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<< C'est la langue qui réunit les Kurdes >>

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  • << C'est la langue qui réunit les Kurdes >>

    REVUE DE PRESSE
    . La plupart d'entre
    eux ont fini sur la potence. Dès l'indépendance, en 1923, Kemal a
    décidé la mise en place d'un Etat exclusivement turc. Et, le 3 mars
    1924, un décret interdisait les écoles kurdes et les publications en
    kurde. C'est à ce moment qu'est né le mouvement de lutte qui, d'une
    certaine manière, dure encore.

    Le problème de la définition de frontières à la fin de la première
    guerre mondiale ne vient-il pas du fait que ce sont des terres où
    cohabitent depuis longtemps plusieurs communautés ?

    De très importantes communautés arméniennes vivaient là depuis des
    siècles, mais lors de la conférence de la paix de Paris, en 1919,
    elles ont malheureusement disparu, massacrées... C'était une des
    caractéristiques du Kurdistan que ce mélange de juifs, de chrétiens,
    d'Assyro-Chaldéens ou d'Arméniens, et de musulmans. Et c'est pour cela
    que la plupart des Arméniens qui ont été sauvés lors des massacres de
    1915 l'ont été par des Kurdes.

    Cependant, les Hamidiye, qui ont largement participé aux débuts du
    génocide, étaient essentiellement kurdes...

    A la fin du XIXe siècle, après la destruction des principautés kurdes,
    le sultan Abdülhamid a cherché à s'inspirer du système des Cosaques,
    donnant le titre de > à quelques seigneurs locaux kurdes et
    les chargeant de défendre les marches de l'empire contre les Russes.
    Mais quand les révoltes d'Arméniens ont éclaté, en 1892-1893, ils se
    sont chargés de la répression, massacrant plusieurs centaines de
    milliers de personnes.

    Ces soldats ont été recrutés d'autant plus facilement qu'ils venaient
    de territoires revendiqués par les Arméniens. Ils ont collaboré. Mais
    à côté de cela il y avait la société civile, très hostile aux
    massacres. En 1915, les deux seuls gouverneurs kurdes de l'Empire
    ottoman se sont opposés aux directives d'Istanbul : ils étaient
    originaires de Diyarbakir, qui a été vidée des Arméniens et des
    syriaques cette année-là.

    Les frontières apparues au XXe siècle ont-elles débouché sur des
    différences culturelles parmi les Kurdes ?

    Il y a des identités multiples. Les Kurdes iraniens ont été éduqués
    dans des écoles, confrontés aux médias persans... De même, en Turquie,
    beaucoup de Kurdes ont été assimilés linguistiquement, et ceux qui ne
    l'étaient pas ont néanmoins hérité des formes de raisonnement du
    kémalisme. On pourrait aisément trouver dans la doctrine des rebelles
    du PKK [Parti des travailleurs du Kurdistan] des analogies avec le
    mouvement nationaliste turc, notamment la mystique du libérateur de la
    patrie...

    Il y a également des singularités régionales, mais tout cela n'empêche
    pas l'existence d'une identité kurde qui s'exprime de façon évidente
    dans la diaspora. Dans les moments de malheur, je suis très frappé de
    constater que l'ensemble des Kurdes se mobilisent immédiatement. Mais
    si le Kurdistan devait devenir un Etat indépendant, il serait
    nécessairement polycentrique et fédéral.

    Est-ce que la décomposition des Etats de la région est une chance
    historique pour les Kurdes ?

    Il y a trente ans, on n'osait rêver du jour où il y aurait un
    Kurdistan quasi indépendant en Irak, que des Etats soutenus par
    l'ex-URSS ou les Etats-Unis figureraient sur des listes noires, et que
    les Kurdes émergeraient comme des partenaires raisonnables. Or c'est
    ce qui arrive. Désormais, dans la conscience politique occidentale, il
    y a la reconnaissance d'une certaine légitimité des Kurdes à avoir
    leur propre Etat. Donc, ce n'est plus qu'une question de temps...

