propos qu'"ils n'ont pas renonce a
leurs fetes païennes : ils accueillent le printemps et reconduisent
l'hiver (...). Ils ont connu la contrainte, la solitude,
l'humiliation. Mais malgre tout, ils sont reste libres..."
Pour que l'art vive
Le recit de ma rencontre avec Sergueï Paradjanov est une reprise
partielle d'un article paru dans la revue franc-comtoise L'Estocade,
juillet-août 1987. J'avais, par ailleurs, demande a Michèle Tatu, une
"paradjanovienne" convaincue, de commenter l'oeuvre difficile du
cineaste : a propos des Chevaux de feu, elle ecrivait : "film
indomptable qui echappe aux contraintes du monde" ; pour Sayat Nova :
"une oeuvre habitee par la question de l'artiste face a la censure" ;
et en ce qui concerne La legende de la forteresse de Souram qui
raconte l'histoire d'un homme devant etre coule dans la forteresse en
construction pour assurer sa solidite : le sacrifice de cet homme
symbolise "le prix a payer pour que l'art vive et qu'il depasse les
frontières".
Voir sur le site d'Esprits Nomades, un texte passionnant sur Sergueï
Paradjanov et son oeuvre, intitule : Le cinema comme livre
d'enluminures.
http://blogs.mediapart.fr/blog/yves-faucoup/171214/le-scandale-paradjanov
vendredi 9 janvier 2015,
Stéphane (c)armenews.com
Le Scandale Paradjanov
LE SCANDALE PARADJANOV
Mediapart, France 17 decembre 2014
17 decembre 2014 | Par YVES FAUCOUP
Le 7 janvier, sort en salle le film de Serge Avedikian : Le Scandale
Paradjanov ou La vie tumultueuse d'un artiste sovietique. Je rends
compte ici de ce film lumineux sur un createur facetieux et
inclassable. J'evoque egalement ma rencontre a Erevan (Armenie),
quatre ans avant sa mort, avec ce cineaste censure et reprime par le
pouvoir sovietique.
Lorsque l'on croise Serge Avedikian dans le civil, on ne peut imaginer
qu'il interprète Serguei Paradjanov : pourtant la transformation est
stupefiante, on croit vraiment voir s'animer sous nos yeux de
spectateurs emerveilles l'auteur des Chevaux de feu.
Le recit du film debute a Kiev en 1958 justement lors du tournage des
Chevaux, puis plus tard a Erevan pour Sayat Nova. En 1973, il est
incarcere en Ukraine, car les autorites cherchent a le detruire grce
a la perversite des zeks (les prisonniers de droit commun). Mais
Paradjanov est un sacre bonhomme. C'est un artiste et il va donner aux
zeks des dessins, des cartes a jouer porno, pour leur plus grande
joie. Du coup, ils vont le proteger. Il tient le coup grce a cette
activite. S'il est emprisonne c'est que les autorites lui reprochent
son homosexualite selon l'article 121 de la Constitution sovietique.
On l'accuse d'etre indirectement responsable de la tentative de
suicide d'un jeune homme, qui fut son ami, tout en etant le fils d'un
hierarque communiste.
Ensuite, on le retrouve en Georgie, a Tbilissi en 1983. Mastroianni
vient lui rendre visite : au cours d'une soiree burlesque, mise en
scène magistralement par Avedikian, un jeune garcon ne cesse de
scander que " Paradjanov est un genie ". Avedikian tourne dans des
paysages grandioses, magnifiques, car il importe de donner a voir la
poesie de Paradjanov, sa demesure, sa folie creatrice. Les autorites
refusent ses films ? Ce n'est pas grave : c'est le signe de sa
reussite, de son talent.
Paradjanov cree avec rien : il decoupe n'importe quoi, du papier, des
bouchons, il fait des collages, de facon très minutieuse. Il peint, il
sculpte. Avedikian rend avec merveille cette personnalite malicieuse,
attachante, parfois colerique, provocatrice, mais tellement vivante,
capable de faceties permanentes.
