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2015 et la memoire Armenienne

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  • 2015 et la memoire Armenienne

    Marianne, France
    2 janvier 2015


    2015 ET LA MÉMOIRE ARMÉNIENNE

    Par Alexis Lacroix


    Les écrivains ont évoqué et interrogé l'ge des extrêmes, avec une
    curiosité particulière pour l'acte de naissance des entreprises
    d'anéantissement modernes : le génocide arménien, qui s'est déroulé en
    1915 et 1916 et a coûté la vie à 1,2 million de personnes. Un siècle
    après ce cataclysme, la persévérance de ces artistes, leur obstination
    à mettre en déroute l'amnésie planifiée force le respect. C'est peu
    dire que le drame arménien a trouvé en eux ses mémorialistes. En 1931,
    Ossip Mandelstam a évoqué cette tragédie dans Voyage en Arménie. La
    même année, le romancier arménien Hagop Oshagan s' attelait à son
    chef-d'oeuvre, Mnatsortats, pour raconter «ce qui reste de [son]
    peuple». Quant à Vassili Grossman, au début des années 60, il s'est
    rendu en Arménie et a composé La paix soit avec vous, ode au «peuple
    martyr». A son tour , Elie Wiesel prolongera le geste de Grossman et
    associera à son combat courageux contre la négation de la Shoah la
    mémoire de la destruction des Arméniens.

    Leur précurseur à tous, cependant, est né à Prague en 1890, et c'est
    un écrivain austro-hongrois du nom de Franz Werfel. Mari d'Alma
    Mahler, il fut une des gloires littéraires de la Vienne de
    l'entre-deux-guerres. En 1928, il entame les Quarante Jours du Musa
    Dagh. Roman d'aventures autant qu'oeuvre de la mémoire, ce livre
    raconte l'épopée - véridique - d'une communauté rurale assiégée par
    les massacreurs turcs. Réfugiés sur une montagne, le Musa Dagh, les
    villageois, conduits par leur chef, Gabriel Bagradian, guerroient
    quarante jours durant, jusqu' à leur délivrance par une escadre
    française.

    Werfel, bien sûr, est un conteur, et il élève à la dignité de l'épopée
    cette résistance isolée. Bien sûr, il enjolive, rehausse, idéalise. Le
    triptyque métaphorique qu'il propose à ses lecteurs n'est donc pas
    d'une impeccable «factualité» : le sauveur, Bagradian, évoque, par
    maints aspects, Moïse ; et la montagne s' apparente au mont Nébo du
    récit biblique. N'empêche. Si les Quarante Jours du Musa Dagh
    demeurent impérissables, c'est parce que leur auteur dissèque
    l'engrenage de mort par lequel «l'un des peuples les plus anciens et
    les plus courageux de la Terre a été presque entièrement anéanti,
    assassiné, exterminé». En nommant la volonté exterminatrice, Werfel a
    saisi l'essence d'un siècle de fer.

    A lire aussi : Arméniens. Le Temps de la délivrance, de Gaïdz
    Minassian (CNRS Editions), et Mémorial du génocide des Arméniens, de
    Raymond H. Kévorkian et Yves Ternon (Seuil).

    LES ÉCRIVAINS SONT DES MÉMORIALISTES DE LA DESTRUCTION DES ARMÉNIENS.

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