    Qu'est-ce qui garantit qu'un Kurdistan indépendant ne deviendrait pas,
    comme beaucoup d'Etats de la région, une terre d'oppression ?

    Dans la pratique, les Kurdes d'Irak ont fait la démonstration qu'ils
    respectaient le pluralisme religieux et politique. Il y a eu trois ou
    quatre années difficiles, au sortir de la guerre de 2003, mais même
    dans cespériodes de luttes internes, jamais les communautés
    religieuses n'ont été inquiétées.

    Tout de même, le PKK n'est pas franchement démocratique...

    Le PKK a une filiation kémaliste évidente, mtinée de baasisme et de
    marxisme, mais ils ont beaucoup évolué. C'est devenu, je pense, un
    mouvement qui peut se recycler dans le jeu politique. D'ailleurs, on a
    recyclé par le passé des mouvements beaucoup moins fréquentables.

    La Syrie a longtemps servi de base arrière au PKK. Qu'en est-il des
    rapports entre les Kurdes et Damas après bientôt quatre années de
    guerre civile, et alors que fait rage la guerre contre l'Etat
    islamique ?

    Les Kurdes syriens sont partagés. Le discours du clan Assad n'a pas
    changé : nous, alaouites, kurdes et chrétiens, sommes minoritaires en
    Syrie, et si les sunnites, dont les plus modérés sont Frères
    musulmans, prenaient le pouvoir, ce serait une catastrophe pour tout
    le monde.

    Comme il s'est placé dans l'optique d'un conflit long, comparable à la
    guerre du Liban, Bachar Al-Assad a fait savoir aux Kurdes qu'il se
    concentrerait sur la défense de la Syrie >, à savoir Damas et
    la région alaouite. Il a proposé la gestion de trois cantons kurdes du
    Nord au PKK, et celui-ci l'a aussitôt acceptée.

    Quant aux rebelles kurdes modérés, hostiles à Damas, ils ont mis plus
    de deux ans pour trouver un accord a minima avec les autres forces
    d'opposition à Assad : prisonnières de leur vision nationaliste arabe,
    elles refusaient de garantir l'égalité de droits aux minorités. L'Etat
    islamique, lui, nous est resté totalement étranger, même s'il y a sans
    doute quelques rares trajectoires individuelles.

    Qu'est-ce qui explique la persistance de cette revendication unitaire ?

    Les Kurdes ont conscience d'être une population cohérente, qui a été
    victime de l'Histoire. Et un sentiment d'injustice a alimenté la
    résistance. Nous sommes près de 40 millions. Pourquoi les populations
    de Saint-Marin, du Liechtenstein ou des petits émirats du Golfe
    auraient-elles le droit de se doter d'un Etat et pas nous ? Sans
    représentation, nous ne pouvons pas défendre notre patrimoine - comme
    celui de la ville d'Hasankeyf, menacée de disparition par un projet de
    barrage.

    Un autre exemple : il y a une trentaine d'années, j'avais proposé
    d'éditer plusieurs volumes de >, sous l'égide
    de l'Unesco. Il a fallu plus d'un an pour le faire admettre : le mot
    Kurdistan ne passait pas. La Turquie s'y opposait, et l'Iran, l'Irak,
    mais aussi, notamment, la Chine, à cause de son annexion du Tibet.

    Finalement, on a dû faire un compromis : il n'y aurait qu'un seul
    volume, intitulé >. Quand on n'a pas d'Etat, on est
    impuissant...

    En savoir plus sur
    http://www.lemonde.fr/international/article/2014/12/31/c-est-la-langue-qui-reunit-les-kurdes_4548149_3210.html#aBEVVgKQb253DO3P.99

    samedi 10 janvier 2015,
    Stéphane (c)armenews.com




    From: A. Papazian
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