Le film se termine sur sa venue a Paris en 1998 : il est recu au
Centre Pompidou et prononce cette phrase : " moins il y a de mots plus
il y a de beaute et d'esthetique ". La dernière image du film nous
montre Paradjanov couche sur un banc de ciment près du bassin qui se
trouve a côte de Beaubourg (place Igor-Stravinsky), près de l'eglise
Saint-Merry (sous le regard du personnage, graphite sur un mur qui
jouxte l'eglise et... qui trône en tete de ce blog).
Paradjanov est mort le 21 juillet 1991 a Erevan. Depuis, un musee a
ete erige a sa memoire dans la capitale de l'Armenie (où est exposee,
entre autres, une oeuvre plastique incroyable creee en prison).
Paradjanov
Echange avec Serge Avedikian :
Lors de la presentation du Scandale de Paradjanov en avant-première a
Auch, en octobre, au cours du festival Independance(s) et Creation,
Serge Avedikian a explique que le titre du film est tout simplement
Paradjanov pour sa diffusion en Russie, en Ukraine et en Armenie,
tellement ce cineaste est connu dans ces pays. En France, il a fallu
rajouter "scandale" pour attirer l'attention.
Que lui reprochaient les autorites sovietiques ? De faire des films
poetiques, surrealistes, et quelque peu hermetiques mais surtout
d'obtenir du succès a l'etranger. Il se mettait en scène, c'etait un
provocateur. Brejnev avait discouru sur "le travail lumineux" ?..
alors au fond de sa prison, Paradjanov, le prenant au pied de la
lettre, avait attache des petites lumières autour de son balai pour
nettoyer la cour de la maison d'arret.
Ses films se caracterisent par une composition plastique a l'interieur
du plan. Dans les ecoles de cinema, il disait aux etudiants :
n'ecoutez pas vos professeurs, ne suivez pas les consignes du parti,
ecoutez-vous vous-memes : il etait anti-scolastique, et contagieux.
Paradjanov, lorsqu'il rencontrait les gens, il se comportait avec eux
comme s'il les connaissait deja. Il abolissait tout de suite les
barrières, il etait dans la vie de chaque instant. Il faisait des
conneries mais sobrement. Pour lui, la vie vaut la peine d'etre mise
en scène. Il a pretendu qu'il etait realisateur parce que sa mère
etait un peu comedienne et son père avait beaucoup chante quand elle
etait enceinte.
A la difference d'autres cineastes du monde sovietique, il n'etait pas
dissident, il ne voulait pas quitter l'URSS. Et lorsque les autorites
lui ont impose un autre realisateur pour monter l'un de ses films, il
a deconcerte tout le monde en admettant que finalement le resultat lui
convenait très bien.
Serge Avedikian, realisateur et acteur, interpretant de facon
magistrale Sergueï Paradjanov, lors de la presentation de son film au
cours d'une avant-première au Festival Independance(s) et Creation a
Auch, Gers, en octobre 2014 [Photos YF]
Rencontre fugitive :
En 301 après Jesus-Christ, l'Armenie devient le premier pays a
reconnaitre le christianisme comme religion d'Etat. A proximite
d'Erevan (actuelle capitale de l'Armenie), avec le Mont Ararat pour
horizon, sous la double tutelle, donc, de l'Arche de Noe et de ces
premices chretiennes, est erigee la cathedrale d'Etchmiadzine,
haut-lieu culturel et cultuel, où Saint-Mesrop y a invente l'alphabet
armenien au Ve siècle. Siège encore aujourd'hui, dans ce petit
Vatican, le Catholicos, hierarque de l'eglise armenienne.
Dans Sayat Nova, Paradjanov utilise les objets somptueux
d'Etchmiadzine pour raconter l'histoire d'un moine-poète (film qui lui
valut censure du pouvoir central). En avril 1987, en voyage en URSS,
entre une escale a Moscou et une autre a Bakou, j'ai atterri a Erevan.
Un matin, j'ai visite Etchmiadzine et le soir tard, a l'hôtel, par un
curieux hasard, je me suis mele a la conversation d'un groupe
d'Armeniens de la region parisienne qui m'ont confie qu'ils
participaient a la realisation d'un film de Paradjanov. Puis ils m'ont
presente au cineaste qui etait venu nous rejoindre un instant.
J'avais souvent lu dans Liberation des informations sur la repression
que subissait Paradjanov et vu sa photo. La, je rencontrais cet homme,
aux cheveux et a la barbe blanche, aux sourcils et a la moustache
noire, petits yeux malicieux. Sa bonhomie exprimait a la fois une
grande serenite et une joie de vivre enfantine. L'occidental, au
souffle coupe devant ce "cheval de feu", interrogeait le dissident sur
ses annees de prison ("trois fois cinq ans"), et sur les causes d'un
tel acharnement contre lui ("je ne sais pas tenir ma langue"). Le
cineaste, qui avait ete traîne dans la boue pour sa marginalite
sexuelle, n'avait pas craint de deconcerter : pour lui, la France
c'etait "Parisse et Yves Saint-Laurent", s'extasiant sur ce prenom.
Il m'informa qu'il tournait un film commande par le Catholicos sur
cette cathedrale d'Etchmiadzine qui devait etre intitule Les tresors
du Mont Ararat. Alors que je dirigeais a l'epoque une publication en
France, Paradjanov et ses collaborateurs tinrent absolument a me
montrer les icônes fabriquees par l'artiste a partir de collages et
qui servaient d'introductions aux differents plans du film,
m'autorisant a les photographier. Le documentaire devait etre termine
en juillet, et etre suivi d'un film sur un poème de Lermontov et d'une
autre creation portant pour titre, m'avait-il dit, Achoure Raribe (le
troubadour Raribe). En realite, le film s'intitula Achik Kerib (1988),
sur un conte de Lermontov, qui raconte l'histoire d'un troubadour
pauvre amoureux d'une jeune fille très riche. Quant au documentaire
sur Etchmiadzine, il ne fut jamais termine ni diffuse.
Sergueï Paradjanov pose devant un portrait de Mikhaïl Gorbatchev
[Photo Alex Atanessian pour YF] et icônes, collages de Paradjanov [Ph.
YF]
J'eus droit a une photo prise les jours precedents, qui montre
Paradjanov, avec, a ses côtes, un jeune acteur et un enfant. En
arrière-plan, facetie supplementaire, une affiche de Gorbatchev, alors
chef de l'Etat ! Et Paradjanov, au dos d'une revue armenienne, me
delivra une dedicace.
Dedicace de Paradjanov : a UB [le son "ive" en cyrillique], une paire
de ciseaux sectionne les fils de fer barbeles qui l'emprisonnent.
Dans Les Chevaux de Feu, Paradjanov mettait en scène le peuple des
Goutzouls : il avait declare a leur propos qu'"ils n'ont pas renonce a
leurs fetes païennes : ils accueillent le printemps et reconduisent
l'hiver (...). Ils ont connu la contrainte, la solitude,
l'humiliation. Mais malgre tout, ils sont reste libres..."
Pour que l'art vive
Le recit de ma rencontre avec Sergueï Paradjanov est une reprise
partielle d'un article paru dans la revue franc-comtoise L'Estocade,
juillet-août 1987. J'avais, par ailleurs, demande a Michèle Tatu, une
"paradjanovienne" convaincue, de commenter l'oeuvre difficile du
cineaste : a propos des Chevaux de feu, elle ecrivait : "film
indomptable qui echappe aux contraintes du monde" ; pour Sayat Nova :
"une oeuvre habitee par la question de l'artiste face a la censure" ;
et en ce qui concerne La legende de la forteresse de Souram qui
raconte l'histoire d'un homme devant etre coule dans la forteresse en
construction pour assurer sa solidite : le sacrifice de cet homme
symbolise "le prix a payer pour que l'art vive et qu'il depasse les
frontières".
Voir sur le site d'Esprits Nomades, un texte passionnant sur Sergueï
Paradjanov et son oeuvre, intitule : Le cinema comme livre
d'enluminures.
http://blogs.mediapart.fr/blog/yves-faucoup/171214/le-scandale-paradjanov
vendredi 9 janvier 2015,
Stéphane (c)armenews.com